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Agriculture et rareté des ressources naturelles

1. L’environnement dans l’économie agricole

1.2. Agriculture et rareté des ressources naturelles

L’agriculture française a réalisé, en effet, des gains de productivité re- marquables, dans un contexte où l’énergie était peu chère, et où le prix des ressources naturelles était quasiment nul pour les agriculteurs. Dès lors, l’intensification de recours aux intrants des cinquante dernières années a pesé sur l’environnement, comme le constate le rapport « Agriculture et environnement » de la Commission des comptes et de l’économie de l’envi- ronnement (CCEE), sur lequel est fondé l’essentiel de ce rapport.

2. Rapport « Agriculture et environnement »

CCEE (2005)

En synthèse, celui-ci constate qu’en premier lieu, la ressource en eau reste encore très sollicitée par l’activité agricole. Les volumes d’eau consommés par l’irrigation représentent sur l’année environ la moitié des volumes totaux con- sommés et atteignent 80 % de ceux consommés pendant la période estivale, qui est la période la plus sensible pour les milieux naturels. La consommation d’eau pour l’irrigation est concentrée dans le Sud de la France : 74 % de celle-ci sont localisés dans les bassins Adour-Garonne et Rhône-Méditerranée-Corse. Envi- ron 1,5 million d’hectares (soit 5 % de la surface agricole utile, SAU) sont aujourd’hui irrigués en France, la superficie équipée s’élevant à 2,5 millions d’hectares. Plus de la moitié de la surface irriguée est dédiée à la culture du maïs. Malgré la diminution des volumes de produits phytosanitaires utilisés due à l’évolution des matières actives depuis 1997, la contamination des eaux par les pesticides reste préoccupante. 46 % des points surveillés en rivière relèvent de classes moyennes à mauvaises, dépassant ainsi le seuil officiel de potabilité ; ce taux est de 25 % pour les eaux souterraines.

Concernant la pollution d’origine azotée, les activités agricoles seraient responsables des deux tiers des pollutions actuelles. 25 % des points suivis dans les eaux souterraines présentaient en 2001 des teneurs approchant ou dépassant la norme de potabilité de 50 mg/l. Pour les eaux superficielles, 7 % des points suivis étaient concernés par ce niveau de pollution. L’impact est beaucoup plus important en Bretagne, du fait de la concentration d’élevages hors-sol. La pollution azotée est, de plus, responsable de l’eutrophisation des eaux littorales. Certains signes encourageants existent toutefois en matière d’en- grais minéraux azotés du fait que les quantités d’azote utilisées augmentent moins vite que les productions les plus consommatrices de fertilisants. Cepen- dant, en raison des apports azotés d’origine organique et du caractère diffus de la contamination des sols, la qualité des eaux n’est pas en voie d’amélioration. Le phosphore induit une pollution des eaux superficielles par eutrophisa- tion. La différence entre les apports de phosphore (effluents d’élevage et en- grais) et leurs exportations via les cultures lors des récoltes permet d’estimer la quantité de phosphore qui se fixe sur les particules du sol et qui sera emportée

Les enjeux évoqués ci-dessus concernant la ressource en eau et sa qua- lité – mais il en irait de même pour les sols – sont bien de nature économi- que, puisqu’il faut engager des dépenses pour les restaurer. La recomman- dation qui s’en suit est qu’il faut responsabiliser les agriculteurs en leur fai- sant internaliser le coût des dommages correspondants, par le biais d’un signal-prix approprié.

L’expertise collective réalisée récemment par l’INRA et le CEMAGREF (Aubertot et al., 2005) à propos des pesticides permet de cerner les leviers d’action dont disposeraient les agriculteurs pour s’y adapter. Ceux-ci appa- raissent en fait diversifiés, puisque l’action peut se situer : au niveau des systèmes de culture, sachant que les systèmes spécialisés accroissent les risques réclamant l’application des pesticides ; ou par le choix de variétés plus résistantes, avec dans le cas des OGM, le besoin d’évaluer la durabilité de la méthode et leurs effets « externes » sur les agricultures voisines ; ou encore, au niveau de la dispersion des pesticides dans l’environnement, qui dépend en premier lieu du réglage des pulvérisateurs ; ou enfin, en recou- rant à des techniques plus économes en pesticides, évitant certains traite- ments préventifs systématiques, etc.

vers les eaux, lorsque le sol sera proche de l’état de saturation. Le solde de ce bilan s’élève pour l’ensemble de la France à 152 000 tonnes, soit près de 20 % des apports. Cette pollution est là encore plutôt localisée dans les zones d’éle- vage comme la Bretagne, en raison des importants épandages d’effluents d’éle- vage. Globalement, la part imputable à l’agriculture dans les flux de phosphore emportés par les cours d’eau est de 20 à 30 %.

