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Agriculture et changement climatique

1. L’environnement dans l’économie agricole

1.3. Agriculture et changement climatique

Tout ce qui vient d’être vu à propos des engrais et phytosanitaires, et des pressions induites sur les ressources en eau ou les sols, se transpose à l’uti- lisation de l’énergie et aux émissions de gaz à effet de serre. L’examen de ce domaine permet de mettre en valeur deux autres éléments : d’un côté, le fait que ces contraintes environnementales sont incontournables et qu’il con- vient donc de s’y préparer ; de l’autre, que ce nouveau contexte peut procu- rer aussi des opportunités pour l’agriculture française.

Rappelons en effet que l’agriculture et la forêt contribuent à hauteur de 27 % aux émissions nationales de gaz à effet de serre. Si ces activités ne représentent en effet que moins de 5 % des émissions de CO2, l’agriculture est en revanche la principale source d’émission de protoxyde d’azote, du fait de la dégradation des engrais azotés dans le sol, et de méthane, émis par l’activité d’élevage. Comme précédemment, ceci doit conduire à identifier les moyens de diminuer ces émissions : optimisation des pratiques de ferti- lisation ; de l’alimentation animale ; maîtrise des consommations d’énergie ; méthanisation des effluents d’élevage, etc. Là encore, un signal-prix condi- tionne la mobilisation efficace de ces différents gisements.

Mais les interactions entre changement climatique et agriculture ne se limitent pas à la question de la maîtrise des émissions. Si la nature possède des capacités non négligeables d’adaptation au changement climatique, les usages de celle-ci peuvent en effet en être bouleversés.

Tout d’abord, il faut noter que les conséquences du réchauffement cli- matique sur les territoires ne sont pas uniformes. En matière de pluviosité, la France constitue en effet une zone charnière, qui pourrait être affectée par à un accroissement dans la partie nord et une diminution dans la partie sud. L’impact sur les rendements est par ailleurs la résultante d’effets directs sur l’écophysiologie des cultures du fait de la présence accrue de dioxyde de carbone dans l’atmosphère, qui stimule la photosynthèse, et qui sont donc plutôt favorables toutes choses égales par ailleurs, la période de croissance des plantes se trouvant de plus allongée ; et d’effets indirects liés à la plu- viométrie et à la disponibilité des ressources en eau, aux risques de séche- resse et à l’érosion des sols (Seguin et al., 2006).

Différentes études de l’INRA suggèrent ainsi que les grandes cultures et les prairies devraient être plutôt favorisées, tandis que les arbres fruitiers pourraient être exposés à des risques de gel accrus au moment de la florai- son. Pour la vigne, le réchauffement est plutôt gage de qualité et de régula- rité tant qu’il reste dans une gamme de 1 à 2 °C. Au-delà, il risque de poser problème pour la qualité et la typicité des productions traditionnelles (cf. cartes suivantes).

Régionalement, des effets plutôt positifs sont à attendre dans le nord de la France, au contraire de la partie sud où devraient apparaître des effets négatifs, qui pourraient prendre une grande ampleur, dans le cas de séche- resses répétées et persistantes.

Ce contexte doit être pris en compte dès maintenant pour toutes les décisions dont l’horizon atteint quelques dizaines d’années, au premier rang desquelles figurent évidemment les choix d’essences en sylviculture et en arboriculture. Plus généralement, il convient de le prendre en compte aussi dans toutes les décisions lourdes d’équipement, et de l’anticiper, en préser- vant les sols, et les variétés biologiques appropriées, et en réduisant la vulné- rabilité de l’agriculture à un risque accru de manque d’eau.

