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Article pp.37-38 du Vol.29 n°311 (2010)

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Après un passage remarqué par le music-hall, l’hypnose revient dans le champ de la médecine. Sa pratique la plus spectaculaire reste la sup- pression de la douleur lors d’interventions chirurgicales. Depuis, ses indications se sont étendues au traitement des douleurs chroniques.

L

a pratique de l’hypnose repose sur le postulat, vérifié depuis par l’imagerie fonctionnelle cérébrale, selon lequel il existerait deux ré- gimes de perception : une perception restreinte, ou ordinaire, et une perception élargie, ou veille généralisée, atteinte par le processus de l’hypnose. La perception ordinaire s’appuie sur nos sens et sur notre raison logique, tandis que la perception généralisée est atteinte par l’abandon des phénomènes de contrôle cognitif et de raisonnement.

Elle est une expérience qui se nourrit de nos sensations, sans com- préhension intellectuelle. Elle est retrouvée spontanément dans la rê- verie, dans les processus de création, d’invention et d’imagination.

L’observation montre que les patients qui souffrent ou qui vont souf- frir sont ceux qui se sont immobilisés dans une position de focalisa- tion obsessionnelle, dans une sidération qui les empêche de s’évader de leur corps, d’aller dans leur imaginaire ou de quitter leurs peurs.

Pour quitter ces peurs, l’hypnothérapeute propose à son patient de fixer son attention ou son regard sur un objet ou une partie de son corps. La fixation prolongée visuelle ou mentale provoque une confu- sion, une sorte d’absence comme dans le cas d’un enfant qui re- garde la télévision et se coupe ainsi de son environnement. Cette phase, nommée « dissociation », s’accompagne, sur le plan physio- logique, d’un découplage fonctionnel entre des régions préfrontales liées au contrôle cognitif et le cortex cingulaire antérieur. Le patient se sépare de sa pensée intellectuelle et ses sens (toucher, audition, vue) ne lui donnent presque plus d’informations. Cliniquement, son corps est engourdi et impassible.

L

’étape suivante est décrite comme une absorption mentale qui, sur le plan physiologique, se traduit par une activation coordonnée des circuits attentionnels du cerveau, incluant le tronc cérébral, le thala- mus et le cortex cingulaire antérieur, ce qui facilite les possibilités de vivre de nouvelles expériences. Cette action est favorisée par le thé- rapeute, qui incite la personne à rester dans le présent et à décrire ses sensations. L’imaginaire est à nouveau accessible avec toutes ses possibilités de diversion, de réinterprétation d’un événement ou de dédramatisation de ce qui est ou a été vécu. Par la suite, lorsque la personne n’est plus immobilisée par ses pensées traumatiques, elle agit et ses mouvements sont accompagnés d’un sentiment d’auto- maticité, comme si les changements étaient produits par un agent extérieur à soi, ce qui se traduit dans le cerveau d’une activation des régions pariétales postérieures et préfrontales.

Àl’opposé d’autres thérapies, l’approche par l’hypnose n’est pas centrée sur la compréhension des causes ou sur les bienfaits de la pa- role. Le traitement consiste à rejoindre le patient dans ce qu’il vit, puis à ouvrir sa perception par des exercices dont les manuels d’hyp- nose sont remplis. L’action de l’hypnose s’appuie sur la constatation physiologique suivante : « faire » et « imaginer faire » activent les mêmes zones corticales cérébrales. Le jeu consiste à visualiser les dif- ficultés et à agir via l’imagination pour les modifier jusqu’à ce que le conflit disparaisse ou s’atténue. Cette anticipation par la visualisation est un formidable terrain d’expériences qui permet de vivre un chan- gement par l’imagination : un virtuel qui devient réel.

Face à la douleur, notre cerveau cherche automatiquement à réduire, gérer ou éviter les causes de celle-ci (stratégies dites de coping, d’adaptation). Ces stratégies peuvent être efficaces, mais, dans bien des cas, elles causent d’autres formes de souffrance. Ainsi, l’évitement de la douleur peut amener à une phobie du mouvement : l’anticipation de la douleur peut clouer une personne au lit alors que la douleur ne serait pas plus intense si elle sortait de chez elle. Par conditionnement, le soulagement temporaire de la douleur augmente

la probabilité d’apparition de ces stratégies et enferme progressive- ment la personne dans une lutte permanente, au détriment d’actions en direction de choses qui comptent dans sa vie, de ses valeurs.

Ces comportements sont source d’anxiété et de dépression. À une douleur physique s’ajoute une douleur psychique et un handicap psychosocial (1). Comment continuer à mener la vie que l’on sou- haite malgré ce réflexe cérébral d’évitement de la douleur ? La thé- rapie de l’acceptation et de l’engagement (acceptance & committe-

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Les thérapies par la parole

L’hypnose

Thérapie de l’acceptation et de l’engagement

Jean-Marc Benhaiem Centre d’évaluation et de traitement de la douleur, hôpital Ambroise Paré, Boulogne jmbenhaiem@wanadoo.fr www.hypnose-medicale.com

Cet article des Editions Lavoisier est disponible en acces libre et gratuit sur biofutur.revuesonline.com

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Dossier La douleur

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ment therapy, ou ACT), dernière génération des thérapies compor- tementales et cognitives, propose une réponse en s’appuyant sur plusieurs constatations scientifiques.

