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CHAPITRE 4 SYNTHÈSE DES TRAVAUX

4.3 Définition des stratégies de bioraffinage et des critères d’évaluation

4.3.1 Approche par phases et plans d’implantation séquentielle

Partant des alternatives de bioraffinage réparties en opportunités à court et moyen terme et à plus long terme, la définition des stratégies de bioraffinage revient à clarifier les combinaisons procédé-produits ainsi que les plans d’implantation par phases les reliant. Les combinaisons procédé-produits résultant principalement de la revue de la littérature précédement effectuée, l’accent est plutôt mis ici sur la définition des phases d’implantation.

La définition du plan d’implantation a porté sur trois éléments majeurs à savoir, (1) la position occupée par la compagnie forestière sur la chaîne de valeur du produit ciblé à chaque phase de la stratégie, (2) le potentiel de part de marché associé à ladite position, et (3) le mode de développement stratégique adopté par la compagnie afin de passer d’une phase à une autre (voir Figure 2.9). La mise en place de ces éléments pouvant grandement varier selon l’envergure de la transformation envisagée par la compagnie forestière, deux visions stratégiques ont été considérées pour l’étude de cas. La première est orientée-usine et a pour objectif l’amélioration de la compétitivité de l’usine hôte de la bioraffinerie, alors que la seconde est orientée-entreprise et recherche un impact plus marqué, à l’échelle de la compagnie. Tandis que la première s’accentuerait autour de voies de réduction de coûts et de création opportunistique de nouveaux flux de revenus, la deuxième viserait plutôt la plus grande capacité de production possible et une pénétration agressive des segments de marché où le plus de valeur pourrait être générée.

Pour ce qui est du positionnement sur la chaîne de valeur des dérivés de lignine retenus, deux choix de point d’entrée s’offrent à la compagnie forestière. Elle pourrait soit vendre la lignine comme un produit intermédiaire, c’est-à-dire comme substitut de phénol, de polyols ou de PAN selon le cas, ou alors extraire la lignine et fabriquer elle-même le produit dérivé pour l’application ciblée, et ainsi se positionner comme producteur de résine phénolique, de mousse polyuréthane ou de fibre de carbone afin se rapprocher du client final. Dans l’un ou l’autre des cas, la maturité technologique et la familiarité de la compagnie avec les technologies impliquées sont les facteurs déterminants du choix. Ainsi, la seule application pour laquelle la compagnie peut envisager de fabriquer le produit final à un niveau de risque raisonnable est celle reliée à la production de résine phénolique. Ce choix serait justifié par le fait qu’elle possède des usines de panneaux où la résine phénolique est employée dans le processus de fabrication, et qu’elle en connaît assez bien les exigences en termes de performances et de spécifications.

La part de marché potentielle à une position donnée sur la chaîne de valeur varie selon que la lignine est employée en substitution partielle ou totale pour l’application visée. La substitution est partielle dans les cas de remplacement de phénol (25% sans modification de lignine) ou de polyols (20% sans modification de lignine), ce qui réduit l’opportunité de marché. Le remplacement du PAN est le plus prometteur du point de vue du volume de marché atteignable, si l’on considère que le procédé de production de la fibre de carbone utilisera un filage par fusion.

Concernant enfin les modes de développement entre les phases, ceux-ci se résument au choix entre les approches d’intégration horizontale et verticale selon que la compagnie veuille diversifier son portefeuille de produits en gardant la même position sur la chaîne de valeur, ou alors qu’elle désire avoir un meilleur contrôle sur les coûts [184]. La concrétisation d’une intégration horizontale dans le présent contexte passe par l’augmentation de la capacité de production de lignine ou par la commercialisation de la lignine sur plusieurs applications, donc sur différents segments de marché. La production d’une résine lignine-phénol-formaldéhyde demeure quant à elle la seule option retenue pour une intégration verticale.

Le choix du mode de développement stratégique a une incidence sur le type de partenariat que la compagnie met en place afin d’atténuer les risques associés à l’implantation de la stratégie. L’existence de preneurs potentiels a été confirmée par une analyse des compagnies existantes dans la région de l’usine hôte, pour les cas où la lignine serait commercialisée comme produit intermédiaire. La création d’une coentreprise a été considérée pour les cas où des technologies gourmandes en capitaux devraient être implantées, tandis que l’acquisition d’une compagnie existante en aval sur la chaîne de valeur a été considérée pour le mode d’intégration verticale. Sur la base des facteurs décrits ci-dessus, sept stratégies ont été définies pour l’étude. Elles prennent toutes leur base dans ce qui a été établi comme la situation de départ, soit l’usine de production de pâte post-implantation de l’unité de précipitation de lignine (voir Figure 4.2). Celle-ci aurait une capacité de production de 30 tonnes/jour de lignine sèche, et viserait à moyen terme la réutilisation de 6 tonnes/jour dans les usines de production de panneaux de la compagnie, le reste de la production étant vendu sur le marché comme substitut de phénol. Les stratégies seraient alors appliquées à partir de l’année 5 suivant l’implantation de l’unité de précipitation de lignine. Les stratégies ainsi que les modalités de leur implantation sont résumées à la Figure 4.3.

