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Si Pausanias, dans le Livre I de sa Description de la Grèce, donne raison à Homère d’avoir montré Achille en tant que conquérant de Scyros, et non Achille vivant parmi les filles de Lycomède, c’est parce que cela était plus convenable vis-à-vis de la morale . Toutefois, si 146 Pausanias sent le besoin de le préciser, c’est que tous·tes les auteur·e·s n’ont pas suivi le modèle homérique et ont montré Achille, le meilleur des Achéens, portant la robe féminine au milieu des filles de Lycomède. Malgré le jugement de valeur du périégète, cette tradition d’Achille travesti n’a pas porté préjudice au grand héros de l’Iliade. Sans doute parce que le féminin opère chez lui comme un révélateur, mais il convient d’abord de faire un détour par l’épopée dans laquelle Achille apparaît dans toute sa gloire.

1. 1. Achille, héros de la belle mort et héros des larmes

L’Iliade, épopée homérique datée du VIIIe siècle avant J.-C., « chante la colère […] du fils de Pélée, Achille, colère funeste, qui cause mille douleurs aux Achéens » . Rendu célèbre par ce 147 cf. Supra p.45 : Pausanias porte autant d’importance à ce qu’a transmis Homère car celui-ci était à la base

146

de l’éducation grecque.

HOMÈRE, Iliade, I, v.1-2.

147

poème, l’épisode de la colère d’Achille est connu de tous·tes : Agamemnon, chef de l’expédition contre Troie, bafoua l’aristeia, la supériorité, du Péléide en lui retirant son butin de guerre, la captive Briséis, ce qui provoqua la colère du héros et le fit se retirer des combats pendant un certain temps (seule la mort de Patrocle poussa Achille à revenir sur le champ de bataille). Colère funeste sans aucun doute, mais surtout colère glorieuse qui immortalisa Achille comme l’un des héros de l’andreia de la Grèce antique. En effet, les poèmes homériques ont constitué l’une des bases de la paideia grecque tout au long de l’Antiquité, et s’y trouvaient dedans de nombreux modèles de vertu

— Ulysse, Diomède, Ajax — parmi lesquels Achille eut une place centrale. Car celui-ci institua par l’épopée la mort toute virile, celle de la belle mort. Cette dernière est un concept tout à fait grec, en lien direct avec cette société du face-à-face « où chacun existe en fonction d’autrui, sous le regard et par les yeux d’autrui » . Les Grec·que·s avaient conscience de leurs propres finitude et limites 148

— à la différence des dieux dont les corps sont impérissables, ceux des mortel·le·s sont condamnés à périr —, mais ils ont tenté de surpasser leurs angoisses face à la mort en en faisant, selon Jean-Pierre Vernant, une idéalité de la vie par ce concept de belle mort. Par l’exploit héroïque, 149 l’homme grec pouvait espérer continuer à exister par la remémoration permanente de sa gloire, même après sa mort, ce qui l’aurait sauvé de l’oubli (perçu comme la véritable mort, plus que la disparition du corps). Et, pour cette société se souhaitant virile avant tout, l’exploit héroïque masculin par excellence était la mort au combat. C’est en cela qu’Achille vient incarner cet idéal de la mort car, comme l’Iliade le rapporte, le choix lui fut laissé :

Ma mère me dit en effet, la déesse Thétis aux pieds d’argent, que des génies funestes de deux sortes m’emportent vers la mort, vers ma fin : si je reste ici, à combattre, autour de la ville des Troyens, c’en est fait pour moi du retour, mais ma gloire sera immortelle (kleos aphthiton estai) ; si je retourne en ma maison, sur la terre de ma patrie, c’en est fait pour moi de la noble gloire (kleos esthlon), mais ma vie sera longue, et ce n’est pas de sitôt que la fin, la mort m’atteindra. 150

Ce choix d’Achille de mourir jeune pour obtenir une gloire éternelle plutôt que de mourir vieux loin de toute gloire est l’archétype de la belle mort : l’homme viril est celui qui meurt au combat dans la fleur de l’âge, encore en pleine possession de sa glorieuse force. En mourant jeune au combat, Achille échappe au vieillissement — à la décrépitude de son corps —, et lui est ainsi promis que son nom sera chanté pour l’éternité par le poème épique, permettant de le faire connaître Jean-Pierre VERNANT, L’individu, la mort, l’amour. Soi-même et l’autre en Grèce ancienne, op. cit., p.53.

