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ANALYSE DE L’APPLICATION DES NOUVELLES CONDITIONS

SECTION I: RÉTROSPECTIVE SUR LA RÉALITÉ INHÉRENTE AUX DIFFICULTÉS

SECTION 1: ANALYSE DE L’APPLICATION DES NOUVELLES CONDITIONS

SECTION 1 : ANALYSE DE L’APPLICATION DES NOUVELLES CONDITIONS D’HABILITÉ À TÉMOIGNER DES ENFANTS À PARTIR D’UNE ÉTUDE JURISPRUDENTIELLE

En Angleterre et aux États-Unis, les réformes de la loi ont répondu au besoin de favoriser l’engagement des enfants dans une procédure judiciaire et ont eu un impact certain. Elles ont permis aux enfants de témoigner de manière libre et sereine. En abolissant l’enquête de compétence et en autorisant les enfants à témoigner de façon non assermentée, ces réformes anglaises ont encouragé les enfants à dénoncer les actes d’abus dont ils ont été victimes. Elles ont mené au respect des droits de l’enfant de s’exprimer et de se faire entendre. Avec l’installation des mesures d’accommodations184, les législateurs anglais et américains ont

donné à l’enfant témoin l’opportunité de ne pas vivre un trouble psychique dû à un témoignage en direct à la vue du public et surtout de son agresseur. Il est bien connu qu’il est difficile pour un enfant de faire face à son agresseur, surtout si celui-ci a un lien de

184 Voir : Bradley D. McAuliff et Margaret Bull Kovera, « The status of evidentiary and procedural

innovations in child abuse proceedings » dans Bette L. Bottoms et al., Children and the law. Social science and policy, Cambridge, UK, Cambridge University Press, 2002; Helen L. Westcott, Graham M. Davies et John R. Spencer, « Children, Hearsay, and the Courts. A perspective from the United Kingdom » (1999) 5:2 Psychology, Public Policy, and Law, 282-303.

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parenté avec lui. En effet, « en plus d’être des agresseurs intrafamiliaux, les pères et les beaux-pères qui sont, par exemple, les plus souvent nommés par les enfants victimes, représentent une figure parentale d’autorité »185, ce qui peut évidemment les pousser à se

renfermer. En leur permettant de témoigner derrière un écran ou avec une personne de soutien, par exemple, les réformes de la loi ont soulagé le stress et l’anxiété des enfants témoins186. Larroy et al. expliquent cet état de stress et d’anxiété de l’enfant face à la

structure judiciaire en soulignant que :

Children, like adults, often find encounters with the legal system stressful. Testifying in open court (or while facing the defendant) and being cross-examined are among the most distressing aspects […], and these same factors are associated with poorer memory performance […]. In experimental studies, where it is possible to verify the accuracy of children’s memory, children’s free recall is less complete and their responses to direct questions are less accurate when they are questioned in a courtroom than in a more familiar location (e.g., a classroom) or less intimidating environment […]187.

Le stress et l’anxiété peuvent vraisemblablement affecter les aptitudes des enfants témoins. Ces états physiques les empêchent, en conséquence, de fournir un témoignage complet et véridique. Lors de la reconstruction des souvenirs, le stress diminue la capacité de rappel des enfants. Il les rend confus et embrouille leur mémoire, ce qui fait que les enfants ne se souviennent pas toujours des détails spécifiques d’un événement. En outre, le stress permet l’incorporation des erreurs dans le souvenir. Le stress et l’anxiété sentis par un enfant peuvent influer sur la qualité et la quantité d’informations qu’il est susceptible de rapporter et, par conséquent, peut faire diminuer ou augmenter les erreurs dans sa déclaration :

When school aged children become anxious, they offer less information spontaneously […]. Their answers become shorter. Under stress, school aged children require more cues to remember details.

These child witnesses do not necessarily make a conscious decision to behave in this way. Upset school aged children may act like pre-schoolers in that they may cry and try to be uncooperative […].

Adolescents can be very emotional and may be easily upset. They are very sensitive about their bodies. They do not want to imagine, remember or discuss any damage that has been done to their body. They may also be very modest and may avoid answering embarrassing questions. Adolescents can become angry and uncooperative when provoked. […] This can be damaging

185 Jacinthe Dion et al., « L’influence des habiletés cognitives, de l’âge et des caractéristiques de l’agression

sexuelle sur la déclaration des présumées victimes » (2006) 30 Child Abuse & Neglect 945-960, p. 955.

