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Le cadre dispose de plus en plus de libertés

PREMIERE PARTIE L’INADAPTATION CROISSANTE DU DROIT DU TRAVAIL AUX CADRES DU XXIème SIECLE

SECTION 1 Le cadre dispose de plus en plus de libertés

Le droit de la durée du travail n’a cessé d’évoluer140 et a fait l’objet de multiples interventions législatives. Devenu de plus en plus complexe, il laisse une place croissante à la négociation : désormais, c’est le cadre qui négocie, dans son contrat de travail, les modalités de son temps de travail.

Nous nous efforcerons, donc, de montrer ces évolutions et les particularités attachées aux cadres quasi-indépendants, afin d’illustrer la mutation du droit de la durée du travail.

Pour reprendre l’expression de J. BARTHELEMY, « le droit de la durée du travail est un laboratoire pour une réforme en profondeur du droit du travail ».141

Ainsi, la gestion du temps de travail du cadre est laissé à son initiative (I), ce qui lui confère une large autonomie pour l’organisation de son emploi du temps (II).

I- Dans la gestion du temps de travail

116. Avant le passage aux 35 heures, les cadres n’étaient pas exclus, par la jurisprudence,

du bénéfice de la réglementation de la durée du travail, notamment du droit aux heures supplémentaires142, même s’ils en avaient le sentiment. La Cour de cassation ne pouvait les priver de ce droit, dès lors que la réglementation de la durée du travail est d’ordre public et n’exclut pas les cadres de ce champ d’application.

La difficulté réside, cependant, dans le large éventail catégoriel constitué par l’encadrement. Comme il a été précisé143, la notion de cadre est surtout fonctionnelle et varie selon que l’on traite des classifications conventionnelles, des collèges électoraux pour les élections

d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné », Cass. Soc., 13 nov. 1996,

Société Générale : Bull. civ. V, n° 382 ; JCP 1997, E, II, 911, note J. BARTHELEMY et Dr. Soc. 1996, p. 1067, note J.J. DUPEYROUX

140 Voir en ce sens l’ouvrage de J. BARTHELEMY, « Droit de la durée du travail, temps de travail, aménagement, 35 heures », Litec 1998, 393 p.

141 J. BARTHELEMY, « Droit de la durée du travail : la tendance à la contractualisation », Droit Social, janvier 2003

142 Cass. Soc., 20 nov. 1998, n° 85-41-801, Motta c/ SA Sartore

Cass. Soc., 14 juin 1990, JCP 1990, éd. E, I, 20295, Bull. Civ. IV, n° 285 : la qualification de cadre ne suffit pas à exclure le droit au paiement majoré des heures supplémentaires

professionnelles, de l’élection des conseillers prud’homaux, du régime de retraite des cadres AGIRC ou de la durée du travail.

Or, la jurisprudence144 a admis que les heures supplémentaires peuvent ne pas être dues à certains cadres qui bénéficient d’un degré certain d’autonomie et de responsabilité, en raisonnant à partir du travail effectif.

La Cour de cassation va, pour cela, se référer au niveau de rémunération ; si la rémunération de base n’a rien d’exceptionnel au regard de la qualification et des responsabilités, un cadre peut prétendre au paiement de ses heures supplémentaires ; a contrario, si cette rémunération est forfaitairement importante au regard du temps de présence, les heures supplémentaires ne sont pas dues.

117. Quant aux cadres supérieurs145, ils ne sont soumis à aucune autorité eu égard au degré très élevé de leur autonomie146 et, bien souvent, la rémunération est indépendante de l’horaire. Même si la distinction cadres supérieurs / autres cadres n’est pas vraiment justifiée147, toujours est-il que la pratique des entreprises, fondée sur le sentiment que les cadres ne sont pas soumis à la réglementation de la durée du travail, se traduit, pour cette catégorie de personnel, par un temps de présence supérieur à la durée légale ou à l’horaire collectif en vigueur.

Avec le passage aux 35 heures, une question a hanté les managers, comme les employeurs : les cadres travaillent-ils toujours autant et comment s’organisent –ils ?

