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Chiralité hélicoïdale

Les résultats des optimisations faites sur une série d’Ar3Bi montrent qu’ils comportent une géométrie pyramidale trigonale (AX3E1) de symétrie C3, dont les angles θC-Bi-C sont généralement compris entre 90 et 100° selon la taille des aryles impliqués (cf. Schéma 57). En effet, le plan de chaque noyau aromatique ne contient pas l’axe de symétrie principal C3.

Schéma 57 : Exemple de la structure de type pyramide trigonale du triphénylbismuth Ph3Bi (optimisée au niveau PBE0/cc-pVTZ)

Si la molécule possédait une symétrie type C3v, on obtiendrait une structure dite de type « hachoir » représentée dans le Schéma 58, où le plan de symétrie vertical de chaque aryle contient l’axe principal.

Schéma 58 : Représentation de la structure de type « hachoir » de symétrie C3v

En réalité, les noyaux aromatiques sont légèrement inclinés les uns par rapport aux autres comme représenté sur le Schéma 57. L’angle de torsion de -87,1° mesuré entre les atomes C-1-Bi-C-13-C-14 dans Ph3Bi témoigne bien de l’inclinaison existant entre les différents aryles (cf. Schéma 57).

Bien que la répulsion stérique entre les noyaux aromatiques puisse influer sur l’angle

θC-Bi-C, l’origine de leur basculement hors du plan de symétrie vertical σv peut être expliquée par l’orientation des liaisons chimiques ligand–métal dans la molécule. En effet, l’étude des énergies de transferts de charge entre les OMs révèlent des interactions orbitalaires entre la liaison π du carbone ipso (Ci) du bismuth et le carbone ortho tourné vers l’intérieur (Co _endo)

d’un aryle et la liaison σBi-C d’un autre aryle.

Øij E2 (kcal/mol) ΔEij (u.a.) Fij (u.a.) πCi-Co_endo_A σ* Bi- Ci _B 1,62 0,36 0,22 σBi-Ci_A *Ci-Co_endo/exo_C 1,40 0,46 0,23 πCi-Co_endo_B σ* Bi- Ci _C 1,62 0,36 0,22 σBi-Ci_B *Ci-Co_endo/exo_A 1,41 0,46 0,23 πCi-Co_endo_C σ* Bi- Ci _A 1,59 0,36 0,21 σBi-Ci_C *Ci-Co_endo/exo_B 1,42 0,46 0,23

Il existe des transferts de charge π Ci –Co_endo d’un aryle vers la liaison σ* C-Bi d’un autre aryle et dans le sens inverse de la liaison σC–Bi vers la πCi –Co_endo avec des valeurs d’énergies comprises entre environ 1,4 – 1,6 kcal/mol. Ces interactions intramoléculaires forcent les liaisons impliquées à se placer dans le même plan, résultant ainsi d’un basculement de l’aryle afin de maximiser cette interaction.

L’inclinaison des aryles les uns par rapport aux autres, fait que la molécule possède la forme d’une hélice où les groupements aryles jouent le rôle de pales. Cette propriété hélicoïdale confère aux triarylbismuths une chiralité intrinsèque amenant à deux énantiomères représentés ci-dessous (cf. Schéma 59) désignés selon le sens d’enroulement de l’hélice, d’après les règles établies par Cahn, Ingold et Prelog177 : l’hélice de pas droite notée P (« plus ») et l’hélice de pas gauche notée M (« moins »).

Schéma 59 : Représentation des énantiomères P et M du triphénylbismuth résultant de la chiralité hélicoïdale (structures optimisées au niveau PBE0/cc-pVTZ)

Costello et ses collaborateurs sont les premiers à avoir employé la dénomination P et M à propos des triarylbismuths.178 Ces deux énantiomères d’énergies identiques présentent donc les mêmes propriétés physiques et peuvent être caractérisés par un pouvoir rotatoire spécifique. Le passage d’un énantiomère à un autre se fait via un mouvement de rotation des aryles autour de la liaison σC-Bi, qui pourrait être mis en évidence par spectroscopie micro-onde.

Pour connecter ces deux minimas identiques, nous avons envisagé deux types d’état de transition : la structure de symétrie C3v dite de type « hachoir » et une autre structure de type «parapluie» de symétrie C3 dont le plan de symétrie horizontale des trois aryles représentés à

177 : R. S. Cahn, C. Ingold, V. Prelog Angew. Chemie Int. Ed. English 1966, 5, 385 – 415.

178 : H. Barucki, S. J. Coles, J. F. Costello, T. Gelbrich, M. B. Hursthouse J. Chem. Soc., Dalton Trans. 2000, 0, 2319 – 2325.

plat est perpendiculaire à l’axe principal de symétrie (cf. Schéma 60). A ce jour, les calculs d’IRC n’ont pas permis de connecter ces supposés états de transitions avec les structures optimisées de Ph3Bi.

