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Vers une approche écologique

Chapitre II : Matérialités

2.5 Vers une approche écologique

Tout au long de ce chapitre nous avons envisagé le medium comme quelque chose qui nous impose des limites et ouvre des possibilités. D’où l’idée que les media ne sont pas quelque chose sur le monde, mais qu’ils sont le monde : de ce fait, on peut les comprendre en tant qu’environnement. Les premières intuitions dans cette direction ont été déjà posées par les théoriciens qui mettent l’accent sur la forme de la communication, ce qui suggère en soi une tendance à l’équilibre à atteindre à partir de l’interrelation dynamique et massive de processus, objets, êtres, choses, archétypes et matières. Voilà une perspective qui nous permet une approche des media allant au-delà de la question de l’outil. Rappelons que selon Heidegger, si on rejette la dimension purement instrumentale de la technique, on ne

peut pas concevoir que l’homme puisse choisir de vivre sans les objets120. Les différents

apparats font partie, depuis toujours, de l’environnement.

Ici, il nous paraît pertinent d’adopter la distinction Heideggérienne entre chose et objet. Si la chose a toujours une dimension cachée alors que l’objet est plutôt un outil, nous croyons fort intéressant d’associer le medium davantage à la chose qu’à l’objet. Selon Heidegger, c’est comme si les objets avaient été isolés du monde réel pour être mesurés sous la loupe de la philosophe afin de révéler tous leurs secrets. Ainsi, la meilleure façon de situer cette tension et de capturer l’essence d’une chose est de la mettre en perspective à travers une « quadrature » ou « Geviert » : la terre, le ciel, les dieux et les mortels (entre eux étant l’homme) : « La terre et le ciel, les divins et les mortels se tiennent, unis d’eux- mêmes les uns aux autres, à partir de la simplicité du Quadriparti uni. Chacun des Quatre se reflète alors à sa manière dans son propre être, revenant à cet être au sein de la simplicité des d’une image121 ».

Le medium en tant que chose, au sens heideggérien, c’est le medium comme le croisement des quatre (terre, ciel, divin et mortels), comme mésocosme, comme monde du milieu, bref comme environnement. Notons ainsi que le medium détermine notre situation non parce que sa conformation matérielle produit nécessairement certains effets, dans une logique linéaire, mais parce que le medium fait partie de l’environnement que nous habitons, un environnement où cohabitent - comme disait Gilbert Simondon - différents modes d’existence : humains, nature, espace géographique, êtres invisibles, divinités, objets techniques, etc.

La centralité de la pensée de Simondon dans cette approche est aussi notable. Selon lui, si la technicité elle-même se trouve dans le réseau qui permet l’existence de l’objet technique et non pas dans l’objet isolé, l’objet technique est toujours accompagné par son milieu associatif : « La technicité est un mode d’être ne pouvant exister pleinement et de façon permanente qu’en réseau, aussi bien de façon temporelle que de façon spatiale122 ».

Nous comprenons, donc, que nous habitons avec et à côté de ces objets techniques. Plus précisément la notion de transduction chez Simondon résume bien l’idée qu’il y a une

120 Heidegger, « La question de la technique ».

121 Martin Heidegger, « La Chose », dans Essais et conférences ([Paris]: Gallimard, 1980)., p.213 122 Simondon, Op. cit., 2014., p.82

articulation entre forces de collectifs humains et non-humains. Ce milieu associatif est un champ de possibilités qui permet la mutation de qualités d’un individu, soit humain, animal ou technique.

Tout simplement, Simondon nous rappelle que : « Ainsi, la condition première d’incorporation des objets techniques à la culture serait que l’homme ne soit ni inférieur ni supérieur aux objets techniques, qu’il puisse les aborder et apprendre à les connaître en entretenant avec eux une relation d’égalité, de réciprocité d’échanges : une relation sociale en quelque manière123 ». Les objets techniques et les autres modes d’existences, encore selon Simondon, sont en constant processus d’individuation, toujours informé par le milieu : « L’individuation est un événement et une opération au sein d’une réalité plus riche que l’individu qui en résulte.124 » À travers ce processus d’individuation, il montre

bien combien la singularité de différents modes d’existence – y compris les individus – se fait par la confrontation avec l’environnement, toujours pensé en tant que potentialité dynamique.

Comme l’a bien souligné Joshua Meyrowitz125, la perspective théorique que nous

rejoindrons considère les media à partir d’une approche écologique en réponse à l’ancienne approche instrumentale moderne. Écologie est un beau nom qui renvoie à des dynamiques d’interrelations entre processus et objets. Aussi McLuhan était déjà clair à ce sujet:

It is perfectly clear to me that all media are environments. As environments, all media have all the effects that geographers and biologists have associated with environments in the past […] The medium is the message because the environment transforms our perceptions governing the areas of attention and neglect alike […] The absence of interest in causation cannot persist in the new age of ecology. Ecology does not seek connections, but patterns. It does not seek quantities, but satisfactions and understanding126.