186 Bette L. Bottoms, Margaret Bull Kovera et Bradley D. McAuliff, Children, Social Science, and the Law,

Cambridge, University Press, 2002, p. 350 et s.

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to their credibility if the trier of fact does not appreciate that there is likely not an ulterior motive behind an angry outburst188.

Il est alors essentiel de ne pas stresser l’enfant témoin et de le mettre à l’aise afin qu’il puisse faire son récit, et ce, pour atteindre l’objectif de recherche de la vérité. Des changements dans la loi anglaise ont tenu compte des intérêts de l’enfant dont leur protection d’une part, contre leur agresseur et d’autre part, contre les troubles psychologiques engendrés par l’acte de témoigner. Étant donné que les recherches rapportent que participer à un procès pénal peut nuire au développement psychologique et comportemental d’un enfant189, il arrive que l’enfant en question soit dispensé de témoigner

ou d’assister à l’audience juridique. Alors que les tribunaux anglais sont maintenant plus ouverts à l’idée de faire témoigner un enfant et à considérer leur preuve, ceux des États- Unis restent encore plus réticents.

Au Canada, la réforme de 2006 semble aussi avoir apporté des changements au niveau de la manière de considérer les enfants témoins et leurs déclarations. Afin de déterminer ces effets, nous avons réalisé une étude des décisions canadiennes depuis 2006.

Par. 1. Présentation de l’étude jurisprudentielle

Cette étude de la jurisprudence a été réalisée dans le but de déterminer les effets judiciaires de la réforme de 2006 lorsque la question du témoignage des enfants a été évoquée. Avec nos recherches, nous avons recensé soixante-dix (70) décisions judiciaires qui parlaient des enfants de moins de 14 ans, témoignant sur promesse de dire la vérité au Canada. Ces décisions concernaient le procès pénal, car nous avons écarté le procès civil. Les soixante- dix décisions ont été utilisées à des fins statistiques. Toutefois, nous avons choisi de commenter les décisions les plus pertinentes dans ce mémoire parce qu’elles étaient plus motivées que d’autres. Nous avons analysé des décisions de tous les niveaux d’instances, c’est-à-dire de première instance et d’appel des différentes provinces canadiennes.

188 Nicholas Bala, John Philippe Schuman et Kang Lee, « Developmentally Appropriate Questions for Child

Witnesses » (2000) 25 Queen’s Law Journal 251-304, p. 302 et s.

189 Voir : Nicholas Bala, John Philippe Schuman et Kang Lee, « Developmentally Appropriate Questions for

Child Witnesses » (2000) 25 Queen’s Law Journal 251-304; Stéphanie Bujold, L’enfant victime d’abus sexuel devrait-il témoigner ?, Essai de maîtrise en psychologie, Université Laval.

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Cependant, il n’y a aucune décision de la Cour suprême qui s’est prononcée sur le sujet. Les décisions190 dans cette étude sont celles qui ont été rendues à compter de 2006, année

de l’entrée en vigueur de l’article 16.1. Lors de cette étude, on a calculé le pourcentage à la fois des décisions où une enquête de compétence a été menée et celles dans lesquelles elle ne l’a pas été. On a également calculé le pourcentage des enfants qui ont réussi et qui ont échoué l’enquête lorsqu’il y en avait une, de même que le pourcentage de ceux qui étaient considérés comme habiles à témoigner et non habiles quand il n’y avait pas d’enquête. Les décisions sélectionnées dans le cadre de cette étude touchent uniquement les enfants témoins de moins de 14 ans régis par l’art 16.1 de la Loi sur la preuve au Canada. Autrement dit, l’étude s’applique aux enfants qui témoignent sur promesse de dire la vérité et qui sont présumés habiles à témoigner. Les enfants de 14 ans et plus n’ont pas été pris en compte, car ils sont régis par l’art 16 de la Loi sur la preuve au Canada et témoignent sous serment ou affirmation solennelle. Ils ne sont plus, par ailleurs, présumés habiles à témoigner.

