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PREMIERE PARTIE L’INADAPTATION CROISSANTE DU DROIT DU TRAVAIL AUX CADRES DU XXIème SIECLE

SECTION 1 L’abandon du salaire classique

224. Dans la conception originelle du contrat de travail, le salarié louait sa force de

travail à l’employeur, en mettant à sa disposition, moyennant rémunération, sa force physique ou sa capacité à accomplir certaines tâches, en vue de la production de biens ou de services. La quantification du travail fourni s’opérait le plus souvent en fonction du temps passé, et plus précisément du nombre d’heures de travail assurées par le salarié, ce nombre d’heures, multiplié par un taux horaire, définissant le salaire.

Au fil du temps et des siècles, cette rémunération, en fonction des heures travaillées, a fait l’objet de profondes modifications. Grâce au développement des rapports collectifs, les salariés ont pu faire reconnaître des aspects de pénibilité, de contraintes personnelles ou de performance pour imposer d’autres critères que le seul critère horaire, dans le calcul du salaire. De leur côté, les employeurs confrontés, désormais, à une concurrence forte issue de la mondialisation de l’économie attachent de plus en plus d’attention au poids des salaires, par rapport aux prix qu’ils doivent consentir, pour vendre les produits fabriqués.357

En conséquence, créer, en matière de durée du travail, trois sous-catégories, ne peut qu’engendrer l’insécurité juridique. »

357 Voir en ce sens, « La rémunération des cadres supérieurs et les prises de bénéfices internes dans les entreprises américaines », www. Icem. Org/ congress 99

Les niveaux de salaires et avantages des cadres supérieurs dans les grandes entreprises sont qualifiés d’irrationnel et d’inacceptables par le plus grand nombre ; même les journaux et organisations favorables aux entreprises se sont plaints au cours des dix dernières années du divorce qui se creuse entre les performances réelles de l’entreprise et le niveau de rémunération de ces cadres.

L’enquête de 1998 de Business Week nous apprenait que les Présidents directeurs généraux des principales entreprises américaines recevaient une indemnisation annuelle moyenne d’une valeur de 7, 8 millions de dollars, dont des options d’achats d’actions.

Les « enveloppes de rémunération » des cadres se composent de quatre éléments : le salaire de base, des primes, des privilèges et des options d’achats d’actions et de pension. Aux Etats-Unis, les options d’achats d’actions peuvent représenter un tiers de l’enveloppe globale, bien que dans d’autres pays, tels que l’Allemagne et le le Japon, les options représentent une part plus modeste.

Les super-salaires des cadres supérieurs et leurs répercussions en chaîne sur les cadres moins élevés et les petites entreprises ont été un élément clé responsable de l’écart croissant entre les salaires du bas de l’échelle dans tous les pays industrialisés.

225. La notion de temps passé n’a plus de sens, en soi, elle ne se justifie que par rapport à

la valeur ajoutée produite ; il en résulte l’introduction de critères qualitatifs et surtout, une tendance à individualiser la rémunération, afin de la personnaliser en fonction de l’efficience du salarié. Cette démarche conduit à utiliser des modes de calculs de plus en plus élaborés et à fixer des règles en relation avec le profil de chaque salarié, et ce, prioritairement, pour le cadre, qui contribue, par son rôle de direction vis-à-vis des autres salariés et par sa compétence individuelle, à la création de valeur ajoutée ; il en résulte une pratique complexe et diversifiée des rémunérations358.

En outre, si pour le salarié, comme pour l’employeur, le salaire constitue un élément fondamental359 dans la conclusion et l’exécution du contrat de travail360, au-delà des co-contractants eux-mêmes, il met en jeu des considérations beaucoup plus larges, aussi bien économiques, que politiques ou philosophiques361. Cette focalisation des intérêts, des uns et des autres, sur la notion, et surtout sur le montant et les modalités du salaire ne fait ainsi qu’accroître sa diversité et sa complexité, dans la population des cadres. L’évaluation du travail fourni par un cadre n’étant pas aisée, face à une prestation de plus en plus, déconnectée du temps de travail, tel qu’il est appréhendé, quantitativement par le législateur362, il en résulte, pour les entreprises, une nécessité d’inventer de nouveaux critères, afin d’analyser l’efficience du cadre et de déterminer la juste rémunération qui lui revient. Cette approche conduit à une politique de rémunération, non plus catégorielle, mais personnalisée, avec une forte tendance vers l’individualisation des salaires (I)363.

