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Chapitre 3 La dynamique des substitutions linguistiques au Canada

3.5 Annexe

3.5.1 Modélisation de la persistance linguistique : comparaison entre la régression linéaire et l’analyse de survie

La courbe de persistance linguistique a aussi été modélisée à l’aide de la fonction Stata INTCENS qui permet d’ajuster un modèle de survie paramétrique (de lois Weibull et exponentielle) à des données censurées à gauche et à droite. Les résultats sont montrés dans la Figure 3.7. On constate que la régression linéaire (polynomiale de degré 2) constitue le meilleur moyen de modéliser la courbe. Les modèles paramétriques ne peuvent modéliser de façon adéquate à la fois les substitutions linguistiques « instantanées » (à l’âge 0) et les substitutions linguistiques subséquentes.

Figure 3.7 Différentes modélisations de la courbe de persistance linguistique des allophones nés au Canada d’au moins un parent immigrant

3.5.2 Impact du mode de répartition des réponses multiples

Les réponses multiples aux questions linguistiques représentent en 2006 1,3 % du total pour la langue maternelle (5 % si on ne considère que ceux qui ont déclaré au moins une langue autre)77 et 1,8 % pour la langue parlée à la maison (12 % si on ne considère que ceux qui ont

déclaré au moins une langue autre). Afin de simplifier l’analyse, le nombre de modalités possibles a été réduit de sept (anglais, français, autre, anglais et français, anglais et autre, français et autre, anglais et français et autre) à trois (anglais, français, autre). Ainsi, on simplifie les réponses multiples en sélectionnant aléatoirement une seule langue parmi les langues déclarées.

Il y aurait de nombreuses autres manières d’aborder les réponses multiples. On pourrait tout d’abord tenter d’en faire une analyse séparée, mais la faiblesse des effectifs ne pourrait permettre d’accommoder une modélisation par âge/durée depuis l’immigration et par âge à l’arrivée au Canada. Il serait aussi possible de donner préséance aux langues officielles ou aux langues allochtones : un individu ayant répondu anglais et autre serait ainsi classifié dans langue officielle (préséance aux langues officielles) ou autre (préséance aux langues allochtones). Plusieurs autres possibilités de traitements sont également envisageables. Aux fins de notre analyse, il apparaît toutefois utile d’établir une « fourchette » de résultats possibles, c’est-à-dire d’établir deux modes de traitement des réponses multiples, un qui maximiserait la persistance linguistique, et l’autre qui la minimiserait.

Afin de maximiser la population à risque de réaliser une substitution linguistique, les individus ayant répondu au moins une langue non officielle comme langue maternelle sont classés dans la catégorie « autres ». Ensuite, on maximise (ou minimise) la persistance en reclassant toutes les réponses multiples à la question sur la langue parlée à la maison dans la modalité simple « autre » (ou « langue officielle »), respectivement78. On procède de la même manière pour les

minorités de langue officielle : les multiples anglais-français sont simplifiés en donnant préséance à l’anglais pour la langue maternelle au Québec et au français pour la langue

77 C’est-à-dire si l’on ne tient compte que des individus ayant déclaré une langue autre, l’anglais et une langue autre, le français et une langue autre, ou le français, l’anglais et une langue autre. C’est donc dire que les réponses multiples sont plus fréquentes chez les individus qui déclarent une langue autre comme langue maternelle (seule ou avec une langue officielle).

78 Pour maximiser la persistance, on exclut également les allophones ayant indiqué plus d’une langue maternelle et une langue officielle comme seule langue d’usage. Pour minimiser la persistance, on exclut les allophones ayant indiqué plus d’une langue maternelle et une langue autre comme seule langue d’usage.

maternelle au Canada hors Québec. Les réponses multiples pour la langue parlée à la maison sont reclassées afin de minimiser ou maximiser la persistance des minorités linguistiques. La Figure 3.8 montre les résultats pour les allophones du Canada : la répartition aléatoire des multiples constitue un bon compromis.

