Étude sur la navigation spatiale au sein d’un environnement virtuel en trois dimensions sur
tablette tactile
Luca Giachino
MÉMOIRE RÉALISÉ EN VUE DE L'OBTENTION DU MASTER MALTT
Master of Science in Learning and Teaching Technologie
Genève, Août 2016
DIRECTEURS DE MÉMOIRE
Mireille Bétrancourt, Professeur ordinaire, directrice de TECFA Roland Maurer, Maître d’enseignement et de recherche, FPSE
EXAMINATEUR
Daniel K.Schneider, Professeur associé, TECFA
Université de Genève
Résumé
La présente recherche étudie l’influence de deux modalités concernant la navigation spatiale au sein d’un environnement virtuel en trois dimensions sur tablette tactile. Nous étudions deux modalités bien distinctes qui sont : la position de la tablette tactile (horizontale vs verticale) et la perspective prise au sein de l’environnement virtuel (égocentrée vs allocentrée). Nos résultats montrent qu’il n’existe pas d’effet d’interaction entre nos deux modalités et la navigation spatiale que ce soit du point de vue du temps, de la rétention d’informations ou de l’effort perçu. Nous obtenons les mêmes résultats concernant la modalité de la position de la tablette tactile. Cependant, nos résultats montrent des effets significatifs de la perspective sur la navigation spatiale. En effet, les participants se trouvant dans une perspective allocentrée ont plus rapidement mené à bien les tâches demandées tout en retenant plus d’informations liées à l’environnement virtuel et ont ressenti moins d’effort à faire par rapport aux participants se trouvant dans une perspective égocentrée.
Remerciements
Je tiens à remercier toutes les personnes qui par leur disponibilité, leur compétence, leur amabilité ont contribué de près ou de loin à ce travail.
Dans un premier temps, je souhaite remercier mes parents ainsi que mon frère qui ont toujours été présents pour moi.
Je souhaite également remercier Mireille Bétrancourt pour les multiples conseils qu’elle m’a donné tout au long de ma recherche. Je souhaite remercier Roland Maurer qui a réussi à m’aiguiller lors de la conception de mon environnement virtuel.
Je remercie les participants qui ont participé à cette expérience et sans qui cette recherche n’aurait pas pu aboutir.
Je remercie particulièrement Axelle, Léa et Fabien pour votre précieuse aide.
Table des matières
Résumé………...………...…1
Remerciements………. 2
1. Introduction et contexte……… 6
1.1 Contexte général de cette étude………...………6
1.2 Pourquoi estce une question à enjeux ?………...8
1.3 Comment va ton traiter la question ? Qu’espère ton découvrir ?………...9
1.4 Structure du mémoire………..10
2. Cadre théorique………....11
2.1 Les représentations spatiales………....…11
2.1.1 Définition de la carte cognitive……….………11
2.1.2 Utilité et fonctionnement de la carte cognitive……….…………12
2.1.3 La représentation des connaissances spatiales………...…14
2.1.4 L’acquisition des connaissances spatiales………..……16
2.2 La mémoire……….……….18
2.2.1 Différentes représentations spatiales en mémoire………..…18
2.3 Le déplacement au sein d’un environnement réel ou virtuel………...………20
2.3.1 Définition des termes……….………20
2.3.2 Le modèle de la navigation………....22
2.3.3 Importance du facteur de gravité pour l’orientation et la navigation au sein d’un environnement ………....……24
2.3.4 Les trois espaces de la cognition spatiale utile pour le déplacement……….…25
2.3.5 L’aide à la navigation……….…27
2.3.6 La navigation au sein d’un environnement virtuel ou réel : qu’en pense la neuroscience ?……….……30
2.4 La perspective et la position………....………33
2.4.1 La perspective : allocentrée et égocentrée……….……33
2.4.1.1 Définitions………....……33
2.4.1.2 Les effets de la perspective sur les apprentissages………...36
2.4.2 La position : vertical vs horizontal……….…38
2.4.2.1 Définitions………....…38
2.5 Les environnements virtuels………....……40
2.5.1 Définition des environnements virtuels……….…40
2.5.2 Classification des environnements virtuels………....…41
2.5.3 Trois sens de l’être humain sont mis en jeux au sein des environnements virtuels...42
2.5.4 Une réflexion sur le passé, le présent et l’avenir des environnements virtuels……..44
3. Problématique et hypothèses………...46
3.1 Thématique de recherche………...46
3.2 Hypothèses de la recherche……….46
