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Les équipements de stationnement intermodaux pour le vélo : une enquête de préférence déclarée

Dans le document Le retour du vélo comme mode de déplacement (Page 153-157)

(Papon et al., 2011C2, voir tome 2)

Parc de stationnement vélo à la gare centrale de La Haye, Pays-Bas, 15/02/2011.

Photo Francis Kuhn

Situation de l’enquête de préférence déclarée : boxes à vélos, Lieusaint, Seine-et-Marne, 03/2010.

Photos Cristina Osipov, Kely Camoli Berezoski

Les recherches précédentes ont montré que les cyclistes valorisent particulièrement la sécurité du stationnement et la qualité des itinéraires cyclables pour utiliser le vélo comme mode d’accès au train. Au printemps 2010, en Île-de-France, une enquête de préférence déclarée a été menée pour étudier les types préférés d’équipements intermodaux pour les cyclistes dans les gares. À cette fin, 18 situations furent simulées avec des photos et un court texte. Chaque situation combinait les valeurs de six attributs : itinéraire d’accès (piste cyclable, rien), protection du site (plein air, abri, gardien, bagde d’accès, box-consignes à vélos), dispositif d’attache (rien, poteau, arceau, pince-roues), distance aux quais (50 mètres, 200 mètres), horaires (24 heures sur 24, 20 heures, seulement heures de pointe), tarification (gratuit, 10 euros par mois, 20 euros par mois). Les personnes interrogées ont dû évaluer leur degré de satisfaction pour chaque situation sur une échelle à six niveaux. Elles ont été recrutées parmi les cyclistes par courriel, sur des forums sur le vélo, ou sur une bourse aux vélos. Malgré un nombre limité de répondants, un modèle logit cumulatif a pu estimer les effets de la plupart des modalités des attributs. Les répondants retiraient le plus de satisfaction des box, puis de simples abris, et étaient le plus mécontents des redevances de stationnement et du manque de pistes cyclables. De plus, des commentaires qualitatifs de la part des répondants aidèrent à comprendre comment la qualité générale des équipements était évaluée. En particulier, malgré l’estimation relativement faible pour les arceaux, beaucoup de commentaires confirmèrent que ce sont des dispositifs essentiels contre le vol.

6.2.2 Le casque : si on le porte, on fait moins de vélo

(D’après Papon, 2010C1, traduit de l’anglais)

Si la sécurité est une préoccupation majeure des cyclistes qui veulent se rabattre sur les gares, c'est aussi évidemment une question essentielle plus générale pour le vélo, qui est d'ailleurs spontanément citée chaque fois que l'on aborde le sujet. La sécurité se décompose en sécurité primaire (éviter l'accident) et sécurité secondaire (réduire les conséquences de l'accident). Si la sécurité primaire doit être le premier objectif, l'amélioration de la sécurité secondaire est aussi utile.

Le casque est une mesure de sécurité secondaire destinée à protéger les cyclistes de blessures à la tête éventuellement mortelles. Cette proposition peut être mise en œuvre à différents niveaux : en tant que choix personnel du cycliste, en tant que campagne de promotion par différentes parties (professionnels de santé, fabricants de casque, pouvoirs publics), ou en tant que réglementation obligatoire pour certains groupes ou dans certains lieux. Un grand nombre d’actions de recherche ont eu lieu pour évaluer l’efficacité des casques.

L’efficacité des casques pour protéger les cyclistes de blessures graves à la tête lorsqu’ils sont victimes d’un accident est largement admise et démontrée dans des études cas–témoin (d’abord initiées par R.S. Thompson et al., 1989 puis 1996). Le casque réduit les blessures à la tête dans une fourchette de 63 à 88% dans la revue de D.C. Thompson et al. (1999). En France, Emmanuelle Amoros (2009) a récemment trouvé des réductions similaires pour les blessures graves seulement, mais de seulement 20% pour l’ensemble des blessures à la tête. Les casques sont efficaces pour protéger le cycliste au niveau individuel. Cela résulte dans moins de collisions graves ou mortelles pour les cyclistes casqués (de Lapparent, 2005). Mais divers auteurs (Hynd et al., 2009) ont suggéré que les études portant sur les admissions à l’hôpital ne sont pas pertinentes, car elles ne contrôlent pas l’exposition.