Le mouvement s’accompagne, dans le même temps, d’une recherche de flexibilité dans la rémunération : confrontées à des coûts salariaux très lourds, les chefs d’entreprise essaient

358 Voir en ce sens, R. MABILEAU, « L’évolution des modes de rémunération dans l’entreprise », Thèse 2004, Nantes, 562 p.

359 En ce sens, P.H. ANTONMATTEI, « La qualification de salaire », Dr. Soc., Juin 1997, p. 571 « Le salaire est

un élément essentiel du contrat de travail… il n’y a pas de contrat de travail à titre gratuit »

360Voir G. LYON-CAEN, « Le salaire », Dalloz 1981, n° 1, 2ème édition. Le professeur en a dressé le constat en des termes qui n’appellent aucun autre commentaire : « Le droit du travail dans sa totalité est construit autour

de la question du salaire »

361 B. TEYSSIE, « Epilogue : sur l’entreprise, le salaire et la norme », Dr. Soc., Juin 1997, p. 606

« Le salaire … la question est d’ordre éthique : elle brasse morale, philosophie et religion. Elle est d’ordre économique : le salaire, pour l’homme, est l’aliment du quotidien ; il est, pour l’entreprise, avec les charges qui l’accompagnent, un élément de sa compétitivité ; pour les institutions appelées à collectes impôts ou cotisations, il est l’assiette de moult prélèvements »

362 Voir, J. BARTHELEMY, « Les relations du salaire et des temps de travail », Dr. Soc., Juin 1997, p. 581 Bien avant les lois Aubry, J. BARTHELEMY avait déjà souligné l’ambiguïté et la complexité des relations entre salaire et temps de travail

363 Voir « L’individualisation des salaires continue à gagner du terrain », Les Echos, 26 décembre 2003.

L’article met en évidence, en donnant la parole à plusieurs responsables de grandes entreprises, une tendance forte à concentrer les augmentations de salaires sur les meilleurs éléments, résumée en ces termes par l’un d’entre eux : « l’ensemble de notre politique de rémunération est basée sur la performance individuelle »

de les maintenir en adéquation avec les résultats et rechignent à s’engager, pour des durées longues, sur des rémunérations de cadres non modulables, dès lors que, par définition, ce sont elles qui pèsent le plus lourdement sur les masses salariales.

La réponse à ces impératifs de souplesse et d’adaptabilité ne peut pas être apportée, de manière satisfaisante, pour le personnel d’encadrement, par les contrats précaires ou le recours au travail temporaire364, elle sera donc plutôt recherchée dans une diversification des rémunérations (II), afin d’échapper aux rigidités du Droit du travail.

I- La tendance générale vers l’individualisation des salaires

S’il fut un temps où la Fonction Publique avait le quasi-monopole des primes ou avantages indirects, au point de retirer, à la notion de traitement mensuel du fonctionnaire, l’essentiel de sa signification, le secteur privé, pour des raisons différentes, a, désormais, intégré ces pratiques (B), même s’il fait porter, en priorité, ses efforts sur la mise en place de rémunérations variables (A)

A- La recherche de la rémunération variable.

Nous en identifierons les origines (1), avant d’aborder les mécanismes mis en œuvre (2). 1) Les origines

226. Aujourd’hui, pour les trois quarts de la population des cadres, la rémunération inclut

des éléments variables365, même si pour la moitié environ d’entre eux, les éléments variables ne dépassent pas 10 % de la rémunération globale366. Dans de nombreux grands groupes français, il est fait appel à des experts en « compensation and benefits » pour doser au plus juste les salaires, primes, bonus, prévoyance, épargne retraite et avantages en nature. Ces spécialistes assistent les DRH pour veiller à ce que les salaires proposés aux managers opérationnels accompagnent le talent et les performances et le mot clé est « objectifs », qu’ils

364 Ut infra, 2ème partie. Bien que l’on constate, au travers des « contrats de mission » ou des sociétés de portage salarial, le développement du travail temporaire dans la population des cadres