190 Ces décisions proviennent des différentes instances des provinces canadiennes (Cour suprême du Canada,

Cour de justice de l’Ontario, la Cour d’appel de l’Ontario, la Cour provinciale du Manitoba, la Cour provinciale de la Colombie-Britannique, Cour d’appel de la Colombie-Britannique, la Cour suprême de la Colombie-Britannique, la Cour du Banc de la Reine en Alberta, la Cour provinciale de l’Alberta, la Cour provinciale de la Nouvelle-Écosse, la Cour d’appel de la Nouvelle-Écosse, la Cour suprême de l’Ile du Prince Edward, la Cour du Banc de la Reine au Nouveau-Brunswick, la Cour du Banc de la Reine au Saskatchewan, la Cour supérieur du Québec, la Cour d’appel de Terre-Neuve-et–Labrador, la Cour Suprême de Terre-Neuve- et-Labrador). Si au départ, les décisions étaient au nombre de 90, certaines d’entre eux (20 décisions) dépassent le champ d’intérêt de notre analyse et en conséquence, on a accompli notre étude avec 70 décisions en tout. À souligner également que dans cette étude, les enfants sont autant des témoins victimes que des témoins ordinaires d’un événement. Le plus grand nombre de ces décisions touchent les affaires d’abus (97% des cas) et quelques-unes des décisions en question sont liées aux litiges de droit de visite ou de tutelle d’enfant (3% des cas). L’âge des enfants dans l’étude varie de 3 à 14 ans car même si les études en sciences sociales soulignent que les enfants sont capables de se souvenir d’un événement dès leur très jeune âge, pour pouvoir témoigner, il faut qu’il ait la capacité de communiquer. Par ce fait, l’âge de 3 ans a été pris comme âge minimum dans cette étude car à cet âge, un enfant commence à bien articuler les choses de façon compréhensible et peut répondre à une question qui lui est posée. La réponse qu’il apporte, se fera

59 Tableau191 récapitulatif d’une étude des décisions canadiennes relatives au témoignage

des enfants

191 La structure du tableau de même que la division des tranches d’âge des enfants ont été inspirées à partir

d’un des travaux du professeur Nicholas Bala et son équipe. Voir par exemple Nicholas Bala et al., Projet de loi C-2, loi modifiant le Code criminel (protection des enfants et d’autres personnes vulnérables) : revue de la jurisprudence et des perceptions des juges, Ottawa, Ministère de la justice, 2011.

Catégorie d’enfant Victime Témoin Ordinaire

Nombre (n) Pourcentage (%) Nombre (n) Pourcentage (%)

Enfant reconnue habile à témoigner, sans enquête de compétence :

3 - 5 ans 6 - 9 ans 10 -13 ans Total 1 21 31 0,97 20,39 30,10 0 4 10 0 3,88 9,71 (n= 67 /103 enfants) soit 65,05 %

Enfant non habile à témoigner, sans enquête : 3 - 5 ans 6 - 9 ans 10 -13 ans Total 1 0 0 0,97 0 0 0 0 0 0 0 0 (n=1/103 enfants) soit 0,97 %

Total de décisions où il n’y a pas eu d’enquête de compétence

(n=48/70 décisions) soit 68 % Enfant reconnue habile à témoigner

avec enquête : 3 - 5 ans 6 - 9 ans 10 - 13 ans Total 4 20 7 3,88 19,42 6,80 0 0 2 0 0 1,94 (n=33/103 enfants) soit 32,04 %

Enfant non habile à témoigner avec enquête : 3 - 5 ans 6 - 9 ans 10 - 13 ans Total 1 1 0 0.97 0.97 0 0 0 0 0 0 0 (n=2/103 enfants) soit 1,94 %

Total de décisions où il y a eu enquête de compétence

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Par. 2. Analyse des résultats

Il ressort de cette analyse jurisprudentielle que depuis les réformes de 2006, 68 % des décisions judiciaires (n=48/70) n’ont pas mené une enquête de compétence pour déterminer la capacité des enfants à témoigner. Dans ces décisions, il a été constaté que 65,05 % des enfants témoins (n=67/103) ont été jugés habiles à témoigner. En outre, seulement 0,97 % des enfants en totalité (n=1/103), a été jugé inapte à rendre témoignage, ce qui est très minime. Notre analyse montre que sans la tenue d’une enquête, 0,97 % des enfants très jeunes (3 à 5 ans) a été jugé apte à témoigner et dans la tranche de 6 à 9 ans, 24,27 % des enfants l’ont été aussi. Concernant les plus âgés (10 à 13 ans), 39,81 % des enfants ont été considérés compétents pour témoigner. Par ce fait, dans 68 % des cas, les tribunaux ne mènent pas l’examen d’habilité pour apprécier la compétence des enfants témoins. Les juges se basent uniquement sur les dossiers communiqués à la défense (par exemple, les enregistrements vidéo d’une entrevue, les bandes vidéo, etc.) avant l’audience192. Ainsi, un

