L’anisoplan´etisme est un probl`eme qui survient lors de l’observation d’un objet autre que celui qui sert de r´ef´erence `a l’asservissement. La figure 2.10 r´esume le principe. Pour des r´ef´erences sur le sujet on citera principalement Chassat (1989), Abitbol (Abitbol & Ben-Yosef 1991) ainsi que la th`ese de F. Chassat (1992) dont le sujet commun est l’´etude modale de l’anisoplan´etisme. Ainsi le sujet est couvert et je me contenterai seulement d’en r´esumer bri`evement les points principaux.
Le champ d’isoplan´etisme est d´efini par l’angle `a partir duquel la corr´elation des psf instantan´ees associ´ees aux deux directions d’observation passe en dessous d’un certain seuil. Cela conduit `a un angle d’isoplan´etisme (rayon du champ isoplan´etique) qui peut
s’´ecrire sous la forme θ0 ∝ r0¯h(λ) (Roddier 1981). Puisque θ0 est d´efini `a partir d’un
crit`ere absolu sur l’image (ou sur la FTM dans certains cas), il d´epend imp´erativement de la longueur d’onde d’observation. Mais cette approche ne rend compte que de l’aspect global de l’anisoplan´etisme, sans p´en´etrer le cœur du sujet qui int´eresse l’optique adap- tative, `a savoir la distribution modale sur le front d’onde de cette perte de corr´elation.
Abitbol comme Chassat l’ont montr´e, la corr´elation des modes d’ordre ´elev´e en fonction de la s´eparation chute plus vite que les modes porteurs de basses fr´equences spatiales.
D’o`u l’utilit´e, pour un angle donn´e entre objet et r´ef´erence, de calculer cette corr´elation pour chaque mode et de filtrer ceux pour lequel elle est trop basse. Ces ´etudes ont ´et´e faites par Abitbol et Chassat sur les polynˆomes de Zernike, mais l’approche g´en´erale reste valable pour n’importe quelle base. Le probl`eme du propri´etaire d’un syst`eme d’optique adaptative est d’appliquer ces r´esultats `a son syst`eme. Les modes utilis´es n’´etant pas les polynˆomes de Zernike, les calculs sont `a reprendre dans le cas des modes d’un miroir d´eformable. C’est l’objet du paragraphe qui suit.
2.6.1
Calcul du domaine d’isoplan´etisme modal
Le but de ce paragraphe est de calculer le domaine d’isoplan´etisme associ´e `a chaque mode de correction pour les raisons pr´ec´edemment indiqu´ees.
Dans un premier temps, on restreint l’´etude `a une base de modes orthogonaux de telle mani`ere que l’expression de la composante sur un mode ne soit qu’une simple
projection. L’´etude en fonction du profil de turbulence Cn2(h) sera faite progressive-
ment en ´etudiant l’effet de l’anisoplan´etisme dans une couche fine, puis en int´egrant par la suite le long du profil.
Supposons donc un angle ⃗α entre la r´ef´erence et la direction d’imagerie. L’angle
est donn´e comme un vecteur pour tenir compte des deux dimensions. La pupille, de rayon R, se projette suivant les deux directions d’observation sur la couche turbu- lente situ´ee `a une hauteur h au-dessus du sol en deux endroits diff´erents, distants
de h.⃗α. Si l’on d´efinit le vecteur ⃗x comme ce d´eplacement normalis´e par rapport `a
la taille de la pupille, on a
⃗x = h
R.⃗α (2.34)
Enfin, le ieme mode du miroir sera une fonction not´ee M
i(⃗r), d´efinie sur l’ensemble
du plan, et nulle en dehors de la pupille.
L’expression de la d´ecomposition de la phase se trouvant sur la pupille pour la direction d’observation ⃗x est
hi(⃗x) =
1 π
!
φ(R⃗r + R⃗x) Mi(⃗r) d2⃗r (2.35)
Notons que l’on reconnaˆıt dans cette ´equation la convolution de la phase par le mode
Mi(⃗r). On a alors, en notant hi = hi(⃗0), ⟨hihj(⃗x)⟩ = 1 π2 ! ! ⟨φ(R⃗r′+ R⃗x)φ(R⃗r)⟩ M i(⃗r) Mj(⃗r′) d2⃗r d2⃗r′ (2.36)
On fait apparaˆıtre la fonction de structure de phase toujours `a partir de la mˆeme relation
⟨φ(R⃗r′+ R⃗x)φ(R⃗r)⟩ = ⟨φ2(R⃗r′ + R⃗x)⟩ + ⟨φ2(R⃗r)⟩ − 1
2Dφ(R(⃗r − ⃗r
Encore une fois, en prenant soin de ne consid´erer que des modes `a valeur moyenne
nulle, les int´egrales doubles contenant des termes en ⟨φ2⟩ sont nulles. Il reste alors
⟨hihj(⃗x)⟩ = −
1
2π2
! !
