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résistantes à l’obésité induite par le régime hyperlipidique, les souris axéniques étaient également résistantes au développement du diabète de type 2181. C’est résultats suggèrent que la présence de bactéries dans l’intestin est nécessaire au développement des maladies métaboliques.

2) Le microbiote transforme le contenu luminal intestinal

Le microbiote intestinal est capable de transformer le contenu intestinal. Il est capable de métaboliser certains constituants du régime, les acides biliaires, le mucus et plus généralement quasiment toutes les molécules qui se trouvent à sa portée. La transformation de tous ces composés n’est pas sans conséquences et elle peut aboutir à la formation de substances absorbables et utilisables par l’hôte. Nous verrons dans cette partie que certaines molécules produites peuvent servir de substrats énergétiques mais aussi de molécules signalisantes aux effets pléiotropes.

a. La fermentation des polysaccharides par le microbiote

Les fibres alimentaires non digestibles par les enzymes eucaryotes arrivent intactes dans le côlon et constituent une importante source énergétique pour les bactéries intestinales. Pour métaboliser ces fibres, certaines bactéries possèdent un arsenal important de glycosidases et lyases aux activités catalytiques complémentaires. Par exemple, une souche bactérienne comme

Bacteroides thetaiotaomicron exprime deux fois plus d’hydrolases que l’Homme et peut donc

cliver presque tous les polysaccharides complexes182. La fermentation bactérienne aboutie à la production d’Acides Gras à Chaîne Courte (AGCC) directement assimilables par l’hôte. Ces AGCC (acétate, propionate et butyrate) peuvent être utilisés comme source énergétique une fois absorbés par l’intestin183. Le butyrate est d’ailleurs le principal substrat énergétique des entérocytes de la paroi du côlon (cf Introduction I‐D‐1)‐b.). Par ailleurs, nous avons vu précédemment que le propionate était un substrat non négligeable lors de la néoglucogenèse (cf

Introduction II‐A‐3)‐b.). L’importance relative de cette source énergétique est variable entre

les espèces animales et l’on estime que 5‐8% des calories sont apportées par le métabolisme des AGCC chez l’Homme184. En revanche chez la vache 70% de ces besoins énergétiques sont couverts par la production d’AGCC par son microbiote184 (Figure 19).

71 Figure 19: Les principales sources énergétiques de l’hôte et de ses bactéries intestinales. Lors de l’arrivée d’un bol alimentaire dans l’intestin la grande majorité des glucides, des lipides et des protéines est absorbée dès la sortie de l’estomac. Ces sources énergétiques représentent 90% de nos apports caloriques quotidiens. Certains composés comme les fibres, les résidus d’amidon ou certaines protéines ne sont pas absorbés dans les parties hautes de l’intestin et sont utilisés comme sources énergétiques par les bactéries intestinales. Les bactéries peuvent également se nourrir de mucus, de cellules intestinales desquamées ou de bactéries mortes. La fermentation des fibres aboutit à la production d’acides gras à chaîne courte absorbables par l’hôte et qui constituent une source énergétique supplémentaire estimée à 5‐8% des apports caloriques chez l’Homme.

Les substrats énergétiques digestibles dans les parties hautes de l’intestin (glucides, lipides, protéines) sont représentés en vert et les substrats non digestibles en bleu. Les acides gras à chaîne courte sont représentés par des triangles jaunes et des carrés bleus. Les AGCC sont également des molécules signalisantes pouvant agir via l’intermédiaire de deux récepteurs FFAR2 (Free Fatty Acid Receptor 2 ou GPR43 G‐Protein‐coupled Receptor 43) et FFAR3 (Free Fatty Acid Receptor 3 ou GPR41 G‐Protein‐coupled Receptor 41). Ces récepteurs se trouvent sur plusieurs types cellulaires et en particulier sur les cellules intestinales et immunitaires. Il a d’ailleurs été démontré que les AGCC étaient capables d’induire la prolifération des lymphocytes anti‐inflammatoires T régulateurs en agissant par l’intermédiaire du récepteur FFAR259,97,98. Cette activation est capable de protéger du développement de la colite chez la souris. Ces effets anti‐inflammatoires ont également été observés à distance de

