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Les produits 1 enfin isolés, il faut procéder à leur caractérisation pour confirmer leur structure. Ces analyses peuvent de plus être valorisées en faisant le lien avec la chimie théorique.

Diverses méthodes ont été envisagées : UV, IR, RMN, XPS, spectroscopie micro-onde, voltampérométrie cyclique, etc.

Les méthodes spectroscopiques telles que la XPS, l’UV, l’IR et la spectroscopie micro-onde, en plus de fournir des informations structurales, donnent accès aux niveaux d’énergie électronique, atomique ou moléculaire, vibrationnel ou rotationel. Ces états d’énergie ou ces différences d’énergies entre niveaux sont prédictibles par Chimie théorique.

Les spectres XPS nécessitent d’être réalisés sous un vide très poussé. Sous ces très basses pressions, les composés 1 se subliment.

Quelques essais de spectroscopie UV, n’ont pas permis de réveler un effet du bismuth sur les transitions →* des noyaux aromatiques : au maximum un shift de 3 nm du max a été observé entre le spectre du Ar3Bi par rapport au spectre du Ar-H correspondant (spectres UV réalisés en solution dans l’acétonitrile).

L’analyse IR peut permettre de voir des chélations (cf. Chélation intramoléculaire, p24) mais permet également de caractériser des liaisons. Du fait que le bismuth soit un atome lourd, les bandes d’élongation νC–Bi ne sont attendues qu’à des nombres d’onde très faibles, ne pouvant être enregistrées sur des appareils communs. Dans cette optique de caractérisation de la liaison C–Bi par IR, tous les composés 1 ont été analysés au Synchrotron SOLEIL sur un appareil avec une gamme de nombres d’onde allant de 25 à 600 cm-1. Afin d’analyser ces spectres, les structures correspondantes ont été modélisées, et les fréquences IR calculées. Néanmoins, de manière à mieux corréler avec l’expérience, la contribution anharmonique dans le calcul des fréquences de vibration doit être prise en compte. Or ces calculs sont extrêmement chronophages et ils n’ont malheureusement pas encore tous abouti. A titre d’exemple, voici les valeurs pour Ph3Bi concernant ses fréquences d’élongation symC–Bi. On observe donc une bande d’élongation symétrique (élongation en phase des 3 liaisons C–Bi) relevée expérimentalement à 197,8 cm-1, encadrée par les valeurs théoriques des fréquences harmoniques et anharmoniques. Les valeurs théoriques et expérimentales sont proches mais le temps de calculs de la contribution anharmonique est très conséquent (un peu moins de 2 ans en temps CPU), pour une molécule qui est la plus simple de la série (cf. Schéma 49).

Schéma 49 : Fréquences d’élongation symC–Bi expérimental et théoriques

La spectroscopie micro-onde a également des exigences techniques nécessitant une certaine volatilité du composé à de basses températures, ce qui n’est pas le cas de nos composés. Ceci aurait permis de sonder les diverses conformations endo/exo des molécules

ortho ou méta substitués synthétisés dans ce travail.

Une des techniques d’analyses poussées auquelle nous avons eu recours, est la RMN. Les spectres RMN peuvent également être calculés. La démarche expérimentale est détaillée dans les paragraphes suivants.

Détermination des conditions d’analyses RMN

La réaction de synthèse des triarylbismuths (Ar-BiAr2) peut conduire à la formation de dimère (Ar-Ar) ayant des spectres RMN assez similaires.

Cependant l’analyse par RMN 1H montre que les signaux des triarylbismuths sortent à peu près aux mêmes déplacements chimiques 1H que ceux du dimère. Il aurait donc intéressant de disposer de tables à incréments capables de prévoir les déplacements chimiques des 1H/13C des Ar3Bi tenant compte à la fois des effets électroniques et stériques des substituants. Mais la tâche est ardue du fait des diverses conformations endo/exo. Ces conformations vont positionner les 1H/13C de manière différente par rapport aux 3 cônes d’anisotropie diamagnétiques.

Nous avons observé que les signaux des 1H/13C en ortho ou méta de diverses molécules possédant une symétrie locale sur le noyau aromatique (pTol, Mesityl, pAn) n’étaient pas dédoublés. Cela signifie que les spectres réalisés à TA (23 °C) sont au dessus de la température de coalescence des signaux : à 23 °C la rotation autour de la liaison C–Bi est très rapide. Quelques essais de détermination de température de coalescence ont été effectués (dans notre cas, la température en dessous de laquelle des 1H chimiquement équivalents à TA

adoptent un environnement chimique distinct du fait d’une restriction de rotation). Ainsi pour

1pB la température de coalescence est de ~ -65 °C dans CDCl3 sur un appareil AV400 et vaut ~ -35 °C pour 1I. Cela signifie que la rotation autour de la liaison C–Bi est plus aisée dans le cas de 1pB que de 1I, ce qui est logique, le remplacement des H par des méthyles augmente la gêne stérique et donc diminue la libre rotation autour de la liaison C–Bi.