Des études ont en effet montré une meilleure tolérance à la douleur – en termes d’intensité et de durée – quand nous l’acceptons que quand nous tentons de l’éviter(2). Cette acceptation réduirait certains des troubles associés à la douleur chronique (3). D’autres travaux ont par ailleurs mis en évidence que vivre activement et en harmonie avec ses va- leurs n’est pas incompatible avec le fait de souffrir de douleurs chro- niques quelle que soit leur intensité perçue (4). Aussi l’ACT propose-t-elle des interventions dont la visée n’est pas de réduire la douleur mais d’aug- menter son acceptation, via des exercices dits « de pleine conscience », favorisant le contact avec le moment présent et la rupture de la fusion ha- bituelle du patient avec les pensées liées à sa douleur (5).

Ces techniques tentent de substituer à l’agenda de contrôle de la douleur des actions plus compatibles avec ses valeurs. En refoca- lisant la personne dans ce contexte, la douleur prend de nouvelles

fonctions : « Être debout, souffrir et vivre quand même »offre une à alternative à « ma douleur m’empêche de vivre », plaçant la dou- leur dans un cadre motivationnel qui engage des comportements incompatibles avec l’évitement et, in extenso, réduit les symptômes associés et module la perception de la douleur.

Complémentaire aux traitements physiques et pharmacologiques, l’ACT est une psychothérapie brève, individuelle ou réalisée en groupe. Son efficacité a été validée chez des adultes et des enfants souffrant de douleurs chroniques (6,7).

Benjamin Putois Université Lyon II bputois@gmail.com (1)Philips HC (1987) Behav Res Ther25, 273-9

(2) Gutiérrez-Martínez O et al.(2004) Behav Ther35, 767-83 (3)McCracken LM, Vowles KE (2008) Health Psychol27, 215-20 (4)McCracken LM, Yang SY (2006) Pain123, 137-45 (5)Sephton SE et al.(2007) Arthrit Rheumatism57, 77-85 (6)Dahl J et al.(2004) Behav Ther35, 785-802 (7)Wicksell RK et al.(2009) Pain141, 248-57

Corrélée ou non à la présence d’une cause organique, la douleur in- terroge les liens psyché-soma à travers la dimension subjective, sen- sorielle et émotionnelle de l’expérience douloureuse. « Émotion ho- méostasique »(1), elle reflète la condition interne du corps. La douleur chronique révèle souvent des capacités de symbolisation dé- faillantes caractéristiques des souffrances narcissiques identitaires (états-limites) dont la psychopathologie est liée à des traumas pré- coces dans l’accordage affectif mère-enfant (2).

Les thérapies psychodynamiques d’inspiration psychanalytique s’ap- puient sur le modèle de la trace psychique et de son inscription dans l’appareil psychique. Sous ce modèle, toute expérience vécue laisse une trace mnésique perceptive qui sera transcrite à des niveaux conscients et inconscients, jusqu’à son inscription sous forme de trace représentative ouvrant la voie à la symbolisation langagière. Ce modèle, proposé par Sigmund Freud en 1895 (3), est compatible avec les tra- vaux du psychiatre Eric Kandel, Prix Nobel, sur la plasticité du réseau neuronal aboutissant à l’inscription de l’expérience et à la constitution d’une réalité interne inconsciente associée à des états somatiques (4).

Du fait de leur impact traumatique, certaines traces, dont celles des expériences vécues entre O et 2 ans, demeurent non inscrites, non re- présentables et harcèlent compulsivement la psyché tant qu’elles ne sont pas transformées en représentation. Au plan somatique, la per- ception d’une douleur ferait coïncider un retour de traces perceptives traumatiques et un processus hallucinatoire, le corps devenant lieu de confusion entre perception somatique réelle et hallucination somatique (5), dans une logique d’évitement du trauma et de réactivation de sa po- tentialité douloureuse à un niveau sensori-affectivo-moteur.

En thérapie, le clinicien accordera donc une attention privilégiée au langage du corps du patient, infraverbal et mimopostural, porteur de tentatives d’expression de traumas recouverts par la plainte cor- porelle. Son écoute fera naître un partage affectif favorisant la mise en représentation verbale d’expériences précoces ou actuelles jus- qu’alors non subjectivées. L’intérêt des liens entre neurosciences et psychanalyse est d’éclairer la dynamique des processus psychiques nés de cette copensée (6)entre deux psychismes, celui du clinicien et du patient, qui s’éprouvent, s’expérimentent mutuellement sur un mode empathique en vue d’accéder à la symbolisation d’une souf- france psychique partagée et subjectivée.

Sarah Géromine Moreau Centre d’évaluation et de traitement de la douleur, Hôpital Neurologique, 59 Bd Pinel, 69003 Lyon sg.moreau@gmail.com

Thérapie analytique et partage empathique

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Représentation de mot Représentation de chose Image d’écriture

Image de mouvement

Image sonore Visuelles Tactiles

Acoustiques

(1)Craig AD (2002) Nat Rev Neurosci3, 655-66 (2)Ouss-Ryngaert L (2004) Psychiatrie française1, 36-61 (3)Freud S (1895) La naissance de la psychanalyse, PUF, Paris, 424 p.

(4)Ansermet F, Magistretti P (2004) À chacun son cerveau, Plasticité neuronale et inconscient, Odile Jacob, Paris, 263 p.

(5)Roussillon R (1999) Agonie, clivage et symbolisation, PUF, Paris, 245 p.

(6)Widlocher D (1999) Revue Française de Psychanalyse 1, 175 p.

Schéma de la représentation perceptive proposé par R. Roussillon d’après le modèle de S. Freud (1891)

Cet article des Editions Lavoisier est disponible en acces libre et gratuit sur biofutur.revuesonline.com

Références

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