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Les trois forces que nous distinguons se font jour progressivement dans l’œuvre et nous pouvons distinguer trois étapes dans l’affirmation de cette écriture. Quelle que soit l’approche de l’œuvre, ce regroupement des romans en trois cycles est constant chez les critiques. Ainsi, après avoir pris Le Sang noir, « microcosme et anamorphose de l’œuvre », comme point d’entrée dans l’œuvre, Henri Godard distingue « les récits d’enfance », « les grandes chroniques », « les bilans de vie ». Bien que notre approche soit de nature différente, nous utilisons ce regroupement. Pour nous, le premier cycle est celui du silence imposé, le second celui de la parole illusoire et le troisième celui du l’écriture. Si Le Sang noir apparaît comme un point central de l’œuvre, c’est qu’il se trouve au point d’intersection des deux pôles "se taire" et "parler" et qu’il amorce une écriture du pôle "écrire".

En effet, dans les premiers romans et jusqu’au Sang noir, c’est d’abord le pôle « se taire » qui domine dans les textes où s’impose une écriture de la rupture et du

contraste. Dans ce premier moment de l’œuvre, le pôle « parler » joue essentiellement le rôle d’antagonisme nécessaire à l’écriture du silence. À partir du Sang noir, ce second pôle acquiert progressivement une autonomie, et génère une écriture de la continuité et de la mise à distance. Enfin, dépassant le schéma binaire d’affrontement dialectique entre « se taire » et « parler », le troisième pôle « écrire » met en œuvre, essentiellement dans les derniers romans, des textes où se développe une écriture qui intègre nettement rupture et continuité.

Ainsi l’observation du déploiement de l’œuvre permet d’approcher les réponses que Louis Guilloux a élaborées face à cette contrainte que constituaient pour lui la nécessité de se taire et l’impossibilité de parler. Chaque roman apporte une tentative de résolution spécifique à cette contradiction, qui n’est que la partie émergée des forces profondes qui le hantent. Les tensions intérieures que suscite l’antagonisme de ces forces deviennent ainsi la condition même de leur résolution par la seule exploration dynamique de son imaginaire.

La ligne de force, née de la dénonciation du mensonge social133, est constituée de la rupture, du retrait et du refus. La pauvreté implique le repliement et le refuge dans le dénuement. Cette forme de combat fait une véritable arme de l’oppression sociale et de l’impossibilité de prendre la parole, ou tout simplement de l’impossibilité de mettre en œuvre une parole qui ne soit pas mensonge dans un monde « nauséabond ». Cette force se construit à partir de tensions entre l’attaque et le repli, entre la brisure et la continuité, entre le refus total et la nécessité de continuer, entre la négation du temps et son acceptation résignée.

De La Maison du peuple au Sang noir toute l’exploration de l’imaginaire par

l’écriture se construit à partir de cette force en butte à une force opposée, mais non symétrique, celle de l’acceptation et de la nécessité de continuer, de garder du lien, d’habiter ce temps, malgré tout. Cette force est celle du parler, du dire ; elle pousse à entrer en relation, à communiquer pour construire une maison du peuple, un foyer

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Zareth-Motekhassess Mojgan affirme « que l’engagement de l’œuvre au profit de la vérité comporte aussi la mise à nu du mensonge. » Elle ajoute que « influencé par Pascal, il [Louis Guilloux] peint le Mal dont l’époque est imprégnée, dans un monde de violence, d’injustice et de fanatisme politique. Le mensonge, très présent également, se révèle à la naissance même de sa création romanesque. Il est à la base de La Maison du peuple, qui relate l’attitude mensongère d’un carriériste politique. » Mauvaise fleur de rhétorique…, p.59-60.

familial, une maison pour loger sa tante, ses frères ou son grand-père134, elle incite à mener un combat syndical pour défendre les plus démunis. Tous les premiers romans relèvent d’une écriture marquée par l’obligation de se taire mais intègre nécessairement une deuxième force, celle de parler, et qui se déploiera plus largement, mais surtout plus négativement, dans les romans publiés au centre de l’œuvre. La parole seule permet cette tension indispensable à l’expression de la première force. Dans Le Sang noir, les deux forces, se taire et parler, semblent parvenir à l’équilibre, non pas sur un plan statique, mais au contraire dans une tension exacerbée.