Par conséquent les molécules ont été analysées à TA (23 °C). Attribution des signaux RMN

En absence de DRX, la totale attribution des signaux RMN 1H et 13C est la meilleure preuve de structure d’un composé. Nous prendrons l’exemple de la totale

attribution des signaux RMN 1H (Schéma 18) et 13C (Schéma 20) de la molécule 1oH ci-contre.

Le spectre RMN 1H de 1oH montre 5 dd (S1, S2, S5, S6 et S7) et 2 td (S3 et S4). Les td sont ceux de H-d et H-e sans savoir pour l’instant qui de S3 ou S4 est H-d ou H-e. Afin de connaitre les deux dd (sur les 5) appartenant à H-c ou H-f, on fait appel à la COSY (Schéma 19). Sur une

COSY, une tâche de corrélation apparait entre deux signaux couplés. On retrouve cette information par recoupement des valeurs de constantes de couplages aux erreurs de lectures près : il s’agit d’un système de spin à 4 noyaux correspondant à celui du noyau aromatique. Le second système de spin S5/S6/S7 correspond au système vinylique.

5.5 7.0 7.5 5.2 5.3 5.4 5.5 5.6 6.8 6.9 7.0 7.1 7.2 7.3 7.4 7.5 7.6 7.7 7.8

Schéma 18 : Spectre RMN 1H (400 MHz ; CDCl3) de 1oH Schéma 19 : Spectre COSY de 1oH Schéma 17 : 1oH

Le spectre 13C (Schéma 20) fait apparaitre 8 signaux d’intensités et de largeurs différentes (S’1 à S’8). La HSQC est riche d’informations. Elle fait apparaitre des tâches de corrélation entre un signal 13C et un signal 1H quand ce carbone porte ce proton. Cela permet de repérer les signaux des carbones quaternaires IVC (S’1 et S’2) correspondant à C-a et C-b. De plus, le fait que S’8 soit corrélé en 1J à S6 et S7 est la preuve que S6 et S7 sont les signaux

de deux protons diastéréotopiques en l’occurrence H-h et H-h’. S’8 est donc le signal de C-h. Pour attribuer précisément S6 et S7, on analyse les valeurs des constantes de couplage d’un système vinylique. Sachant que 3Jtrans>3Jcis>2Jgem, le signal de H-h’ est celui qui aura la plus grande constante de couplage (avec H-g). S6 correspond donc à H-h’ et S7 à H-h. Ces deux signaux, S6 et S7 (H-h’ et H-h) sont couplés à S5 (d’où H-g). Connaissant H-g (S5) on détermine le signal de C-g(S’3) à l’aide de la HSQC.

Schéma 20 : Spectre RMN 13C (100 MHz ; CDCl3) de 1oH

5.5 7.0 7.5 114 116 118 126 128 130 132 140 142 144 146 154 156 158

Schéma 21 : Spectre HSQC de 1oH

La HMBC (Schéma 22) fait apparaitre des taches de corrélation entre les signaux des C et ceux des H quand il existe 2 et/ou 3 liaisons entre eux. Attention, dans certains cas, des taches assez faibles sont éliminées par les filtres multiquanta. Ainsi, afin de discriminer les deux signaux (S’1 et S’2) des IVC (C-a et C-b), on va regarder lequel corrèle en HMBC avec S6 et S7, les signaux de H-h et H-h’. Le nombre de

liaisons entre C-a et ces deux H est trop élevé pour permettre une telle corrélation. C-b

attribué, l’autre est donc C-a avec son signal S’1 très faible et sa largeur de pic si importante. Ensuite, la HMBC permet de discriminer les deux triplets (S3 et S4), l’un pour H-e et l’autre

7.0 115 130 140 145 155

pour H-d. H-e est à 3 liaisons de C-a (corrélation HMBC S’1/S4) et H-d est à 3 liaisons de

C-b (corrélation HMBC S’2/S3). Une fois ces triplets attribués, la COSY permet de dire quel triplet est couplé avec quel doublet. Cette attribution RMN 1H faite, un retour sur la HSQC permet de terminer l’attribution RMN 13C.

Ce travail a été réalisé pour tous les composés 1 dans la mesure du possible, s’il n’y a pas superposition ou imbrication trop importante des signaux.

