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L’introuvable définition médicale des HSE

2. Les HSE : d’insaisissables définitions médicales

2.2.1. Études observationnelles de l’étiologie des HSE

La première démarche employée pour analyser l’étiologie des HSE est comparable à celle des études de population, en ce qu’elle est également fondée sur l’observation : elle consiste à interroger les personnes hypersensibles sur les éléments de leur environnement

13 Il est vrai que les signes cliniques caractérisant une maladie à l’exclusion de toute autre, et permettant de la diagnostiquer avec certitude, sont excessivement rares. C’est précisément la rareté de ces signes, quali-fiés de « pathognomoniques », qui fonde la difficulté du diagnostic médical.

auxquels elles réagissent. Elle permet de caractériser subjectivement leur sensibilité, et d’es-timer la prévalence d’éventuelles formes particulières d’HSE (que distingueraient par exemple le nombre ou la diversité des éléments impliqués). Nous avons repris les mêmes exemples afin d’éviter des redites.

a. MCS

Le questionnaire administré par CARESS et al. [2002] comportait une liste de produits chimiques, parmi lesquelles les participants devaient indiquer ceux « qui les rendent malades » et spécifier la sévérité des réactions correspondantes. L’origine de cette liste n’est pas préci-sée. Les participants ont aussi été interrogés sur la « cause initiale » de leurs symptômes, c’est-à-dire sur les expositions selon eux responsables de leur sensibilisation aux substances chi-miques. Il n’est fait mention d’aucune question portant sur des facteurs autres qu’environ-nementaux. Les répondants ont déclaré réagir aux produits d’entretien (à 88,4 %), à la fumée de tabac (82,6 %), aux parfums (82,6 %), aux pesticides (id.), aux gaz d’échappement (72,5 %), aux produits employés dans les salons de coiffure (60,9 %), à la moquette neuve (53,6 %), aux substances rencontrées dans les jardins publics (52,2 %), aux meubles (39,1 %), au chlore dans l’eau courante (39,1 %), à l’encre fraîche (26,1 %), etc. Par ailleurs, 27,5 % d’entre eux ont affirmé avoir été sensibilisés par des pesticides, autant par des sol-vants, 17,4 % par des matériaux de construction et 15,9 % par des produits pétroliers.

Les études observationnelles de l’étiologie de la MCS n’ont fait l’objet d’aucune recension. Parmi les synthèses générales que nous avons consultées, seul le rapport du DHA les évoque. Y sont résumés les résultats d’une petite dizaine d’études, dont il ressort l’extrême diversité des facteurs environnementaux auxquels les personnes MCS déclarent réagir. Outre les produits précédemment cités, ils incluent les cosmétiques (dont les par-fums, mais aussi les déodorants, les après-rasage, les crèmes, les lotions, etc.), les médica-ments, les solvants, les résines, les teintures, les adhésifs, les désinfectants, les gommes, les plastiques, les fibres textiles synthétiques, les peintures, la naphtaline, les panneaux de parti-cules de bois, les moquettes, les odeurs de bois et de cuisson, les additifs alimentaires, les stylo-feutres… et les CEM. Le caractère hétéroclite de ces observations interdit de dépasser la logique de l’inventaire. Il s’avère impossible d’ordonner les éléments cités selon leurs propriétés chimiques ou toxicologiques, de les grouper selon les particularités des per-sonnes qui déclarent y réagir, c’est-à-dire d’identifier des types de sensibilité, ou encore de distinguer ceux responsables de leur sensibilisation initiale. Seul demeure le constat que la sensibilité des personnes MCS tend à se généraliser au cours du temps, pour concerner un

nombre croissant de produits. Ainsi, leurs observations ne permettent pas de caractériser sans équivoque l’étiologie de la MCS.

b. EHS

Le questionnaire exploité par HAGSTRÖM et al. [2013] comportait une liste, d’origine inconnue, de 50 appareils répandus dans l’environnement quotidien émettant des CEM. Les participants devaient indiquer ceux dont ils avaient observé qu’ils provoquaient leurs symptômes, à chacune des phases supposées de l’EHS. Une question ouverte portait sur les sources d’expositions qu’ils ont en premier associées à leurs troubles, et qu’ils tiennent pour responsables de leur sensibilisation. Aucune question consacrée à d’éventuels facteurs non environnementaux n’est évoquée. Les répondants ont déclaré réagir, durant la phase aiguë, aux combinés de téléphonie mobile (63,4 %), aux écrans d’ordinateur (61,3 %), aux ampoules fluo-compactes (54,6 %), aux écrans de télévision (53,6 %), aux lignes à haute tension (52,6 %), aux unités centrales d’ordinateur (47,9 %), aux ordinateurs portables (42,3 %), aux antennes-relais de téléphonie mobile (id.), aux fours à micro-ondes (39,7 %), ainsi qu’à l’électronique embarquée dans les voitures récentes (39,7 %). Les facteurs de sen-sibilisation les plus cités sont les ordinateurs (50,8 %), les combinés (47 %) et les antennes-relais (7 %) de téléphonie mobile, les lampes électriques (21,1 %), et les écrans de télévision (14,6 %).

Il n’existe aucune recension dédiée des études observationnelles de l’étiologie de l’EHS. Le pré-rapport ANSES [2016] présente les résultats de sept études publiées entre 2002 et 2016, qui s’avèrent très hétérogènes. Outre les appareils cités par HAGSTRÖM et al. [2013], les facteurs environnementaux auxquels les personnes EHS attribuent leurs troubles incluent les téléphones DECT, les émetteurs de radio et de télévision, les radio-réveils, les appareils électroménagers, les veille-bébé, les équipements Wi-Fi et Bluetooth, les ventila-teurs de plafond, les répondeurs téléphoniques, etc. Ils renvoient à des CEM dont les pro-priétés sont très différentes, de sorte qu’aucune logique physique évidente ne se dégage de leur ensemble, et qu’il est difficile de progresser dans leur analyse au-delà de l’énumération. L’existence d’un type particulier de sensibilité a un temps été admise. Observé depuis les débuts des années 1980 et qualifié de « dermatite des écrans », il consistait en des troubles cuta-nés associés au travail sur moniteur cathodique (« video display terminal » dans la terminologie de l’époque). Il a disparu entre les années 1990 et 2000, peut-être suite à la généralisation des écrans à cristaux liquides, alors qu’apparaissait un syndrome général associant des symptômes et des sources d’exposition variés (cf. chap. 2.3.1.3). Ce syndrome correspond à

l’EHS actuelle, dont l’étiologie n’a donc pas été caractérisée de manière totalement satisfai-sante par les études observationnelles.