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Chapitre 1 : Épigénétique et protéines associées

I. L'épigénétique : symphonie du vivant

I.1. Définition et origines

Le philosophe Aristote (384-322 av. JC) expose à l’Antiquité la théorie de l’épigénèse, selon laquelle la complexité des organismes émerge progressivement au cours du développe-ment.12 Cependant, c’est le biologiste britannique Conrad Hal Waddington (1905-1975), con-sidéré comme « le père de l’épigénétique » qui, le premier, évoque la régulation de l’expression des gènes et la place qu’elle occupe au cœur du développement des organismes. Il cherche à comprendre comment un unique jeu de gènes, le génotype, en interagissant avec l’environne-ment, conduit à plusieurs phénotypes, soit des caractéristiques morphologiques et fonction-nelles différentes. En 1942, Waddington redéfinit le terme épigénétique, du Grec « epi » qui signifie « au-dessus de » ou « au-delà de » pour traduire le fait que l’épigénétique agit « au-delà » de la génétique. Il définit un trait épigénétique comme « un phénotype stable et transmissible

qui résulte de changement dans un chromosome sans altération de la séquence d’ADN ».13 Pour illustrer son propos, il développe la métaphore de ‘paysage épigénétique’ (« epigenetic

land-scape ») fait de monts et de vallées dans lequel les cellules « empruntent différents chemins »

et se différencient au fur et à mesure.14 Bien que nos cellules possèdent toutes la même identité génétique, elles vont suivre différentes voies de différenciation pour donner plus de 100 phé-notypes cellulaires différents. Cette diversité résulte de profils différentiels d’expression de notre génome qui sont mis en place pendant l’embryogénèse et ensuite maintenus. La machi-nerie épigénétique va mettre en place au cours du développement des marques épigénétiques spécifiques qui permettront ensuite à un même génome de s’exprimer différemment.

L’exemple des abeilles est fréquemment cité pour illustrer la diversification d’individus pour-tant dotés d’un génome unique et appartenant à une population génétiquement homogène. En effet, la reine et les ouvrières ont le même génome mais leur alimentation est différente puisque

11 Joel de Rosnay, La symphonie du vivant : comment l’épigénétique va changer votre vie, Les liens qui libèrent, 2018

12 Collège de France https://www.college-de-france.fr/site/edith-heard/Qu-est-ce-que-l-epigenetique-d-Aristote-a-Waddington-.htm (accessible le 21/07/18)

13 Berger, S. L.; Kouzarides, T.; Shiekhattar, R.; Shilatifard, A. Genes Dev. 2009, 23, 781-783

14 (a) Noble, D. The Journal of Experimental Biology 2015, 218, 816-818 (b) Slack, J. M. W. Nat. Rev. Genet. 2002, 3, 889-895

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20 seule la reine reçoit de la gelée royale. Alors que les ouvrières ont une espérance de vie de 40 jours à 6 mois, la reine peut vivre jusqu’à 5 ans. Sous l’influence d’un comportement alimen-taire, l’expression des gènes a été modifiée par les mécanismes épigénétiques, montrant que l’environnement et les modes de vie affectent les processus épigénétiques.

L’épigénétique connaît, tant au sein du monde académique que de l’industrie pharma-ceutique, un essor considérable depuis une vingtaine d’années ; illustré par la croissance expo-nentielle des publications qui lui sont consacrées aujourd’hui (plus de 8000 en 2017) et le nombre de composés en phase clinique (schéma 2). Par exemple, la société pharmaceutique

GSK – GlaxoSmithKline - a aujourd’hui 5 molécules en phase clinique pour le traitement des cancers épigénétiques.15 Le domaine de l’épigénétique comporte une multitude d’enjeux à la fois scientifique, éthiques, sociétaux, mais également juridiques. Son impact dans le domaine de la santé publique, ainsi que ses conséquences juridiques et scientifiques, sont tels que l’Of-fice Parlementaire d’Évaluation des Choix Scientifiques et Technologiques (OPECST) a effec-tué plusieurs rapports sur le sujet entre 2014 et 2016.16

Schéma 2 : Nombre de publications par an sur l'épigénétique depuis 196017

La régulation épigénétique permet un changement de l’expression du génome sans alté-ration de la séquence nucléotidique, au contraire d’une mutation. Au niveau moléculaire, ce changement se traduit par des modifications chimiques de la chromatine, acquises sous l’action

