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Mise en évidence d’une réaction nucléaire en chaîne au
sein d’une masse uranifère
H. Halban, F. Joliot, L. Kowarski, F. Perrin
To cite this version:
MISE EN
ÉVIDENCE
D’UNERÉACTION
NUCLÉAIRE
ENCHAÎNE
AU SEIN D’UNE MASSEURANIFÈRE
Par H. HALBAN JR, F.
JOLIOT,
L. KOWARSKI et F. PERRIN. Laboratoire de Chimie nucléaire(Collège
deFrance).
Sommaire. 2014 Les
expériences décrites dans cette Note donnent le nombre de neutrons produits dans
une sphère d’oxyde d’uranium humide de 50 cm. de diamètre irradiée par une source de photoneutrons
primaires. Une discussion de la valeur de ce nombre permet de conclure que les neutrons produits sont d’origine secondaire, tertiaire, etc., mettant en évidence, dans le système utilisé, la production
de réactions en chaine convergente.
Poursuivant l’étude de la libération des neutrons
au cours de la
rupture
nucléaire de l’uranium[i],
nous avons étudié la distribution de la densité des neutrons
thermiques présents
dans une masse à haute teneurd’uranium,
irradiée par une sourcede
photoneutrons
(1).
Une
sphère
en cuivre(diamètre
5ocm),
immergée
dans un réservoir
plein
d’eau, peut
êtreremplie
d’eauou de
30o kg
depoudre
de U3 011(sèche
ou additionnée d’unequantité
variabled’eau).
Une source dephotoneutrons (i
g Ra+
~6o g Be)
estplacée
aucentre de la
sphère.
La densité des neutronsprésents
dans la
sphère
est mesurée par l’activité I induite dans des détecteurs endysprosium placés
à l’intérieurde la
sphère
ou dans l’eau environnante. La courbe Ir2 =f (r),
r étant la distance entre la sourceet l’un des
détecteurs,
a été tracée pour les cassuivants : ’
-
sphère pleine
d’eau;
-sphère pleine d’oxyde
secd’uranium;
-
sphère pleine d’oxyde
mouillé defaçon
à contenir i H pour iU;
--
sphère pleine d’oxyde
mouillé à 2H;
-sphère
pleine d’oxyde
mouillé à 3 H.Nous nous sommes assurés que la distribution de
l’eau dans la
poudre
mouillée était suffisamment uniforme.La forme des courbes obtenues
présente
desparticularités
intéressantes,
notamment dans lecas 2
H,
où deux maxima distincts sont visibles(pour
r =14
cm et r = 28cm).
Elle montrequ’il
est illusoire de tirer des conclusionsquantitatives
de la détermination de la densiténeutronique à
une seule distance : les conclusionsqu’on
tirerait ainsichangeraient
avec la distance choisie. L’intérêtprincipal
réside dans la valeurnumérique
de la surface des courbes obtenues. Eneffet,
cette valeurétant
l’intégrale
de la densiténeutronique
étenduesur un
volume,
la surface de la courbe estpropor-tionnelle au nombre des neutrons
thermiques
présents
àchaque
instant dans lesystème. Rappelons
quece nombre est
égal
auproduit
Q -,
Q
étant le nombrede neutrons de toute
origine qui,
par unité detemps,
sont ralentisjusqu’à
l’étatthermique
dans lemilieu,
(’) Les résultats donnés ici correspondent à des expériences faites avant le 1 cr septembre ic)3~.
et - la vie moyenne d’un neutron
thermique,
c’est à-dire letemps
moyenpendant
lequel
il diffuse dans lemilieu,
enéquilibre thermique,
avant d’être absorbé. Leproduit QT
n’est réellement propor-tionnel àl’intégrale Ir2drqu’à
conditiond’employer
un détecteur
qui
absorbe les neutronsthermiques
suivant la loi
ilv;
les donnéesexpérimentales
donton
dispose
actuellement semblent montrer que ledysprosium
suit cette loi d’assezprès.
