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3.2 Un cadre naturel pour expliquer les glitches

3.2.3 Ancrage dans le c÷ur

La présence de matière superuide et supraconductrice dans le c÷ur des étoiles à neutrons est supportée à la fois par les calculs d'appariement (voir section 3.1) et par les observations (voir section 3.3). En particulier, les modèles récents prédisent que les protons forment un supraconducteur de type II dans le c÷ur externe (voir section3.1.3), de telle sorte que ce dernier contient à la fois des lignes de tourbillons superuides et des tubes de ux magnétiques.

Interactions entre tourbillons superuides et tubes de ux. Toute modication de la vitesse de rotation du superuide de neutrons est accompagnée d'un mouvement radial des lignes de tourbillons qu'il contient. Puisque la densité de tubes de ux dans le c÷ur externe est très grande devant celle de vortex et compte tenu du fait que les tubes de ux ne sont pas alignés avec l'axe de rotation mais plutôt avec la direction du champ magnétique local (voir section 3.1.3), une ligne de tourbillon en mouvement est susceptible de rencontrer une grande quantité de tubes de ux magnétiques. Diérentes études ont montré que la jonction entre une ligne de vortex et un tube de ux est favorisée d'un point de vue énergétique, dans le sens où le recouvrement de la matière normale présente au c÷ur de ces deux lignes diminue à la fois l'énergie de condensation et l'énergie magnétique (Muslimov & Tsygan, 1985; Sauls, 1989; Mendell, 1991; Jones, 1991; Chau

et al., 1992). Cela suggère que les tourbillons superuides pourraient s'ancrer aux tubes

de ux dans le c÷ur des étoiles à neutrons.

Étant donné les incertitudes actuelles sur l'énergie d'ancrage associée à la jonction vortex-tube de ux, dont l'ordre de grandeur se situe autour de Ep ∼ 0, 1 − 50 MeV (

Gü-gercino§lu & Alpar, 2016), diérentes situations peuvent apparaître. Par exemple, si le

tourbillon possède une vitesse très élevée, son énergie cinétique pourrait être susante pour surmonter la barrière d'énergie Ep. Dans ce cas, la ligne de tourbillon traverserait simplement les tubes de ux, générant éventuellement une certaine dissipation d'éner-gie (Haskell et al., 2014). Au contraire, les interactions de courte portée entre un vortex et un tube de ux pourraient être tellement intenses que ces deux types de lignes seraient fortement ancrées l'une à l'autre, se déplaçant alors avec la même vitesse. Entre ces deux cas extrêmes, le mouvement radial des tourbillons superuides pourrait également être ac-tivé par uctuations thermiques, malgré l'ancrage sur les tubes de ux, généralisant ainsi le modèle de uage présenté dans la section 3.2.1 (Chau et al., 1992; Ding et al., 1993;

Sidery & Alpar,2009;Link,2014;Gügercino§lu & Alpar,2014,2016). Par ailleurs, le

cou-rant de protons entraînés autour de chaque tourbillon pourrait engendrer au voisinage de ce dernier un champ magnétique (voir Éq. (3.30)) supérieur au champ critique Hc1 (3.25). Dans ce cas, il a été suggéré qu'un grand nombre de tubes de ux pourraient être générés à proximité de chaque vortex, conduisant alors à l'apparition d'amas de uxoïdes fortement ancrés aux lignes de tourbillons qu'ils entourent (Sedrakian,1982; Sedrakian et al.,1983;

Sedrakian & Sedrakian,1995; Sedrakian et al.,1995). Cette situation est schématisée sur

la gure 3.12.

Conséquences astrophysiques. L'ancrage des tourbillons superuides aux tubes de ux est susceptible d'aecter signicativement l'évolution de la vitesse de rotation et du champ magnétique de l'étoile (voir, e.g., Sauls (1989); Srinivasan et al. (1990);

Ruder-man et al. (1998); Jahan-Miri (2000); Link (2003); Jones (2006a); Jahan-Miri (2010)).