15 Site GSK https://www.gsk.com/media/3599/cowen-37th-annual-healthcare-conference-slides.pdf

16 (a) Rapport de l’OPECST “Les enjeux et les perspectives de l’épigénétique », Juin 2014 (b) Rapport de l’OPECST “Les enjeux et les perspectives de l’épigénétique dans le domaine de la santé », Octobre 2016 https://www.senat.fr/notice-rapport/2016/r16-033-2-notice.html (accessible le 21/07/18)

17 Graphique réalisé à partir de data Web of Science

0 2000 4000 6000 8000 10000 1960 1970 1980 1990 2000 2010 2020

Nombre de publications sur

l'épigénétique depuis 1960

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21 de protéines. La chromatine est la structure d’empaquetage de la molécule d’ADN au sein du noyau d’une cellule eucaryote. Son unité de base, le nucléosome, est composé d’un cœur de protéines structurales octamérique nommées histones, autour duquel est enroulée la double hé-lice d’ADN (environ 150 paires de bases). Dans le nucléosome, les histones sont assemblées en deux hétérodimères [H2A, H2B] et un hétérotétramère [H3, H4]. Les interactions ADN / histones sont de nature électrostatique puisque les groupements phosphates de l’ADN sont char-gés négativement alors que les histones sont riches en acides aminés basiques (lysine et argi-nine), chargés positivement à pH physiologique. De plus, les marques épigénétiques se diffé-rencient des modifications génétiques par leur caractère réversible et transmissible au fil des divisions cellulaires d’une part et, d’autre part, à la descendance.18 Les nombreuses protéines impliquées dans les processus épigénétiques sont autant de cibles thérapeutiques pour lesquelles on peut espérer la mise au point de thérapies, notamment dans le domaine de l’oncologie. Les protéines impliquées ainsi que les modifications seront détaillées par la suite.

Malgré les avancées introduites par le séquençage du génome humain (1990-2003), la régulation des gènes reste à élucider. L’épigénétique pourrait-elle répondre à des probléma-tiques que la génétique n’a pas pu résoudre ? En effet, la génétique se heurte à ses limites dans la compréhension des pathologies à déterminisme génétique complexe et multifactoriel, où les anomalies génétiques causales ne sont pas toujours connues. Dans ce contexte, l’épigénétique permet d’apporter des informations supplémentaires sur la régulation de l’expression des gènes, où les marqueurs épigénétiques pourraient jouer un rôle crucial dans le développement et le maintien de l’identité cellulaire. On définit le génome codant comme l’ADN qui est transcrit en ARN messager, lui-même traduit en protéine. Or à la suite du programme de séquençage du génome humain, on constate que seul 3% du génome est codant, c’est-à-dire utilisé, si bien que 97% de notre génome est non-codant, et sera qualifié pendant longtemps de « poubelle du gé-nome » ou « junk DNA ».19 Grâce aux nouvelles technologies de séquençage, on sait au-jourd’hui que ce génome non-codant est tout de même transcrit à 70% en petits ARN non tra-duits qui régulent spécifiquement l’expression des gènes et des protéines, démontrant ainsi la complexité des rapports entre génétique et épigénétique.

18 (a) Wright, J. Nature 2013, 498, 10-11 (b) Jurkowska, R. Z.; Jurkowski, T. P.; Jeltcsh, A. ChemBioChem. 2011,

12, 206–222

19 Rapport de l’OPECST “Les enjeux et les perspectives de l’épigénétique dans le domaine de la santé », Octobre 2016

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22 Chaque cellule présente un état épigénétique particulier, appelé épigénome. La mise en place de ce code épigénétique, en parallèle du code génétique, répond à des mécanismes com-plexes et a de multiples rôles biologiques que nous allons maintenant développer.

I.2. Rôles biologiques, mécanismes et protéines impliquées

Nous avons vu précédemment que l’épigénétique est nécessaire à la différenciation cellu-laire et que l’environnement a également un impact. En fonction du phénotype cellucellu-laire, les marques épigénétiques varient d’une cellule à l’autre. Ainsi toutes les cellules n’expriment pas les mêmes gènes à partir d’un même génome. Pour cela, les cellules reçoivent en permanence des signaux de l’environnement interne et externe et produisent toutes sortes de molécules en réponse à ces stimuli, permettant l’établissement de traits épigénétiques stables en 3 stades20 : 1. Le « géniteur épigénétique » : la cellule reçoit un signal environnemental qui sera

con-verti en une voie de signalisation intracellulaire pour activer un « initiateur tique ». Ce signal est passager, il est nécessaire pour déclencher un phénotype épigéné-tique mais ne permet pas sa mise en place ni son maintien.