Le Tableau suivant résume les résultats
numé-riques
de nosexpériences :
Teneur en eau du milieu eau
(atomes H par atome U). 0 H. 1 H. 2 H ;3 H. pure.
Surface totale de la courbe
(unité arbitraire)...
0.78 o.g8
ï.o~ 1 ~ i j ~ooSurface
correspondant
àl’intérieur de la
sphère.
0.’)10, ’):- o, 5 7
o,7?Surface
correspondant
àl’extérieur de la
sphère.
o57 o.Ô] 0.17 0.t5-Nous essayerons de
dégager
le sensphysique
de ces données etplus
particulièrement
de cellesconcernant le cas 3 H. On
peut
écrire,
notamment :(J¡nt. ’"":int.
-O. 7’~
() t’xl. ’"": l’xl.
- o; 13.QIlII.
et~ext. :
nombre de neutronsqui,
par unité detemps,
deviennentthermiques
dans le milieuintérieur
(extérieur),
dans notreexpérience
avec 3H;
7ÍIlt. et 7(,:Bt. : vie moyenne d’un neutron
thermique
dans le milieu intérieur
(extérieur),
dans la mêmeexpérience.
Les unités de
Q
et T sont choisies defaçon
à avoirQ
= i etc i dans notreexpérience
avec l’eau pure; dans ces conditions les surfacesindiquées
dans le tableau ci-dessus sont
numériquement
égales
aux
produits
Q-r
correspondants.
Il
faut,
cependant,
discuter l’influence desphéno-mènes
d’échange
de neutrons à la surface de discon-tinuité entre les deux milieux. Des neutrons lents(E
1 00eV)
traversent cette surface dans les deux sens; un neutron absorbé dans un milieu n’a donc pas nécessairementpassé
toute sa vie deneutron lent dans ce même milieu. Cet
effet,
qui
inté-resse deux couches
sphériques
de faibleépaisseur
de
part
et d’autre de la surface dediscontinuité,
entraîne deux corrections de sens contraire sur les
vies moyennes 71JJt et 7.,Bt des neutrons observés
429
dans cette
région.
Un calculapproximatif
montreque la résultante de ces deux corrections
peut
êtrenégligée.
Nous pouvons
évaluer 71J1t.
en tenantcompte
des concentrations et des sections efficaces connues. Avec 3 H pour 1U,
enposant
pour les neutronsthermiques
et en
négligeant
lacapture
parl’oxygène,
nous avons 71111. =o,43.
d’où nous tironsQ;",.
_1.67.
En y
ajoutant Q f~,,.
=o,~15
(puisque
7(’’.1. =1 ),
nous obtenons un total de 2,12.
Ainsi,
malgré
lefait que la
présence
de l’uraniumempêche,
parabsorption
par résonance unepartie
notable des neutronsprimaires
de devenirthermiques,
la pro-duction des neutronsthermiques
dans lesystème
est
plus
que doublée du fait de l’introduction del’uranium.
Essayons
dedistinguer,
dans le total observéde 2,12,
l’apport
des neutronsprimaires (issus
dela
source)
de celui des neutrons nonprimaires
(issus
del’uranium).
Tout neutronprimaire
a laprobabilité
i -q de devenir
thermique
dans lemilieu
v ~
H en ne tenant pascompte
del’absorp-tion par résonance. Dans ce
milieu,
au cours duralen-tissement,
le neutron a laprobabilité
p d’être absorbé par résonance.Ainsi,
seule la fractiony -
9)
(r
-p)
arrive à l’état
thermique
à l’intérieurdu
milieuet
parmi
ces neutronsthermiques
une fraction w seulementproduit
desruptures
(le
reste étantabsorbé par
simple
capture
dans l’uranium etl’hydro-gène).