3.2.1 Hypothèses générales concernant la performance de navigation……….. 46
3.2.2 Hypothèses sur l’effort de la tâche………...47
3.2.3 Hypothèse sur la mémorisation………..48
4. Méthodologie………...49
4.1 Participants………..49
4.2 Variables indépendantes………..49
4.3 Matériel..……….50
4.3.1 L’environnement virtuel en trois dimensions……….……50
4.3.2 Tablette tactile et logiciel d’enregistrement vidéo……….…52
4.3.3 Mode de déplacement et perspectives………....…52
4.3.4 Questionnaires………....54
4.4 Position de la tablette………...56
4.5 Console de navigation………..58
4.7 Procédure………...59
4.7.1 Déroulement de la phase expérimentale………59
4.7.1.1 Phase de prétest………...…59
4.7.1.2 Phase d’acclimatation………...…59
4.7.1.3 Phase de test……….……….…59
4.7.1.4 Phase de posttest………..…60
4.7.1.5 Phase de débriefing………...…61
4.8 Variables dépendantes……….61
5. Résultats………...62
5.1 Le temps………...62
5.2 L’effort à la tâche……….64
5.3 La rétention d’informations de l’environnement virtuel……….68
6. Discussion………....70
6.1 Discussion des résultats………...70
6.1.1 La position de la tablette : horizontale vs verticale………....70
6.1.2 La perspective du sujet dans l’environnement virtuel : égocentrée vs allocentrée....71
6.1.3 L’interaction entre position et perspective de la tablette………....73
6.2 Limites de la recherche………....75
6.2.1 Limites théoriques………..75
6.2.2 Limites techniques……….76
7. Conclusion………....77
7.1 Perspectives futures de la recherche………78
8. Ressources………....80
9. Annexes………....90
9.1 Formulaire de consentement………....90
9.2 Matériel expérimental………..92
9.2.1 Questionnaire prétest sur les habitudes des participants………...92
9.2.2 Consignes pour la phase de test……….93
9.2.3 Posttest………..95
9.2.3.1 Dessin de l’environnement………...95
9.2.3.2 Test TLX………...96
9.3 Tableaux résultats………....97
9.3.1 Statistiques descriptives concernant le temps………....97
9.3.2 Tableau ANOVA concernant le temps………..99
9.3.3 Statistiques descriptives concernant l’effort………103
9.3.4 Tableau ANOVA concernant l’effort………...106
9.3.5 Statistiques descriptives concernant la mémoire………..108
9.3.6 Tableau ANOVA concernant la mémoire………110
9.4 Table des figures………....112
1. Introduction et contexte
1.1 Contexte général de cette étude
Lors de cette recherche, nous allons plus généralement nous intéresser à un domaine assez vaste qui est celui de la cognition spatiale. Depuis un certain temps, de nombreux chercheurs ont commencé à étudier de quelle manière les êtres humains percevaient le monde qui les entouraient ou encore de quelle manière ils interagissaient avec celuici. Nous pouvons ainsi dire que l’un des précurseurs dans ce domaine d’étude était Piaget qui, dans les années soixante, commença à étudier le développement de la cognition spatiale chez les jeunes enfants. Puis, au fil des années, les chercheurs se sont penchés sur la question de la cognition spatiale de manière méticuleuse en tentant d’approfondir leurs connaissances sur les problématiques que ce domaine nous offre comme par exemple : saisir de quelle manière les individus arrivent à se repérer dans l’espace, percevoir de quelle manière ces individus arrivent à se déplacer dans un environnement ou encore quelles sont les différentes capacités qui permettent aux individus de se déplacer. Nous pouvons dire que ce domaine d’étude est complexe et peut être abordé sous différents angles. Néanmoins, nous avons constaté que cet engouement pour les diverses problématiques concernant la cognition spatiale s’est diversifié au fil des années. En effet, les recherches dans le domaine de la cognition spatiale ont émergé dans les années 1980. Puis, les chercheurs se penchant sur cette problématique ont commencé à mener des recherches plus ciblées. C’est pour cela que l’on peut dire qu’il y a eu une réelle diversification des recherches dans ce domaine. Avec l’arrivée des outils ainsi que des logiciels conçus en trois dimensions, nous avons constaté que ceuxci ont réussi à apporter une nouvelle dimension à ce domaine. En effet, ces nouvelles technologies ont permis aux chercheurs de mener des recherches plus concrètes en proposant, par exemple, des tâches se rapprochant des expériences de la vie réelle.