Dφ(R(⃗r′ + ⃗x − ⃗r)) Mi(⃗r) Mj(⃗r′) d2⃗r d2⃗r′ (2.38)
En notant ⊗ le produit de convolution, on peut en fait ´ecrire
⟨hihj(⃗x)⟩ = −
1
2π2Mi(⃗r) ⊗ Mj(⃗r) ⊗ Dφ(R⃗r) (2.39)
Le calcul se fait plus facilement dans l’espace de Fourier en prenant le spectre
de Wiener (voir Eq. (1.7), section 1.1.1) comme transform´ee de Fourier de Dφ.
Cependant il faut prendre garde au risque de divergence en 0, puisque ce spectre est
en |k|−11/3 (k est la fr´equence spatiale) dans l’hypoth`ese Kolmogorov. Si l’on se base
sur l’exemple des polynˆomes de Zernike, le module carr´e de leur TF en 0 est en |k|2n,
n ´etant le degr´e radial. Ainsi, le produit de l’ensemble est en |k|2n−11/3, ce qui rend
n´ecessaire d’avoir n ≥ 2 pour avoir un exposant positif. C’est-`a-dire que les tilts, en particulier, (degr´e radial n = 1) posent un probl`eme de calcul. Ne parlons mˆeme pas du mode piston, dont on ´evacue implicitement la pr´esence. On aura donc grand int´erˆet `a se placer dans une base orthogonale aux tilts. En effet, le tilt du mode peut aussi ˆetre vu comme son moment d’ordre 1, qui est encore la d´eriv´ee premi`ere de sa TF `a l’origine. Si le mode est orthogonal au tilt, alors cette derni`ere est nulle et il ne
reste dans le d´eveloppement limit´e que le terme en k2 (ou ´eventuellement un terme
d’ordre encore plus ´elev´e). Donc le module carr´e est en |k|4, ce qui assure toutes
les facilit´es de convergence dans le calcul num´erique. Corollaire: la valeur de l’´echelle externe, caract´eris´ee par le comportement du spectre de Wiener `a l’origine, prend une importance consid´erable dans le profil de corr´elation du tilt alors qu’elle est `a peu pr`es insignifiante pour les autres modes: le point est longuement d´evelopp´e dans la th`ese de Chassat.
A titre d’exemple, les figures 2.11 et 2.12 montrent la valeur de la corr´elation respectivement du mode tilt et d’un mode du miroir ressemblant `a un astigmatisme. On notera que les valeurs de la corr´elation du tilt sont tr`es diff´erentes suivant un axe ou l’autre. Ce ph´enom`ene est bien connu, voir pour cela la th`ese de F. Chassat. Pour les modes d’ordres plus ´elev´es, la corr´elation prend une forme de plus en plus proche de la sym´etrie de r´evolution lorsque l’ordre des modes croˆıt. On notera enfin que ces courbes ne d´ependent pas de la longueur d’onde.
2.6.2
L’optimisation modale et l’anisoplan´etisme
Cette section est tout d’abord une discussion sur l’association de l’hypoth`ese de Tay- lor, du retard de commande et de l’anisoplan´etisme: la fa¸con d’aborder le probl`eme pour l’anisoplan´etisme a rendu ces trois ph´enom`enes coupl´es. Puis je discute l’algo- rithme d’optimisation du contrˆole modal face `a l’anisoplan´etisme.
-150 -75 0 75 150 -150 -75 0 75 150
Figure 2.11: Les abscisses et ordonn´ees de ce sch´ema sont des angles (en arcsecondes) repr´esentant la s´eparation entre l’objet et la r´ef´erence, plac´ee en (0,0). Le sch´ema repr´esente la corr´elation en fonction de la position de l’objet par rapport `a la r´ef´erence. Les con- tours sont des courbes d’´egale corr´elation, choisis comme multiples de 0.1. Les niveaux de gris sont d’autant plus clairs que la corr´elation est ´elev´ee. Les hypoth`eses sont une couche unique `a h = 10km, une turbulence de type Kolmogorov pleinement d´evelopp´ee, un t´elescope de diam`etre 3.60m avec une obstruction centrale de 1.57m. Le mode consid´er´e est un tilt. -90 -15 60 135 -90 -15 60 135
Figure 2.12: Voir explication figure pr´ec´edente. Ici le mode consid´er´e est un mode du miroir ComeOnPlus , proche d’un astigmatisme.
Hypoth`ese de Taylor, retard de commande et anisoplan´etis-
me.
Voici le probl`eme: l’hypoth`ese de Taylor, ou hypoth`ese de la turbulence gel´ee, est une hypoth`ese selon laquelle le front d’onde apparaˆıt perturb´e par une couche turbulente agissant comme un ´ecran de phase se translatant `a vitesse constante ⃗v au-dessus de la pupille du t´elescope. Nous allons voir que cette hypoth`ese pouvait ˆetre plus ou moins
bien respect´ee (Gendron & L´ena 95) (voir paragraphe 3.7.1). Dans les cas o`u elle
se trouve l’ˆetre, l’association de l’hypoth`ese de Taylor et du retard de commande τ dans la boucle d’asservissement entre la mesure et l’action provoque une perte de corr´elation du front d’onde qui se calcule comme un terme d’anisoplan´etisme,
⟨hi.hi(⃗vτ /R)⟩. Je veux simplement, dans ce paragraphe, comparer les termes hα et
τ⃗v.
