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Revue Médicale Suisse–
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19 octobre 2011actualité, info
Le gouvernement de la Ve Répu
blique française se pique depuis peu de qualité nutritionnelle. Il a estimé durant des années qu’il ne lui revenait pas de traiter des ques
tions d’intendance alimentaire ; et le voici qui vire lof pour lof. On l’entend un jour annoncer – roule
ments de tambour – qu’il va aug
menter les taxes sur les boissons dans lesquelles des industriels ont cru fructueux d’ajouter des sucres (Rev Med Suisse 2011;7:1778
9). Et voilà qu’on le surprend, le lendemain, occupé à régenter les futurs menus des cantines sco
laires.
Faudraitil se plaindre ? Les me
naces présentes et à venir inhé
rentes au surpoids et à l’obésité ne justifientelles pas pleinement
que les pouvoirs publics s’empa
rent de la question ? Ne doivent
ils pas user autant que faire se peut de leur autorité afin de ré
duire la portée future de ce fléau ? L’urgence ne réclametelle pas que l’on prenne le risque de lais
ser ces pouvoirs empiéter sur des espaces généralement tenus pour être pleinement du ressort de la liberté individuelle et du libre ar
bitre alimentaire ?
Il se trouvera bien évidemment, ici ou là, quelques voix libertaires pour soutenir que la démocratie recule quand on voit l’Etat entre
prendre de dicter le contenu de l’assiette des citoyens. La belle affaire ! On pourra toujours leur rétorquer que si la mission quasi régalienne de l’Etat consiste avant tout à prévenir les pénuries ali
mentaires, elle se prolonge tout naturellement par la prévention des conséquences multiformes des surplus caloriques répétés. Bien sûr, mieux vaudrait sans doute
convaincre que – directement ou non – contraindre. Mais nous ne vivons décidemment pas dans un monde d’harmonie. Et la publicité outrancière de l’agroalimentaire, associée au péché de gourmandise, réclame des instruments dont on aurait pu imaginer en d’autres temps pouvoir faire l’économie.
L’heure est donc bel et bien à l’ac
tion.
C’est aujourd’hui le cas en France où le gouvernement républicain vient de fourbir l’arsenal réglemen
taire pour obtenir que les enfants des écoles, des collèges et des ly
cées – ils sont plus de six millions à être concernés – respectent au mieux les règles élaborées par diététiciens et nutritionnistes. Las ! Le mieux peut être l’ennemi du bien et le jacobinisme ne porte pas toujours les vertus égalitaires.
Quant à Georges Courteline (Tours, 1858Paris 1929) il aurait, vivant, bien des tableaux à brosser.
Courteline ? Etudes au collège de Meaux (moutarde et brie célè bres), service militaire au 13e régiment de chasseurs à cheval avant d’ef
fectuer un séjour dans l’Adminis
tration des cultes. Ce dramaturge et romancier en avait assez vu et entendu pour dénoncer au vinai
gre les travers des fonctionnaires et les absurdités du fonctionnariat.
Sous Courteline, les «ronds de cuir» (dont il fit un roman célèbre) n’apparaissaient décidemment pas comme l’avenir de l’homme.
Ils ne semblent pas l’être devenus.
Résumons cette affaire de régle
mentation cantinière dans un pays qui se targue de voir sa gastrono
mie inscrite au patrimoine mon
dial et immatériel de l’Unesco.
Huit ministres (dont ceux de la Défense et de l’Intérieur) et secré
taires d’Etat viennent de parapher le texte d’un décretloi publié au Journal Officiel de la République française, daté du 2 octobre. Les mesures édictées devaient entrer en vigueur dès le lendemain de la publication du texte, et ce «dans les services de restauration sco
laire servant plus de 80 couverts par jour en moyenne sur l’année».
La cible ? Les graisses et les sauces, le sel, le sucre et les feux des four
neaux. La vie scolaire sans frites (ou presque). L’heure n’est plus
comme jadis à «l’éducation du goût» mais bien à l’apprentissage restrictif. Le bâton plus que la ca
rotte. Tout va passer au tamis avant le passeplat : la variété et la composition des repas, la taille des portions, le service de l’eau, du pain, du sel et des sauces.