Cripure incarne à lui seul cette dialectique des deux forces contradictoires. Bien au-delà d’une transposition135 d’un personnage réel dans une œuvre de fiction la création de ce personnage, et plus généralement l’écriture de ce roman, a poussé l’écrivain à explorer la tension entre le silence et la parole. Dans ce roman, c’est tout un mode d’organisation des forces qui orientent son imaginaire que Louis Guilloux va découvrir en synthétisant et en intensifiant ce que les premiers romans n’avaient qu’effleuré.

Le silence imposé garde toute sa place dans ce roman du milieu de l’œuvre. En densifiant l’écriture explorée et assumée progressivement dans les cinq romans précédents, la création du personnage de Cripure136 réclame des contrastes de plus en plus marqués entre le silence et la parole. Au point que, pour la première fois dans l’œuvre, des forces relevant de la parole acquièrent leur autonomie et donnent naissance à des textes où la parole n’est pas réduite à la simple fonction de provocation à l’écriture

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C’est un des thèmes de Dossier confidentiel. 135

Alors que Louis Guilloux se trouve confronté à une petite polémique dont le monde littéraire a le secret, tel Flaubert à propos d’Emma Bovary, mais de manière plus nuancée, il dut affirmer à propos des rapports entre Georges Palante, Cripure et lui-même : « Comment eussent-ils pu comprendre que cette peau de bique je l’avais revêtue moi-même, que ce « personnage » ce n’était pas lui, mais nous, lui et moi ? » L’Herbe d’oubli.

136 Les études consacrées au seul personnage de Cripure abondent. Il a attiré et concentré sur lui des approches très diverses dans leurs méthodes mais qui toutes convergent vers cette notion de « contradictions ». Ainsi « parlant de ce personnage comme s’il était un homme réel, vivant » Anne Clancier affirme que « Cripure est un homme à la fois généreux et égoïste, plein de bons sentiments sur le plan intellectuel mais plein de haine dans sa vie journalière. » Elle en vient à montrer que Cripure souffre d’une « névrose de destinée » qui, selon Freud qu’elle cite, « désigne une forme d’existence caractérisée par le retour périodique d’enchaînements identiques d’événements, généralement malheureux, enchaînements auxquels le sujet paraît être soumis comme à une fatalité extérieure alors qu’il convient, selon la psychanalyse d’en chercher les ressorts dans l’inconscient et spécifiquement dans la compulsion de répétition. » L’écriture, poussée par les forces intérieures névrotiques, si l’on suit la psychanalyste, déploie les duplications de l’échec qui prend la forme d’une parole refusée.

du silence. C’est ainsi que des personnages comme Nabucet ou Babinot permettent à cette parole de se développer en nappes mensongères et illusoires. La reprise incessante, le ressassement et les enchâssements relèvent à l’évidence de la parole où rien ne cesse jamais, et où rien ne se rompt ni ne se brise. Une forme de continuité se met en place dans une construction circulaire, ou plutôt en spirale, dans laquelle, tout écho, tout renvoi fait progresser dans un mouvement qui permet à la fois les oppositions et les ruptures nécessaires au silence imposé, tout en créant la continuité inhérente à la parole.