Les différents propos cidessus ont été un véritable point de départ qui nous ont permis de contextualiser la recherche qui va suivre. Grâce aux multiples informations concernant le
domaine de la cognition spatiale recueillies en amont de ce travail, nous avons pu cibler de manière plus précise quelles questions allaient nous intéresser dans ce domaine et plus particulièrement quelles thématiques nous voulions explorer. La recherche qui va suivre se focalisera sur la navigation spatiale d’individus dans un environnement virtuel sur tablette tactile. Plus particulièrement, nous tenterons de voir si la position de la tablette (verticale vs horizontale) ainsi que la perspective de l’individu (allocentrée vs égocentrée) pourraient avoir des effets sur la navigation au sein d’un environnement virtuel en trois dimensions.
Le choix d’utiliser la tablette tactile comme support d’apprentissage n’est pas anodin.
On peut dire que cette technologie est prisée par la population du fait qu’elle apporte un bon nombre d’aspects positifs du point de vue pratique. Dans un premier temps, nous pouvons citer le format réduit de cette technologie qui permet aux utilisateurs de la transporter très facilement. Dans un second temps, l’interaction directe avec la technologie du fait qu’elle soit tactile ajoute une certaine attractivité pour les utilisateurs. Dans la société actuelle, nous pouvons noter qu’il y a une réelle montée en puissance de cette technologie tactile qui est utilisée par une grande partie de la population. Les tablettes tactiles ont trouvé leur place dans de nombreux domaines au sein de notre société. Il est évident que l’une des utilisations primaires de cette technologie est liée au divertissement de l’utilisateur. En effet, de nombreuses applications ont été créés dans le but de divertir les personnes possédant une tablette tactile. Néanmoins, au fil des années, cette technologie a commencé à être utilisée de manière un peu plus «sérieuse». Comme nous pouvons le constater, les tablettes tactiles sont de plus en plus utilisées dans les milieux liés à l’éducation, comme par exemple dans des classes d’enseignement primaire ou bien secondaire. De nombreuses recherches (Boujol, 2014
; Villemonteix, Khaneboubi, 2012 ; Karsenti,Fievez, 2013) mettent en avant les multiples avantages que peuvent apporter l’utilisation de tablettes dans un milieu éducatif. Ces recherches nous permettent de constater que l’apprentissage à partir d’un support tactile peut avoir des effets positifs du point de vue cognitif chez les apprenants. Au premier abord, on peut se rendre compte que l’utilisation de la tablette tactile dans le cadre de l’apprentissage peut être potentiellement très intéressant à étudier. En ayant pris en compte le fait que l’utilisation des tablettes tactiles pouvait avoir de nombreux apports lors de l’apprentissage,
nous avons voulu travailler sur le potentiel éducatif lié à l’interaction directe avec ce type d’outil. Cependant, il est important de souligner que notre recherche se focalisera principalement sur la navigation spatiale à partir de l’interaction personnemachine c’estàdire participanttablette tactile.
Au final, le choix que nous avons fait d’utiliser des tablettes tactiles dans cette recherche, nous permet de travailler sur un domaine d’étude ainsi que sur des problématiques actuelles qui touchent une très grande partie de la population.
1.2 Pourquoi estce une question à enjeux ?
Comme nous l’avons cité plus haut, la question de la navigation spatiale est très intéressante dans notre société actuelle. En effet, de plus en plus de personnes commencent à percevoir l’utilité de ce type de technologie pour l’apprentissage. Cependant, nous avons également noté que dès notre plus jeune âge, nous n’avons jamais eu la chance d’avoir des enseignements sur notre cognition spatiale. Le domaine scolaire n’apporte pas réellement d’importance à la problématique de l’acquisition des connaissances spatiales chez les individus bien qu’elle reste une compétence très importante pour l’être humain à l’âge adulte.