2. « L’initiateur épigénétique » : une fois activé, il traduit le premier signal reçu pour en-traîner la mise en place de modifications locales de l’environnement chromatinien, dans une région précise du génome (protéines liant l’ADN, ARN non codants, par exemple). 3. Le « mainteneur épigénétique » : il permet de maintenir l’état épigénétique de la

chro-matine grâce à différentes modifications chimiques de l’ADN et des histones

Le rôle de l’épigénétique est de réguler l’expression des gènes en modifiant l’état trans-criptionnel de la chromatine. Certaines protéines vont induire des modifications chimiques ca-ractéristiques sur l’ADN ou les molécules d’histones, et la chromatine adoptera un état con-densé, transcriptionnellement inactif. Cet état bloque l’expression du gène car il ne permet pas aux facteurs de transcription d’accéder au promoteur et d’initier la transcription. À l’inverse, sous l’action d’autres protéines qui engendrent différentes marques chimiques, la chromatine adoptera un état décondensé, transcriptionnellement actif. Au contraire, cet état autorise la transcription du gène car les facteurs de transcription peuvent se fixer au promoteur. C’est

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23 l’équilibre entre les états condensé et décondensé qui permet ou non l’expression des gènes, sous l’influence de protéines spécifiques (schéma 3).

Schéma 3 : États de la chromatine sous l’influence des marques épigénétiques21

La régulation épigénétique se fait grâce aux protéines de modifications de la chromatine

(chro-matin-modifying proteins - CMP) qui vont contrôler la conformation de la chromatine, ouverte

ou fermée, par trois mécanismes biochimiques principaux :22

- La modification de l’ADN (méthylation)

- Les modifications post-traductionnelles des histones (acétylation, méthylation, phosphorylation, ubiquitination)

- Le remodelage des interactions entre l’ADN et les histones au sein du nucléosome

21Perry, A. S. et al. Nat. Rev. Urol. 2010

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24 Chacune de ces voies épigénétiques implique des enzymes bien distinctes, que l’on peut classer comme suit23 (schéma 4 et 5) :

- Les « Writers » : caractérisant les enzymes qui transfèrent une modification sur l’ADN ou les histones

- Les « Editors », « Modifiers » ou « Erasers » : ces enzymes modifient ou suppriment une modification présente au niveau de l’ADN ou des histones

- Les « Readers » : enzymes qui font le lien entre les modifications et des complexes pro-téiques pour exercer un effet sur la transcription.

Schéma 4 : Enzymes impliquées dans les voies de modification de l’ADN20

23 Plass, C.; Pfister, S. M.; Lindroth, A. M.; Bogatyrova, O.; Claus, R.; Lichter, P. Nat. Rev. Genet. 2013, 14,

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Schéma 5 : Enzymes impliquées dans les voies de modification des histones20

Nous allons maintenant décrire plus en détail les différentes modifications de l’ADN et des histones, ainsi que les enzymes impliquées. Dans un premier temps, nous parlerons de la mé-thylation (ADN, histones), puis de l’acétylation et de la phosphorylation des histones. Dans un second temps, nous nous concentrerons sur les complexes de remodelage de la chromatine.

I.2.1. Méthylation de l’ADN et des histones

Des profils de méthylation bien définis sont présents au niveau de la chromatine. Les groupements méthyles peuvent être ajoutés sous l’action de différentes enzymes, soit au niveau de l’ADN soit sur les histones. Nous verrons d’abord la méthylation de l’ADN, avant de détail-ler celle des histones.

La méthylation de l’ADN est une des voies principales de régulation épigénétique et a de nombreux rôles biologiques que nous aborderons dans la partie suivante. Ce sont les DNMT – DNA Méthyltransférases - qui catalysent cette réaction par transfert d’un méthyle à partir d’un cofacteur, le SAM, au niveau des bases azotées cytosine, plus particulièrement dans des régions riches en dinucléotides cytosine-guanine. Il existe plusieurs types de DNMTs, dont les

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26 principales sont la DNMT1, la DNMT3A et la DNMT3B. Certaines zones de l’ADN sont peu méthylées, d’autres présentent de forts taux de méthylation. Dans le cas d’un gène qui doit s’exprimer, on observe en général que les régions promotrices en amont du gène sont hypomé-thylées, pour permettre la transcription, alors que le corps du gène sera hyperméthylé, pour éviter que la transcription ne commence n’importe où. Il est important de noter qu’il n’y a pas un état de méthylation global de l’ADN mais qu’il s’agit de modèles régio-spécifiques, mis en place par les DNMT au cours de l’embryogénèse et maintenus tout au long de la vie de l’orga-nisme par ces mêmes enzymes. Cependant, cette modification est réversible, grâce à l’action de déméthylases : les TET 5-méthylcytosine hydroxylase.24 Ces dernières catalysent une suite d’oxydations successives de la 5-méthylcytosine (5mC) en 5-hydroxyméthylcytosine (5hmC) d’abord, puis en formyle et carboxycytosine. À la suite de ce mécanisme, l’action d’une décar-boxylase ou un processus de réparation de l’ADN par excision de la base azotée modifiée, per-met de retrouver la cytosine native (schéma 6).