365 Voir Courrier des cadres, n° 1445, 23 mai 2002, p. 29

366 Voir Challenges, « Salaires 2005 : les cadres au régime variable », 26 octobre 2005

Selon une enquête de la Cegos, la part variable dépasse, en moyenne, 20 % du salaire fixe et un tiers des DRH estiment que le salaire variable sera l’élément de rétribution qui se développera le plus à l’avenir, devant la

soient individuels ou collectifs. Ce constat, que l’on retrouve dans toute la presse économique367, correspond à l’idée qu’il est nécessaire, dans une entreprise moderne, de quantifier et de récompenser la performance individuelle pour apprécier la valeur ajoutée créée par le salarié au sein de l’entreprise. Historiquement, l’une des premières formes de rémunération variable, individualisée, fut l’octroi d’un pourcentage sur le chiffre d’affaires aux salariés, en charge de la fonction commerciale, avec, par la suite, des déclinaisons, visant à corriger certains effets pervers (plafonds, seuils de déclenchement, pourcentages dégressifs..) ; néanmoins, malgré des variantes (commissionnement sur les marges par exemple), ce système, fondé sur le résultat, et non sur la performance du salarié, aboutit à entériner des rentes de situation368. Afin d’affiner la recherche d’une rémunération ayant pour but de récompenser la performance et de stimuler la compétitivité, la rémunération variable a, ainsi, évolué, au fil des années, vers les primes sur objectifs369, qui permettent, à la fois, de prendre en compte les situations individuelles et d’adapter, périodiquement, les objectifs à l’évolution de l’entreprise, de la concurrence ou du Marché370.

227. Toutefois, si aujourd’hui ce mode de rémunération variable371 connaît un succès certain auprès des managers372, il est loin de faire l’unanimité auprès des magistrats chargés de veiller au respect du Droit du travail373. En effet, le mécanisme des primes sur objectifs nécessite, par définition, d’être adapté et actualisé périodiquement, il n’est donc pas envisageable lors du recrutement du salarié et de la signature de son contrat, de définir un

formation et l’épargne-retraite. Or, pour 51 % des cadres, l’élément le plus motivant reste le salaire fixe, devant l’épargne salariale, l’épargne-retraite et le salaire variable. Le hiatus est donc profondément installé.

367 Courrier des cadres. « Des rémunérations de plus en plus ciblées », 25 mai 2002 p. 30, 31

368 A titre d’exemple, le cadre reprenant une entité en fort déficit et parvenant à apporter l’équilibre d’exploitation, sans la rente bénéficiaire, n’aura droit à rien, alors que le cadre, confortablement installé dans une unité historiquement rentable, percevra une forte rémunération variable.

369 Selon l’étude de la Cegos, 91 % des sommes budgétées en 2003 par les entreprises au titre de la rémunération variable ont bien été versées en 2004. Du côté des entreprises, le chiffre se confirme. Selon Y. BUISSON, DRH d’Unilog, 80 % des cadres ont été augmentés à la suite de la réalisation de leurs objectifs. A Accor, 92 % des cadres ont obtenu leur prime d’objectifs ; chez Bouygues Construction, ils sont 97 %.

Cf Challenges, op. cité

370 Cf D. SICOT, « Rémunérations : les primes de performance ne sont plus dans l’air du temps ! », L’Entreprise.com 25/ 08/ 2004

Après plusieurs années de hausse, la part des primes de performance des salariés s’est stabilisée en 2002 ; ce tassement serait dû à la mauvaise conjoncture économique de l’année.

371 Voir en ce sens, T. KATZ, « La détermination de la rémunération variable : la part de l’unilatéral, du négocié et du juge », Droit Ouvrier, avril 2005

372 L’on peut citer Entreprises et carrières, 13 janvier 2003, p. 27, Cap Gemini Ernst and Young remodèle ses rémunérations variables.

Entreprises et carrières, 25 août 2003, p. 23, Danone Tchèquie s’appuie sur les compétences Le Moniteur, 31 janvier 2003, Les salaires des cadres du BTP, p. 78, 84 et 85

L’Express, 11 septembre 2003, Enquête sur le salaire des cadres : tirer parti du culte de la performance. « Les

invraisemblables yoyos salariaux de ces dernières années n’ont pas tué la rémunération variable, au contraire. Dans les entreprises, le débat ne porte que sur la nécessité d’instaurer un plafond en cas de dépassement des objectifs. »

objectif figé et intangible, appelé à se pérenniser durant sa carrière dans l’entreprise ; il en résulte, dès lors, un risque pour le salarié, s’il doit être soumis à des négociations récurrentes avec son employeur, sur un élément clé de son contrat de travail.