Au niveau de la société, l’efficacité des actions en faveur du casque pour réduire les blessures des cyclistes fait l’objet de controverses. Les programmes et les lois sont généralement efficaces pour améliorer le taux de port du casque : S. Royal et al. (2005, 2007) ont passé en revue des interventions visant les enfants, en montrant qu’elles améliorent le port du casque. Les lois sur le casque améliorent aussi le port du casque (Ivers, 2007), mais aucune des études ne prenaient en compte les taux de pratique du vélo. Sur la base de taux de réduction des blessés et tués dérivés des études cas– témoin, et d’hypothèses de taux de respect, G.M. Ginsberg & D.S. Silverberg (1994) ont mené une analyse coûts–bénéfices sur la législation sur le casque en Israël. D.C. Thompson et al. (2004) se sont appuyés sur les études cas–témoin pour promouvoir les programmes sur le casque. Cependant, W.J. Curnow (2005) conteste la validité de leurs recommandations, car elles ne sont pas fondées sur les mécanismes de traumatismes cérébraux.

En fait, pour évaluer les programmes sur le casque, l’efficacité de protection des casques au niveau individuel ne peut pas être répliqué au niveau de la société, à cause des interactions complexes avec l’environnement. Pour les prendre en compte, les études écologiques sont nécessaires ; mais, comme elles sont fondées sur les populations, et pas sur les individus, elles sont moins fiables parce qu’elles ne prennent pas en compte les facteurs de confusion comme les tendances temporelles ou d’autres mesures prises simultanément. Quelques études écologiques trouvent un effet positif des lois ou des programmes (deux études citées par la revue de Macpherson & Spinks, 2007), mais avec un taux de réduction des blessures bien plus faible que celui observé au niveau individuel. D’autres auteurs ne trouvent pas d’effet (Robinson, 2006). B. Hagel

et al. (2006) ont réagi contre les conclusions de Robinson, et eux-mêmes ont à leur tour

montre la relativité des évaluations des programmes sur le casque au cadre conceptuel dans lequel elles sont menées.

Cette différence entre l’effet de protection et l’efficacité des politiques est due à différents facteurs agissant en sens contraire. L’effet de compensation du risque peut accroître le risque pris par les cyclistes casqués, et par les automobilistes à l’égard des cyclistes casqués. L’effet le plus pervers peut être le fait que les politiques sur le casque pourraient réduire le nombre de cyclistes, en augmentant ainsi l’insécurité pour les cyclistes restants, car plus il y a de cyclistes, plus le risque individuel pour chaque cycliste est faible (Jacobsen, 2003).

Une réduction du nombre de cyclistes diminuerait aussi les avantages en termes de santé de la pratique du vélo, avantages qui en général compensent très largement les risques d’accidents. Ces avantages et risques ont été estimés en France à 0,57 contre 0,23 euro par kilomètre (Papon, 2002J2, voir tome 2) au niveau individuel. En Nouvelle-Zélande, la valeur proposée pour les avantages en termes de santé est de 0,92 euro par kilomètre (Genter et al., 2008). Ces avantages fondent plusieurs rapports des pouvoirs publics qui recommandent d’accroître la pratique du vélo (Toussaint, 2008). À partir de la prémisse du rapport de l’avantage en termes de santé sur le risque d’accident (appelé “beta”), P. De Jong (2009) a théoriquement prouvé que les lois sur le casque étaient contreproductives en termes de bilan d’ensemble sur la santé.

