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Apprentissage expansif et les notions d’activité, d’actions et d’opérations

Chapitre 2 : Cadre théorique et cadre d’investigation

2.1 Cadre théorique

2.1.1 Théorie de l’activité

2.1.1.1 Apprentissage expansif et les notions d’activité, d’actions et d’opérations

L’apprentissage expansif est fortement lié à la zone de développement proximal, lorsque celle-ci est comprise comme un espace ouvert de possibilités et ne se limite plus à la zone individuelle, mais est transposée au niveau collectif (Ploettner et Tresseras, 2016). Ce type d’apprentissage implique chez les individus une reconceptualisation de ce qu’est l'activité, de ce à quoi elle sert et aussi de son motif (Sannino, Engeström et Lahikainen, 2016). En effet, l'apprentissage expansif est un processus dans lequel les apprenants procèdent à des analyses et à des expérimentations pour transformer l'objet de leur activité (Engeström, 2015).

Les différentes études appuyées sur cette théorie peuvent être regroupées en six catégories : transformation de l'objet, mouvement dans la zone de développement proximal, cycle des actions de l’apprentissage expansif, passage de frontière et de construction de réseau, mouvement distribué et discontinu, et interventions formatives (Engeström et Sannino, 2010). Cette théorie repose sur deux principes épistémologiques: la double stimulation et le mouvement de l’ascension de l’abstrait vers le concret. Cependant, avant de présenter ces deux principes, nous expliciterons d’abord les concepts d’activité, d’action et d’opération tels qu’ils sont documentés dans la littérature en lien avec l’apprentissage expansif.

Activité, actions et opérations

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par ce en quoi tel ou tel besoin se trouve objectivé ». Ainsi, l’activité est associée à un motif, conscient ou non, visant la transformation de l’environnement à travers un ensemble d’actions et d’opérations (DeVane et Squire, 2012). Par exemple, dans le cadre de notre recherche, les futur(e)s enseignant(e)s de l’enseignement primaire qui participent au cours d’exploitation pédagogique des technologies de l’information et de la communication doivent développer leur compétence en technologies de l’information et de la communication, comme exigé dans par le curriculum de leur formation initiale. Cet élément peut être le motif qui les pousse à prendre part à l’activité de robotique pédagogique. Un autre motif susceptible de les inciter à participer à cette recherche peut être le développement de leur compétence en résolution collaborative de problèmes par l’utilisation des technologies robotiques. Qu’importe l’activité dans laquelle un ou plusieurs individus sont engagés, il existe toujours un motif, ce qui distingue une activité d’une autre. Cependant, les participants peuvent avoir conscience ou pas du motif qui les anime (Leontʹev, 1984 : 210). Par exemple, lorsqu’une équipe d’étudiants est engagée dans une activité de robotique pédagogique pour programmer un robot qui doit effectuer des figures géométriques, il est possible qu’elle ait connaissance du motif qui l’anime, ou pas.

L’activité menée par les participants est certes orientée par un motif, mais présente aussi une structure propre. C’est dans cette optique que Leontʹev (1984 : 91) souligne qu’une activité est « un système qui a une structure, ses passages et ses transformations internes, son développement. » Le système permet donc de comprendre et de caractériser une activité. Dans la troisième génération de la théorie de l’activité, sept éléments, interconnectés (Huang et Lin, 2013) caractérisent une activité (Engeström, 1987). La Figure 1, ci-dessous, présente ces éléments.

31 Figure 1. Système d'activité (Engeström, 1987)

Ces sept éléments sont :

• Sujet : individu ou groupe d’individus qui participent à l’activité (Huang et Lin, 2013) ;

• Outils : ensemble de technologies tangibles et intangibles mobilisées par le sujet pour atteindre les objectifs fixés (Park, Cho, Yoon et Han, 2013), ou élément matériel ou mental qui médiatise la relation sujet-objet (Law et Sun, 2012) ;

• Objet : but poursuivi par le sujet (Park et collab., 2013), ou motif qui pousse le sujet à réaliser l’activité (Law et Sun, 2012) ;

