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Origines sociales

et trajectoires socioprofessionnelles

Achir est né à Grenoble dans une famille tunisienne aux revenus très moyens. Sa famille est arrivée en France au début des années 1970, dans le cadre d’une émigration économique. Après trente années passées en tant que

chef d’une petite entreprise de nettoyage, son père se convertit professionnellement. Sa mère s’occupait de personnes âgées. Achir décrit ses parents comme de bons travailleurs, préoccupés uniquement par l’aspect financier de leur situation, et complètement désintéressés de la vie politique : « Moi, mon père me disait : “Ne te

mêle pas de la politique”. C’était le speech dans le bateau et dans l’avion : pas de politique. […] On ne peut pas se mêler de politique. Ils ne veulent pas s’en mêler. Quand il y a une injustice, ils laissent courir. Ils s’en fichent. Il y avait une certaine philosophie, que derrière il fallait faire un peu d’oseille ».

S’estimant avoir été un élève au niveau moyen (« j’étais ni

fort, ni faible »), Achir a suivi une scolarité classique sans

grandes difficultés notables, et ce, jusqu’à l’orientation, au collège, où il aurait voulu devenir grapheur (il occupait son temps libre à cette activité). Aspirant à travailler dans le milieu de la publicité, il fut, à sa grande déception, orienté vers les métiers de la peinture. Achir revient sur quelques épisodes de sa vie dont il garde des souvenirs amers, sur des sentiments de malaise et d’injustice qui renvoient à des expériences de discrimination ou à des propos racistes : « J’étais le seul Arabe dans la classe.

C’était un Arabe et un Noir quoi. On était dispatchés comme ça, et donc il y avait toujours un peu de problèmes. C’était un petit peu la misère. […] Il y a eu des soucis avec le prof qui m’a traité de “caramel” et des trucs comme ça ! Et donc c’est parti un peu en bagarre, et à partir de là on s’est séparés vite parce que sinon j’aurais été expulsé ».

Il relativise cependant la portée des formes de discrimi- nations qu’il aurait subies tout au long de sa vie, et ne se perçoit pas comme une « victime du système ». De nom- breux facteurs de compensation lui auraient permis de conserver sa sérénité, telle l’atmosphère de solidarité fa- miliale dans laquelle il évolue. Aîné de sa fratrie, Larbi est né en 1962 dans le nord-ouest algérien, d’un père al- gérien et d’une mère française. En Algérie, son père était un mécanicien plutôt aisé et respecté. Lorsqu’il arrive en France, il travaille dans une fonderie, comme respon- sable administratif. Larbi passera sa petite enfance chez ses grands-parents paternels en compagnie de l’un de ses frères. Il rejoint ses parents en France à l’âge de 8 ans. Ces derniers étaient partis s’installer dans l’Hexagone avec le reste de ses frères et sœurs quelques années auparavant. Derrière la grande admiration qu’il voue à sa grand- mère, qu’il n’a pourtant jamais connue, Larbi cache un malaise identitaire : « Moi, je suis quelqu’un de perdu. Je

ne sais pas d’où je viens ». C’est la raison pour laquelle

il s’efforce de mener, en Algérie comme en France, des recherches sur ses racines familiales. Larbi relate timi- dement quelques épisodes de violence pratiquée par son père décrit comme un « grand buveur », un « fêtard », et un « joueur » (tiercé, loto), tout en minimisant l’impact de ces épisodes sur le déroulement de sa vie.

Même s’il est allé à l’école publique algérienne, Larbi garde très peu de souvenirs de son enfance en Algérie : « Je sais que je me vois quelque part dans une classe, mais

sans plus ». Ses premiers souvenirs d’école remontent à

son arrivée en France, dans une école de garçons ou il poursuit ses études jusqu’en troisième. Même s’il s’adapte assez rapidement à son nouvel environnement, Larbi ne va pas jusqu’au lycée, et il préfère se diriger vers un BEP. Il commence ainsi à travailler très jeune dans des chaudronneries, dans le cadre de contrats de travail de courtes durées.

Achir était lui aussi soucieux d’assurer son indépendance financière. Il se tourne très vite vers le monde professionnel où il enchaîne les petits boulots (vendeur, peintre dans le BTP, téléprospecteur…) avant de s’engager dans une formation de technicien du son. À cette étape de sa vie, la religion ne tient guère une place importante ( « À ce moment-là, je ne faisais pas la prière du tout » ). Néanmoins, le poids des normes conservatrices liées à la tradition héritée de ses parents a été déterminant dans la mesure où ces dernières le dissuadent de continuer à travailler pour le compte d’une « grande radio tunisienne » en tant que technicien du son : « Ça m’a paru comme un

milieu très libertaire, pas acceptable quoi. C’étaient des choses du genre, tu vas aller dans un château pour un tournage qui va durer pendant des mois, avec des femmes et des trucs comme ça. Donc vous voyez, c’est une ambiance un peu… champêtre… ». Même s’il ne

s’occupait que de l’enregistrement de clips de rap, son ambition de départ était d’accéder au rang de régisseur du son au sein d’une radio tunisienne, un statut nettement plus valorisé et mieux payé. Estimant que le monde de la musique est en contradiction avec ses croyances et ses représentations, Achir décide de s’orienter dans le secteur commercial, jusqu’à son arrestation. L’objectif qu’il s’assigne est de « ramasser le plus d’oseille possible », et d’assurer sa sécurité financière.

Larbi se considérait lui aussi comme étant très éloigné de la religion, à l’image de son père. Son ambition était celle de construire une famille et d’assurer des revenus confortables. Ceci était d’autant plus crucial pour lui qu’il

avait demandé la main d’une femme issue d’un milieu aisé en Algérie. Il se marie avec elle en 1988, et la fait venir en France l’année suivante.

Rapports à la religion