Spécificité de la RMN 13C

Une analyse comparative a montré que tous les signaux des IVC au pied du Bi avaient un signal anormalement faible dû à un pic très large, preuve de la présence d’un atome lourd, à cause de la contribution quadrupolaire de la relaxation, mais qui peut être également dû au couplage avec le Bi.

Figure 15 : Spectre RMN 13C de Ph3Bi enregistré dans CDCl3 (48 mg dans 0,6 mL de CDCl3 ; 2048 scans)

Le déplacement chimique du Cipso (au pied du Bi) a été ensuite analysé comparativement au sein de la série des triarylbismuths préparés 1. Cela a permis de montrer que l’influence du Bi sur le carbone était constante en termes de constante d’écran. Cela signifie que l’on peut déterminer une constante d’écran constante pour Ar2Bi quelque soit le noyau que porte le Bi. Le déplacement chimique  d’un signal 13C est donné selon la formule à incréments suivante :

𝛿𝑡ℎé𝑜 = 128,5 + ∑ 𝐼𝑝𝑜𝑠𝑖𝑡𝑖𝑜𝑛𝑆𝑢𝑏𝑠𝑡𝑖𝑡𝑢𝑡𝑎𝑛𝑡

𝑝𝑎𝑟𝑎

Éq. 121

- (i) le nombre constant 128,5 correspond au déplacement chimique (en ppm) de tous les carbones du benzène, équivalents de par la symétrie de la molécule. L’incrément de H est de 0 ppm. Le solvant de référence est CDCl3.

- (ii) l’autre variable de la formule correspond aux incréments que l’on additionne en fonction des substituants présents sur l’aryle. Cette valeur dépend de la nature du substituant (-Me, -OMe, -CN, NO2, …, Bi) et de sa position (ipso, ortho (×2), méta (×2), para). Cette formule est basée sur une table compilant les incréments de 709 benzènes monosubstitués.148 Sachant que le déplacement chimique expérimental du Cipso de Ph3Bi enregistré dans CDCl3

vaut 155,4 ppm, nous pouvons donc en soustraire l’incrément de Bi en ipso : 𝑰𝒊𝒑𝒔𝒐𝑩𝒊 = 155,4 − 128,5 = 𝟐𝟔, 𝟗 𝒑𝒑𝒎

Éq. 122

En partant de cela nous pouvons comparer les déplacements chimiques des Cipso

expérimentaux et calculés de 24 triarylbismuths, certains analysés au cours de ce travail, d’autres au cours de la thèse de B. Cassirame.149

148 : D. E. Ewing Org. Magn. Reson. 1979, 12, 499 – 524.

149 : B. Cassirame « couplages C-C utilisant des triarylbismuthines catalysés par le PEPPSI » Thèse de l’ICMPE/ESO 2012.

Entrée -R I(R) ppm exp ppm théo ppm ppm 1 -H 0 155,4 155,4 0 2 m-CO2Me - 0,1 155,4 155,3 + 0,1 3 p-CO2Me + 4,3 161,8 159,7 + 2,1 4 o-OMe - 14,4 143,0 141,0 + 2,0 5 m-OMe + 1,0 156,8 156,4 + 0,4 6 p-OMe - 7,7 145,3 147,7 - 2,4 7 o-Et - 0,5 154,5 154,9 - 0,5 8 o-Me + 0,7 154,5 156,1 + 1,6 9 m-Me - 0,1 155,1 155,3 - 0,2 10 p-Me - 3,0 151,5 152,4 - 1,1 11 m-COMe - 0,1 156,1 155,3 + 0,8 12 p-COMe + 4,4 162,4 159,8 + 2,2 13 p-CN + 4,3 162,4 159,7 + 2,7 14 o-CF3 - 3,2 160,6 152,2 + 8,4 15 m-CF3 + 0,4 156,2 155,8 + 0,4 16 p-CF3 + 3,4 160,1 158,8 + 1,3 17 p-F - 4,4 149,7 151,0 - 1,3 18 p-CHO + 5,7 164,4 161,1 + 3,3 19 o-C≡C-H + 3,6 163,1 159,0 + 4,1 20 p-NMe2 - 11,5 143,8 143,9 - 0,1 21 o-iPr -1,9 155,2 153,5 + 1,7 22 o-tBu - 3,3 164,0 152,1 + 11,9 23 o-vinyl - 2,3 155,3 153,1 + 2,2 24 mesityl -1,6 155,1 153,8 + 1,3

Tableau 9 : Déplacements chimiques des Cipso expérimentaux et calculés avec la formule

Les valeurs expérimentales et calculés sont très proches avec une déviation maximale de ± 3 ppm (valeur acceptable en RMN 13C) à l’exception des groupements o-CF3, o-C≡C-H et o-tBu (entrées 14, 19 et 22) où l’écart est assez élevé ( vaut 8,4 ; 4,1 et

11,9 ppm respectivement). A posteriori (après l’analyse des structures modélisées) des déviations sont observées quand les groupements en ortho présentent des interactions stéréo-électroniques avec le Bi. Ces interactions modifient les propriétés stéréo-électroniques du Bi ce qui ne permet plus d’avoir une constante d’écran constante.

