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11 Analyse de texte du paradigme actuel

Voici des citations de l’ouvrage de Jacques Monod,le hasard et la nécessité. Ce petit ouvrage, très facile d’accès, enchantera par la clarté de son propos. Les considérations politiques, que l’auteur aborde à la fin de son ouvrage, seront discutées plus tard.

« La pierre angulaire de la méthode scientifique est le postulat de l’objectivité de la Nature. C’est-à-dire le refus systématique de considérer comme pouvant conduire à une connaissance « vraie » toute interprétation des phénomènes donnés en termes de causes finales, c’est-à-dire de « projet ». [...] Postulat pur, à jamais indémontrable, car il est évidemment impossible d’imaginer une expérience qui pourrait prouver la non-existence d’un projet, d’un but poursuivi, où que ce soit dans la nature [. . .] L’objectivité cependant nous oblige à reconnaître le caractère téléonomique des êtres vivants, à admettre que dans leurs structures et performances,

ils réalisent et poursuivent un projet. Il y a donc là, au moins en apparence, une contradiction épistémologique profonde. Le problème central de la biologie, c’est cette contradiction elle-même, qu’il s’agit de résoudre si elle n’est qu’apparente, ou de prouver radicalement insoluble si en vérité il en est bien ainsi. »

« Nous admettrons cependant l’hypothèse que, dans ce système, les interactions mo-léculaires qui assurent la transmission et l’interprétation des signaux chimiques sont dues à des protéines douées de propriétés de reconnaissance stéréospécifiques diffé-rentielles, auxquelles s’applique le principe essentiel de gratuité chimique tel qu’il se dégage de l’étude des interactions allostériques proprement dites. »

« On peut donc voir une contradiction dans le fait de dire que le génome « défi-nit entièrement » la fonction d’une protéine, alors que cette fonction est attachée à une structure tridimensionnelle dont le contenu informatif est plus riche que la contribution directement apportée à cette structure par la détermination génétique

[. . .] l’enrichissement d’information correspondant à la formation de

la structure tridimensionnelle provient de ce que l’information géné-tique (la séquence) s’exprime en fait dans des conditions initiales bien définies (en phase aqueuse, entre certaines limites étroites, de tem-pératures, composition ionique, etc. ) telles que parmi toutes les structures possibles, une seule d’entre elles est en fait réalisable »

« Il s’ensuit en effet qu’il n’y a pas de mécanisme possible par quoi la structure et les performances d’une protéine pourraient être modifiées et ces modifications transmises, fût-ce partiellement, à la descendance, si ce n’est comme conséquence d’une altération des instructions représentées par un segment de séquence de l’ADN.

Tandis qu’inversement, il n’existe aucun mécanisme concevable par quoi

une instruction ou information quelconque pourrait être transférée à l’ADN. Le système tout entier, par conséquent, est totalement, intensément conser-vateur, fermé sur soi-même, et absolument incapable de recevoir quelque en-seignement que ce soit du monde extérieur »

« Nous disons que ces altérations sont accidentelles, qu’elles ont lieu au hasard. Et puisqu’elles constituent la seule source possible de modifications du texte génétique, seul dépositaire à son tour des structures héréditaires de l’organisme, il s’ensuit nécessairement que le hasard seul est à la source de toute nouveauté, de toute création dans la biosphère. Le hasard pur, le seul hasard, liberté absolue mais aveugle, à la racine même du prodigieux édifice de l’évolution »

« En ce sens l’évolution sélective, fondée sur le choix des rares et précieux inci-dents que contient aussi, parmi une infinité d’autres, l’immense réservoir du hasard microscopique, constitue une sorte de machine à remonter dans le temps»

I.11 Analyse de texte du paradigme actuel

Passons maintenant à l’ouvrage de François Jacob la logique du vivant, livre plus long et donc un petit peu plus difficile d’accès mais qui représente une formidable histoire de la biologie. Inutile de préciser qu’il a eu une très forte influence sur ce chapitre.

« Ce qui est chiffré le long de la chaîne nucléique, ce qui est recopié signe par signe pour être scrupuleusement transmis d’une génération à l’autre, c’est la collection des plans détaillant les architectures de la cellule bactérienne ; c’est l’ensemble des prescriptions permettant d’échafauder minutieusement toute la série des édifices pro-téiques. Le programme n’est pas transcrit et traduit d’un trait mais par segments. La lecture du message peut être comparée, non à celle d’un rouleau qu’on déviderait d’un bout à l’autre, mais plutôt à celle d’un livre d’instructions dont on consulte les pages en fonction des besoins. Certaines régions du programme contiennent des directives qui renvoient à d’autres régions selon les circonstances. » « La lecture du message génétique ressemble ainsi à la musique que produisent les machines à disques dans les cafés. En appuyant sur un des boutons, on peut choisir parmi les disques de la machine, celui qu’on désire entendre. Mais en aucun cas on ne peut modifier ni le texte ni l’exécution de la musique enregistrée. De même, un segment du texte génétique contenu dans le chromosome de la cel-lule bactérienne peut être transcrit ou non, selon les signaux chimiques reçus du milieu ; mais ceux-ci n’en peuvent modifier la séquence, donc la fonction. Le vieux mot d’adaptation couvre ainsi deux choses différentes. D’un coté il s’agit d’un phénomène survenant chez l’individu ; il traduit en quelque sorte