Par exemple, Ruderman et al. (1998) ont proposé un modèle de glitch tenant compte de la présence de tubes de ux dans le c÷ur externe. Dans ce modèle, le ralentissement du pulsar induit une migration des lignes de tourbillons vers l'extérieur, entraînant avec elles plusieurs tubes de ux (et coupant parfois certains d'entre eux). Les uxoïdes étant atta-chés à la croûte par leurs extrémités, leur déplacement donne naissance à des contraintes dans l'écorce. Ces contraintes sont nalement relâchées lors de tremblements d'étoile, qui s'accompagnent de mouvements de plaques en surface (au sein desquelles le champ

Figure 3.12  Représentation schématique d'un amas de tubes de ux autour d'un tourbillon superuide. Haut : Amas vu du dessus. Les cercles concentriques représentent les lignes de courant des neutrons (traits pleins) et des protons entraînés (traits tiretés). Les protons et les neutrons se déplacent en sens inverse. Les quantités δn et dn désignent respectivement la taille d'un amas et la distance typique entre deux amas (les échelles ne sont pas respectées). Bas : Prols de vitesse et de champ magnétique au voisinage d'un amas. La zone hachurée correspond à la région où la création de tubes de ux est énergétiquement favorable (H > Hc1). Figure tirée de Sedrakian et al. (1995).

magnétique est piégé). Ce mécanisme explique naturellement l'augmentation du taux de ralentissement observé lors des glitches, par une augmentation de l'angle α entre le champ magnétique et l'axe de rotation (voir Éq. (2.7)). Toutefois, il semblerait que l'écorce ne puisse pas présenter de craquements capables d'induire un mouvement de plaques à sa surface (Jones, 2003). De plus, ce modèle prédit que les pulsars de longue période, indé-pendamment de leur âge, devraient avoir une activité faible, ce qui n'est pas vérié par les observations (voir e.g.Kaspi & Gavriil (2003)).

Il faut remarquer que le modèle classique, suivant lequel un superuide de neutrons coexiste avec un supraconducteur de protons de type II dans le c÷ur externe (voir

sec-tion3.1.3), a été remis en question par certaines études. Ainsi, les phénomènes de

avec l'hypothèse d'ancrage des tourbillons dans le c÷ur (voir e.g. Link (2003, 2006)). De même, Haskell et al. (2013) ont montré que le modèle du  chasse-neige  ne permet pas de reproduire les glitches de Vela lorsqu'une large part du superuide dans le c÷ur reste ancrée aux tubes de ux pendant le glitch. Ces travaux suggèrent donc que les in-teractions entre vortex et uxoïdes seraient beaucoup plus faibles que prévu, ou alors que le supraconducteur de protons serait de type I dans tout le c÷ur, en désaccord avec les calculs microscopiques. Toutefois, il faut garder à l'esprit que ces études reposent sur plu-sieurs ingrédients mal connus (tels que la force de friction mutuelle agissant entre les deux uides) et sur certaines hypothèses incertaines concernant les interactions entre les deux types de lignes. De plus, les arguments mentionnés par B. Link ne s'appliquent peut-être pas au pulsar de Vela, car celui-ci ne présente aucune précession.

D'un autre côté, les interactions entre lignes de tourbillons et tubes de ux pourraient conduire le superuide de neutrons dans le c÷ur à être découplé du reste de l'étoile sur des temps susamment longs pour prendre part au phénomène de glitch (voir e.g.

Sedrakian et al. (1995)). En outre, Gügercino§lu & Alpar (2014) ont montré récemment

que le modèle de uage appliqué à l'ancrage dans le c÷ur permet de rendre compte des glitches de Vela. Il paraît donc nécessaire d'étudier plus en détails le rôle du superuide dans le c÷ur an de comprendre le processus de glitch.