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Cadre et conception de l’étude

Cette étude s’inscrit dans le cadre plus global de l’évaluation de l’état de santé psychique des rwandais en période post violences. La considération a été faite à l’ESPT ainsi qu’aux troubles comorbides, dont le trouble dépressif majeure. Cette étude a été étendu à tout le territoire rwandais, i.e. les 5 provinces et s’est intéressé à la population générale âgée de 16 ans et plus. En 2008, cette population représentait 56.3% de la population générale avec un sex ratio entre male et femelle de 0.99 pour une population âgée de 15 ans à 64 ans (MINISANTE, 2009). Il s’agit d’une étude observationnelle, descriptive et transversale dont le protocole de recherche a été présenté et validé par le comité national d’éthique au Rwanda (annexe). Les modalités administratives qu’il fallait remplir, la collecte des données et la saisie informatique se sont étalés sur une période de 3 mois, de septembre à novembre 2008.

Echantillon

La taille de l’échantillon a été choisie selon différentes assomptions : la prévalence attendue de 50%, la précision absolue à 4 %, l’effet de grappes à 1.5%, le taux de non réponses à 10% et l’intervalle de confiance à 95% (Daniel, 1987). La taille calculée correspondait à environ 990 personnes, arrondie à 1000 personnes.

S’étendant à l’échelle nationale, les 5 provinces du pays ont été incluses dans cette étude. Dans chaque province, deux districts étaient tirés au sort: un district à caractère urbain (comprenant le chef-lieu du district) et un autre à caractère rural, à l’exception de Ville de Kigali. Dans chaque district, deux secteurs étaient également tirés au sort via la liste de tous les secteurs fournie par l’institut national de Statistique au Rwanda (MINISANTE, 2009). Le nombre de ménages étaient déterminé proportionnellement à la taille de chaque secteur (26 à 71 ménages par secteur). Une fois sur terrain, les ménages étaient ciblés par la « méthode bouteille » (Bostoen & Chalabi, 2006).

24 Instruments

Deux principaux questionnaires ont été utilisés au cours de cette enquête, à savoir le MINI (Mini international Neuropsychiatric Interview) et le SF-36 (Short Form 36 Health Survey).

Nous avons utilisé les sections appropriées pour diagnostiquer l’Etat de stress posttraumatique (identifiant la présence des symptômes depuis le mois passé), l’Etat dépressif Majeur (identifiant la présence des symptômes depuis 2 semaines) et la dépendance à l’alcool et aux autres substances (identifiant la présence des symptômes depuis 12 mois). Le MINI est l’instrument diagnostique structuré le plus largement utilisé dans le domaine du traumatisme psychique. Il a été traduit en 43 langues et a été utilisé dans plus de 100 pays par des professionnels en santé mentale et divers organismes. Développé par des cliniciens américains et européens dans les années 1990 pour le DSM IV et la CIM-10, le MINI a rencontré la préférence des chercheurs parmi d’autres instruments diagnostiques comme le SCIDI et le CIDI.

Il s’est imposé non seulement par sa simplicité dans l’administration, mais aussi par sa sensibilité et sa spécificité de plus de 80 % (Sheehan et al., 1998). Il est court et peut être administré par un non professionnel de la santé mentale. Le MINI est utilisé à travers une variété de cultures et de contexte. En termes de recherches, il a été utilisé dans plusieurs pays africains comme le Nigeria (Onyeama et al., 2010), l’Uganda (Ertl et al., 2011) et le Rwanda (Schaal et al,. 2009). En Afrique du Sud, le MINI a été utilisé dans la validation d’un outil de dépistage des troubles dépressifs et

anxieux chez des personnes infectées par le VIH (Spies et al., 2009).

La section de l’ESPT débute par deux questions de dépistage interrogeant sur l’exposition à un ou plusieurs évènements : Avez-vous déjà vécu, ou été le témoin ou eu à faire face à un événement extrêmement traumatique, au cours duquel des personnes sont mortes ou vous-même et/ou d’autres personnes ont été menacées de mort ou ont été grièvement blessées ou ont été atteintes dans leur intégrité physique? Puis le vécu autour de cet évènement : Au cours du mois écoulé, vous souvent pensé de façon pénible à cet événement, en vous rêvé, ou avez-vous eu fréquemment l’impression de le revivre ? Si les réponses à la première et à la deuxième question sont affirmatives, l’instrument permet d’explorer la présence des 3 groupes de symptômes (évitement, hyperactivité neurovégétative et interférence au quotidien).

25 Le SF-36, Short Health Survey, un questionnaire utilisé par les cliniciens et chercheurs pour mesurer la qualité de vie subjective (mental et physique) au sein d’une population donnée, soit pour une appréciation sur un délai de 4 semaines approximativement pour toutes les questions (Ware & Sherbourne, 1992), soit pour une évaluation des pertinences de l’efficacité d’un programme de santé initié au sein d’une population donnée pour une période x. (Ware et al, 1994)

Le SF-36 a été traduit en plusieurs langues et sa validité culturelle a été confirmée dans plusieurs pays non seulement en orient, comme Taiwan (Tseng et al., 2003), la Chine (Li et al., 2003) et la Thaïlande (Lim et al.,2008), mais aussi en occident, comme la France (Leplège et al., 1998) et l’Italie (Apolone & Mosconi, 1998). La perception subjective de la qualité de vie est pistée selon une procédure à trois niveaux (Leplège, 2001). Les différents items sont classés selon huit échelles de l’algorithme de mesures allant de 0 à 100 scores. Ces scores ont été standardisés selon des normes américaines de 1980 (z-transformation). Les deux composantes résumées (la composante physique (PCS) et la composante mentale (MCS)) sont calculées grâce aux facteurs dérivés de l’échantillon américain. Les scores obtenus sont multipliés par 10 puis ajoutés à 50 (score de base) pour que les 10 en dessous et les 50 au-delàs représentent l’écart type de la moyenne américaine. Les algorithmes de calcul ont soigneusement été contrôlés avec l’aide des calculateurs gratuitement disponibles en ligne (www.sf-36.org/nbscalc/index.shtml).