La cohérence entre les valeurs expérimentales et calculées permet de valider la formule et l’incrément I(Bi)ipso.

Modélisation des spectres RMN 13C

A partir des structures modélisées (cf. CHAPITRE V

Modélisation structurale des triarylbismuths), nous avons cherché à prévoir les déplacements chimiques RMN des 13Cipso à l’aide de calculs théoriques via la méthode GIAO

(Gauge-Independent Atomic Orbital) implémentée dans le logiciel Gaussian.150

Les déplacements chimiques théoriques bruts obtenus par le biais de cette méthode ne sont pas calculés par rapport à la référence TMS. On recalibre ensuite le délacement chimique en prenant en compte le déplacement chimique théorique du TMS selon l’équation suivante :

𝛿𝐶 = 𝛿𝑇𝑀𝑆− 𝛿𝑁.𝐶

Éq. 123

où 𝛿𝐶 est le déplacement chimique théorique calibré par rapport au TMS, 𝛿𝑇𝑀𝑆 le déplacement chimique du TMS et 𝛿𝑁.𝐶 le déplacement chimique non calibré.

La structure du TMS a tout d’abord été optimisée avec la fonctionnelle DFT (base

cc-pVTZ) dans le CDCl3 (modèle SCRF-PCM) puis les déplacements chimiques 13C déterminés dont la moyenne 𝜹𝑻𝑴𝑺 vaut 189,5 ppm avec PBE0 et 184,9 ppm avec B3LYP à titre de comparaison.

Quelques structures ont été choisies (-H, p-F et o-Me) et également réoptimisées dans CDCl3 avec la fonctionnelle PBE0 et B3LYP. Ensuite les valeurs des déplacements chimiques

13C dans CDCl3 ont été calculées puis retranchées à celles du TMS. Ces valeurs théoriques du

13Cipso sont affichées dans le Tableau 10 dans lequel elles sont comparées aux valeurs expérimentales et calculées à l’aide de la formule.

150 : a) F. London J. Phys. Radium 1937, 8, 397 – 409 ; b) R. McWeeny Phys. Rev. 1962, 126, 1028 ; c) R. Ditchfield Mol. Phys. 1974, 27, 789 – 807 ; d) K. Wolinski, J. F. Hilton, P. Pulay J. Am. Chem. Soc. 1990, 112, 8251 – 8260 ; e) J. R. Cheeseman, G. W. Trucks, T. A. Keith, M. J. Frisch J. Chem. Phys. 1996, 104, 5497

Méthode -R B3LYP (cc-pVTZ) PBE0 (cc-pVTZ) Calculées avec la formule Expérimentales H 161,6 158,8 155,4 154,9 p-F 155,6 150,1 151,0 149,7 o-Me 161,3 156,0 156,1 154,5

Tableau 10 : Comparaison des déplacements chimiques (en ppm) des Cipso expérimentaux, calculés par la

formule et théoriques (par laméthode GIAO)

En moyenne sur les déplacements chimiques du 13Cipso, la déviation moyenne en B3LYP est de 4,22 %, en PBE0 de 1,25%, et de 0,74 % calculé avec la formule à incrément. La formule à incrément donne une meilleure prédiction du δ (13Cipso) à la seule condition d’avoir l’incrément en question. Dès qu’une structure est plus originale, les incréments ne seront plus disponibles, ou non valide. De là ce travail deviendra très pertinent. Toujours est-il que les résultats théoriques sont précis et montrent la performance de la méthode PBE0 combinée aux pseudopotentiels sur le Bi.

Pour avoir une meilleure précision des calculs théoriques par rapport aux résultats expérimentaux, d’autres termes correctifs sont primordiaux tels que les couplages spin-orbite. Ces termes non scalaires sont responsables de l’induction magnétique, c’est-à-dire de l’interaction du spin de l’électron avec un champ magnétique, d’où leur importance pour les études de spectroscopie RMN. Pour cela il faut avoir recours à des méthodes prenant en compte de tous les effets relativistes.

Conclusion de chapitre

Une Bismuth’èque de 28 composés a été constituée dans le but de d’établir des bases de données analytiques qui seront confrontées aux résultats théoriques developpés dans les chapitres suivants.

CHAPITRE IV