Figure 3.8 Courbes de persistance linguistique des allophones nés au Canada d’au moins un parent immigrant selon le mode de répartition des réponses multiples

Source : recensement de 2006. Calculs de l’auteur.

On obtient des résultats qualitativement similaires pour les anglophones natifs du Québec et pour les francophones natifs du Canada hors Québec.

Tableau 3.1 Persistance linguistique globale des anglophones du Québec et des francophones du Canada hors Québec nés au Canada de parents nés au Canada, selon le mode de

répartition des réponses multiples

Répartition aléatoire Persistance min Persistance max

Anglophones du

Québec 0,86 0,83 0,90

Francophones du

Canada hors Québec 0,63 0,60 0,66

3.5.3 Impact de la migration différentielle sur les courbes de persistance linguistique

Le Tableau 3.2 montre le nombre et la proportion d’entrants, de sortants et de sédentaires n’ayant pas réalisé une substitution linguistique (les persistants). Le Tableau 3.3 montre également le nombre et la proportion d’entrants, de sortants et de sédentaires ayant réalisé une substitution linguistique vers le français au Québec. Il s’agit de la mobilité sur cinq ans mesurée à partir des données du recensement de 2006.

On note que les caractéristiques des sortants et des entrants sont parfois différentes de celles de la population sédentaire. Chez les allophones du Québec et de l’Ontario, les entrants et les sortants ont des caractéristiques assez semblables. Il est ainsi peu probable que ces mouvements de la population allophone aient eu un impact marqué sur les courbes de persistance linguistique. La situation est différente pour les minorités de langue officielle : chez les francophones du nord de l’Ontario et du Nouveau-Brunswick, ce sont ceux parlant anglais à la maison (les moins persistants) qui sont les plus mobiles, ce qui pourrait mener à une légère surestimation de la persistance pour ces régions. Chez les anglophones du Québec, la situation est inversée : ce sont ceux parlant anglais à la maison (les plus persistants) qui sont les plus mobiles, ce qui pourrait nous amener à sous-estimer leur persistance linguistique. Globalement, on remarque que les individus dont la langue d’usage à la maison est l’anglais sont généralement plus mobiles.

Tableau 3.2 Persistance linguistique des entrants, des sortants, des individus sédentaires et taux de sortie nets (mobilité 5 ans), selon différentes régions et groupes linguistiques

Entrants Sortants Sédentaires Taux de sortie net

Allophones du Québec 0,53 0,58 0,55 1,2 % Allophones Ontario 0,55 0,51 0,54 – 0.1 % Francophones du nord de l’Ontario 0,60 0,51 0,64 1,7 % Francophones du Nouveau- Brunswick 0,82 0,79 0,92 0,9 % Anglophones du Québec 0,93 0,97 0,86 1,5 %

Source : recensement de 2006. Calculs de l’auteur.

En outre, les allophones ayant réalisé une substitution linguistique en faveur du français sont moins susceptibles de quitter le Québec que ceux ayant réalisé une substitution linguistique en faveur de l’anglais. Ces comportements différentiels mènent potentiellement à une surestimation

des substitutions linguistiques vers le français observée sur la Figure 3.6 (puisque nombre d’individus ayant réalisé une substitution linguistique en faveur de l’anglais ne sont ainsi pas comptabilisés au Québec). Notons également que l’effet est cumulatif, c’est-à-dire que le biais est plus important pour les cohortes plus anciennes.

Tableau 3.3 Proportion des substitutions linguistiques réalisées vers le français parmi les entrants, les sortants et les individus sédentaires, ainsi que taux de sortie net (mobilité 5 ans), pour les allophones du Québec ayant réalisé une substitution linguistique

Entrants Sortants Sédentaires Taux de sortie net

Allophones du Québec 0,31 0,26 0,55 0,9 %