• Communauté : ensemble de personnes clés dans le système social (Park et collab., 2013) ou qui partagent les mêmes objectifs que le sujet (Law et Sun, 2012) ; • Division du travail : manière dont les tâches, le pouvoir et le statut sont divisés au

sein de la communauté (Law et Sun, 2012 ; Park et collab., 2013) ;

• Règles : ensemble des éléments qui régulent les interactions et les actions dans l’activité (Law et Sun, 2012) ;

• Résultats : idée ou réponse émotionnelle positive ou négative (Law et Sun, 2012). Selon Leont’ev (1978), une activité est constituée de trois niveaux : l’activité elle-même, les actions et les opérations, que nous définirons plus loin. Ces niveaux et leur orientation sont

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résumés par Class (2001) et sont récapitulés dans le Tableau 2.

Tableau 2

Niveaux d’une activité (Class, 2001)

Niveaux de l’activité Orienté par Mené par

Activité Objet/objectifs Communauté

Action But Individu ou sous-groupe

Opération Conditions de réalisation Individu (routine) ou machine

Le concept d’action est le deuxième des trois niveaux d’une activité (Leont’ev, 1978). Il est précédé du niveau supérieur, l’activité elle-même, et est suivi du niveau inférieur, les opérations. L’activité, niveau supérieur de l’activité humaine, est un ensemble d’actions (Leontʹev, 1984). Une même action peut donc être mobilisée dans plusieurs activités. Selon Leontʹev (1984: 113), une action est « un processus soumis à la représentation du résultat qui doit être atteint, c’est-à-dire un processus soumis à un but conscient ». Selon cette définition, l’action dépend du but que le sujet voudrait atteindre. Et ce but est conscient. Ainsi, parler d’action revient implicitement à parler de but : pas d’action sans but. Une activité est donc constituée d’un ensemble de buts concrets à réaliser, pouvant être interreliés selon une certaine chaîne (Leontʹev, 1984). En reprenant l’exemple de l’activité de programmation évoquée ci-dessus, on pourrait observer, comme actions et comme chaîne d’actions, la conception du programme informatique, suivie du transfert de ce programme au robot et de son exécution. Une action est constituée des aspects intentionnels (le but) et opérationnels (le procédé ou la manière par lequel le sujet atteint le but) (Leontʹev, 1984).

En plus de l’aspect intentionnel de l’action présenté précédemment, il nous faut analyser le volet opérationnel. Pour ce volet, Leontʹev (1984) souligne qu’une action est constituée de plusieurs opérations, qui sont les moyens par lesquels l’action s’accomplit. Selon Nussbaumer (2012), les opérations sont la mécanique de la poursuite des objectifs. Elles décrivent ce qui doit être fait et sont utilisées pour réaliser des actions. Elles sont influencées par les conditions, l’environnement, les expériences du sujet et les outils, et sont

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essentiellement individuelles (Nussbaumer, 2012). Les opérations ne présentent pas d’objectifs propres, mais ajustent les actions aux situations présentes (Huang et Lin, 2013). Il existe une différence claire entre les actions et les opérations. Les actions sont déterminées par leur but, et les opérations, par leur conditions (Leontʹev, 1984). De plus, leurs dynamiques, leurs origines et même leurs destinées sont différentes (Leontʹev, 1984). En effet, « l’action naît des rapports d’échanges d’activités alors que toute opération résulte de la transformation de l’action, procédant de son incorporation dans une autre action et de sa "technicisation" consécutive » (Leontʹev, 1984: 119). En fait, toute opération a d’abord été une action pour le sujet.

Bien qu’une activité soit constituée de plusieurs actions, et une action, de plusieurs opérations, il existe une relation dynamique entre ces trois niveaux. Cette dynamique relie la transformation d’un niveau à un autre. En effet, une activité peut se transformer en action, et vice versa. De la même manière, une action peut se fractionner en plusieurs opérations, et une opération, en raison de ses conditions de réalisation, peut devenir une action (Leontʹev, 1984).

Analyser une activité ne revient pas à analyser seulement les différentes unités qui la constituent, mais aussi leurs relations (Leontʹev, 1984) ainsi que les actions qui la constituent. Ces actions peuvent être mobilisées à l’intérieur d’un cycle de l’apprentissage expansif. Nous présentons ci-après le cycle des actions de l’apprentissage expansif.