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l’intestin puisque des souris dont le microbiote intestinal produisait beaucoup de propionate étaient moins sensibles aux allergies pulmonaires causées par les acariens. A l’inverse, des souris nourries avec un régime pauvre en fibres, et par conséquent présentant des taux sanguins de propionate plus faibles étaient, quant à elles, très sensibles aux allergies pulmonaires59. Par ailleurs, les AGCC ont aussi un rôle majeur dans la régulation du métabolisme glucidique. En effet, plusieurs études ont montré que les AGCC pouvaient agir localement sur l’intestin et induire la production de GLP‐1185,186. Le GLP‐1 ainsi produit va pouvoir potentialiser la sécrétion d’insuline et participer à la baisse de la glycémie. Ces résultats ont récemment été retrouvés par l’équipe de T. K. Lam187. Les auteurs ont montré que le propionate était capable d’induire la sécrétion de GLP‐1 en se fixant sur son récepteur FFAR2 au niveau des cellules entéro‐endocrines. La sécrétion de GLP‐1 est alors capable de diminuer la production hépatique de glucose en agissant via le cerveau. En effet, le blocage des afférences vagales par un composé chimique empêche le GLP‐1 d’induire une baisse de production hépatique de glucose187 (Figure

20). Dans une autre étude, De Vadder F. et al., ont également mesuré un effet inhibiteur des

AGCC sur la production hépatique de glucose188. Les auteurs ont d’abord constaté qu’un régime enrichi en fibres ou en butyrate provoquait une diminution de l’activité de la G6Pase hépatique chez les rongeurs, une enzyme clef dans la production hépatique de glucose. Là encore cet effet nécessite la communication entre l’intestin, le cerveau et le foie. Les auteurs ont démontré que les AGCC pouvaient inhiber la production hépatique de glucose en induisant la néoglucogenèse intestinale. En effet, le glucose produit lors de l’activation de la néoglucogenèse intestinale est libéré localement, drainé par la veine porte et détecté par les terminaisons nerveuses du nerf vague situées dans la paroi du vaisseau sanguin. Un message nerveux afférent est alors émis et le cerveau est informé de l’augmentation du glucose dans la veine porte. Le cerveau va ensuite envoyer un message nerveux efférent vers le foie qui inhibe de la production hépatique de glucose. Dans cet article, la production intestinale de glucose n’a pas pour objectif de s’opposer à la baisse de la glycémie mais elle permet d’informer le cerveau de l’arrivée du bol alimentaire (Figure 20).

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Figure 20: Régulation de la production hépatique de glucose par les acides gras à chaîne courte.

Les fibres contenues dans le bol alimentaire parviennent au contact des bactéries intestinales et sont fermentées. Cette fermentation conduit à la production d’acides gras à chaîne courte comme le propionate (triangles jaunes) ou le butyrate (carrés bleus) par le microbiote. Ces acides gras vont pouvoir agir sur l’épithélium intestinal et inhiber la production hépatique de glucose par au moins 2 phénomènes. Le propionate va se fixer sur son récepteur FFAR2 (Free Fatty Acid Receptor 2) au niveau des cellules entéroendocrines et promouvoir la sécrétion de GLP‐1187. Le GLP‐1 va alors se fixer sur son récepteur situé sur les terminaisons afférentes du nerf vague et induire une diminution de la production hépatique de glucose par l’activation de l’axe intestin‐cerveau‐foie189. Le propionate peut également induire la néoglucogenèse intestinale en stimulant le nerf vague via son récepteur FFAR3 (Free Fatty Acid Receptor 3)188. La stimulation du nerf vague va induire la production intestinale de glucose grâce à un relais central188. Le propionate est également lui‐même un substrat néoglucogenique pouvant être converti en glucose par l’entérocyte. Par ailleurs, le butyrate va, quant à lui, activer la néoglucogenèse intestinale en agissant directement sur l’entérocyte. L’activation par les acides gras à chaîne courte de la néoglucogenèse intestinale va provoquer une augmentation du glucose dans la veine porte. Le glucose va alors stimuler les afférences vagales innervant les parois de la veine porte et induire une baisse de la production hépatique de glucose via un relais central188.