Notre contribution n’est pas de discuter de l’efficacité des politiques sur le casque en général, mais d’étudier l’effet du port casque sur le niveau de pratique du vélo. Nous faisons l’hypothèse que les cyclistes casqués font moins de vélo que les cyclistes non casqués. Nous confrontons cette hypothèse à des données empiriques françaises, issues de l’Enquête nationale sur les transports et déplacements 2007-2008, dont nous avons aussi tiré des statistiques descriptives sur les comportements de pratique du vélo et de port du casque. Pour évaluer l’effet du port du casque sur la pratique du vélo, nous avons dans un premier temps fait une comparaison directe, et dans un second temps estimé des modèles.

Les deux étapes donnent des résultats convergents. Selon la comparaison directe, les cyclistes réguliers portant toujours un casque ont une probabilité de faire un déplacement à vélo le jour de référence divisée par 2,4, un nombre de déplacements à vélo divisé par 3,1, un temps total de déplacement à vélo divisé par 1,4, par rapport aux cyclistes réguliers ne portant jamais de casque, sans différence significative pour les cyclistes occasionnels. Un modèle linéaire séparant la variable port du casque de celle de la pratique du vélo montre ceci : les cyclistes portant toujours un casque ont une fréquence de déplacement réduite de 0,15 déplacement par jour. Un modèle linéaire croisant les deux variables de port du casque et de pratique du vélo estime ce qui suit : les cyclistes réguliers portant toujours un casque ont une fréquence de déplacement à vélo réduite de 0,34 déplacement par jour de référence, un temps total de déplacement à vélo réduit de 2 minutes par jour, par rapport aux cyclistes réguliers ne portant jamais de casque, avec des effets contraires mais pas très significatifs pour les cyclistes occasionnels. Un modèle logistique avec les deux variables croisées estime ceci : les cyclistes réguliers portant toujours un casque ont une probabilité de faire un déplacement à vélo le jour de référence divisée par 2,2, par rapport aux cyclistes réguliers ne portant jamais de casque. Les catégories intermédiaires de port du casque affichent des effets plus petits ou non significatifs dans tous les types de résultats, et ils ne représentent qu’une part marginale des cyclistes.

Comme les cyclistes réguliers font quatre déplacements de semaine sur cinq en France, les données montrent clairement que le comportement de port du casque est corrélé avec le niveau de pratique du vélo, et que les cyclistes casqués font moins de vélo que

leurs camarades à la tête nue. À partir de là, il est intéressant de discuter l’implication de ce résultat sur l’efficacité et la conception des programmes sur le casque41.

Les politiques sur le casque devraient viser davantage les groupes appropriés, et devraient faire partie de politiques de sécurité routière d’ensemble, mettant plus l’accent sur les facteurs de sécurité primaire des cyclistes (assertivité, positionnement sur la chaussée, angles morts des véhicules longs, éclairage des vélos, visibilité des cyclistes, règles de priorité, etc.), et sur l’aménagement général de l’espace public favorisant une coexistence pacifique des modes de transport.

L'essentiel est d'encourager la pratique du vélo dont le développement créera un rapport de force favorable pour les cyclistes et leur sécurité. Cet encouragement passe par des mesures physiques d'aménagement des infrastructures, avec un partage de la voirie

41 Une loi qui serait totalement appliquée, et qui édicterait le port obligatoire du casque pour tous les cyclistes, réduirait probablement la pratique du vélo de ceux qui à présent ne portent pas de casque, mais cela ne peut être déduit des données transversales utilisées, comme les non porteurs de casque sont un groupe différent des porteurs de casques et pourraient ne pas adopter le comportement de ces derniers s’ils étaient forcés d’en porter un (notamment, ils peuvent avoir une attitude différente par rapport au risque, Bolen et al., 1998; Farris et al., 1997). Bien que nous n’en avons pas de preuve empirique en France étant donné qu’une telle loi n’existe pas, nous pouvons néanmoins faire l’hypothèse la plus simple en supposant que les cyclistes à présent non casqués forcés à porter le casque adopteraient le niveau de pratique observé par les cyclistes déjà casqués. Selon les résultats empiriques résumés ci-dessus, cela conduirait aux résultats suivants.