L’un des objectifs de notre recherche est de montrer qu’avec l’utilisation des tablettes tactiles présentant des environnements en trois dimensions, de nombreux aspects de la cognition spatiale peuvent être travaillés.
Ensuite, cette recherche a également certains enjeux importants concernant les aspects
cognitifs des individus. Elle tentera de comprendre l’impact sur la navigation des différentes positions de la tablettes tactiles (horizontal vs vertical) pouvant être présentées à un apprenant dans le cadre de tâches à réaliser au sein d’un environnement virtuel. Le second aspect qui sera étudié dans cette recherche sera l’impact sur la navigation des différentes perspectives pouvant être adoptées par un apprenant au sein d’un environnement virtuel dans une optique d’apprentissage.
Cependant, l’enjeu primordial de cette recherche sera de tenter de comprendre de quelle manière ces deux aspects (perspectives/positions) s’articulent dans une optique de navigation spatiale sur tablette tactile.
1.3 Comment va ton traiter la question ? Qu’espère ton découvrir ?
Afin de répondre aux différentes hypothèses émises pour ce travail, nous avons choisi de
nous orienter vers une recherche dite expérimentale. En effet, cette méthode de recherche nous semblait clairement appropriée afin d’obtenir de manière concrète des réponses à nos questionnements. Pour cela, nous avons décidé de mettre en place des tâches qui seront proposées à des participants. Ces tâches se dérouleront au sein d’un environnement en trois dimensions sur tablette tactile. Cependant, bien que cette recherche soit de type expérimentale, il nous semble important de souligner qu’elle n’est pas uniquement cela. En effet, cette recherche pourrait être qualifiée de recherche exploratoire expérimentale. Bien que de nombreuses recherches aient été faites concernant la navigation spatiale, les questions soulevées dans notre recherche n’ont jamais été réellement étudiées. Mais, il reste évident que nous nous baserons sur les nombreux travaux effectués par les chercheurs durant ces cinquante dernières années dans ce domaine afin d’établir un cadre théorique clair et concis sur lequel nous pourrons nous appuyer tout au long de ce travail.
A ce stade de notre recherche, nous savons que dans la vie de tous les jours un être humain se déplace de manière verticale et a une représentation du monde verticale que ce soit du point de vue cognitif ou moteur. Cependant que se passeraitil du point de vue cognitif si l’on demandait à un individu de se déplacer dans un environnement virtuel en trois dimensions (sur une tablette tactile) en sachant que celleci ait une position horizontale (par exemple à plat sur une table) ? En nous basant sur les recherches des domaines de la cognition spatiale, nous espérons découvrir s’il existe ou non une interaction entre les deux dimensions (position / perspective) dans une optique de navigation spatiale au sein d’un environnement virtuel en trois dimensions.
En réalisant cette recherche, notre volonté est d’approfondir les connaissances dans le
domaine de la cognition spatiale et plus particulièrement dans le domaine de la navigation spatiale. En effet, nous espérons :
● Découvrir de quelle manière les différentes perspectives des apprenants (égocentrée et allocentrée) pourraient avoir un effet sur la navigation au sein d’un environnement virtuel en trois dimensions.
● Découvrir de quelle manière les différentes positions de la tablette tactile (horizontale et verticale) pourraient avoir un effet sur la navigation des apprenants au sein d’un environnement numérisé en trois dimensions.
● En apprendre plus sur l’interaction de ces deux dimensions (position et perspective) dans une situation de navigation spatiale.
1.4 Structure du mémoire
Dans un premier temps, et suite à cette introduction concernant la structuration de notre travail, nous présenterons les bases de notre cadre théorique qui nous aideront à définir les questions de recherches.
Ensuite, nous exposerons notre méthode de recherche et aborderons les méthodes de récoltes de données et d’analyse que nous avons choisi pour cette recherche expérimentale.
Enfin, nous analyserons les données recueillies lors de la démarche expérimentale ce qui nous permettra de déboucher sur la discussion des résultats obtenus.