Un rapport sur le travail148, faisant état d’une étude comparative avec les autres pays, montre que les Français sont productifs mais peu actifs, si l’on se réfère à la durée de leur carrière. En examinant les statistiques, l’on remarque que les Français travaillent intensément et qu’ils ont une des meilleures productivités ; ce constat est, patent dans les grandes entreprises qui ont bien « digéré » le choc de la loi des 35 heures. Elles ont surmonté l’épreuve sans trop de dommages et ont bénéficié des allégements de charges patronales financés par l’Etat. Elles

144 Cass. Soc., 19 mars 1969, Bull. civ. V, n° 192

« N’est pas légalement justifiée la décision qui alloue une rémunération pour heures supplémentaires à un gérant agricole sans s’expliquer sur les conclusions des employeurs qui faisaient valoir que l’intéressé n’était pas un simple employé, qu’il était associé aux bénéfices et qu’il jouissait d’une certaine liberté dans les modalités d’organisation de son travail. »

145Voir en ce sens, Etude de la Direction des relations du Travail et des Affaires sociales du 2 juin 1997, « La jurisprudence distingue les cadres supérieurs des autres cadres et admet des exceptions au paiement des heures supplémentaires à l’égard des cadres supérieurs »

146 Il s’agit alors notamment des mandataires sociaux titulaires d’un contrat de travail, ceux à l’égard des tiers et du personnel ont toutes les apparences de l’employeur

147 Opinion reprise par J. BARTHELEMY, « Droit de la durée du travail », Litec 1998

La distinction entre cadres supérieurs et les autres cadres n’est pas fondée en droit car il n’existe pas de définition légale, fonctionnelle

ont surtout saisi l’occasion de se réorganiser : en effet, bien souvent, la réduction des horaires a été compensée par une utilisation plus efficace de la force de travail149 ; il aura donc fallu cette loi pour que les entreprises revoient leur mode d’organisation.

En revanche, entre études longues et préretraites, les salariés français concentrent cet effort sur une plus courte période ; les jeunes n’attendent plus, comme autrefois, que le travail remplisse toute leur vie, ce qui marque un décalage avec leurs aînés, et les patrons souffrent de ce constat. Par ailleurs, en France, les horaires de travail diminuent par paliers150, au gré des interventions gouvernementales.

118. Les cadres français, qui assuraient les plus longues journées de travail du monde

industrialisé, passent, souvent, aujourd’hui pour des paresseux.151 Les français n’en cumulent pas moins les paradoxes : le travail demeure important en termes de développement personnel et de responsabilités, mais il doit pouvoir être effectué sur des horaires acceptables, apporter de bons revenus, sans trop de stress, et surtout sans prendre toute la place152.

« Autrefois, les gens construisaient leur projet personnel à l’intérieur du cadre professionnel ; aujourd’hui, ils définissent celui-ci à l’intérieur de leur projet privé. »153

« On travaille toujours aussi intensément, mais selon des séquences différentes, des congés plus courts mais plus nombreux et mieux respectés, cela requiert une meilleure organisation »154. C’est ce à quoi s’est engagé le groupe PSA, via une charte conclue avec ses

148 F. BAUCHARD, C. BERNARD, P.M. DESCHAMP, L. STEINMANN, J. TRENTESAUX, « Les français travaillent-ils assez ? » Enjeux, mai 2002

149 Voir en ce sens, T. REVET, « La force de travail, étude juridique », Thèse Montpellier, 1992 150 Voir en ce sens, J. BARROT, « Travailler moins, mieux, plus nombreux », Le Monde, juill. 1996

151 « Les cadres français travaillent moins que les autres », Etude réalisée auprès de 10000 cadres de la fin 2001 au printemps 2003, Les Echos, 25 novembre 2003

Cet article reprend l’idée que les cadres considèrent que leur charge de travail est lourde, excessive alors que ce sont ceux qui travaillent le moins longtemps environ 45 heures par semaine, contre 47 heures pour les Anglais, et 55 heures pour le Royaume Uni.

152 Voir en ce sens, J. JOLY, « Combien d’heures, patron ? » L’Express, 12 juillet 2004

Les plus jeunes patrons demandent l’abrogation des 35 heures et la liberté pour les employeurs de négocier la durée du travail au cas par cas ; pour certains, la limite des 48 heures hebdomadaires, inscrite dans la directive de 1993, suffit amplement à encadrer les conditions de travail.