2) Les mécanismes utilisés dans l’entreprise

228. Le contrat de travail peut, face à ce dilemme, adopter trois voies :

- l’adaptation automatique, par le jeu d’indices ou de formules, plus ou moins complexes et élaborées.

- l’adaptation par voie d’une négociation employeur / salarié - l’adaptation par une décision unilatérale de l’employeur.

Le premier mécanisme est particulièrement délicat dans sa mise en œuvre sur une longue durée, car les évolutions monétaires ou économiques sont tellement rapides et sensibles que des paramètres, pourtant élaborés avec le plus grand soin, peuvent s’avérer, à court terme, tout à fait inadaptés374 ; il s’expose, en outre, de par le risque couru par le salarié de subir une baisse significative de salaire, à la censure de la jurisprudence375.

Le second mécanisme, qui suppose un accord négocié entre les deux parties, peut conduire à un blocage, entraînant soit le maintien du statu quo ante, soit l’intervention du juge en application de l’article 1135 du Code civil376.

Il n’est donc pas surprenant de constater que de nombreux contrats de cadres ont inclus une clause qui laisse à l’employeur le pouvoir de définir annuellement les objectifs. Ce type de clause a été condamné de manière particulièrement nette, par plusieurs arrêts de principe de la Cour de cassation377. Pour certains auteurs, il paraissait possible de mettre une place une définition unilatérale d’objectifs par l’employeur, sous réserve de prévoir des limites, visant à encadrer cette fixation, mais les évolutions jurisprudentielles récentes

373 Voir en ce sens, C. RADE, « Le juge, arbitre des différends salariaux », Droit Social, novembre 2004

374 Ainsi que l’évoque G. COUTURIER, « La rémunération, élément du contrat de travail », Dr. Soc. Juin 1998, p. 523. La difficulté que rencontrent ici les parties, pour déterminer, dans le temps, l’évolution du salaire, est à rapprocher de celle à laquelle se heurtaient les co-contractants d’un contrat de fourniture exclusive, de longue durée, pour la détermination du prix dans le temps, avant le revirement jurisprudentiel initié par l’Assemblée Plénière de la Cour de cassation du 1er décembre 1995, JCP, 1996, II, 22565, conc. Jeol.

Dans le même sens, C. RADE, « Les limites du tout contractuel », Dr. Soc., sept. 2000, p. 828 et s.

375 Cass. Soc., 21 janv. 1988, Bull. civ. V, n° 58 ; Cass. Soc., 4 janv. 1996, Rev. Jur. Soc. F. Lefebvre 21/ 96, n° 182

376 En ce sens, l’article P. WAQUET, « Les objectifs », Dr. Soc., févr. 2001, p. 120 et suiv.

Voir aussi, F. BLIN, « La délicate question de l’adaptation régulière au marché de la rémunération des commerciaux », TPS 2000, comm. 16

semblent avoir fermé cette porte378. Depuis l’arrêt « Raquin »379, le juge n’a cessé d’affirmer le rattachement du contrat de travail à la règle civiliste de l’article 1134 du Code civil et l’impossibilité, pour l’employeur, de toucher, peu ou prou, à la loi des parties, sans l’accord de son co-contractant : une clause de variabilité de salaire ne peut donc être acceptée que si elle est fondée sur des éléments parfaitement objectifs380, propres à l’entreprise et étrangers à la volonté de l’employeur381.

De plus, le contrat de travail se distingue du contrat d’entreprise, ou du contrat de société, par le non assujettissement du salarié aux risques de l’exploitation : la clause de variabilité ne doit pas générer, pour le salarié, une perte de salaire significative même si l’entreprise subit de lourdes pertes.382

Le recours, quasi systématique, à une partie variable, dans la rémunération des cadres, n’est donc pas du goût du juge, qui y voit une atteinte à l’équilibre du contrat de travail.383

Toutefois, les clauses d’objectifs ne sont pas les seules marques de l’individualisation des salaires : il faut compter, aussi, avec les primes et les avantages en nature.