Article 2 du décret :
«L’eau est à disposition sans restric- tion. Le sel et les sauces (mayonnaise, vinaigrette, ketchup) ne sont pas en libre accès et sont servis en fonction des plats.
Le pain doit être disponible en libre accès.»
Qui décrètera quel plat réclame ou non la mayonnaise ? Le courte
Georges Courteline au menu des cantines de France
revue de presse
Révision de TarMed : le Conseil fédéral interviendra
«Nous ne sommes pas parvenus à trouver un terrain d’entente.» Tel est le message délivré par les assu
reurs, les médecins et les hôpitaux dans une lettre envoyée au Conseil fédéral à la fin du mois de septem
bre. Au printemps, le gouvernement avait fixé cette date aux partenaires pour qu’ils lui soumettent un con
cept de révision de TarMed, le tarif des prestations médicales ambula
toires.
«Nous avons demandé l’arbitrage du Conseil fédéral pour rapprocher les positions sur la manière d’évaluer les coûts», explique Jacques de Haller, président de la Fédération des mé
decins suisses (FMH). Porteparole du Département fédéral de l’intérieur (DFI), JeanMarc Crevoisier con fir
me : «Nous allons nous mettre autour d’une table. Nous pourrons nous appuyer sur l’initiative votée par le National (ndlr : et qui doit encore passer devant les Etats) qui donne des compétences plus précises au Con seil fédéral.» Mais une solution ne devrait pas être attendue avant le début de l’année prochaine. (…) Tous les partenaires s’entendent sur le principe de la neutralité des coûts qui doit présider à la révision du Tar
Med. Mais cette unanimité repose sur des interprétations divergentes.
«Afin de maintenir la neutralité des coûts, nous proposons de revoir la valeur du point tarifaire, indique Jac
ques de Haller. C’est la position que défendent aussi les hôpitaux et les assureurs accident.»
«La révision ne doit pas aboutir à une augmentation», rétorque Anne Durrer. Les gains de productivité qui résultent du progrès technique mais aussi de certaines formes d’organi
sation comme les cabinets de grou
pe doivent être pris en compte. D’un autre côté, «nous sommes favorables à la médecine de proximité. Cette der
niè re ne doit pas faire les frais d’une révision, ajouteton chez santésuis se.
Nous souhaitons au contraire qu’elle soit revalorisée.»
L’un des objectifs de la révision du TarMed est, en effet, de revaloriser la rémunération des médecins de famil
le au détriment de certains spécia
listes. Jacques de Haller balaie l’idée d’un simple transfert des seconds aux pre miers : «La revalorisation de la mé
decine de premier recours n’ira pas sans renchérissement, car le poten
tiel d’éco nomies chez les spécialistes pour les prestations relevant de Tar
Med est limité.» Pour le président des médecins, il s’agit d’une question po
litique qui doit être tranchée à ce ni
veau.
La FMH craint surtout de rouvrir la boîte de Pandore : l’adoption de Tar
Med avait conduit à de très vives ten
sions au sein de l’association qui avait dû procéder à de très délicats arbi
trages entre les spécialités. (…) Laurent Aubert Tribune de Genève du 13 octobre 2011
Santésuisse : simple crise ou implosion ?
Assisteton à l’implosion de santé
suisse, comme le prétend le président de la FMH Jacques de Haller, ou est
ce une simple crise de croissan ce, comme l’affirme le porteparole du Groupe Mutuel, Yves Seydoux ? Le fait est que l’ampleur de la crise ne peut pas être dissimulée. Le président du conseil d’administration, Claude Ruey, a démissionné pour la fin de l’année et le directeur Stefan Kauf
mann a annoncé son départ pour la fin mars. L’association faîtière des as
linesque réside aussi, comme le diable, dans les détails. Ainsi faut
il se pencher sur les deux arrêtés de ce décret destinés aux gestion
naires des cantines scolaires. Et, pour aider à comprendre, donner quelques extraits. Comme ceux empruntés à l’annexe I relative aux «fréquences de présentation des plats» :
«Au sens de la présente annexe, on entend par :
– produits gras : produits à teneur en matières grasses supérieure à 15% ; – produits sucrés : produits contenant plus de 20 g de sucres simples totaux par portion ;
– plat protidique : plat principal à
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