Pour conclure, nous parlerons des limites de cette recherche et tenterons d’ouvrir notre réflexion. L’idée sera de donner des pistes qui pourraient servir dans une optique future à des personnes qui souhaiteraient traiter des travaux sur cette thématique.
2. Cadre théorique
2.1 Les représentations spatiales
Dans le domaine de la cognition spatiale, il est important de tenter de comprendre de quelle manière fonctionnent les différentes capacités des êtres humains ainsi que les facteurs qui influencent leurs acquisitions dans les environnements qui les entourent. Comme le souligne le texte de Taylor et Tversky (1996), la connaissance sur l’espace est l’une des premières connaissances que l’être humain acquiert. Elle nous parvient à partir de plusieurs sens comme par exemple la vue, le son ou encore le toucher. La connaissance spatiale nous permet également de percevoir les objets présents dans notre environnement immédiat et nous aide à naviguer dans cet environnement. Il est évident que la majorité des individus utilisent des connaissances spatiales qui leur servent non seulement à interagir avec les personnes, mais également, avec le monde physique (Taylor et Tversky, 1996). Nous allons tenter de montrer de quelle manière les personnes arrivent à se représenter cognitivement les différents environnements qui les entourent. Comme nous le verrons par la suite, l’un des principaux outils qui est à disposition de l’être humain est la carte cognitive.
2.1.1 Définition de la carte cognitive
Au fil des années, de nombreux chercheurs ont tenté d’en apprendre plus sur la façon dont la connaissance de l’environnement est représentée cognitivement par les individus. Cette connaissance a également été étudiée afin de tenter de comprendre de quelle manière elle pouvait être utilisée pour amener l’individu à une orientation et une navigation plus efficace et efficiente. L’une des premières recherches dans ce domaine que nous pouvons citer est celle de Tolman (1948) qui a étudié le comportement de rats se déplaçant au sein d’un labyrinthe.
Les résultats de cette étude ont été importants concernant l’orientation des rats lors de leurs déplacements. En effet, Tolman a découvert qu’il existait chez les rats une sorte de carte de représentation mentale de l’environnement incluant les informations de distance et de
direction. Par la suite, ces recherches ont amené Tolman à donner une définition de la carte cognitive qui est, selon lui, une représentation mentale qu’un individu se fait de l’organisation de l’espace dans lequel il se situe.
Après avoir découvert ce concept, de nombreux chercheurs se sont penchés sur la carte cognitive ( Evans, 1980 ; Hintzman et al., 1981 ; Chown et al., 1995 ). Les recherches ont permis d’en apprendre d’avantage sur le fonctionnement ainsi que sur l’utilité de la carte cognitive. Cellesci ont également permis de mettre en évidence le fait que les cartes cognitives peuvent être apprises et entraînées par les personnes. De plus, afin de maîtriser et de retenir les différentes cartes cognitives, il semblerait qu’un autre aspect jouerait un rôle important : la mémoire. Certains chercheurs (O'keefe et Nadel, 1978 ; Nadel et Macdonald, 1980 ; Redish, 1999) se sont posés des questions concernant l’utilisation des cartes cognitives et le rôle de la mémoire. Le processus de mémorisation serait l’élément clé concernant le rappel d’une carte cognitive. Comme nous le verrons plus tard dans cette recherche, lors des déplacements les individus font appel à plusieurs aspects de leur mémoire qui leurs permettent de naviguer dans un environnement. Prenons l’exemple d’une personne voulant se rendre au centre commercial le plus proche. Celleci utilisera les informations stockées en mémoire afin d’emprunter le chemin adéquat.
2.1.2 Utilité et fonctionnement de la carte cognitive
Dans un premier temps, les cartes cognitives peuvent être utilisées pour aider à la structuration de la pensée ou encore pour l’aide à la prise de décision (Huff et al, 1992).
D’une manière plus générale, nous pouvons dire que la carte cognitive est une sorte de modèle qui permettrait aux individus de choisir le chemin par lequel ils pourront trouver une solution à un problème. Si nous prenons l’exemple de l’utilisation d’une carte cognitive dans une optique de déplacement, son utilisation pourrait être utile, si une personne voulait se rendre à l’hôpital le plus proche, le plus rapidement possible.