192 Supra note 136, p. 59.

Nombre de décisions où les juges soulèvent des inquiétudes concernant le témoignage des enfants et font des mises en garde au jury

(n=12/70 décisions) soit 17,14 %

Nombre de décisions où les juges n’ont soulevé aucune faille ou problème lié au témoignage d’un enfant donc n’ont pas émis des mises en garde au jury.

(n=58/70 décisions) soit 82,86 %

Nombres de décisions où les

déclarations antérieures

incompatibles des enfants témoins étaient présentes et ont été admises comme preuves

(n= 7 /7 décisions) soit 100 %

Nombre de décisions où les déclarations par ouï-dire des enfants témoins étaient présentes et ont été admises à titre de preuve.

61 enfant n’est alors appelé à témoigner que si le procureur de la Couronne est convaincu, lors de la visualisation de la bande ou l’enregistrement vidéo, qu’il peut véritablement répondre aux questions sur les événements en question193. La vidéo qui est présentée à l’avocat de la

défense avant le procès permet souvent au juge de l’enquête de savoir si un test est utile ou pas et, en général, il n’est pas nécessaire, surtout depuis la réforme apportée194. Ces

résultats sont conformes au sondage effectué par Nicholas Bala et al., dans lequel a été noté que « dans une proportion importante des dossiers, l’enfant est jugé habile à témoigner sans tenue d’une enquête, souvent sur le fondement de documents communiqués à la défense avant l’instruction »195. Autrement dit, avec l’entrée en vigueur de l’art. 16.1 de la Loi sur

la preuve au Canada, rares sont les enfants considérés inaptes à témoigner même sans accomplissement d’enquête, et ce, dans toutes les tranches d’âge. Avec l’application de la présomption d’habilité à témoigner, tous les enfants, quel que soit leur âge (3 à 13 ans), ont moins de chance d’être jugés incompétents et donc incapables de raconter leur histoire devant la cour de justice, et ce, sans avoir passé un examen sur leur habilité à témoigner. Cela marque un grand tournant dans la façon de considérer les enfants témoins et leurs paroles dans le processus judiciaire, car rappelons que lors de l’application de l’art 16 de la loi de 1988, ils devaient tous systématiquement subir un test, et en conséquence, nombreux sont ceux qui l’ont échoué. Cet échec, si on se souvient bien, s’explique par le fait qu’ils n’arrivaient pas à démontrer leur compréhension de l’obligation morale de dire la vérité ou de l’importance de ne pas raconter un mensonge. De plus, avec l’art 16, les jeunes en bas âge (3 à 5 ans) avaient encore moins de chance de témoigner devant le tribunal contrairement aux résultats issus de l’art 16.1 de la Loi sur la preuve au Canada.

Il résulte également de cette étude jurisprudentielle que dans 32 % des décisions examinées (n=22/70) une enquête de compétence a été pratiquée pour connaître l’habilité des enfants à témoigner. Ce résultat est assez bas si on le compare au pourcentage des décisions (soit 68 %) qui n’ont pas fait de test. En revanche, dans les 22 décisions où les tribunaux ont pratiqué un examen, 32,04 % des enfants (n=33/103) ont été jugés aptes à témoigner et seul

193 Supra note 62, p. 68. 194 Supra note 62, p. 68.

195 Supra note 136, p. 59. Voir aussi Nicholas Bala et al., « The Competency of Children to Testify:

Psychological Research Informing Canadian Law Reform » (2010) 17 International Journal of Children’s Rights 1-25, p. 68.