148

Ibid., p.84.

149

HOMÈRE, Iliade, IX, v.410-416.

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à chaque nouvelle génération — le faisant exister encore et toujours à travers sa gloire. C’est en cela qu’Achille incarne un héros de la vertu grecque, héros de l’andreia qui donne un modèle de la belle mort, du bon comportement à suivre pour accéder au kleos immortel.

Ce détour par l’épopée homérique peut sembler éloigné pour le propos de notre étude, cependant, il me semble nécessaire, prenant en compte le fait qu’Achille est avant tout connu par ce texte. En effet, l’Iliade donne à voir l’essence première d’Achille, celle du héros homérique incarnant toutes les qualités et vertus masculines héroïques de l’époque archaïque. Cependant, il est intéressant de relever que, dans ce texte, à côté du héros de l’andreia — où fermeté et courage sont de mise —, Achille est avant tout le héros de la douleur. L’Iliade est autant le chant de la colère d’Achille que celui de sa douleur — suite à la mort de Patrocle. En effet, lorsque celui-ci meurt, Achille perd toute colère et se fond totalement dans la tristesse. Comme le relève Hélène Monsacré, Achille arrête de se nourrir à l’annonce de la mort de Patrocle, « se nourrissant de sa seule douleur,

“mangeant” son cœur et non le pain » , et il ne remange qu’une fois avoir tué Hector, responsable 151 de la mort de Patrocle. Achille en pleurs est tout entier tourné vers son désir de larmes, désir qui le pousse à ne plus se nourrir et à ne plus dormir, à s’enlaidir, à rester allongé en état végétatif, une souffrance qui le fait mimer le mort — il y a une correspondance entre Achille et Patrocle mort, 152 préfiguration dès lors de la fin prochaine du héros. Cependant, dans cette souffrance à laquelle il s’abandonne, il est marquant de voir que ce soit le vocabulaire du plaisir — à l’image des plaisirs de la table pouvant être rassasiés — qui est utilisé : dans sa souffrance, Achille jouit . Et cela parce 153 que, en réalité, dans la douleur, il y a une réaffirmation de la virilité du héros. En effet, c’est parce que le héros n’est pas mort, et seulement blessé, que sa virilité est réaffirmée . Les larmes du 154 héros viennent dire sa vitalité, son énergie toujours présente, contenues dans les épithètes thermon,

« chaude », teren, « tendre », thaleron, « florissante, abondante » données aux larmes viriles . Il y 155 a une expression de la vigueur masculine dans l’expression de la douleur par les larmes, ce qui permet de valoriser, encore une fois, le héros masculin. De plus, les larmes viennent simplement

Hélène MONSACRÉ, Les Larmes d’Achille : Le héros, la femme et la souffrance dans la poésie d’Homère,

151

Paris, Albin Michel, 1984, p.189.

cf. HOMÈRE, Iliade, XVIII, v.22-27.

152

Hélène MONSACRÉ, Les Larmes d’Achille : Le héros, la femme et la souffrance dans la poésie d’Homère,

153

op. cit., p.193-194.

Nicole LORAUX, Les expériences de Tirésias, Le féminin et l’homme grec, op. cit., p.115.

154

Hélène MONSACRÉ, Les Larmes d’Achille : Le héros, la femme et la souffrance dans la poésie d’Homère,

155

op. cit., p.174.

s’inscrire dans « la morale épique » , car elles révèlent les sentiments d’amitié et de fidélité du 156 héros envers son compagnon de combat. Les larmes révèlent les qualités viriles du héros épique. Et, parmi tous ces héros qui pleurent, Achille en est l’archétype, lui dont l’Iliade chante la douleur immense. Il est tant le héros de la belle mort que celui des larmes.