Anne Clancier souligne enfin le rapprochement manifeste et conscient de la part de Louis Guilloux137 entre Cripure et Baudelaire138. Or, c’est justement à partir de l’analyse des rapports de Baudelaire avec ses poèmes que Charles Mauron, s’appuyant sur des travaux de René Laforgue, a montré que le moi social du poète recherchait l’échec qui seul permettait la réussite de l’artiste. Le Sang noir, par l’exacerbation de la dialectique des deux pôles exprimés jusque là dans l’œuvre, amorce ce dépassement. En effet, la domination du pôle « se taire » fait que dans chaque roman les figures et les thèmes de l’échec l’emportent. Aucun roman ne s’achève sur une perspective positive139, mais jamais la défaite et la rupture ne sont aussi brutales que dans Le Sang noir. Cripure incarne une série de révoltes qui l’ont mené dans une impasse. La grande concentration des éléments, tant sur le plan narratif que sur le plan des schèmes et des images, fait que ce roman pousse à l’extrême la possibilité d’écrire le silence dans un texte où les paroles prennent toute leur place.

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Elle note aussi que Louis Guilloux a pu avoir connaissance de ces travaux. Louis Guilloux n’a jamais nié la force de l’inconscient, mais il se refusait à s’y aventurer car il pressentait la force d’explication des motifs inconscients qui gouvernent un individu et une oeuvre mais qui n’en rendent pas compte non plus.

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Elle rappelle en effet que dans la pièce Cripure écrite à partir du Sang Noir, la sirène du bateau dont Cripure entend l’appel s’appelle « l’Albatros » et que le poème du même nom n’est pas sans évoquer le personnage de Cripure qui claudique parmi les humains. René Laforgue,

L’échec de Baudelaire, 1927.

139 La construction de la Maison du peuple tournait court avec la déclaration de la guerre : ce qui aurait pu apparaître comme une victoire des ouvriers s’effondre en une page. Dossier Confidentiel, roman dont le climat a souvent été perçu comme proche de nombres de romans de Dostoïevski, s’achève par un emprisonnement, un procès et la découverte d’un cahier personnel du personnage principal qui laisse penser à la folie. Dans Hyménée Maurice Lacroix se résigne à une vie qu’il n’a pas vraiment souhaitée, après une profonde crise personnelle, tandis que, dans

Angélina, la mort du père et la soudaine méchanceté de la mère, la dispersion des frères conduisent la jeune fille à la solitude, même si elle se marie in extremis. Ces premiers romans développent des schèmes de l’échec, de la rupture, du repliement, de la chute et de la sanction. La mort et l’oppression s’y développent dans des univers étouffants.

Mais Le Sang noir marque la fin de la prééminence du silence subi que la personnalité misanthropique de Georges Palante avait préfigurée. À partir du Pain des

rêves, la continuité l’emporte sur la rupture, il s’agit de créer un autre monde, utopique,

rêvé, manipulé et reconstruit par la parole et l’illusion, plutôt que de transformer celui-ci par un combat idéologique ou par une résistance impossible. Les images de l’adaptation, de l’aménagement, du progrès dans le refuge et dans la fuite prennent le dessus.

Ce mouvement de rééquilibrage de l’écriture du silence vers la parole ne peut se réaliser que par l’apparition d’une nouvelle et troisième force, quasi invisible dans l’œuvre jusque là, qui est celle de la nécessité d’écrire. Il n’est pas un de ses romans qui n’évoque cet acte. C’est à partir du Sang noir que l’inscription du thème apparaît nettement. Nabucet et Babinot donnent dans la parole et l’écriture de propagande, tandis que le surveillant pacifiste, Francis de Monfort, tente par des poèmes quelque peu surréalistes, d’inciter au pacifisme. Cripure, tout comme son modèle dans la vie réelle, a écrit et publié plusieurs ouvrages, et il travaille à un nouveau livre de notes la

Chrestomathie. Peu avant son suicide, Cripure découvre que ses chiens ont « boulotté »

ses papiers. De cette façon, Le Sang noir met en scène un échec de l’écriture qui ne parvient pas à dominer le chaos que la dialectique de la parole et du silence impose au roman. On peut souligner que Le Sang noir, en plaçant sur un plan d’équilibre antagoniste les deux forces qui habitaient jusque là la poétique de cette œuvre, introduit de fait la nécessité de l’écriture comme condition d’évasion hors de l’enfermement du silence subi et des paroles imposées. Chez Louis Guilloux, seul ce versant de l’imaginaire permet de subsumer l’affrontement de la parole et du silence et d’apprivoiser ce combat contre le temps qui prenait alternativement la forme de la rupture ou du refuge. Ce thème de l’acte d’écrire s’affirme progressivement à travers des situations narratives, des personnages, des modes d’énonciation et une écriture spécifique au point que chaque roman devient un roman de l’écriture. Par l’œuvre littéraire, on peut défier le temps, le reconstruire à l’infini, afin de ruser avec lui, grâce au « jeu de patience » de l’écriture.