Si l’on veut calculer les effets conjugu´es de l’anisoplan´etisme et du retard de com- mande, il suffit de d´eplacer la figure de corr´elation d’une quantit´e ⃗vτ /R. Faisons une application num´erique: |⃗v| = 20 m/s, τ = 2 ms, R = 1.80 m. Alors |⃗v|τ/R =
2.2 10−2. Le terme ´equivaut `a un angle anisoplan´etique de 0.8” pour une couche `a
10 km, `a rapprocher des figures 2.11 et 2.12. Il est de plus d’un ordre de grandeur inf´erieur aux champs d’isoplan´etisme modaux, signifiant que l’observation dans une direction amont de la direction du vent pour compenser le retard de commande ne peut apporter qu’un gain tr`es faible.
L’optimisation modale
Je d´ecris ici l’algorithme de l’optimisation du contrˆole modal face `a l’anisoplan´etis- me.
Le travail pr´ec´edent (paragraphe 2.6.1) est valable pour une couche turbulente unique. Etant donn´e que les diff´erentes couches sont ind´ependantes, on peut ajouter
les figures de corr´elation, chacune pond´er´ee par la valeur du C2
n(h) de la couche
associ´ee. Cela suppose d’avoir une id´ee du profil de turbulence, ou au moins une id´ee de la position et de l’amplitude des couches pr´epond´erantes. Mesurer ces param`etres
`a l’aide de l’analyseur seul n’est pas possible, il est donc n´ecessaire d’obtenir le C2
n(h)
par une m´ethode ext´erieure. Une fois celui-ci connu, le profil de corr´elation global
pour un mode est la somme, pond´er´ee par C2
n(h), des profils de corr´elation dilat´es
d’une mani`ere inversement proportionnelle `a la hauteur de la couche.
Une fois obtenu le profil global de corr´elation, il faut d´ecider si le mode doit, ou non ˆetre conserv´e dans la commande. Je n’ai pas men´e d’´etude sur la r´epartition spectrale temporelle de la d´ecorr´elation anisoplan´etique, de telle sorte que l’optimisation de la bande passante de correction se r´eduit ici `a une commande en tout ou rien, tout ´etant la correction optimis´ee du point de vue du flux sur la r´ef´erence. Le crit`ere est alors de savoir si le mode apporte ou pas une correction. A l’erreur de phase commise
sur le mode en raison du bruit et de la bande passante de correction limit´ee, il faut ajouter le terme d’anisoplan´etisme. Mais tous les termes d’erreur sont ´etroitement
mˆel´es (G. Rousset, Communication priv´ee 1991) (Rigaut, Th`ese 1992). Appelons aα
le coefficient modal dans la direction α de l’objet, ˆa′ le coefficient modal reconstruit
d’apr`es les mesures de l’analyseur sur la r´ef´erence, avec ˆa′ = ˆa + b, b ´etant le bruit
d’analyse introduit dans la boucle et ˆa le coefficient modal estim´e portant les erreurs
dues `a la reconstruction et au filtrage temporel. Il faut alors avoir la condition de
correction efficace: ⟨a2
α⟩ ≥ ⟨(aα− ˆa′)2⟩, qui conduit `a
⟨a2α⟩ ≥ ⟨(aα− ˆa′)2⟩ ⇒ ⟨aα
ˆ a⟩
⟨ ˆa′2⟩ ≥
1
2 (2.40)
Cette condition fait intervenir la corr´elation entre le coefficient modal exact dans la direction de l’objet et le coefficient modal reconstruit par le Hartmann et entach´e des erreurs de filtrage temporel. Il faut alors faire l’hypoth`ese que le coefficient de corr´elation trouv´e au paragraphe pr´ec´edent vaut ´egalement pour la corr´elation entre ces deux coefficients.
L’optimisation modale en fonction des param`etres (profil vertical de C2
n(h) et car-
act´eristiques temporelles `a l’int´erieur de chaque couche) d´eterminant l’anisoplan´etis- me, pr´esent´ee sous cet angle, n’est certainement pas aussi pr´ecise que l’optimisation en fonction du flux. Mais d’un autre cˆot´e ces param`etres ne sont pas accessibles et doivent ˆetre estim´es sur des bases th´eoriques ou `a travers des donn´ees statistiques. Ils pourraient ˆetre estim´es grˆace `a des mesures ind´ependantes de la corr´elation du mouvement d’images des composantes d’´etoiles doubles, mais la pr´ecision sur le profil lors de l’inversion est limit´ee.
Devant la difficult´e d’estimation des param`etres n´ecessaires `a ce type d’optimisa- tion, l’algorithme n’a pas ´et´e implant´e sur ComeOnPlus .