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Article p.1 du Vol.29 n°311 (2010)

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BIOFUTUR 311 • JUIN 2010 11

L

a douleur, cette amie qui nous protège et nous prévient de l’im- minence d’un dégât corporel, n’a pas toujours été considérée comme une sensation corporelle. Dans la Grèce classique, la douleur ne fait pas partie des cinq sens définis par Aristote : elle est rangée au contraire avec les « passions de l’âme », donc avec les émotions.

Malgré les efforts de cliniciens comme Galien, qui la conçoit comme une atteinte du tact, la douleur-émotion reste prédominante chez les philosophes pendant quinze siècles, et Spinoza en parle comme de « la plus médiocre des passions ».

U

n grand tournant épistémologique est donné par Descartes dans son Traité des Passions(justement), affirmant en 1649 que « les odeurs, les saveurs, la chaleur, la douleur […] excitent aussi quelque mouvement en nos nerfs, qui passe par leur moyen jusqu’au cer- veau ». La révolution sensorielle est alors en marche, la douleur-sensation se substitue à la douleur-passion, et le champ de bataille change : les controverses porteront désormais sur des questions sensorielles, en particulier sur la nature spécifique ou non de la sensation douloureuse : résulte-elle de systèmes physiologiques qui lui sont dédiés, ou s’agit-il au contraire d’une réponse non spécifique à toute stimulation dont l’intensité atteint un niveau dangereux ? Max Von Frey et Alfred Goldscheider soutiendront une longue querelle à ce sujet à la fin du XIXe, que leurs disciples poursuivront bien au-delà. L’abondance de descriptions anatomocliniques fera inexorablement gagner du terrain au courant spéci- ficiste : William Gowers, Jean Dejerine, Alfred Wallenberg notent et assimilent que les atteintes de la douleur et de la température peuvent être dissociées de celles du tact et du sens positionnel. La distinction entre deux voies anatomiquement distinctes devient claire en 1898 lorsque van Gehuchten, rapportant un cas de syringomyélie, suggère que les voies de la douleur occupent une position spécifique, antérolatérale, dans la moelle épinière.

D

e façon presque inattendue la douleur-passion reviendra de la main de la physiologie vers les années 1950. Elle a cependant perdu son rôle principal et n’est considérée par James Hardy que comme une réaction à la douleur elle-même, plutôt qu’une de ses parties consti- tuantes. Cette proposition ouvre la porte à des discussions entre physiologistes, cliniciens et philosophes, aboutissant deux décennies plus tard à une révolution conceptuelle : la dou- leur est simultanément émotion et sensation, les deux aspects s’influencent mutuellement et sans leur convergence elle n’est pas. La douleur – ainsi commence sa définition actuelle – est « une expérience à la fois sensorielle et émotionnelle… ». Enfin !

À

cette définition, fort honorable, manque à mon sens le mot « cognitif ». Le stimulus dou- loureux déclenche en effet des phénomènes d’attention vers la perturbation subie qui ne sont ni sensoriels, ni émotionnels mais qui visent très certainement à son appropriation cognitive. Toutefois, la neurobiologie donne raison au concept de douleur comme expé- rience multiforme : toute information sensorielle à vocation douloureuse gagne le cerveau par des voies anatomiques multiples, et atteint simultanément de multiples cibles corticales.

Il n’y a donc pas un centre de la douleur mais un ensemble de structures en réseau que l’on nomme, à défaut d’un meilleur appellatif, « matrice douleur ».

D

ans le dossier du mois, des personnalités du monde de la douleur analysent les aspects multiformes de cette expérience. Sa multiplicité nécessite une diversité d’approches qu’ils se sont efforcés de résumer pour vous. Bonne et profitable lecture.

Luis Garcia-Larrea

U879 Inserm et université Claude Bernard Lyon 1

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