la réponse de l’organisme à quelques facteurs externes, mais c’est tou-jours dans les limites permises par les instructions contenues dans le programme. De l’autre coté, au contraire, il s’agit de modifications survenant dans une population, c’est alors un changement du programme lui-même, sous l’effet d’une pression qui favorise certains des programmes à mesure qu’ils apparaissent.»

«La plupart des situations auxquelles peut se trouver confronté un co-libacille sont prévues dans le message. Le programme contient ainsi les plans de toutes les pièces nécessaires pour faire une bactérie et il donne à celle-ci les moyens de faire face aux difficultés de la vie courante. Mais ce n’est qu’un programme. Dans les processus qui conduisent à recopier la séquence nucléique, soit par la reproduction soit pour les synthèses protéiques, l’ADN joue le rôle pas-sif d’une matrice. Hors de la cellule, sans les moyens d’exécuter les plans, sans

l’appareillage de copie ou de traduction, il reste inerte, tout comme reste inerte une bande magnétique hors de son magnétophone. Pas plus que la mémoire d’une calculatrice, celle de l’hérédité n’agit par elle-même. Fonctionnel seulement au sein de la cellule, le message génétique ne fait rien tout seul. Il peut seulement guider ce qui fait. Pour que soient produites les machines à partir des plans, il faut les machines. Aucune des substances qu’on peut extraire de la cellule n’a la propriété de se reproduire. Seule la bactérie, la cellule intacte, est capable de croitre et se reproduire car elle seule possède à la fois le programme et le mode d’emploi, les plans et les moyens de les exécuter. »

« Ces moyens d’exécution, ce sont les protéines. Sur leurs propriétés reposent toutes les activités de la cellule, son architecture, son intégration.Les protéines agissent, non pas en formant des liaisons chimiques, mais en s’associant à d’autres composés. Leur structure leur confère en effet une vertu unique : celle de « reconnaitre » avec exactitude une ou plusieurs espèces chimiques seulement dans la mixture la plus hétérogène. La précision de ce choix, sa spécificité déterminent les relations qui s’établissent entre les constituants de la cellule. Elles en gouvernent toute la chimie. »

« Dans un système aussi complexe, seule la coordination des éléments donne une unité au système. Formée de quelques milliers d’espèce moléculaires, siège de quelques milliers de réaction chimiques qui se déroulent simultanément à toute vitesse, la cel-lule bactérienne ne peut former une totalité fonctionnelle sans une étroite cohésion de ses constituants. Tous les échanges de matière et d’énergie doivent être réglés dans le détail pour que puisse s’accomplir le dessein de la bactérie : produire deux bactéries. La petite cellule bactérienne ne saurait donc être une simple col-lection d’espèces moléculaires enfermées dans un sac et soumises aux lois statistiques qui régissent les éléments simplement juxtaposés et indépendants les uns des autres. Il fautun réseau de communication pour tenir informés les constituants qui se trouvent éloignés les uns des autres à l’échelle atomique et pour en commander les activités particulières en fonction de l’intérêt général et du but commun. A toutes les étapes de la chimie cellulaire interviennent des circuits de régulation pour co-ordonner les réactions et les ajuster aux exigences de la production. Moyennant une faible dépense d’énergie, la cellule adapte ainsi son travail à ses besoins. Elle ne produit que ce qu’il lui faut quand il lui faut. L’usine chimique est entièrement automatique. »

I.12 Commentaires et description du paradigme actuel

« Chaque système vivant relève alors de deux plans d’analyse, de deux coupes, l’une horizontale, l’autre verticale, qui ne peuvent être dissociées que pour la commodité de l’exposé. D’un coté, il s’agit de distinguer les principes qui régissent l’inté-gration des organismes, leur construction, leur fonctionnement ; de l’autre,

ceux qui ont dirigé leurs transformations et leur succession. Décrire un système vivant, c’est se référer aussi bien à la logique de son organisation qu’à celle de son évolution. C’est aux algorithmes du monde vivant que s’intéresse aujourd’hui la biologie. »