Schéma 6 : Déméthylation active de la cytosine par les enzymes TET

En dernier lieu, les effets de la méthylation de l’ADN sur l’expression des gènes sont dus à l’intervention de protéines qui reconnaissent la marque 5-méthylcytosine et induisent un chan-gement de la chromatine.25 Parmi les protéines qui lient l’ADN méthylé on trouve la famille des « methyl-binding domains » (MBD) et les protéines en doigt de zinc (ZnF). La famille MBD comprend les protéines MeCP2 et MBD1- 4, qui lient l’ADN méthylé et, par le moyen de leur domaine de répression de la transcription, interagissent avec différents complexes répresseurs

24 Cadet, J.; Wagner, J.R. Mutation Research 2014, 18–35, 764–765

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27 qui bloquent la transcription du gène. Les protéines en doigt de zinc vont jouer un rôle de pro-tection des profils de méthylation lors de la vague de déméthylation lors de la pré-implantation de l’embryon. Cependant, d’autres protéines vont intervenir pour recruter les DNMT lors de la réplication de l’ADN.

La méthylation des histones sur leurs résidus arginine et lysine est une autre voie pré-pondérante de la régulation épigénétique. Cette modification est catalysée par les enzymes HMT - Histone méthyltransférases, que l’on peut séparer en deux familles : les HKMTs – His-tones Lysine méthyltransférases et les HRMTs – HisHis-tones Arginine méthyltransférases. Toutes deux utilisent également le cofacteur SAM comme donneur universel du groupe méthyle, et le transfert au niveau de l’azote terminal des chaînes latérales des acides aminés basiques. Il existe plus de 60 types différents d’HMTs, que nous ne citerons pas ici, et chaque famille est respon-sable de la méthylation d’un ou deux résidus lysine ou arginine, qui composent les queues des histones. Les HMTs peuvent mono- (me1), di- (me2) ou tri- (me3) méthyler les lysines, alors que les arginines sont mono-méthylées. Chaque état de méthylation d’une lysine ou d’une ar-ginine particulière peut entraîner des conséquences très différentes sur l’activation ou la répres-sion de la transcription, la réplication de l’ADN et sa réparation. En fonction de la nature de l’histone (H3, H4 etc.), du résidu touché et du nombre de méthyl ajoutés (mono-, di- ou trimé-thylation), la chromatine adopte un état transcriptionnellement actif ou non. Par exemple, la marque H3K4me3 c'est-à-dire triméthylation (me3) de la lysine (K) en position 4 de l’histone H3, mène à une chromatine ouverte ; alors que H3K9me3 mène à une chromatine fermée. Les profils de méthylation des histones peuvent aussi être altérés par l’action de HDM – Histone déméthylases - qui opèrent via un mécanisme d’oxydation du groupe méthyle (schéma 7)26. Elles existent en deux sous-groupes : les KDM (« lysine-specific histone déméthylases »), qui déméthylent les lysines mono- ou diméthylées ; et les JHDM, protéines à domaine Jumonji (« Jumonji histone déméthylases »), qui déméthylent les lysines mono-, di- ou triméthylées.27

26 Walport, L. J.; Hopkinson, R. J.; Chowdhury, R.; Schiller, R.; Ge, W.; Kawamura, A.; Schofield, C. H. Nature

Communication DOI: 10.1038/ncomms11974

27 Plass, C.; Pfister, S. M.; Lindroth, A. M.; Bogatyrova, O.; Claus, R.; Lichter, P. Nat. Rev. Genet. 2013, 14,

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Schéma 7 : Déméthylation oxydative des lysines par les KDMs

I.2.2. Acétylation et phosphorylation des histones

L’acétylation et la phosphorylation des résidus lysine des histones constituent une autre forme de modification en parallèle de la méthylation. Dans ces cas également, des profils d’acé-tylation et de phosphorylation sont bien définis et doivent être respectés pour conserver l’ho-méostasie du génome. Nous présenterons rapidement l’acétylation, avant de faire de même avec la phosphorylation.

