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Xavier Favre-Bulle *

B. Droit suisse

VI. Appréciation et conclusions

Les alternatives à la justice étatique traditionnelle peuvent se heurter à des obstacles pratiques et juridiques insurmontables en matière de litiges de la consommation. Sur le plan pratique, frais trop élevés, difficultés de la procé-dure, éventuel éloignement du siège de l’arbitrage ou de la procédure d’ADR, inégalité économique et sociale entre consommateur et professionnel repré-sentent quelques exemples de motifs pour lesquels les consommateurs pour-raient être réticents à accepter de se soustraire à la justice et de recourir à l’arbitrage ou ADR. Sur le plan juridique, nous avons vu que de nombreuses sources législatives ou jurisprudentielles sont susceptibles, selon l’ordre juri-dique concerné, de mettre à mal la validité de conventions d’arbitrage avec des consommateurs.

Face à un tel constat, l’arbitrage et l’ADR sont-elles des solutions boiteuses aux problèmes de règlement des litiges des consommateurs ? Nous ne le pen-sons pas. La justice gardant ses défauts pour les petits litiges, il faut trouver des alternatives et celles-ci ne peuvent être que l’arbitrage ou l’ADR. La clé du problème est d’adapter les mécanismes de règlement des différends aux par-ticularités du droit de la consommation. Il s’agit donc de créer un arbitrage ou ADR spécialisé, ou en tout cas adapté aux besoins des consommateurs, et non pas de recourir aux systèmes traditionnels existants, essentiellement à voca-tion commerciale109. En 1978 déjà, le professeur Hans van Houtte proposait un “modèle d’un arbitrage pour consommateurs”110. Les réflexions suivantes nous paraissent dès lors s’imposer, à tout le moinsde lege ferenda.

Il nous semble qu’une clause compromissoire devrait être admise dans son principe en droit de la consommation et qu’il conviendrait uniquement d’aménager les garde-fous nécessaires pour assurer une protection suffisante du consommateur, en particulier par un contrôle systématique du caractère abusif ou non de la convention d’arbitrage111. La meilleure solution est évi-demment l’approche consensuelle, lorsque la voie d’un arbitrage spécialisé est proposée comme alternative facultative aux tribunaux étatiques. L’arbi-trage contractuellement imposé par le professionnel avant tout litige est plus délicat et ne devrait être admis que si des garanties suffisantes existent quant au caractère équitable et acceptable du mode d’arbitrage proposé pour un consommateur aux moyens financiers limités. Pratiquement, le danger d’abus reste limité : un professionnel n’a lui-même aucun intérêt à proposer un mode

109 Dans le même sens, notamment : Racine [note 28], n° 117 p. 66.

110 van Houtte [note 76], p. 197 ss et les huit conditions que cet auteur pose pour un arbitrage effec-tif. Voir aussi les arguments discutés par Loquin [note 28], p. 373 ss.

111 Loquin [note 28], p. 381.

Xavier Favre-Bulle

d’arbitrage non adapté aux circonstances, qui sera trop coûteux par rapport au montant en litige. L’intérêt commercial ne devrait conduire qu’au choix d’un mode d’arbitrage, ou ADR, spécialisé, adapté au petit litige en cause.

La procédure offerte au consommateur devrait être simple et peu coû-teuse (sans recours nécessaire à des conseils rémunérés), voire gratuite, avec une latitude pour établir des faits d’office si nécessaire et une totale liberté d’administration et d’appréciation des preuves. Un juriste d’une organisation de consommateurs pourrait par exemple assister le consommateur. Un tri-bunal arbitral devrait être composé d’un arbitre unique ou de trois arbitres dont les co-arbitres seraient désignés paritairement par les organisations de consommateurs d’une part et les associations professionnelles d’autre part, le président étant lui indépendant de ces milieux. Une spécialisation en droit de la consommation serait souhaitable112. Le rôle du droit applicable au fond du litige, et en particulier des éventuelles dispositions impératives de protection des consommateurs, reste en effet fondamental pour une saine justice au-delà des questions d’admissibilité de l’arbitrage et de l’ADR discutées dans la présente contribution.

La décision tranchant le litige devrait être rendue rapidement, dans un laps de temps ne dépassant en principe pas quelques semaines, quelques mois au plus, l’instruction de la cause devant rester raisonnable (absence de longues enquêtes par témoins). S’agissant du siège de l’arbitrage ou de la pro-cédure d’ADR, l’on devrait prôner la décentralisation avec des centres régio-naux, de façon à rapprocher les institutions du domicile du consommateur, à l’instar d’une justice de proximité.

Une question délicate est celle de la nature contraignante ou non de la dé-cision rendue. Nous sommes personnellement en faveur de l’arbitrage pour l’avantage qu’il offre d’une sentence arbitrale comparable à un jugement.

L’ADR représente le risque d’un manque d’effectivité de la procédure si la re-commandation du médiateur ou autre conciliateur n’est pas obligatoire pour les parties, en particulier pour le professionnel. Il s’agit en effet d’éviter que le consommateur ait à soumettre ses prétentions à une nouvelle autorité si la première procédure extrajudiciaire s’est révélée inutile.

L’obstacle pratique principal de tels modes de résolution des petits litiges restera toujours le coût. Le financement du coût des procédures pourrait, en tout ou en partie, reposer sur des subventions des collectivités publiques consacrées à la protection des consommateurs. Le rôle à jouer des organi-sations de consommateurs, bénéficiaires de telles subventions, paraît à cet égard indispensable. De façon générale, l’adéquation de l’arbitrage et de l’ADR aux litiges de consommation requiert une prise en charge de leur

112 Loquin [note 28], p. 373 s.

Arbitrage et règlement alternatif des litiges fonctionnement par les associations de consommateurs et les organisations professionnelles113.

L’expérience de certains Etats le montre (p. ex. arbitrage de la consom-mation en Espagne et Portugal, certaines institutions spécialisées d’arbitrage et ADR aux Etats-Unis et au Royaume-Uni) : si de tels mécanismes peuvent être mis sur pied, nul doute que l’arbitrage et l’ADR peuvent représenter des alternatives crédibles et avantageuses à la justice traditionnelle, tant pour les professionnels que pour les consommateurs. Cet hommage au travail du professeur Bernd Stauder se terminera donc par cette note optimiste quant aux possibilités d’améliorer encore à l’avenir la mise en œuvre des droits des consommateurs par une résolution extrajudiciaire efficace et sûre des litiges.

113 Loquin [note 28], p. 381.

Xavier Favre-Bulle

On the Regulation of Contracts

On the Regulation of Contracts

Attila Harmathy

*

Abstract – The first part of this paper outlines recent developments in the con-cept of European contract law. The second part is a brief survey of different opinions concerning the effects of the harmonisation of rules on national civil law systems and problems of national regulation.

I first met Bernd Stauder many years ago in Stockholm. I remember thinking that here was a lawyer who was interested both in basic questions of law and in new developments. Since that time my impression has not changed. That is the reason why when looking for a topic for a short paper to be published in a collection of essays in his honour, I tried to find one that was related to his interests.

For some years, the law of contract has been a favourite subject for ar-ticles and books published in Europe. Directives on consumer contracts have inspired many lawyers and have formed the basis for discussion of the de-velopment of European Contract Law. Both improvements in European rules and the development of national contract law in the Member States of the European Union have been analysed by both academic lawyers and practi-tioners. This paper is a reflection on some of the issues that have emerged. It focuses on problems in the development of the law of contract from the point of view of a lawyer coming from a country which has only recently joined the European Union.