• Aucun résultat trouvé

Une alliance thérapeutique fondamentale dans une prise en charge pluriprofessionnelle

5.3 Résultats pour les MG

5.3.4 Une alliance thérapeutique fondamentale dans une prise en charge pluriprofessionnelle

5.3.4.1 Une prise en charge globale, non spécifique basée sur l’alliance thérapeutique

5.3.4.1.1 Accompagner un changement progressif et identifier des facteurs de bon pronostic

Tous les MG évoquaient la poursuite de la prise en charge comme un changement progressif venant du patient lui-même.

MG3JS : « Donc euh... c’est là ou moi je me dis, enfin que les choses… parce que… elle a évolué pendant 10 ans. C’est pas la même personne que j’ai vue il y a 10 ans et que je vois aujourd'hui. Donc euh... même si elle est un peu dans le même échec… où sur le plan clinique et… même si ça s’est plutôt aggravé. Moi je pense qu’elle a progressé sur son envie de s’en sortir. Elle est consciente qu’il faudrait qu’elle grossisse mais qu’elle n’y arrive pas. Alors qu’avant il ne fallait pas qu’elle grossisse. Donc il y a des choses qui évoluent. Toutes ces prises en charge lui ont permis d’évoluer. »

MG3JS : « Donc moi mon rôle c’est d'être là, de… je crois que les gens ont la capacité en eux de guérir. »

MG5JS : « c’est plus le malade qui va euh... trouver les ressources pour aller mieux et nous on n’est là que pour faire sorte qu’il ne soit pas trop en souffrance. »

La guérison pour la majorité des MG était un retour à une normalité des critères de mesure anthropométriques : le retour à un IMC normal, le retour des règles, l’intégration sociale et l’arrêt de la purge.

MG5A : « …elle a repris du poids euh... et voilà. Donc là, on considère, voilà, elle est sortie du truc, elle a repris du poids. Quand on la voit, elle est bien !… »

MG6A « quand elle a arrêté de vomir ça allait mieux »

Certains pensaient qu’un diagnostic précoce et une prise en charge précoce étaient de bon pronostic. MG5JS : « je pense tout de suite à deux jeunes patientes où les périodes d’anorexie duraient très peu de temps enfin de 3 à 6 mois et après avec un suivi par des psychiatres spécialisés dans l’adolescence et euh... elles ont vite tourné la page. Peut-être que ça reviendra mais bon… pour le moment on a tourné la page. »

MG6JS : « je pense que, par rapport à quelqu'un qui vous dit ça à 50 ou 55 ans, j’ai l’impression que l’impact que l’on peut avoir sur la prise en charge sera moins efficace que quelqu'un qui a 20 ans. Donc je me suis dit… on est dans une situation ou si on peut avoir un bénéfice important pour elle, euh... en tous cas il faut essayer tout de suite et pas perdre de temps »

Aucun MG n’a évoqué de décès ou de risque de décès des patients décrits.

5.3.4.1.2 Ecouter en prenant du temps

La plupart des MG ressentaient qu’ils avaient un rôle important à jouer malgré les difficultés

Certains MG pensaient qu’instaurer une relation dans le temps permettait la discussion autour des TCA. MG6JS : «Euh... et en fait au bout de 10 ans elle m’a raconté qu’elle était anorexique puis boulimique. »

Avec l’objectif que la patiente souffre le moins possible.

MG5JS : « Ben j’essaye de faire en sorte que, elle souffre le moins possible » Les rôles d’écoute, de conseil et d’orientation étaient évoqués

MG5JS : « Maintenant je peux rester là pour la conseiller, je te dis, pour l’orienter, pour l’écouter surtout parce que c’est souvent ça. euh... j’essaye de… »

MG5JS : « il y a une part de conseil, d’écoute et de conseil… ça c’est sûr. »

Plusieurs MG évoquaient l’importance de savoir créer un relais dans une bonne coordination des soins. MG6P : « Voilà, je dirais surtout une place de dépistage, et euh... et puis voilà, et puis savoir euh... savoir passer la main dans ce que euh... les choses s’aggravent. »

MG10JS : « Il y a un rôle de coordination, non ? Il est de mise en relation ! De mise en relation et de garder le lien, de garder la relation… de relation avec le patient et de travailler ça et de continuer à peser, de continuer à suivre, des objectifs, enfin des choses comme ça. Mais de,

Tous les MG disaient vouloir instaurer un climat de confiance en premier lieu, d’être un acteur de confiance, un point fixe.