Pour d’autres, revenir à 39 heures n’est pas une solution ; ce n’est pas le poids des charges sociales qui pénalise les entreprises mais la rigidité de la législation sur le temps de travail. Il faut alors instaurer une souplesse totale dans la durée du travail.

Ainsi, la CGPME et l’UIMM ne souhaitent pas la suppression d’une référence à une durée légale de travail : ils se contenteraient très bien d’un plus large quota d’heures supplémentaires pourvu qu’ils puissent franchir plus facilement la limite des 35 heures.

Pour concilier ces diverses opinions, il faut donner plus de liberté aux entreprises ; il faut permettre aux entreprises ou aux branches d’y déroger par accord. Certes, la loi du 4 mai 2004 permet bien aux accords d’entreprises de déroger aux accords de branche mais pas si ces derniers ont été signés avant l’entrée en vigueur de la loi ; donc une entreprise appartenant à une branche qui a déjà conclu un accord sur le temps de travail ne pourra pas y revenir.

153 A. BRAUN et M. LEGRIS à l’Institut de l’entreprise, L’Express, 12 juillet 2004 154 J.L. VERGNE, DRH du groupe PSA, L’Express, 12 juillet 2004

cadres : « Réduction de la durée des réunions et du nombre de participants, préparation préalable par échanges des dossiers, rédaction de compte rendus et surtout délégations. »

En fait, il ressort une réponse ambivalente des cadres aux enquêtes post-35 heures : certes une grande satisfaction, mais aussi le poids ressenti d’une intensification du travail. Pour maintenir leur productivité, la plupart des entreprises ont en effet exclu du temps de travail, ou comprimé, les pauses diverses et variées, si bien que les notions de temps et de lieu de travail se sont brouillées. Le temps ne permet plus de faire le partage entre travail et non travail.

Dès lors, comment gérer ce temps, difficilement quantifiable chez le cadre ? Le calcul est rendu d’autant plus complexe, lorsque le cadre décompte son temps de travail en jours, et non en heures, par la pratique des conventions de forfaits (A) renvoyant à la notion de charge de travail (B).

A- La pratique des conventions de forfait

119. La loi sur la réduction du temps de travail a classé les cadres en trois catégories155 et a instauré les conventions de forfait en jours pour les « cadres autonomes ». Elle en exclut les « cadres dirigeants », puisque ces derniers ne peuvent prétendre à la réduction du temps de travail.

Il est alors primordial de se pencher sur le champ d’application initial de ces conventions (1), pour constater, par la suite, un élargissement, par le législateur, des bénéficiaires (2).

1) Les cadres concernés

Les conventions de forfaits en jours sont apparues avec la Loi AUBRY (a) ; ensuite, la jurisprudence a rapidement pris position sur ce nouveau mode de décompte du temps de travail (b).

a- Les forfaits en jours instaurés par la Loi AUBRY

120. La loi du 19 janvier 2000156, dite « Loi AUBRY II » a consacré une section spécifique consacrée aux cadres. Désormais, en application d’un accord de branche étendu ou

155 Ut Supra, introduction

d’un accord d’entreprise, il peut être conclu, pour les cadres « autonomes », des conventions individuelles de forfait en jours157.

Reste, alors, à déterminer le nombre de jours sur la base duquel ces conventions individuelles de forfait peuvent être conclues. La loi fixe un plafond de 218 jours158, plafond dont la valeur est maximale et qui interdit aux partenaires sociaux de retenir un nombre supérieur (rien n’interdit cependant de retenir un nombre inférieur sur le fondement du principe de « faveur ».)