En ce qui concerne la probabilité de faire un déplacement un jour donné, les cyclistes réguliers à présent non casqués ne prendraient leur vélo que 42 jours sur 100 jours précédemment cyclés, et pour l’ensemble de la population, le nombre de jours de semaine avec vélo serait multiplié par 0,60.

En ce qui concerne le nombre de déplacements, les cyclistes réguliers à présent casqués ne réaliseraient que 32 déplacements sur les 100 qu’ils font présentement, et pour l’ensemble de la population, le nombre de déplacements un jour de semaine serait divisé par deux.

En ce qui concerne le temps total de déplacement à vélo un jour de semaine donné, les cyclistes réguliers à présent casqués ne circuleraient à vélo que pendant 70 minutes sur les 100 qu’ils y consacrent actuellement, et pour l’ensemble de la population, le temps passé à vélo serait multiplié par 0,85.

À partir de ces chiffres, ce serait facile de calculer l’accroissement du niveau de risque pour les cyclistes restants, et la réduction des avantages en termes de santé. Néanmoins, quelques limites de ces calculs doivent être rappelées.

Premièrement, ils ne concernent que le jour de semaine. Les résultats pour le samedi vont dans le même sens. Pour le dimanche, il reste un effet significatif dans le même sens mais faible sur la probabilité de faire du vélo, pas d’effet significatif sur le nombre de déplacements, et un effet inverse et significatif sur le temps de déplacement. Mais globalement sur l’ensemble de la semaine, les résultats sont similaires à ceux du jour de semaine.

Deuxièmement, l’hypothèse de l’effet d’une loi devrait être vérifiée avec des données empiriques dans d’autres pays. Aussi, dans le cas d’une loi, il y aurait sans doute un certain taux d’infraction, dépendant du niveau de répression.

Troisièmement, il faudrait considérer une plus grande variété d’interventions, de lois strictes à des campagnes d’informations. De plus, l’étude d’interventions limitées à certains groupes, par exemple les enfants, serait utile. Dans ce sens, il semble improbable en France qu’une loi d’obligation totale du casque soit appliquée, étant donné le faible niveau actuel de port, et la forte opposition des associations de cyclistes. Tout au plus, une loi limitée aux groupes montrant déjà un niveau assez élevé de port du casque pourrait être étudiée. Seuls les enfants jusqu’à 9 ans remplissent cette condition.

Pour d’autres situations avec un certain niveau de port, et où le casque peut être justifié par des impératifs de sécurité, comme pour les enfants de 10 à 14 ans et la pratique hors agglomération, le taux de port est trop bas pour envisager une loi ; d’autres interventions sont plus appropriées.

Il reste d’autres cas où la réticence à porter un casque est si grande, soit parce l’apparence compte pour la participation aux activités sociales comme pour les adolescents de 15 à 19 ans, ou juste parce que l’incommodité du port du casque est telle, comme pour les déplacements urbains utilitaires quotidiens, ou les usagers des vélos en libre service, que l’on a seulement besoin de davantage de recherche sociologique. Cependant, le plus bas niveau de pratique mis en évidence pour les cyclistes casqués, ou pour le dire de manière duale, le plus bas niveau de port du casque dans les pays ou les régions où il y a beaucoup de cyclistes, rendrait certainement contreproductive en termes de sécurité routière nette, ainsi que de santé publique, de considérer des programmes sur le casque qui auraient plus pour effet de dissuader l’usage du vélo, que d’éviter les blessures.

plus favorable aux cyclistes et aux transports collectifs, par des mesures réglementaires et policières, visant notamment à réduire les vitesses de circulation, mais aussi par de la communication mettant l'accent sur les avantages du vélo plutôt que sur ses risques. C'est aussi un état d'esprit visant à penser la mobilité autrement qu'à travers la voiture particulière, état d'esprit qui a conduit à la notion d'écomobilité.

6.2.3 Qu’est-ce que l’écomobilité ?

(Papon 2009J2)

Dans le document Le retour du vélo comme mode de déplacement (Page 153-157)