Cesruptures
produisent
tous les neutronsnon
primaires,
soit(la
division par est nécessaire pour remonterdes neutrons
thermiques
observés à l’intérieur auxneutrons lents
produits
et demeurés àl’intérieur).
Lequotient
n
représente
donc le nombre total des neutrons issusd’une
rupture
produite
par un neutronprimaire.
La valeurnumérique
de w résulte immédiatementdes sections efficaces et des concentrations données
plus
haut;
elle estégale
ào,54.
La valeur de p
dépend
dans une certaine mesure(déterminée
par la forme de la raie derésonance)
de la teneur en uranium du milieu. Nous l’avonsestimée en utilisant une série de mesures pour des
concentrations
plus
faibles en uranium faitesd’après
une méthode décrite par ailleurs[2].
Pour des raisons
théoriques
onpeut
s’attendre àce que, pour des teneurs
plus
élevées enU,
p croissebeaucoup plus
lentement etqu’il
soit voisin deo,50
pour la teneur 3
Hj
U. Pour le calcul ci-dessus nousadopterons
parprudence
p =o,4o.
Ce chiffrecom-prendra
également
laperte
des neutrons parabsorp-tion à l’état
semi-rapide qui
ne doit pas êtrenégli-geable (c f . [3]),
ainsi que le confirme d’ailleurs notreexpérience
avecl’oxyde
sec(voir
le Tableauci-dessus).
La valeur de 9
peut
être évaluée en assimilantles 25 cm
d’épaisseur d’oxyde
mouillé à un certainéquivalent
d’eau pure. Pour calculer cetéquivalent
nous
adoptons,
pour les sections efficaces de diffusionélastique
desneutrons, " la
valeur 1 3 . 1 0-24 cm 2pour -
H2 0 et I 5 . I 0 24 CM2pour
Le milieu renfermant g d’eau par centimètrecube, 25
cmde
mélange
équivalent
à 25 X0,42
=o, 5
cm d’eau.Cependant, la
diffusion contre l’uranium conduit àun nombre de chocs contre
l’hydrogène qui
est d’unfacteur (
13+
~- )/i~
plus
grand
que dans un milieucontenant g d’eau par centimètre cube sans
autre centre diffusant.
L’équivalent
s’établit ainsi à 15 cm d’eau et la distribution bien connue de la densité desphotoneutrons
dans l’eau(voir,
parexemple, [~11)
montre que laproportion
des neutronsdevenant
thermiques
à des distances cm de la source estégale
à 85%, d’où y -
0,15.
En introduisant les valeurs
numériques
deQinl,
Pext..
lv, p, p dansl’expression
ci-dessus,
nous consta-. tonsqu’une
rupture
primaire produit
un total d’au moins 8 neutrons nonprimaires.
Comme ilparaît
difficile d’admettre que tous ces neutrons
proviennent
d’un noyauunique
d’uranium(ci.
la valeurde
3,5
± o,7 neutrons parrupture
que nous avons annoncéeprécédemment),
nous en concluons que desruptures
secondaires, tertiaires,
etc.,
ont eu lieu et quenous sommes en
présence
d’une réaction en chaîneconvergente.
-BIaii-Liscrit recti le i,) septeiiibre ig3g.
Manuscrit reçu le n) septembre 1939.
13IB1,10CBAPHIE.
[1] H. HALBAN, F. JOLIOT et L. KOWARSKI, Nature, 143. p. 470, 680 et 939. 2014 H. ANDERSON, E. FERMI
et H. HANSTEIN, 1939, 55, p. 797. 2014 L. SZILARD
et
W. ZINK, Phys. Rev., 1939, 55, p. 799. 2014 H.
ANDERSON,
E. FERMI et L. SZILARD, Phys. Rev., 1939, 56, p. 284.
[2] H. HALBAN, L. KOWARSKI et P. SAVITCH, C. R. Acad. Sc., 1939, 208, p. 1396.
[3] H. HALBAN et L. KOWARSKI, Nature, 1938, 142, p. 392.