123 Gilbert Simondon, Du mode d’existence des objets techniques ([Paris]: Aubier, 2012).p.126 124 Gilbert Simondon, L’individuation à la lumière des notions de forme et d’information (Grenoble:

Editions Jérôme Millon, 2005). p.64

125 Joshua Meyrowitz, No Sense of Place: The Impact of Electronic Media on Social Behavior (New

York: Oxford University Press, 1985).

126 Marshall McLuhan, « Education in the Electronic Age », Interchange 1, no 4 (1 décembre 1970):

La conjonction « écologie des media », comme l’a souligné M. Fuller127, devient

fertile en décrivant un type d’environnementalisme. Ce qui met en avant qu’un medium est connecté de façon multiple. Rappelons le concept d‘écosophie chez Felix Guattari128 comme le résultat de la conjonction de trois écologies : mentale, naturelle et sociale. Chaque mode fait appel aux autres modes. Rappelons aussi la question du langage en tant que medium chez Benjamin. Selon lui, le langage se réfère aussi bien aux choses qu’à à la nature :

Ou, plus exactement, tout langage se communique en lui-même, il est, au sens le plus pur du terme, le « médium » de la communication. Ce qui est propre au médium, autrement dit l’immédiateté de toute communication spirituelle, est le problème fondamental de la théorie du langage, et si l’on veut qualifier de magique cette immédiateté, le problème originel du langage est sa magie 129 .

Ainsi, le langage est considéré comme un medium, pour ainsi dire magique, qui peut être compris à partir de la notion de « lieu » qui transcende la fonction instrumentale en pointant vers un principe enveloppant, qui se réfère aux possibilités de l’existence et de la réalisation de tout être ou chose dans ses dimensions communicatives : « Le langage d’un être est le médium dans lequel se communique son essence spirituelle130 » Dans un

changement radical, Benjamin continue à définir non seulement le medium comme un instrument d’appropriation du monde, mais comme un mouvement par lequel le monde est constitué.

Nous voudrions mettre en évidence, avant tout, que le medium n’est pas seulement un appareil d’information pour envoyer ou recevoir des messages sur l’activité humaine à propos des relations économiques ou écologiques, mais qu’ils constituent ces systèmes-là. Selon Umberto Galimberti131 le monde technique, et par conséquent médiologique, c’est

127 Fuller, Op. cit.

128 Félix Guattari, Les trois écologies, 1 vol., Collection L’Espace critique (Paris: Galilée, 2008). Voir

aussi : Félix Guattari, Qu’est-ce que l’écosophie ?, dir. Stéphane Nadaud, 1 vol., Archives de la pensée critique (Paris] [Saint-Germain-la-Blanche-Herbe: Lignes Imec, 2013).

129 Walter Benjamin, « Sur le langage en général et sur le langage humain », dans Oeuvres. Tome I

Tome I (Paris: Gallimard, 2000). p. 145-146

130 Ibid. p.165

131 Umberto Galimberti, Psiche e techne: l’uomo nell’età della tecnica, 3. ed, Campi del sapere

notre environnement. Le medium est le moyen par lequel les hommes perçoivent, pensent et expriment des relations avec leurs pairs et avec le monde dans lequel nous cohabitons. Le medium ainsi n’est pas neutre car il crée un monde avec certaines caractéristiques que nous ne pouvons pas éviter. Ici, la définition de medium proposé par Jussi Parikka est fort instructive. Selon lui, le medium est l’environnement de relations dans lequel le temps, l’espace et les capacités d’action émergent132. À cet égard Peters fait du bateau la

métaphore qui montre comment les media réveillent et concèdent la nature elle-même, au sens heideggérien, et comment le media forge l’infrastructure de l’être, l’habitat dans lequel nous sommes et nous agissons. Notons que cette approche écologique met l’accent sur le caractère relationnel des media, y compris des nombreux processus, objets et modes de perception.

Ainsi, à partir de cette perspective écologique, quand un nouvel élément (medium) est ajouté à un ancien environnement, nous n’aurons pas un ancien environnement plus un nouveau facteur, mais un nouvel environnement, comme l’a bien signalé J. Meyrowitz : « The extent of the newness depends, of course, on how much the new factor alters

significant forces in the old system, but the new environment is always more than the sum of its parts133 ».