Toutefois, cette caractérisation d’Achille par les larmes peut paraître étonnante, au vu du fait que les larmes nous sont aujourd'hui contraires à l’imaginaire de la virilité : l’homme est tout de fermeté et loin de toute sensibilité. Ce qui se dévoile ici est qu’il y a eu un changement dans les catégories de la masculinité et de la féminité : là où, dans la poésie épique archaïque, les larmes étaient toutes viriles, elles sont devenues toutes féminines dans la poésie tragique classique . Et le 157 féminin, contre tout préjugé, prend une place dans l’épopée — place qui reste tout de même limitée.

La femme, en tant que telle, est limitée à être un objet de conquête : elle est à la fois l’objet que les hommes défendent et l’objet qu’ils convoitent, signe de victoire. Cependant, les interférences du féminin dans la sphère masculine sont notables. Le féminin s’exprime notamment quand il s’agit d’injurier les hommes , mais il est parfois utilisé positivement, et notamment dans le cadre de 158 l’expression de la douleur. En effet, il est intéressant de voir que l’homme prend une figure féminine lorsqu’il est blessé, il est celui à la « belle peau », « au cou tendre » à l’image d’une parthenos159. Mais le féminin déploie toute sa dimension positive dans le cadre de la maternité, et notamment lorsque les douleurs du héros masculins sont comparées aux douleurs de l’enfantement.

La maternité sert à caractériser plusieurs héros épiques , mais les souffrances d’une mère 160 enfantant, ou celles perdant son enfant, sont les plus valorisantes. Ces souffrances étaient reconnues comme immenses, pouvant parfois être comparées au ponos, ce « travail fatigant », ces

« souffrances » qu’endura notamment Héraclès au cours de sa vie . En cela, si les douleurs de 161 l’accouchement sont l’équivalent des douleurs toutes viriles d’Héraclès, il n’est pas déshonorant dans l’épopée d’avoir recours à cette comparaison. Bien au contraire, reconnaissant la souffrance de la mère comme extrême, ces douleurs viennent qualifier de manière positive l’endurance du héros

Hélène MONSACRÉ, Les Larmes d’Achille : Le héros, la femme et la souffrance dans la poésie d’Homère,

156

op. cit., p.141.

Ibid., p.38.

157

cf. Supra p.47.

158

cf. HOMÈRE, Iliade, XXII, v.320-328 : ainsi apparaît Hector lors de son combat contre Achille, le prince

159

troyen s’apprêtant à mourir.

Hélène MONSACRÉ, Les Larmes d’Achille : Le héros, la femme et la souffrance dans la poésie d’Homère,

160

op. cit., p.91.

cf. Supra p.42.

161

masculin face aux douleurs . Ce qui apparaît par là est que le féminin a sa place dans l’épopée, et 162 notamment chez l’homme. Non seulement il ne sert pas uniquement de repoussoir, mais il agit également comme complément de la figure virile : le féminin souligne l’andreia de l’homme. De cela, Achille, chanté tout au long de l’épopée, est l’héritier et cela pourrait expliquer pourquoi son mythe est si perméable au féminin.

1. 2. Achille, première drag queen à Scyros

Car Achille, héros de l’andreia, est pourtant un héros ayant un lien particulièrement fort avec le féminin. Si les larmes du héros, pour l’époque archaïque, n’entamèrent en rien sa virilité, il se peut qu’à l’époque classique, lorsque les larmes furent données aux femmes , Achille fut quelque 163 peu féminisé. Féminisation donc facilitée par les liens qu’il entretient avec la sphère féminine — il est, dès l’épopée, fortement liée à sa mère Thétis qui est près de lui à Troie —, mais une féminisation qui atteint son paroxysme dans l’épisode de son travestissement à Scyros.

À la différence du mythe d’Héraclès, dont la généalogie est difficile à retracer avant l’époque hellénistique, pour l’épisode d’Achille travesti, il reste quelques sources qui permettent de remonter, avec certitude, jusqu’à l’époque classique. En effet, en reprenant le passage de Pausanias dans lequel il émet une critique vis-à-vis du travestissement d’Achille , il relève que Polygnote en 164 a fait un tableau. Il attribue à cet artiste du Ve siècle avant J.-C., une peinture affichée dans la Pinacothèque des Propylées à Athènes qui représentait Achille travesti parmi les filles de 165 Lycomède à Scyros. Cette attribution, à prendre avec quelques précautions , fait tout de même 166 remonter jusqu’au moins le Ve siècle avant J.-C. — si ce n’est plus, le peintre devant sans doute s’inspirer d’une tradition antérieure — le motif du travestissement d’Achille à Scyros. Cependant, à cet indice iconographique, il existe un pendant littéraire : une pièce d’Euripide intitulée Les Skyrioi, datant du Ve siècle avant J.-C. 167

Hélène MONSACRÉ, Les Larmes d’Achille : Le héros, la femme et la souffrance dans la poésie d’Homère,

162

La Pinacothèque était une salle des Propylées où étaient exposés des tableaux.