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1,94 % des enfants (n=2/103) en ont été trouvés incapables. Notre étude montre également qu’avec la tenue d’une enquête, 3,88 % des enfants de 3 à 5 ans ont été désignés habiles à témoigner et dans le groupe de 6 à 9 ans, 19,42 % l’ont aussi été. Pour ce qui des 10 à 13 ans, 8,74 % des enfants ont été jugés compétents à rendre témoignage. Autrement dit, avec la réforme, même si certains enfants peuvent être considérés comme incompétents (dans 1,94 % des cas), la majorité (dans 32 % des cas) est fréquemment jugée apte à offrir un témoignage lorsqu’il y a une enquête, et ce, quel que soit leur âge (3 à 13 ans). Ce qui est une bonne chose pour les enfants témoins, puisqu’à présent, ils sont traités de manière équitable et le système judiciaire pénal ne les empêche plus de s’exprimer ou de se faire entendre. Il ne faut pas oublier cependant que faire témoigner un enfant n’est pas en tout temps bénéfique pour lui, parce que cela risque d’affecter sa santé mentale et même son développement comportemental. Il est connu que le processus judiciaire peut causer un traumatisme chez l’enfant196. Il peut troubler le développement de son esprit et lui causer

davantage de dommages que de protéger son intérêt. En plus, si l’enfant est traumatisé et que ses souvenirs sont embrouillés, son témoignage risque d’être entaché d’erreurs. En conséquence, il sera non fiable. Dans ce sens, le témoignage d’un enfant ne favorise pas la recherche de la vérité et l’équité procédurale. Au contraire, il va nuire à cette recherche et de ce fait causera préjudice à la bonne administration de la justice et à l’intérêt de la société à ce que le procès soit équitable. Ainsi, le tribunal doit porter une attention particulière à chaque enfant, car même s’il peut être jugé compétent dès son jeune âge, cela ne veut pas dire que son bien-être ne va pas en être altéré et qu’il ne subira aucun dommage dû à son témoignage.

Par. 3. Appréciation critique des résultats

Dans l’ensemble, si avec l’ancien article 16 de la Loi sur preuve au Canada, les tribunaux menaient ordinairement une enquête afin de savoir si un enfant est habile à témoigner ou pas, actuellement, il en est autrement. Depuis que les enfants sont devenus présumés habiles à témoigner, les tribunaux effectuent encore le test pour connaître leur compétence,

196 Voir : Nicholas Bala, John Philippe Schuman et Kang Lee, « Developmentally Appropriate Questions for

Child Witnesses » (2000) 25 Queen’s Law Journal 251-304; Stéphanie Bujold, L’enfant victime d’abus sexuel devrait-il témoigner ?, Essai de maîtrise en psychologie, Université Laval, 1998.

63 mais pas aussi souvent qu’auparavant, soit au cours de l’application de l’art 16. En d’autres termes, ils font rarement ledit test. En conséquence, le nombre d’enfants considérés habiles à témoigner a largement augmenté. Ce constat est doublement bénéfique, puisque cela prouve que l’enfant s’exprime davantage de nos jours et que la valeur de sa parole est de plus en plus reconnue dans l’arène juridique. En revanche, les résultats des études nous permettent de soulever certaines questions quant à savoir si l’augmentation du nombre d’enfants qui témoignent dès leur très jeune âge (environ 2 ou 3 ans) constitue un réel bienfait.

Rappelons que les recherches en sciences sociales197 ainsi que les déclarations des

professionnels judiciaires dans certaines décisions198 ont confirmé que participer au

processus pénal pourrait causer du tort au développement des enfants. Il pourrait troubler leur éducation. Il s’agit d’un critère dont il faudrait éventuellement tenir compte.

L’étude de la jurisprudence nous a permis de constater qu’à partir des réformes de 2006, avec ou sans examen d’habilité, les enfants dans tous les groupes d’âge incluant les plus jeunes entre 3 et 5 ans, qu’ils soient victimes ou simples témoins, sont tous généralement jugés compétents à relater leur expérience à la barre des témoins. Ces conclusions sont compatibles avec le résultat du sondage fait par Nicholas Bala et al., qui soutiennent que « […] dans tous les groupes d’âge, il y a des enfants qui sont considérés comme inhabiles à témoigner ; cependant, même dans le groupe d’enfants les plus jeunes (3 à 5 ans), près de la moitié des juges ont déclaré qu’ils n’avaient jamais, en vertu des nouvelles dispositions, établi qu’un enfant n’avait pas la capacité de témoigner »199. La croissance du nombre

d’enfants capables de témoigner, avec ou sans la tenue d’une enquête, semble s’expliquer par la mise en place de la présomption d’habilité à témoigner et qui est accompagnée de la promesse de dire la vérité du témoin enfant. Depuis que les enfants sont présumés habiles à