Voilà une sensibilité théorique partagée par plusieurs penseurs. John D. Peters a mis en lumière tout l’intérêt de cette approche à notre époque étant donné surtout deux facteurs, le changement climatique irréversible, c’est-à-dire la soi-disant époque de l’anthropocène, et l’explosion des apparats numériques en réseau. Il va de soi ainsi qu’une approche s’ouvre pour étudier la relation entre nature et medium. D’ailleurs, le réchauffement climatique a mis en avant que le fait que la culture fait partie de notre histoire naturelle. À cet égard rappelons la généalogie de la notion de medium. Avant d’être associé aux technologies de communication, le medium était connecté davantage avec la nature : « Medium has always meant an element, environment, or vehicle in the

middle of things134 » Ici il faut revenir à Aristote et sa théorie de la vision. Pour que les

yeux puissent se connecter aux objets il faut un metaxu, l’air. Avec Thomas d’Aquin le

132 Jussi Parikka, « Media Ecologies and Imaginary Media: Transversal Expansions, Contractions, and

Foldings », The Fibreculture Journal 17 (2011). p.35

133 Meyrowitz, Op. cit. p.19 134 Peters, Op. cit., 2015., p.46

terme aristotélicien est traduit par medium. Avec Isaac Newton medium devient un peu plus instrumental dans la mesure où il est compris comme un agent intermédiaire, une condition pour la transmission des entités comme la lumière, le magnétisme, etc.

C’est ainsi que jusqu’au XIXe siècle, grosso modo, le mot medium était associé à des

éléments naturels comme l’eau, la terre et l’air. Comme le montre John Guillory135, le mot

medium, associé spécifiquement aux technologies de communication, apparaît

concrètement au XIXe siècle en réponse à la prolifération des nouveaux apparats communicatifs, notamment à partir du télégraphe, qui ne pouvaient pas être associés aux anciens systèmes des arts. Il y avait la nécessité, ainsi, d’employer une notion nouvelle qui agrégeait le signal et le symbole.

Selon Peters, malgré le fait que pendant le XXe siècle la notion de medium a été plus associée à l’outil technologique de dissémination en masse des informations, la notion n’a pas totalement perdu son caractère environnemental, c’est-à-dire medium comme milieu. Notons qu’il s’agit de revenir à une sensibilité ancienne et partiellement cachée pendant l’époque moderne, celle qui associe le medium à l’environnement. Ainsi, si nous pouvons considérer les media comme environnement, il est possible aussi de considérer l’environnement comme medium : « The old idea that media are environments can be

flipped : environments are also media. Water, fire, sky, earth, and ether are elements – homey, sublime, dangerous, and wonderful – that sustain existences, and we still haven’t figured out how to care for them ; our efforts to do so constitute out technical history136 »

Considérés sous cet angle, les media renvoient non seulement à la société, mais aussi à la nature, bouleversant la relation sujet-objet chère à la modernité. Le medium est, en fin de compte, la médiation de la condition humaine et aussi de la condition non-humaine. Une sensibilité proche de celle de Jussi Parikka qui identifie les facultés de transmission, enregistrement et connexion dans différents processus. Selon lui, les pierres et les formations géologiques sont des enregistrements du lent passage du temps et de la

135 John Guillory, « Genesis of the media concept », Critical Inquiry 36.2 (2010): 321‑ 62. 136 Peters, Op. cit., 2015. , p.3

turbulence entre matière et énergie. Les plantes et les animaux constituent leurs êtres à travers divers modes de transmission et à travers le couplage avec leur environnement137.

Cette approche de Peters, et d’autres comme celle de Parikka, est très en phase avec la perspective qu’on essaye de développer ici. La notion de medium est ici encore plus ouverte, associant physis et technè, ce qui nous semble tout à fait pertinent. Or, comment aujourd’hui pouvons-nous réfléchir sérieusement à propos du numérique sans penser au charbon ? C’est bien cette contradiction de notre temps que Peters met en avant : « Today

natural facts are media, and cultural facts have elemental imprint. We can see the Internet

as a means of existence, in some ways close to water, air, earth, fire, and ether in its basic

shaping of environments138 ».

Considérer l’océan comme medium signifie s’éloigner encore plus du point de vue anthropomorphique et instrumental. Du corps au numérique, des étoiles au livre, tous ces

media sont appuyés profondément sur l’être. Si on cesse de concevoir la communication

seulement comme l’échange des messages, mais aussi comme un processus qui fournit les conditions pour l’existence, les media deviennent les infrastructures de l’être, l’habitat où nous sommes immergés et à partir duquel nous agissons.