1. Évolution de la végétation a. Climat 1980 c. Climat 2100 b. Climat 2050 Alpin Sub alpin Sapins Chênes Châtaignier Pin maritime Chêne vert Source : CNDP. Très forte régression des groupes « chênes » et alpin

Extension du groupe méditerranéen à tout le Sud de la France Migration au Nord du groupe

Ce dernier sujet vient de faire l’objet d’une expertise scientifique collec- tive par l’INRA (Amigues et al., 2006). En effet, alors que la sécheresse de 1976 avait été vécue comme un événement exceptionnel, les sécheresses plus récentes, du début des années quatre-vingt-dix et surtout celles de 2003 et de 2005, ont été davantage perçues comme une des manifestations pos- sibles du « changement climatique » annonçant un retour plus fréquent de ces « anomalies » qui, de statut de catastrophe exceptionnelle, pourraient passer au statut de phénomène récurrent. Dans ce contexte, marqué par des tensions entre utilisations concurrentes de l’eau, la question de l’utilisa- tion de l’eau par l’agriculture n’a pas manqué d’être posée, notamment pour l’irrigation dans les situations géographiques les plus critiques, sachant qu’après un doublement entre 1980 et 1990, les surfaces irriguées se sont stabilisées depuis la fin des années quatre-vingt-dix. Ces surfaces irriguées sont concentrées dans 5 grandes régions : sud-est, sud-ouest mais aussi régions Centre, Poitou-Charentes et Pays de Loire.

Au-delà de ce sujet particulier, et compte tenu de l’arrivée à maturité de nombreux travaux sur les impacts du changement climatique sur les activi- tés agricoles, il serait souhaitable maintenant de synthétiser l’état de l’art en ce domaine. Comme le suggèrent Seguin et al. (op. cit.) une telle synthèse devrait considérer un vaste ensemble, prenant en compte l’ensemble des pressions exercés sur le milieu naturel, y compris par exemple les incendies de forêt et l’urbanisation.

La prévention du risque climatique offre par ailleurs de nouvelles oppor- tunités pour l’agriculture, les produits issus de la biomasse pouvant se subs- tituer aux ressources fossiles, d’une part, la séquestration du carbone dans les sols pouvant être favorisée, d’autre part.

S’agissant du premier axe, l’élément le plus médiatisé est la production industrielle de biocarburants. Toutefois, celle-ci a jusqu’à présent été large- ment conçue dans une logique de recherche de débouchés de substitution aux productions soumises à la réforme du soutien. Il convient sans doute d’avoir une approche plus prospective maintenant, considérant à la fois les débouchés biocarburants et biomasse, et examinant la compétitivité réelle des différentes filières à long terme, indépendamment des niches fiscales qui ont pu être créées. Une interrogation à cet égard réside dans le fait que la productivité pour produire des graines et celle pour produire de la bio- masse sont deux choses bien différentes qui appellent donc normalement des choix de production différents selon l’objectif visé. Une autre contrainte est, évidemment, que la légitimité de ce type de production ne sera assurée que si leur mode de production est lui-même satisfaisant au regard des autres considérations environnementales, préservation et qualité des ressources en eau, notamment (cf. annexe III de Delalande).

À noter, enfin, que malgré leur importance et le développement qu’ils connaissent actuellement, les biocarburants ne constituent qu’un débouché non alimentaire parmi d’autres pour l’agriculture et la sylviculture. À tra-

vers la « chimie verte », bien d’autres formes de valorisation des biomasses végétales sont envisageables : biolubrifiants, tensioactifs, alliages, biomaté- riaux et matériaux composites… Dans ce contexte, la mise en place d’inci- tations appropriées, et plus précisément d’un signal-prix pour orienter effi- cacement les choix d’utilisation du sol par l’agriculture entre ses différents débouchés, est évidemment cruciale.

S’agissant de la séquestration du carbone, la question est celle de la rémunération éventuelle des pratiques agricoles favorables, dans le cadre des mécanismes de marché ou de projets associés au protocole de Kyoto, par exemple. Elle en amène une autre, plus générale : est-il concevable que la rémunération explicite de bénéfices environnementaux représente une part significative de la rémunération des agriculteurs ?

2. Les instruments des politiques agro-environnementales