121. L’intervention du législateur manifeste la volonté de créer un régime particulier de

la durée du travail des cadres159, exprimée en jours ; ce système déroge aux concepts traditionnels qui gouvernent la durée du travail avec un temps de travail décompté en heures, sur la semaine, et inscrit dans le cadre d’un horaire collectif. Dès lors, l’accord qui introduisait cette forme particulière de décompte du temps de travail pouvait faire l’objet du droit d’opposition 160 avant la loi du 4 mai 2004161. Depuis l’instauration de cette loi, l’accord collectif instituant le forfait jours est sous le régime majoritaire162. En vertu de l’article L. 133-2-2 du Code du travail, il appartient à une convention de branche ou à un accord professionnel étendu de prévoir comme condition de validité des accords d’entreprise, soit une majorité d’engagement, soit l’absence d’opposition. A défaut d’accord de branche prévoyant le recours à l’engagement majoritaire, c’est le droit d’opposition qui s’applique.163

La spécificité de ce dispositif est d’autant plus affirmée que le législateur a pris le soin de procéder aux renvois utiles lorsqu’il a entendu voir appliquer, ou exclure, certaines dispositions contenues au sein du Code du travail. C’est ainsi, qu’il a précisé que les dispositions relatives au repos quotidien164, au nombre de jours travaillés par semaine165, au repos hebdomadaire166 sont applicables aux cadres relevant d’une convention de forfait exprimée en jours.

157 Sur le recours aux forfaits réduit en jours, ut infra : titre 2 chapitre 1

158 La loi n° 2004-626 du 30 juin 2004 a modifié les 217 jours en 218 jours avec la journée de solidarité 159 Voir en ce sens, A. TEISSIER, « Le droit de la durée du travail des cadres au forfait en jours », JCP, E, 21 novembre 2002

160 Art. L. 212-15-3 du Code du travail 161 Loi n° 2004-391 du 4 mai 2004

162 Voir en ce sens, J.E. RAY, « Les curieux accords dits « majoritaires » de la loi du 4 mai 2004, Droit Social 2004, p. 590

163 Voir P. H. ANTONMATTEI, « Accords de réduction du temps de travail : l’arrêt Michelin », Droit Social, septembre-octobre 2004, p. 839

« Que peut-on craindre en effet de l’absence du contrôle judiciaire dès lors que l’accord collectif qui institue le forfait jours est sous le régime majoritaire et que les salariés concernés doivent donner leur accord ? »

164 Art. L. 220-1 du Code du travail 165 Art. L. 221-2 du Code du travail 166 Art. L. 221-4 du Code du travail

En revanche, le législateur a expressément indiqué, que ne sont pas applicables, à ces mêmes cadres, les dispositions relatives à la limite quotidienne de la durée du travail et au contingent d’heures supplémentaires.

122. Appliquant ces règles dérogatoires, un arrêt majeur de la Cour de cassation admet,

qu’en raison d’un degré élevé d’autonomie au plan des conditions de travail, la rémunération du cadre, qui doit alors être importante, peut être indépendante de l’horaire.167 Cet arrêt démontre, que lorsque le degré d’autonomie en matière de conditions de travail est très grand, et que le travailleur est indépendant techniquement, la mesure de la durée effective du travail est impossible, ne serait-ce qu’en raison de l’incapacité, pour l’employeur, de tout contrôler sans altérer cette autonomie ou cette indépendance168.

123. La négociation occupe une place primordiale dans la mise en place de ce dispositif,

puisque elle est la seule voie utilisable pour conclure des conventions individuelles de forfaits en jours. Cette négociation intervient à deux niveaux, car, après l’accord collectif où les partenaires sociaux doivent définir les modalités et caractéristiques des conventions de forfait susceptibles d’être conclues, il faut signer une convention individuelle de forfait, que le salarié peut accepter ou refuser169.

Cette innovation, qui facilite les relations de travail et atténue partiellement la rigidité de la réglementation légale, par l’octroi d’une contrepartie généralement financière, ne pouvait laisser les juges indifférents.

La jurisprudence est donc intervenue pour délimiter les contours de « la convention de forfait » car le caractère dérogatoire de ce type de convention provoque, au regard de la vocation protectrice du droit du travail, une certaine inquiétude.170171

167 Cass. Soc., 19 mars 2003, commentaire de J. BARTHELEMY, Droit Social juillet/août 2003, p. 766

168 Voir également J. BARTHELEMY, « Indépendance ? Indépendance ! », La Revue de l’Avocat Conseil d’Entreprises », 2005, n°93

169 Mécontentée par ce dispositif dérogatoire, la CFE-CGC a saisi le Comité européen des droits sociaux, une instance du Conseil de l’Europe, chargée de faire respecter la Charte des droits sociaux européens.