Le silence subi

On l’a rappelé, pour Camus, Louis Guilloux fut le « romancier de la douleur ». La douleur se replie dans le silence : avant même que de pouvoir s’exprimer, elle s’enroule sur elle-même, se coupe de tout mouvement, de tout passé ou présent, de toute

illusion sur le Futur. Elle se tait et se fige. En prolongement de l’auteur de L’Etranger, ce silence premier peut être qualifié de « silence douloureux ». Il est fondateur, au sens où il semble constituer le point d’appui de toute la création romanesque de Louis Guilloux140. Dans cette œuvre, l’homme est embarqué malgré lui dans une douleur pétrifiante que seules quelques lueurs d’espoir semblent percer. C’est pourquoi, situé à ce point de rencontre entre l’expérience personnelle de l’auteur et sa saisie de l’histoire, ce silence doit être dit, écrit, afin de témoigner et de survivre, car il est nécessaire d’écrire pour sortir de la douleur. C’est sans doute de cette saisie existentielle première que naît la poétique de Louis Guilloux. Il n’est pas une de ses œuvres, pas une page de ses carnets, qui ne trouve sa source dans cette expérience fondamentale d’un silence pétri de déréliction, d’abandon, de rejet, de retrait et de stérilité créatrice141 auxquels l’œuvre oppose ces moments d’accord, ces « épiphanies textuelles ».

Certes, comme semblent le suggérer les relations complexes de Louis Guilloux avec son père d’une part, et avec Georges Palante d’autre part, il appartient à la psychanalyse d’interroger l’œuvre, à défaut de l’homme, pour dénouer l’écheveau des motivations inconscientes qui constituent le fondement de l’obsession de l’auteur. Mais l’homme a besoin de l’écrivain pour transformer ses obsessions en œuvre, nourrir de ses

140 Le silence hante littéralement Louis Guilloux : « l'homme cultivé est celui qui a la sagesse de ne pas essayer de se survivre », c'est « l'homme qui sait se taire ». Louis Guilloux à Jean Guéhenno, 4 mars 1931, fonds Jean Guéhenno, B. N. F. Richelieu. Lettre citée par Sylvie Golvet, Louis Guilloux, l’ambition d’un romancier, p.323.

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Un court texte inédit présenté en annexe de la thèse de Sylvie Golvet, Louis Guilloux, l’ambition d’un romancier, p.460, ne peut que renforcer cette idée. Nous citons quelques lignes de ce texte de trois pages :

« – Bien, dit le père… Bien, Ah, quelle boîte !… Personne ne lui répondit. Il se croisa les bras.

– Vous êtes tous, dit-il… contre moi… Mais attendez. Attendez… Nous verrons bien… Jeanne, à son tour, repoussa son assiette.

– Je ne peux plus, dit-elle.

Mais la mère s’approcha de Jeanne : – Mange, mange…

Et plus bas, elle lui souffla : – Ne dis rien… Tais-toi…

Mais Jeanne ne pouvait plus se taire.

– Toujours se taire, s’écria-t-elle, toujours subir… Et cette fois, elle sanglotait.