165

Pausanias est un auteur du IIe siècle après J.-C., soit près de sept siècles le sépare de Polygnote :

166

l’attribution pourrait donc être faussée. D’autant plus que le tableau dont il parle n’a pas été conservé jusqu’à nous, et il nous est donc impossible de vérifier l’information avec plus de certitude qu’en se fiant à Pausanias.

Il est difficile de dater avec précision Les Skyrioi dont nous n’avons pas conservé l’année de

167

représentation. La métrique ne fournissant pas assez d’indices, les chercheur·euse·s ont comparé les Skyroi aux autres pièces d’Euripide et, même si ces rapprochements ne sont pas décisifs, cela orienterait une datation autour de 440 et 430 avant J.-C.

La pièce d’Euripide tire son nom de Scyros, l’île sur laquelle Achille fut caché afin de l’empêcher de se rendre à Troie — car les Moires y avaient prédit sa mort. Un papyrus datant du IIe siècle nous en apprend un peu plus sur l’hypothesis de la pièce, son sujet :

Thétis, informée du destin de son fils Achille, l’avait soustrait à l’expédition contre Troie en lui donnant des vêtements féminins et en le confiant à Lycomède, souverain de Skyros.

Celui-ci élevait sa fille, orpheline de mère, nommée Déidamie, et il plaça Achille en sa compagnie, sans savoir qui il était. Devenu adulte, celui-ci séduisit Déidamie par surprise et la rendit mère. Les gens d’Agamemnon, invités par un oracle à ne pas se mettre en campagne sans Achille, dépêchèrent Diomède <et naturellement Ulysse> : ils avaient été avisés… 168

La pièce est sans aucun doute fondée sur une double intrigue. D’abord se file une intrigue amoureuse, celle d’Achille et de Déidamie : cette dernière attend l’enfant d’Achille — dont la naissance est sans doute imminente ou vient alors de se produire au début de la pièce —, toutefois le père de Déidamie, Lycomède, ignore tout de cette union hors mariage, et Déidamie tente sûrement de protéger autant qu’elle peut le secret de son déshonneur. Ensuite se file une intrigue en lien avec un romanesque épique, puisqu’il s’agit de la tentative d’Ulysse et de Diomède, envoyés d’Agamemnon, de retrouver Achille pour l’emmener combattre à Troie — un oracle ayant prédit que la cité ne tomberait pas sans le fils de Pélée. Les Skyrioi entremêlent ainsi deux intrigues au centre desquelles se trouve le personnage d’Achille. Pour le dramaturge qui fit de l’homme la mesure de toute chose, il ne fait pas de doute que cette pièce, bien qu’elle mit sur scène le destin de Troie — celui-ci dépendant du choix d’Achille —, fit effacer ce grand motif pour mettre en avant

« le destin individuel des personnages » . Achille était au centre de ces personnages et Euripide 169 mit en avant un motif qui était absent de l’épopée homérique relatant la colère du héros : son travestissement en fille.

En effet, l’hypothesis révèle bien qu’Achille est caché sous des vêtements de fille, ce qui lui permet d’approcher Déidamie en toute discrétion, puisqu’il vit avec elle dans le gynécée. C’est un détail qui n’apparaît pas dans l’Iliade où Achille est présenté comme un conquérant de Scyros.

Toutefois, ce motif ne semble pas être une invention d’Euripide — le tableau attribué à Polygnote fait déjà état du motif et il lui est antérieur. En réalité, l’étape d’Achille à Scyros est importante car de son union avec Déidamie naît Pyrrhus, celui qui sera nommé plus tard Néoptolème et sans qui

Traduction de C. Gallavotti, citée dans François JOUAN, Euripide et les légendes des Chants Cypriens :

168

des origines de la guerre de Troie à l’Iliade, op. cit., p.201.