En deuxième lieu, l’agriculture a un impact environnemental sur l’air, avec des effets locaux ou plus globaux. L’agriculture génère 98 % des émissions d’ammoniac, dont les retombées provoquent une acidification et une eutrophi- sation des milieux aquatiques. Elle cause aussi des pollutions, plus ponctuelles, de l’air par les produits phytosanitaires.

De 1993 à 2003, plus de 600 000 ha de prairie ont disparu alors que les surfa- ces de cultures annuelles n’ont augmenté que de 60 000 ha (L’environnement en France, IFEN, 2006). La décroissance tendancielle de l’indice d’abondance des oiseaux communs caractéristiques des zones agricoles est par ailleurs si- gnificative puisqu’il est passé de 1 en 1989 à 0,7 en 2004.

Enfin, la ressource en sols cultivables, support de la production agricole et sylvicole, est limitée et non renouvelable. Sa dégradation est en effet potentiel- lement rapide et ses processus de formation (pédogenèse) et de régénération extrêmement lents. Si la situation de la ressource en France est considérée comme satisfaisante, plusieurs pressions et processus de dégradation la mena- cent. Les usages agricoles des sols en sont pour partie responsables, les prati- ques culturales étant déterminantes sur l’évolution chimique, physique et bio- logique des sols. Quantitativement, l’érosion est le processus de dégradation des sols le plus important.

Le fait d’être confronté à de multiples arbitrages entre l’utilisation des pesticides, les rendements, ou le recours accru à d’autres facteurs de pro- duction, en fait un terrain d’élection pour le recours aux instruments écono- miques de régulation (Bureau, 2005). Ceux-ci visent en effet à instaurer un signal-prix permettant d’orienter globalement les choix vers le coût social minimal.

Les modalités en seront examinées ci-dessous. Cependant il faut signa- ler que son installation devrait s’inscrire dans une stratégie globale, stimu- lant l’innovation sur les techniques les plus économes, ainsi que la recher- che, notamment sur la détection des contaminations et les dommages asso- ciés, et assurant la formation des agriculteurs et des conseillers.

Un élément particulièrement notable est que ces intrants jouent un rôle essentiel de réducteur des risques pour l’agriculteur. Un moindre recours à ceux-ci implique donc un renforcement des autres instruments de préven- tion, de diversification, et de mutualisation de ces risques : sélection des produits, diversification des combinaisons de production et des débouchés, développement de l’assurance. Ainsi, la réflexion générale sur les instru- ments d’assurance et de lissage financier dans le secteur agricole doit-elle prendre en compte non seulement les conséquences de l’abandon des mé- canismes de soutien par les prix, comme le souligne la contribution de Bu- reau et al. qui suggère de maintenir un prix minimal garanti, mais aussi un contexte environnemental plus exposé aux risques environnementaux et sanitaires (cf. annexe II à ce rapport par Lecat).

De plus, la gestion de ces risques soulève deux difficultés. Tout d’abord les différents mécanismes d’assurance, publics et privés interagissent, avec par exemple, la difficulté d’imputer à la seule sécheresse des pertes qui peuvent résulter aussi de choix techniques inappropriés. Par ailleurs, cer- tains de ces risques sont systémiques (ou corrélés), étant associés à de faibles probabilités d’occurrence mais des dommages importants et tou- chant simultanément un grand nombre d’assurés. En résumé, on ne pourra donc échapper à une réflexion approfondie et systématique sur la gestion des fluctuations et des risques dans ce nouveau contexte agricole, et celle- ci devra associer des compétences très diverses, des agronomes aux ac- tuaires et spécialistes des marchés financiers.