Figure 4.2 Schéma bloc simplifié de la situation de départ considérée pour l’étude de cas La première stratégie, Ligno 90, PF, consiste en une évolution marginale du modèle d’affaires par l’accroissement du volume de production afin d’améliorer le positionnement de la compagnie sur le marché du remplacement du phénol. La capacité serait triplée à 90 tonnes/jour de lignine, ce qui impliquerait que 15% de la liqueur noire soit acheminé à l’unité de précipitation. Ce taux de recirculation demeure très conservateur, sachant que le pouvoir calorifique supérieur de la liqueur noire ne devrait pas être inférieur à 12,5 MJ/kg [199]. Cette stratégie représente ainsi une variante d’intégration horizontale considérant l’augmentation de la capacité de production de lignine, la compagnie forestière intégrant la chaîne de valeur comme producteur d’un substitut de phénol. Un premier ensemble qui regroupe les stratégies Ligno 90, PF PU, Ligno 90, PF CFs et Resin 90, s’aligne sur la vision stratégique axée sur l’amélioration de la compétitivité de l’usine concernée. L’idée est alors de tirer le meilleur du portefeuille de produits sans avoir à augmenter de nouveau la capacité de l’unité de précipitation. Ceci a été matérialisé par la recherche de valeur ajoutée à travers le portefeuille, soit en diversifiant les applications pour lesquelles la lignine serait vendue suivant une approche d’intégration horizontale, soit en se rapprochant du consommateur en produisant de la résine plutôt qu’un substitut de phénol directement à l’usine, suivant une approche d’intégration verticale.

Prétraitement Copeaux de bois

Cuisson Blanchiment Séchage et presse Pâte à papier Liqueur noire Chaudières de récupération et unité de caustification Evaporateurs Liqueur noire à 30% de solides Liqueur blanche Réacteur de précipitation Lignine O2 H2SO4 H2O Réacteur d’oxydation CO2 Coagulation Filtre- presse Liqueur noire délignifiée

Les stratégies Ligno 90, PF PU et Ligno 90, PF CFs représentent des variantes d’intégration horizontale considérant la diversification du portefeuille de produits par la considération respectivement des applications de mousses polyuréthanes et de fibres de carbone, en plus des applications de résines phénoliques. Dans les deux cas la compagnie forestière demeurerait à la même position sur la chaîne de valeur, soit comme fournisseur de lignine.

La stratégie Resin 90 est basée sur une approche d’intégration vertical et considère l’acquisition d’un producteur existant de résine afin de bénéficier d’une expertise établie dans la fabrication de résine, ainsi que d’un réseau de distribution et de vente déjà en place, le tout dans l’optique d’atténuer les risques.

Le deuxième ensemble de stratégies s’aligne quant à lui sur la vision de diversification des revenus à plus grande échelle, et implique la valorisation de biomasse additionnelle disponible dans l’espace forestier de la compagnie. Il regroupe les trois dernières stratégies, pour lesquelles une unité de cuisson à base de solvant serait construite en parallèle au procédé existant pour la conversion des feuillus récoltés. Chacune de ces stratégies considère un déploiement par intégration horizontale (accroissement de la capacité de production couplé à la diversification du portefeuille) incluant la création d’une coentreprise pour l’atténuation des risques associés à l’implantation de l’unité de cuisson. Par défaut, la coentreprise considère une distribution équitable des charges et des revenus.

La première stratégie de l’ensemble représente l’effet de l’implantation de l’unité de cuisson et garde le remplacement de phénol comme débouché de la lignine produite. Les deux autres considèrent la diversification des applications vers le remplacement de polyols ou de PAN, dans le même ordre d’idée que les stratégies définies pour le premier groupe. Le portefeuille de produit de chacune des stratégies est complété par la production d’isobutanol et d’un sirop de sucres extraits des autres composantes du bois.