François JOUAN, Euripide et les légendes des Chants Cypriens : des origines de la guerre de Troie à

169

l’Iliade, op. cit., p.216.

Troie ne tombera pas selon les Moires. Le destin de Troie est donc tout à fait lié à l’épisode d’Achille à Scyros, ce qui explique les nombreuses discussions qu’eurent les scholiastes dès l’Antiquité. En effet, cet épisode ne pouvait se situer dans les dix années précédant la fin de Troie, Néoptolème aurait été trop jeune pour prendre part à la guerre. Et, de ce fait, d’autres traditions se sont développées pour donner forme à une chronologie probable et se développa ainsi l’épisode d’Achille à Scyros, travesti parmi les filles de Lycomède pendant son enfance. Il est difficile de dire si cette tradition remonte jusqu’au Cycle troyen de l’époque archaïque . Toutefois, Albert 170 171 Severyns a tenté de reconstituer, à partir de l’étude des scolies à l’Iliade (notamment à l’Iliade, XIX, 326), ce qu’aurait été la version des Chants Cypriens — qui relatent notamment les origines de la guerre de Troie avec le mariage de Thétis et de Pélée — attribués à Stasinos :

Pélée, sachant par avance que le destin d’Achille était de mourir à Troie, alla trouver le roi Lycomède à Skyros, et lui confia Achille. Le roi donna à celui-ci des vêtements de femme et le fit élever comme une jeune fille avec ses filles. Après l’oracle révélant que Troie ne serait pas prise sans Achille, les Grecs députèrent à Pélée Ulysse, Phœnix et Nestor. Pélée nia que son fils fût chez lui. Ils se rendirent alors à Skyros et soupçonnant qu’Achille était élevé avec les vierges, sur le conseil d’Ulysse, ils laissèrent tomber devant leurs appartements des armes ainsi que des corbeilles avec des instruments de tissage. Les jeunes filles s’élancèrent vers les corbeilles et leur contenu, mais Achille s’empara des armes. Pris ainsi sur le fait, il participa à la guerre. Auparavant, vivant dans l’intimité des jeunes filles, il avait déshonoré une fille de Lycomède, Déidamie, qui eut de lui Pyrrhus, appelé plus tard Néoptolème car, encore jeune, il combat dans l’armée grecque après la mort de son père 172

Si l’analyse de Albert Severyns est exacte, cela ferait remonter le motif du travestissement d’Achille à l’époque archaïque, au moins au VIe siècle avant J.-C. Et les Chants Cypriens pourraient dès lors constituer une source du mythe dans laquelle a puisé Euripide pour écrire sa pièce. À toutefois quelques modifications près, puisque dans Les Skyrioi, Lycomède ignore tout de l’identité réelle d’Achille, il n’est pas non plus question de Pélée — c’est Thétis qui cache Achille à Scyros, dès lors, la venue d’Ulysse et des envoyés chez Pélée devient superflue —, et il fait de Déidamie une fille unique, limitant ainsi le nombre de personnages. Ces modifications vis-à-vis

Le Cycle troyen désigne l’ensemble des épopées (de l’époque archaïque à l’Antiquité tardive) illustrant

170

l’histoire de la guerre de Troie, de ses origines à ses conséquences. On peut citer l’Iliade et l’Odyssée attribués à Homère, mais également les Chants Cypriens attribués à Stasinos de Chypre, La Petite Iliade attribuée (sans certitude) à Leschès de Lesbos et tous les nostoi, les retours des grands héros épiques.

François JOUAN, Euripide et les légendes des Chants Cypriens : des origines de la guerre de Troie à

171

l’Iliade, op. cit., p.213.

Ibid., p.214-215.

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d’une tradition mythique répondent à une problématique dramatique, il s’agit surtout de resserrer l’action dramatique dans lieu et un temps réduits, ainsi que d’accroître l’intérêt dramatique.

d’une tradition mythique répondent à une problématique dramatique, il s’agit surtout de resserrer l’action dramatique dans lieu et un temps réduits, ainsi que d’accroître l’intérêt dramatique.