C’est bien la technicité du numérique, il faut bien le souligner, qui réveille et pousse nos épistémologies à considérer les media comme environnement et l’environnement comme medium, finalement comme notre habitat tel que Massimo Di Felice nous y a rendus attentif à plusieurs reprises. Pour lui, les media sont, avant tout, des technologies de l’habiter. Inspiré par Heidegger139 pour qui l’homme a besoin de bâtir pour habiter,

d’établir un lieu, il met l’accent sur les formes historiques des media dans la détermination de ce processus :

Si on analyse les transformations des formes de l’habiter en les mettant en relation avec les technologies communicatives, il est possible de distinguer les formes empathiques (liées aux médiations de l’écrit et aux pratiques de la lecture) des formes exotopiques, qui se sont développées avec l’avènement des moyens de communication électroniques et des communications audiovisuelles pour enfin

137 Jussi Parikka, Insect media: an archaeology of animals and technology, Posthumanities, v. 11

(Minneapolis: University of Minnesota Press, 2010). , p.XIV

138 Peters, Op. cit., 2015. ,p. 49

caractériser, dans nos nouveaux contextes digitaux, l’émergence de formes atopiques de l’habiter140.

Rappelons que selon Heidegger la caractéristique formatrice de l’habitat se trouve dans la capacité relationnelle et communicationnelle, donc différents media déterminent différents environnements que nous habitons, comme l’a bien montré Di Felice. Notons que chez lui la notion d’habitat est absolument liée à sa dimension écologique ; l’habitat devient ainsi le moyen pour réfléchir à propos des transformations qui vivent nos sociétés, notre condition perceptive et nos formes de sentir.

C’est par cette puissance du medium, avec Peters, que le numérique nous fait revenir à des enjeux tout à fait anciens. Si la communication analogique donnait l’impression d’une ordination historique du monde – surtout l’imprimerie – le digital nous fait retourner à une condition chaotique.

Notons bien que le medium comme environnement ne prévoit pas le soutien d’une causalité unique aux phénomènes de l’imaginaire mystique, ce qui suggérerait que la conformation matérielle d’une technologie produirait nécessairement certains effets. Nous préférons la perspective de la réversibilité chez Maffesoli, c’est-à-dire, le constant processus de va-et-vient qui rejette le causalisme, comme le processus d’action et rétroaction chez Edgar Morin141. Nous sommes ici très loin du prétendu déterminisme

technologique : « The médium theorists do not suggest that the means of communication

wholly shape culture and personality, but they argue that changes in communication patterns are one very important contributant to social change and one that is generally overlooked142 ».

Si on comprend les media en tant qu’environnement, le débat à propos du déterminisme technologique perd son sens comme l’a bien remarqué Manuel Castells143. Selon lui, le dilemme du déterminisme technologique est un problème infondé étant donné

140 Massimo Di Felice, « Paysages post-urbains : la fin de l’expérience urbaine et les formes

communicatives de l’habiter », Sociétés 109, no 3 (2010): 25, doi:10.3917/soc.109.0025. p.35

141 Edgar Morin, Introduction à la pensée complexe ([Paris]: Seuil, 2005). 142 Meyrowitz, Op. cit. p.18

que la technologie est la société et que la société ne peut être entendue et ni même représentée sans ses technologies.

En fait, en s’appuyant sur la démarche proposée par Michel Maffesoli, nous comprenons que nous ne sommes pas dans la clé du déterminisme, mais de la détermination. Nous sommes absolument plongés dans cette atmosphère où l’objet technique, avec Stéphane Hugon144, c’est l’espace sociétal qui, en conséquence, nous impose des limites et encadre notre existence. Ainsi, en tant qu’objets contemporains de l’hiérophanie, ils déterminent aussi des nouvelles formes de vivre le sacré.

Rappelons ainsi que le medium impose des limites qui conditionnent l‘existence : « En latin la determinatio est la borne qui marque les limites du champ, mais c’est cette limite qui permet potentiellement la vie par rapport à l’indéfinition, à l’informel du désert sans borne. Ainsi les choses existent parce qu’elles s’inscrivent dans une forme 145 ». Pour

le dire autrement, reprenant une distinction chère à McLuhan, nous ne sommes pas dans la clé de la causalité efficiente, mais de la causalité formelle.

Comme l’a bien signalé Meyrowitz, les théoriciens que nous rejoindrons ne suggèrent pas que les media façonnent la culture, mais ils font valoir que l’évolution de la structure de communication est importante pour le changement social parce qu’ils changent l’environnement. Bien évidemment, les media ne sont pas le seul facteur en cause ou la cause de tous les changements. Nous admettons la conception selon laquelle les

media influencent les relations et les déterminations mutuelles, les relations dialogiques et

symbiotiques.

L’accent mis sur les media ne représente pas un réductionnisme, mais une corrélation, ce qui, bien sûr, est étroitement lié à d’autres développements sociaux qui exercent des rôles spécifiques et différenciés. Quand on met en relief le medium, ce sur quoi nous insistons c’est sur l’aspect irréfragable de la chose. Comme Heidegger disait à propos du travail de la sculpture : il y a, aussi, le marbre. C’est-à-dire que le marbre n’est pas neutre, mais qu’il faut s’accorder à lui.

144 Stéphane Hugon, Circumnavigations: l’imaginaire du voyage dans l’expérience internet, Société

(Paris: CNRS, 2010).