MG6JS : « le rôle c’était d’avoir euh... c’était d’avoir instauré un climat de confiance pour qu’elle réussisse à pouvoir se livrer »

MG6JS: « Ben c’est toujours pareil, c’est notre rôle primordial c'est de coordonner un petit peu toute la santé du patient et de l’intégrer dans tout le contexte de toutes ces pathologies ou de euh... de tout le reste en fait. Ça c’est notre rôle de coordinateur euh... de gestion de toute la personne. …Et ça je pense que notre présence est vraiment utile. Vous savez ils sont un peu perdus les gens. »

MG9JS : « Et puis on reste en général, quand les gens ont confiance en nous, c'est-à-dire quand ils nous ont choisis comme médecin traitant euh... on est les premiers à qui les gens viennent se confier quand même en fait. Parce qu’ils ont bien compris que c’est nous qui pouvons les aiguiller, les orienter si il faut en fait. »

En permettant à la patiente de revenir en lui assurant qu'elle ne sera pas rejetée, en étant bienveillant et sans jugement.

MG3JS : «Elle sait que de toute façon quoi qu’elle fasse, elle pourra toujours euh... enfin je ne la mettrai jamais dehors quoi. Donc euh... bon. Alors ça c’est peut-être une chose qui fait que euh... elle est capable de ... Elle revient »

MG6JS : « Il n’y aura pas de jugement de valeurs. »

MG3JS : « moi je prends du temps donc euh... et j’ai toujours un regard bienveillant sur les patients. Donc moi enfin je suis incapable de juger une chose quoi. Je peux juger des actes, faire ça ou ça. Mais euh... ce n’est pas un jugement sur la personne. Et du coup, je pense qu’elle n’a pas souvent des gens qui ont ce regard-là. Et ça c’est réconfortant quoi »

MG5JS : « Moi ma prise en charge je dirai que c’est une femme que j’ai beaucoup écouté. Puis qu’elle avait des choses à dire »

MG3JS : « Et moi là-dedans je suis à peu près la seule personne avec qui euh... qui est le point fixe voilà, qu’elle voit régulièrement. »

Et de ressentir une bienveillance réciproque entre le MG et le patient.

MG3JS : « Non. Ah non, non. Non et puis elle n’a pas du tout envie de me mettre en échec. Enfin sa façon d'être, elle est aussi bienveillante avec moi, comme je suis avec elle »

Certains MG insistaient sur un suivi dans le temps en étant au contact du contexte de vie des patients, de connaître les patients dans leur globalité.

MG6JS : «Remotiver des gens, par exemple sur un suivi hospitalier, si ils ont des soins un peu flottants, enfin voilà. Donc on, si le, si le médecin hospitalier attire notre attention sur quelque chose dans un courrier, on pourrait revenir dans une consultation ultérieure si euh.... On a l’avantage de revoir les gens dans des contextes différents hors du problème prise en charge et ça nous permet aussi de pouvoir euh... assurer un suivi dans le temps en parallèle. » MG6JS : « Donc un changement on le voit. Ça c’est irremplaçable ! C’est pas toujours vrai parce

que les nouveaux patients etc… Dans la majorité des cas on connait le patient, on connait l’entourage, on connait son histoire. On connait des gens qui les connaissent. Tout ça ça fait voilà… c’est un réseau qui est peut-être aussi efficace que des outils. Qui permettent de donner des scores »

MG5P « mon atout c’est de connaître la personne dans son intégralité, de savoir quand ça ne va vraiment pas, et quand ça peut aller »

Quelquefois, une position parentale en tant que MG était assumée.

MG3JS : « Je ne sais pas qu’elle vision elle a de … c’est des gens qui ont des relations au père et à la mère très perturbée, donc est-ce qu’on prend une place de ça euh... autant que hein… personne référente. J’en sais rien peut-être… »

Certains MG se sentaient comme premier maillon d'une chaîne pluridisciplinaire.

MG5JS : « Ben je ne la remets pas en cause puisqu’on est premier interlocuteur souvent. Mais euh... comme dans les troubles addictifs on ne peut pas agir tout seul je pense. »

Et quelques uns étaient réflexifs sur le fait que la médecine n’était pas toute puissante.