Contrairement à la méthylation, qui peut avoir des effets opposés, l’acétylation des his-tones va activer la transcription de manière ubiquitaire. Cette marque mène à un état ouvert de la chromatine, augmentant son accessibilité pour divers facteurs de transcription. En effet, le groupement acétyle va neutraliser les charges positives au niveau des résidus lysines et argi-nines, ce qui va avoir pour conséquence de réduire les interactions électrostatiques entre les histones et l’ADN, chargé négativement. Les HAT - Histone acétyltransferases - catalysent l’ajout d’un acétyle sur les histones à partir de l’acétyle coenzyme A (acétyl-CoA). Le méca-nisme est séquentiel, à la suite de la formation d’un complexe ternaire entre l’acétyl-CoA, la lysine de l’histone et l’enzyme HAT, le groupement carboxylate d’un glutamate du site actif de l’enzyme va déprotoner la lysine, permettant son attaque nucléophile directe sur le carbonyle de l’acétyle CoA. Il existe plusieurs familles de HAT, dont les deux principales sont Gcn5 et MYST, que nous ne détaillerons pas ici.28 Les HDAC - Histone déacétylases - seront au con-traire responsables du clivage des acétyles au niveau des lysines et tendront à réprimer la trans-cription.

28 Pour plus d’informations voir : (a) Berndsen, C. E. et al. Biochemistry 2007, 46, 623-629, (b)

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29 Les histones peuvent aussi être phosphorylés par plusieurs protéines kinases au niveau de leurs acides aminés aliphatiques à fonction alcool (résidu sérine, thréonine et tyrosine), de manière ATP-dépendante.29 Cette modification joue un rôle majeur dans les processus de répa-ration de l’ADN (phosphorylation de l’histone H2A), lorsque celui-ci est endommagé, mais également dans la compaction de la chromatine et la régulation de la transcription (phosphory-lation des histones H3 et H2B). Le mécanisme implique d’abord la déprotonation du groupe-ment hydroxy de l’acide aminé, générant ainsi un fort nucléophile qui va attaquer le phosphore électrophile et extraire un des phosphates de l’ATP en présence d’ion magnésium (II) (schéma 8).30

Schéma 8 : Exemple de la phosphorylation d’un résidu sérine

La déphosphorylation sera médiée par des phosphatases, tel que la PPP - PhosphoProtéine

Phosphatase.

29Rossetto, D. ; Avvakumov, N. ; Côté, J. Epigenetics 2012, 7, 1098-1108

30 https://www.thermofisher.com/us/en/home/life-science/protein-biology/protein-biology-learning-center/pro-tein-biology-resource-library/pierce-protein-methods/phosphorylation.html#/legacy=www.piercenet.com (acces-sible le 23/07/18)

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30 L’ensemble des modifications présentes sur la queue des histones vont ensuite être reconnues par une série de protéines « reader » qui vont lire les marques et traduire l’information qu’elles contiennent en profil transcriptionnel distinct et cela par l’altération de l’état chromatinien. Cer-taines protéines vont lire les groupements méthyles, d’autres reconnaitrons les groupements acétyles ou phosphates.31

Le tableau et le schéma suivants récapitulent l’ensemble des protéines « Writers », « Erasers » et « Readers » répertoriées à ce jour qui sont impliquées dans les modifications de l’ADN et des histones (Tableau 1, schéma 9).

« Writers » « Erasers » « Readers »

ADN DNMTs (1-3) TETs (1-3)

MeCP2

Proteins with methyl-bind-ing domains MBD Histones : o Méthylation o Acétylation o Phosphorylation HMTs / HKMTs HATs Kinases HDMs / KDMs HDACs PPPs TAF3, DIDO1, CHD Protéines à bromodomaine Phosphatases Tableau 1

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Schéma 9 : Modulation des modifications covalentes de la chromatine32

I.2.3. Complexe de remodelage de la chromatine

Le remodelage de la chromatine, que nous allons décrire rapidement dans cette partie, constitue le dernier mécanisme principal de la régulation épigénétique.

Les complexes de remodelage de la chromatine ou chromatin remodeling complexes CRCs fonctionnent comme des machines macromoléculaires ATP-dépendantes, car elles comportent plusieurs sous-unités et utilisent l’énergie de l’hydrolyse de l’ATP pour perturber localement l’association entre ADN et histones. En conséquence, ils permettent de déplacer les nucléo-somes le long de la chromatine et d’enlever ou échanger des nucléonucléo-somes.33 Ainsi, ces com-plexes rendent l’ADN et les histones accessibles pour des protéines qui ont besoin d’y accéder