B- La multiplication des primes et des avantages en nature

229. Il est de plus en plus fréquent d’entendre les DRH, ou autres professionnels du

secteur, évoquer « la rémunération globale » lorsqu’il est question de politique salariale. En

377 Cass. Soc., 28 janvier 1998, Systia Informatique, Bull. civ. V, n° 40 ; Cass. Soc., 3 mars 1998, Herzberg, Bull. civ. V, n° 109 ; Cass. Soc., 18 avril 2000, Keller Fermetures, TPS 2000, comm. 227 ; Cass. Soc., 30 mai 2000, Canon France, TPS, 2000, comm. 264

378 En ce sens, P. H. ANTONMATTEI, « Les clauses du contrat sous haute surveillance judiciaire », Liaisons sociales, nov. 2000, p. 74

« Retour sur les clauses de variabilité », Jurisprudence Sociale Lamy, 30 août 2001, chron. p. 2

379 Cass. Soc., 8 octobre 1987, arrêt « Raquin » : Bull. civ. V, n° 541 ; D. 1988. 57, note Y. SAINT-JOURS Dans le même sens : Cass. Soc., 17 déc. 1987 : Bull . civ. V, n° 746

380 Cf, Cass. Soc., 22 mai 2001, JCP G 2002, II, 10066, note V. RENAUX-PERSONNIC : l’employeur peut déterminer unilatéralement les critères d’attribution des primes, à condition toutefois que les objectifs professionnels assignés au salarié soient raisonnables et compatibles avec le marché : Cass. Soc., 30 mars 1999, RJS 1999, n° 641, et que l’employeur exécute loyalement le contrat de travail en donnant au salarié les moyens nécessaires à leur réalisation : Cass. Soc., 19 février 2004, n° 01-45. 216

381 En ce sens, P. WAQUET, « Pouvoir de direction et les libertés du salarié », Dr. Soc., 2000, p. 1054

382 Voir en ce sens, G. COUTURIER, « La rémunération, élément du contrat de travail », Dr. Soc., Juin 1998

« La rémunération du salarié constitue un élément du contrat de travail. Est-ce à dire que tout changement affectant le montant de la rémunération implique modification du contrat ? La démarche simple qui s’observe dans l’arrêt incite fortement à une réponse affirmative… Il apparaît bien que la Cour de cassation appliquerait le même raisonnement à toute réduction significative du niveau de la rémunération. »

383 Voir en ce sens, Cass. Soc., 13 juillet 2004, Droit Social, novembre 2004, p. 936

Lorsque le droit à une rémunération variable résulte du contrat de travail et à défaut d’un accord entre l’employeur et le salarié sur le montant de cette rémunération, il incombe au juge de la déterminer en fonction des critères visés au contrat et des accords conclus les années précédentes, de sorte que, si l’objectif de résultats dont le contrat de travail fait dépendre la rémunération variable n’a pas été déterminé, il appartient au juge de le fixer par référence aux années antérieures.

effet, à côté des rémunérations fixes ou variables, les cadres perçoivent, de nombreuses primes, variées et ponctuelles et bénéficient de multiples avantages, directs ou indirects, qui, ajoutés les uns aux autres, peuvent accroître très sensiblement la valeur des contreparties matérielles reçues à l’occasion de l’activité professionnelle. Nous examinerons successivement, ces deux catégories de rémunérations personnalisées.

1) Les primes

230. En fonction des entreprises, des secteurs d’activité, ou des époques, le nombre et la

nature des primes sont extraordinairement variés et changeants ; il est impossible d’en dresser un état exhaustif, l’imagination des managers en créant, sans cesse, de nouvelles384.

Au plan terminologique, la notion de prime peut, cependant, être précisée, en se fondant sur l’acte ou le fait juridique qui en est à l’origine. En effet, certaines primes ont leur source dans la loi385, la convention386, l’usage387, ou l’engagement unilatéral exprès pris par l’employeur388, et, en tant que telles, elles ne constituent pas un moyen déterminant de personnalisation du salaire, dès lors qu’elles ont un caractère obligatoire, au moins dans leur principe. A l’opposé, les primes liées au seul bon vouloir de l’entreprise, empreintes d’une intention libérale et d’une volonté de gratifier spontanément tel ou tel salarié, pour son comportement ou ses résultats, permettent de moduler et d’individualiser la contrepartie financière versée à un cadre plus ou moins méritant et elles constituent, dans certaines entreprises, un instrument privilégié de gestion des salaires389. Une telle pratique, utilisée de façon ponctuelle, peut, à l’évidence, constituer une récompense, à la fois financière et psychologique, pour un cadre qui a réalisé une performance exceptionnelle ou qui a fait