MG3P : « Ce n’est pas de l’impuissance au sens euh... je ne suis pas euh... je ne le vis pas mal cette impuissance. Je ne suis pas euh... je n’ai pas le dogme de la médecine toute puissante. Ça fait bien longtemps que je ne l’ai plus.»

5.3.4.1.3 le MG comme médecin de la famille

Beaucoup de MG se sont présentés comme étant les médecins de familles des patients et de l’entourage.

MG4A : « Oui, oui je la connaissais bien et je connaissais la famille aussi, hein, comme un médecin de famille »

Un MG a estimé que sa prise en charge avait permis d’améliorer le dialogue intrafamilial.

MG9P : « On a fait des choses qui ont mis, là aussi, qui ont fait une sorte d'électrochoc qui du coup, font que le, le, le dialogue dans la famille a certainement évolué aussi. »

Un autre réalisait même des entretiens familiaux.

MG2A : « j’ai aussi eu des entretiens avec la famille. »

5.3.4.2 Des solutions à double tranchant pour faire face aux difficultés et à la solitude en tant

que soignant

5.3.4.2.1 Une volonté de se prouver son efficacité

Certains MG se lançaient eux même un défi pour résoudre les troubles et se sentir efficace.

MG3JS : « … on a vraiment des personnes qui ont des troubles enfin, des troubles du comportement par rapport à l’alimentation qui sont, qu’il faut résoudre si on veut être efficace.» La sensation d'impuissance venait de la pathologie elle-même plus que des recours possibles du médecin ou de ses compétences

MG5JS : « Mais peut-être que euh... l’impuissance elle est peut être liée à la pathologie aussi.» Quelques MG insistaient sur leur volonté de rôle de prévention, de premier recours :

MG10JS : « Je crois que c’est vraiment important dans un truc de prévention, le dépistage de prévention d’abord, de faire attention à son poids. Bon, c’est un indicateur, on se coiffe, on se

pèse, on se lave les dents, c’est de la prévention. C’est aussi du dépistage, donc ça c’est des places importantes et puis du coup ça s’articule avec des soins. »

MG4P : « Ben je pense que c’est souvent le médecin généraliste qui a la première place. »

5.3.4.2.2 Trouver des solutions pour ne pas être seul : une équipe pluriprofessionnelle et

surtout le psychiatre

Tous les MG sentaient qu’ils ne pouvaient prendre en charge seuls les patients atteints de TCA, pour ne pas « prendre le patient seul sur leurs épaules »

MG5JS : « Et puis dans les autres euh... dans les… parce que tel que ça a été défini, c’est quand même majoritairement des patientes enfin… c’était la boulimie, l’anorexie, ce sont les symptômes cardinaux tel que ça a été noté. Donc euh... C’est une prise en charge euh... multi-pluridisciplinaire je dirais… mais avec euh... euh... il ne faut pas que le médecin généraliste soit le seul à prendre ça sur ses épaules je pense. »

MG6JS : « Ben c’est quand les choses sont tellement intriqués avec euh... des troubles de l’humeur avec des troubles euh... viol dans l’enfance euh... des situations sociales ou compliquées, enfin quand les difficultés sont cumulées ça devient un peu compliqué. Et si on pense qu’il y a derrière un trouble psychiatrique un peu plus profond ou… on a aussi là besoin de mobiliser des ressources que l’on a pas tous forcément en ville. »

Le psychiatre était essentiel dans la prise en charge, comme un acteur de confiance, connaissant les molécules et les thérapies à utiliser

MG3JS : « Ben euh... excellente question. Je pense qu’il apporte de la stabilité déjà. C'est-à-dire un 2ème point fixe qui n’est pas négligeable »

Ainsi que des équipes pluri professionnelles compétentes en psychiatrie

MG2JS : « Je pense que les anorexiques euh... ça doit être au minimum pluridisciplinaire. Je pense que c’est clairement pas raisonnable de prendre en charge tout seul une patiente anorexique. »

La plupart des MG orientaient leur patient vers un psychiatre, certains d’entre eux précisaient avoir eu recours aux spécialistes en présence de critères de gravité :

MG7A : « Donc j’ai dit à la mère que, que la gamine nécessitait un suivi, que moi je n’étais pas apte à l’effectuer…»

MG6A : « ça nécessitait vraiment un euh... prise en charge spécialisée pour laquelle j’avais, enfin, qui ne relève pas de la médecine générale et qui nécessitait une prise en charge intensive. Donc euh... à la fois sur le plan de l’intensité des troubles et de la nécessité d’une prise en charge très fréquente et rapprochée. Euh... c’était pas dans le domaine de la médecine générale.