Pour la CFE-CGC, sous ce régime, les cadres ne sont plus soumis aux durées maximales journalières et hebdomadaires et « rien n’interdit plus à l’entreprise de faire travailler un cadre 78 heures par semaine (13

heures par jour pendant six jours). Il n’a plus aucun recours auprès de l’inspection du travail ou des tribunaux »

Les douze juristes européens, qui composent le Comité des droits sociaux, ont donné raison à la CFE-CGC, estimant que cette durée n’est pas « raisonnable » et que la signature d’un accord d’entreprise ne protège pas suffisamment les salariés. Le comité condamne l’exclusion systématique du paiement des heures supplémentaires des cadres en forfait jours. Actuellement, il ne s’agit que d’un avis ; ce dossier doit être examiné, ensuite, par le Comité des ministres du Conseil de l’Europe, lequel pourrait voter des recommandations à l’égard de la France.

170 I. de BENALCAZAR, « Conventions de forfait : la nécessaire intervention du juge », Travail et Protection sociale, octobre 2002

b- La position jurisprudentielle

124. Au vu des accords signés avec des conventions de forfaits en jours, l’on constate

que le forfait jours a été largement choisi, essentiellement en raison de sa relative simplicité, par rapport à la complexité des forfaits en heures.

Un auteur, le professeur J.E. RAY, a ainsi pu écrire « Le succès attendu ne se dément pas : le forfait jour a légitimement remporté un succès conventionnel considérable, au point de se demander s’il n’est pas devenu la norme statistique. En inversant la problématique légale, les deux sociétés en cause ont d’ailleurs procédé comme beaucoup d’autres : pour elles la notion de « cadre autonome » est aujourd’hui un pléonasme. »172

La finalité d’une convention de forfait est de faciliter la tâche des employeurs dans leur rapport contractuel avec les cadres, mais des difficultés peuvent surgir quant à la distinction entre cadres intégrés et cadres autonomes. En effet, l’enjeu est de taille, dans la mesure où un cadre autonome, qui parviendrait à obtenir la requalification en cadre intégré, pourrait demander le rappel de salaires, en heures supplémentaires, sur cinq années.173

De plus, la référence à l’indétermination de la durée du travail et au degré d’autonomie est une source d’incertitude, qu’il appartient aux juges de dissiper.

125. Ainsi un arrêt de Cour d’Appel du 2 mai 2002174 apporte un premier éclairage sur cette question : il ne suffit pas d’affirmer, dans l’accord collectif, que l’ensemble des collaborateurs bénéficie d’une autonomie dans l’organisation du temps de travail, pour que la totalité du personnel cadre soit soumis aux forfaits jours ; il faut que l’employeur puisse démontrer qu’il a effectivement examiné chaque catégorie de cadres, afin de connaître l’autonomie de chaque fonction ou de chaque poste.

En l’espèce, la société signataire ayant été dans l’incapacité de produire la liste des salariés pouvant être considérés comme intégrés, ainsi que l’analyse des conditions de travail de chaque poste et de chaque fonction, la Cour a relevé l’absence d’éléments objectifs permettant de vérifier si tel ou tel salarié était autonome et le recours généralisé à des forfaits jours, dans l’entreprise comprenant 800 cadres, a été logiquement censuré175.

171 J. BARTHELEMY, « Le soi disant forfait tous horaires », JCP, E, 1999, n°16 172 J.E. RAY, « Temps de travail des cadres : acte IV, scène 2 », Droit Social, mars 2001

173 En vertu de l’article L. 143-14 du Code du travail : « L’action en paiement du salaire se prescrit par cinq ans

conformément à l’article 2277 du Code civil. »

174 CA Lyon, 2 mai 2002, RJS 7/ 2002, n° 821

175 En ce sens, la détermination de la durée du temps de travail risque également de poser des difficultés probatoires à l’employeur, qui devra démontrer que, pour chaque poste, il est effectivement impossible de calculer le temps de travail.

Bien que les conventions de forfait soient établies pour simplifier les rapports contractuels avec les cadres, les notions utilisées dans la Loi Aubry sont loin d’être claires et devront vraisemblablement susciter l’interprétation des juges, dont la mission se révélera délicate.

126. De même, un arrêt intéressant de la Cour d’Appel de Paris du 27 novembre 2002176