Schéma 60 : structure du TS de type « parapluie »

Positionnement des groupements endo / exo

Pour les triarylbismuths comportant des noyaux aromatiques substitués en position

ortho ou méta, la molécule peut se présenter sous différents conformères en fonction de

l’orientation des groupements vers l’intérieur dit « endo », ou vers l’extérieur dit « exo » de la structure. Il va de soi qu’en position para la question ne se pose pas. L’exemple du tri-m-tolbismuth 1mB illustré dans le Schéma 61 ci-dessous, traite de ce cas de figure :

Dès lors, il existe pour les triarylbismuths quatre conformères possibles selon le nombre de groupements exo/endo : exo3/endo0 ; exo2/endo1 ; exo1/endo2 ; exo0/endo3.

Ces différents stéréo-isomères résultent d’une rotation d’environ 180° autour de la liaison σC-Bi et sont plus ou moins stabilisés selon la position des groupements. De là, nous avons étudié la stabilité des différents conformères d’une série de molécules (tolyle, anisyle et trifluorométhyle) en fonction de la position des groupements (endo/exo) en ortho et en méta. Les résultats des énergies relatives de chaque système par rapport au conformère le plus stable au sein de chaque série, sont détaillés dans les graphes ci-dessous (cf. Figure 39 et Figure 40).

Figure 39 : Energies relatives par rapport au conformère le plus stable, calculées à 298K des différentes conformères* (o-Tol ; o-OMe ; o-CF3) issus des positions endo/exo des groupements fonctionnels

* certains conformères n’ont pas été trouvés pour les molécules o-Tol et o-CF3

La Figure 39 donne les résultats des molécules substitués en ortho. Dans l’ensemble pour les 3 substituants étudiés, la structure la plus stable est celle qui minimise la gêne stérique en plaçant ces substituants vers l’extérieur (exo). Pour le tri-o-anisylbismuth 1oF où les 4 conformères ont été déterminés, la différence en énergie entre la structure la plus stable (exo3) et la moins stable (endo3) est d’environ 11 kcal/mol, ce qui est non négligeable.

Concernant les composés substitués en méta, les quatre conformères de chaque molécule ont été retrouvés et les valeurs reportées dans le graphe ci-dessous (cf. Figure 40).

Figure 40 : Energies relatives calculées à 298K des différentes conformères (m-Tol ; m-OMe ; m-CF3) issus des positions endo/exo des groupements fonctionnels

Au sein de ces trois séries, les écarts en énergie entre le conformère le moins stable et le plus stable sont plus faibles par rapport à ceux notés en ortho, inférieurs à 0,5 kcal/mol. Pour les substituants m-CF3 et m-OMe, plus les groupements sont tournés vers l’intérieur de la structure, plus celle-ci est déstabilisée. A l’inverse du m-Tol pour qui la rotation des groupements vers l’intérieur entraine une stabilisation de la molécule. Cela parait contre-intuitif si l’on part du principe de la gêne stérique occasionnée par les groupements placés vers l’intérieur.

Positionnement de groupements particuliers

Pour les molécules possédant dans n’importe quelle position des groupements dotés d’une libre rotation autour d’une liaison de type σ, les substituants peuvent se placer par rapport à la structure pyramidale :

- vers le haut (position « up »)

- vers le bas (position « down »)

✓ - perpendiculairement au plan des aryles

Schéma 62 : Positions up et down du groupement acétyle (optimisé au niveau PBE0/ cc-pVTZ)

Pour un triarylbismuth substitué en méta par un groupement acétyle (cf. Schéma 62), il existe une libre rotation de ce groupement autour de la liaison C–C impliquant les carbones du carbonyle et de l’aryle, et permettant à l’oxygène du carbonyle de pointer soit vers le haut soit vers le bas de la structure. L’orientation des groupements peut conduire à des conformères plus ou moins stables. Dans ce cas-ci, la faible différence en énergie de 0,46 kcal/mol entre les deux conformères présentant le carbonyle en position « up » ou « down », ne permet pas d’affirmer qu’il existe une conformation plus stable que l’autre.

La structure présentée ci-dessous (cf. Schéma 63) montre le troisième type d’orientation particulière envisageable qui a été mise à jour dans le cas du substituant o-SMe. Le plan formé par les liaisons S–C-3–H est perpendiculaire au plan S–C-2–C-1 comme l’atteste l’angle dièdre formé par les atomes C-3–S–C-2–C-1 qui vaut environ 96°. Evidemment, cette structure existe aussi sous les conformères «down » et « up » selon l’orientation des méthyles.

Schéma 63 : Positionnement du groupement -CH3 de type perpendiculaire (optimisé au niveau PBE0/ cc-pVTZ)

De ces analyses conformationnelles, il en ressort que, dans l’ensemble, les structures les plus stables sont celles qui minimisent la gêne stérique en éloignant les uns des autres, les

substituants portés par l’aryle. Dès lors, dans la suite de ce travail, nous comparerons uniquement les molécules de type exo3 où les trois groupements fonctionnels sont tournés vers l’extérieur du noyau aromatique.