5.3.4.3 La coordination des soins : un problème supplémentaire

Le psychiatre était vu comme un collaborateur mais aussi un potentiel obstacle à la bonne prise en charge. Certains MG reprochaient aux psychiatres un manque de communication.

MG5JS : « Et au niveau synergie des soins c’est euh... enfin je veux dire qu’il n’y a pas de synergie dans les soins… il se passe des choses ou des entretiens dont on n’a pas la teneur, dont on ne sait pas euh... quel était le contrat avec les psychiatres, donc voilà »

MG6JS : « Donc euh... c’est assez habituel et encore plus à mon avis avec les psychiatres. Donc ça pose un problème réel de prise en charge. Quand vous n’avez pas de euh... quand vous décidez de faire quelque chose et que vous ne savez absolument pas de ce que ça a donné après euh... pour euh... s’autoévaluer et évaluer ses conduites décisionnelles et évaluer» MG6JS : « j’ai l’impression que les services psychiatriques que les psychiatres en tous cas se méfient énormément de l’écrit. Euh... la plupart des psychiatres avec qui j’ai travaillé ne mettaient pas grand-chose dans leurs dossiers. Il y a une espèce de crainte de, « j’écris, ça laisse des traces, ça peut être utilisé ».

MG9JS : « Donc pour avoir, savoir ce que pense un psychiatre d’un patient ben c’est exceptionnel qu’on ait des mots, des comptes-rendus, des… donc nous on le sait par le biais de ce que nous raconte les patients mais pas du tout par ce que nous raconte les psychiatres.» MG5JS : « le problème comme dans pratiquement toutes les prises en charge psychiatriques c’est qu’on n’a pas de retour. »

Certains doutaient de la performance de la psychothérapie ambulatoire.

MG3JS : « Oui ! Après sur l’aspect euh... psychothérapie ben malheureusement ils n’ont pas énormément de temps pour le faire. Je ne sais pas s’ils sont très performants. »

Un MG décrivait l’histoire de la psychiatrie française de façon négative

MG6JS : « Mmmh, je ne sais pas c’est, c’est de… je pense que c’est un courant dans la psychiatrie euh... je ne suis pas sûr que ce soit que française mais euh... c’est un courant de euh... , ce n’est pas du tout parano mais c’est de crainte d’utilisation euh... de choses qui sont écrites par d’autres par euh... il y a un courant dans la psychiatrie euh... il y a une défiance par rapport à l’utilisation de, de dossiers médicaux où on noterait des choses encore plus d’utilisation de dossier médicaux informatisés ou c’est encore plus lisible que les pattes de mouches ou les signes cabalistiques utilisés par certain, donc je pense qu’on hérite des années 70 euh... un courant libertaire dans la psychiatrie avec la psychiatrie dans les murs avec plein de choses qui font que voilà, on arrive à ça. bon peut-être qu’avec le temps euh... ça va se … ça va disparaître. »

Beaucoup de MG ressentaient que le patient disparaissait de ses consultations une fois le psychiatre contacté.

MG9JS : « C’est un des freins, je pense que oui. Parce que ce qui est paradoxal c’est qu’en même temps on a beaucoup de mal à adresser des patients chez les psychiatres. Ça c’est une

alors qu’on sait que ça fait des années qu’il faut le faire. Et on sent bien… quand on est dans cette phase-là, c’est nous qui gérons le patient donc ça va, mais après ça euh... dès qu’il a été adressé à un psychiatre, ce patient, il y a toute une partie du patient qui nous échappe en fait.» Quelques MG faisaient fait part de leurs difficultés pour accéder aux structures spécialisées :

MG5P : « Après le problème c’est qu’on court tous après le temps euh... que euh... et que les structures d’intervention ont, sont pas faciles à trouver et à mobiliser ».