Figure 4.3 Description et phases d’implantation des stratégies de bioraffinage de la lignine

Stratégie Description Année 0 – Année 4 Phase 0 Année 5 – Année 9 Phase I Année 10 – Année 30 Phase II

Situation de départ

Vente à l’interne et sur le marché comme

substitut de phénol dans les résines PF,

LignoForce (30 t/j)

Ÿ Année 0: 100% de la lignine brûlée Ÿ Année 1: 28 t/j brûlées, 2 t/j aux usines de panneaux à l’interne Ÿ Année 2: 24 t/j brûlées, 6 t/j à l’interne

Ÿ Année 3: 18 t/j brûlées, 6 t/j à l’interne, 6 t/j vers le marché des résines PF Ÿ  Année 4: 12 t/j brûlées, 6 t/j à l’interne, 12 t/j vers le marché des résines PF Ÿ  Année 5: 6 t/j brûlées, 6 t/j à l’interne, 18 t/j vers le marché des résines PF Ÿ  Année 6+: 6 t/j à l’interne, 24 t/j vers le marché des résines PF

Ligno 90, PF Vente à l’interne et sur le marché comme substitut de phénol dans les résines PF,

LignoForce (30 t/j, puis 90 t/j)

Similaire à “Situation de départ”

Augmentation de la capacité de l’unité de précipitation à 90 t/j Ÿ Année 5: 6 t/j brûlées, 6 t/j à l’interne, 48 t/j vers le marché des résines PF Ÿ Année 6: 6 t/j à l’interne, 84 t/j vers le marché des résines PF

Ligno 90, PF PU

Diversification du portefeuille de “Ligno 90, PF”: Vente de lignine sur le marché comme substitut de

phénol et de polyols, pas de lignine brûlée.

Augmentation de la capacité de l’unité de précipitation à 90 t/j

Ÿ Année 5: 6 t/j brûlées, 6 t/j à l’interne, 33 t/j vers les résines PF, 15 t/j vers les mousses PU Ÿ Année 6: 6 t/j à l’interne, 54 t/j vers les résines PF, 30 t/j vers les mousses PU

Ligno 90, PF CFs

Diversification du portefeuille de “Ligno 90, PF”: Vente de lignine sur le marché comme substitut de

phénol et de PAN, pas de lignine brûlée.

Augmentation de la capacité de l’unité de précipitation à 90 t/j, Membrane d’ultrafiltration installée en amont de l’oxydation de la liqueur noire Ÿ Année 5: 6 t/j brûlées, 6 t/j à l’interne, 33 t/j vers les résines PF, 15 t/j vers les fibres de carbone Ÿ Année 6: 6 t/j à l’interne, 54 t/j vers les résines PF, 30 t/j vers les fibres de carbone

Resin 90

Similaire à “Ligno 90, PF” jusqu’à l’Année 9, puis

acquisition d’un fabricant de résine PF resin en Phase II. Procédé de production de résine déplacé

sur le site de l’usine de pâte.

Similaire à “Ligno 90, PF”

Acquisition d’un fabricant de résine PF Ÿ Année 10: 290 t/j de résine produites Ÿ Année 11: 435 t/j de résine produites

Ligno 90 + SP, PF

Similaire à “Ligno 90, PF” jusqu’à l’Année 9. Usine démo de cuisson à base de solvant (50 t/j) implantée à l’Année 4, puis usine à pleine échelle (1500 t/j) implantée à l’Année 9.

Coentreprise à 50-50 JV créée pour l’implantation de l’unité de cuisson à base de solvant.

Similaire à “Ligno 90, PF” +

usine démo de cuisson à base de solvant (9 t/j) Augmentation de la capacité de l’unité de cuisson à 260 t/j, subvention de 50% assumée Augmentation graduelle de la capacité, Année 10 à 12: 50%, 70%, 100% de la capacité nominale

6 t/j à l’interne; 214 t/j, 266 t/j, puis 344 t/j vers le marché des résines PF Butanol et sirop de sucre à 70% sec comme coproduits

Ligno 90 + SP, PF PU

Diversification du portefeuille de “Ligno 90 + SP, PF”:

Vente de lignine sur le marché comme substitut de

phénol et de polyols, pas de lignine brûlée.

Procédé similaire à celui de “Ligno 90 + SP, PF”

Lignine: 6 t/j à l’interne, 220 t/j vers les résines PF, 124 t/j vers les mousses PU

Ligno 90 + SP, PF CFs

Diversification du portefeuille de “Ligno 90 + SP, PF”:

Vente de lignine sur le marché comme substitut de

phénol et de PAN, pas de lignine brûlée.

Procédé similaire à celui de “Ligno 90 + SP, PF”

Lignine: 6 t/j à l’interne, 220 t/j vers les résines PF, 124 t/j vers les fibres de carbone

Vision Positionnement sur le marché G ro u p e 1: Me ill eu re co mp ét iti vi té d e l’u si ne G ro u p e 2: D ive rsi fica tio n de s re ve nu s à gra nd e éch el le