– Je ne veux pas… Je ne veux plus… – Jeanne, Jeanne ! suppliait la mère. Le père s’était déjà retourné. »

Extrait de Julien (inédit) (sans date, sans titre, titre forgé pour le catalogage), fonds Louis Guilloux, B.M. de Saint-Brieuc, cote LGO Inédits 15.01.05).

silences contraints une écriture qui, seule, est enfin source de paix. Ce silence répand comme un immense vide intérieur, un vide fait du sentiment de retrait, de rupture, « d’étrangeté » pourrait dire Camus, qui engendre, à force de malaise, une aspiration au mouvement, à la recherche de l’issue142. Le silence constitue le premier pôle de l’imaginaire de Louis Guilloux.

La parole mensongère et libératrice

Sortir du silence n’est pas chose aisée. Dans cette œuvre, cette échappée prend le plus souvent la forme d’une évasion hors de l’atelier, du bureau, ou plus naturellement, de la prison. Les romans sont emplis de ces scènes d’enfermement, et d’évocations de ces lieux stériles d’où l’on s’échappe avec peine. Louis Guilloux a tenté d’écrire un grand roman qu’il aurait appelé « La Délivrance » 143. Mais l’œuvre est restée inachevée et l’auteur n’en a publié que la première partie qui aurait dû s’intituler « L’évasion » et qui finalement a paru sous le titre Labyrinthe. Cette grande nouvelle, appartenant à la seconde partie de l’œuvre, recèle peut-être la clé de la poétique de Louis Guilloux : il faut s’évader du silence douloureux, errer et s’aventurer progressivement dans le monde des hommes fait essentiellement de paroles, afin de trouver peut-être, derrière la bonne porte, ouverte on ne sait par quel hasard, l’espoir d’aimer la vie. A partir de ce malaise quasi ontologique, l’écriture de Louis Guilloux se déploie en flots de paroles destinés à combler ce vide initial comme si elle ressentait, mais il s’agit bien sûr de ce que ressent son auteur, la nécessité d’explorer toutes les voies du labyrinthe de la parole.

Tout au long de l’œuvre, des personnages en proie aux pires difficultés sociales ou psychologiques, marchent ou errent, dans des lieux inconnus, indifférents, parfois hostiles. Cette déambulation sert le plus souvent de structure narrative, mais manifeste

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« Le roman l’a aidé à exprimer, exorciser et éloigner une part douloureuse de lui-même, qu’il voulait éclairer. A tous points de vue, il réalise que « le roman permet plus que l’autobiographie ». Remarque écrite par Guilloux dans les notes de travail pour le projet de « récit autobiographique » qui se serait appelé Les Jeunes années ou Vingt ans ma belle âge » (Fonds Guilloux, LGO Notes 01.01, folios 50 à 57). De plus, Sylvie Golvet attire l’attention des critiques sur un court texte « Sur l’offense » ainsi que sur des lettres de Louis Guilloux qui livreraient une réflexion douloureuse sur les offenses subies par Louis Guilloux et sur son incapacité au bonheur. Elle souligne que « cette incapacité l’intrigue et le fait souffrir, c’est pourquoi il a besoin de passer par l’écriture, qui serait une recherche d’éclaircissement, même s’il s’agit d’une véritable « torture ». » Sylvie Golvet, Louis Guilloux, l’ambition d’un romancier…, p.206 et p.208.

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L’histoire de la publication tardive de ce texte est présentée dans la postface rédigée par Yvonne Besson. On y apprend notamment que ce texte fut rédigé en 1950 et 1951.

aussi symboliquement la conception que l’auteur se fait de l’homme. Plongé dans un silence personnel négatif, dominé par la force du silence subi, Louis Guilloux projette son malaise intérieur sur nombre de personnages « douloureux » contraints à la rupture, au rejet et au refuge, ou à l’errance. L’écriture se plie à cette tension incessante entre la perception d’un moment de malaise, empli de silence (dont les conditions d’apparition sont produites par des situations narratives choisies à dessein), et le flot de paroles dominatrices qui créent ce malaise. Parfois des paroles de fuite apparaissent provisoirement comme une voie possible pour échapper à l’oppression. Le roman se construit sur ces alternances de silences opprimés et de paroles agressives, faisant succéder au malheur existentiel un espoir de bonheur. L’incipit du premier roman de