Pour rendre ces instruments applicables dans le contexte rwandais, ils ont été soumis à un processus de traduction, de contre traduction et de prétest avant leur administration (Gjersing et al. 2010). Spécialement pour la SF-36, Il fallait trouver des équivalents locaux à des activités telles que jouer au golf (activité physique modérée) ou monter plusieurs escaliers (activité physique plus demandant) (Wagner et al., 1998). Ces deux activités sont en effet sans signification dans le contexte rwandais.

En considérant que le Rwanda est un pays de mille collines où la majorité de la population vit de l’agriculture, la première activité a été remplacée par « soulever de petites choses » et la deuxième activité par « monter les collines ».

Un questionnaire permettant de collecter les données démographiques incluant l’âge, le sexe, l’éducation, l’occupation, le statut marital, la province de résidence, le

26 statut d’orphelin et la perte d’un parent lors des événements de 1994 a été ajouté.

Un autre permettant de pister les symptômes somatiques souvent associés avec l’ESPT selon l’expérience clinique locale (hoquet, chute par terre etc…) a fait partie de notre instrument de recueil des données. Vu l’analphabétisme encore présent au Rwanda, les questionnaires ont été lus à haute voix par les enquêteurs.Ces derniers étaient des psychologues, des travailleurs sociaux ou des médecins ayant un intérêt à la santé mentale. Ils ont bénéficié une formation - atelier de 20 heures sur 2 jours, centré sur l’administration du questionnaire, la marche à suivre pour le recueil des données et les principes éthiques à respecter.

Recueil des données

Une fois sur terrain, la méthode bouteille nous permettait de cibler les ménages tel que décrit plus haut. Une séance explicative était tenue sur l’objectif de l’étude, les considérations éthiques et surtout l’importance du consentement éclairé. Seul un membre du ménage qui remplissait les critères de sélection de notre recherche était interviewé. Les critères d’exclusion considéraient tout handicap mental empêchant la réponse à nos questions et tout refus de signer le consentement éclairé. Les critères d’inclusion étaient le fait d’être rwandais âgé de 16 ans et plus et de parler parfaitement le Kinyarwanda (langue maternelle du Rwanda). Si plusieurs membres du même ménage étaient éligibles selon nos critères, un seul sujet était tiré au sort par la méthode des bouts de papiers. Les questionnaires étaient anonymisés. Un total de 1000 questionnaires ont étés administrées. Seuls les questionnaires remplis ont été inclus. Le contrôle manuel et la saisie de données par le logiciel epidata et l’exportation des données vers le logiciel SPSS a permis d’éliminer 19 questionnaires qui n’étaient pas correctement remplis.

Considérations éthiques

Comme nous l’avons stipulé plus haut, un protocole de recherche a été présenté puis approuvé par le comité national d’éthique du Rwanda. Ce dernier a émis des recommandations qui ont été prises en compte selon deux plans : au niveau des individus et au niveau de la protection des données. Les individus ciblés ont reçu des explications suffisantes pour les aider à accepter ou refuser de participer à cette étude. Enfin, pour participer à cette étude, l’individu a signé un consentement éclairé.

27 Nous nous sommes mis à disposition de nos enquêtés pour répondre aux

éventuelles questions et difficultés.

Analyse statistiques

La prévalence de l’ESPT a été comparée entre les groupes avec le test de Khi 2. Les facteurs pouvant être associés à l’ESPT ont ensuite été étudiés sous un modèle multivarié incluant les variables indépendantes comme le sexe, le groupe d'âge (3 catégories), l'éducation, l’occupation, l'état matrimonial, le statut d'orphelin, avoir perdu un parent proche durant les horribles évènements et la région géographique.

Le caractère rural et urbain des districts n’a pas été considéré lors de nos analyses.

En effet, une fois sur terrain, nous nous sommes rendus compte que les districts dits urbains ne différaient en rien des districts dits ruraux. L’odd ratio(OR) ajusté et les intervalles de confiance à 95% (IC 95%) ont été bien estimés. L’analyse de la variance ajustée pour le sexe et les groupes d'âge ont été utilisés pour comparer les dimensions SF-36 entre les groupes des enquêtés répondant ou pas aux critères de l’ESPT.

Le test de Khi 2 a été utilisé pour comparer les différences en termes de comorbidité et de présence de symptômes spécifiques. Nos données ont été saisies, analysées puis traitées en utilisant la SPSS version 17 (SPSS Inc., Chicago, IL, USA). Tous les tests étaient bilatéraux et l’importance statistiquement significative a été fixée à 0.05.

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