On pourrait dire que la réelle utilité de la carte cognitive est celle de coder l’interaction entre l’Homme et l’environnement dans lequel il se trouve. Afin d’illustrer le fonctionnement
du concept de carte cognitive, il nous semble intéressant d’introduire le schéma tiré d’un texte d’Hegarty, Montello, Richardson, Ishikawa & Lovelace (2006).
Figure 1 : description schématique des processus perceptifs et cognitifs impliqués dans la construction d’une carte cognitive (Hegarty et al., 2006)
Comme nous pouvons le voir, le processus d’acquisition de la carte cognitive se divise en quatre étapes : les inputs sensoriels, les mesures de résultats, les processus d’inférence et pour finir les processus de maintien. D’une manière générale, Hegarty et al., (2006) nous expliquent le fonctionnement de ce processus. Lors de la construction d’une carte cognitive, dans un premier temps, il faut que la disposition de l’environnement dans lequel on se déplace soit encodé à partir des différents inputs sensoriels présents. Après cette première étape, l’individu est amené à avoir une représentation interne de l’environnement qui pourrait être considéré comme une description de trajet. Néanmoins, cette représentation interne ne peut être mesurée directement mais peut être inférée à partir des performances obtenues dans les résultats.
Puis, lors la création de la carte cognitive, il se peut que les performances d’une
mesure particulière, comme celle de l’estimation de la distance, puissent impliquer une transformation ou bien une inférence de la représentation initiale de l’environnement dans
lequel l’individu se déplace ce qui amène l’individu à retenir ces nouvelles informations concernant cet environnement.
2.1.3 La représentation des connaissances spatiales
La notion de carte cognitive a reçu considérablement d’attention au fil des années. Il a été accepté de dire que la carte cognitive était composée de trois niveaux de représentations de connaissances : la connaissance des points de repères, la connaissance de l’itinéraire et la connaissance de la configuration (Parush et Berman, 2004).
Afin de mieux comprendre de quelle manière les individus acquièrent de nouvelles connaissances spatiales, il nous faut brièvement définir ces trois composants. Tout d’abord, nous allons définir la connaissance des points de repères
. D’une manière générale, nous
pouvons dire que les points de repère ou “landmarks”
peuvent être perçus par un individu
grâce à plusieurs aspects : la forme, la signification ou encore la structure. L’acquisition de cette connaissance vient du fait qu’un individu puisse reconnaître et se rappeler d’un objet ou bien d’un lieu lorsque celuici se trouve face à lui. Par exemple, si nous demandons à un étudiant de master MALTT de nous montrer le trajet qu’il emprunte pour se rendre à l’université, celuici, se basera sur les différents points de repères qu’il connaît et qui lui permettent de s’orienter afin de se rendre à l’université sans se perdre. Cependant, la connaissance des points de repère ne se fait pas uniquement lorsqu’un individu connaît un objet ou un lieu. En effet, celleci peut être acquise lors de l’apprentissage dans environnement nonfamilier, par exemple lors d’une phase d’acclimatation à la tâche.
Au fil des années, l’utilité des points de repère pour la navigation et l’orientation a été étudiée dans de nombreuses recherches. Comme le soulignent Parush et Berman (2004) citant Darken et Sibert (1996), les points de repères jouent un rôle primordial dans la navigation et l’orientation des individus. En effet, toujours selon ces auteurs, le manque de points de repère dans un environnement dégraderait la navigation ainsi que la performance d’orientation.
Ensuite, nous allons aborder la définition des connaissances des itinéraires
. Selon
Parush et Berman (2004) citant Hintzman (1981), c’est une description procédurale de la
route entre les différents points de repères de l’environnement (point de départ, points de repères intermédiaires, destination finale) et l’identification des diverses locations, ainsi que des différentes actions qu’il faut entreprendre (par exemple tourner à gauche) lors d’un déplacement. Nous pouvons dire que cette connaissance découle principalement de l’expérience de navigation et apporte à l’individu des informations sur les distances entre les points de repères ainsi que sur les différents virages qu’il doit adopter lors de son déplacement. Cette connaissance est très importante pour une bonne navigation du fait que sa maîtrise permet à l’individu de se déplacer en imaginant mentalement l’itinéraire qu’il doit parcourir avec les points de repères ainsi que les virages qui y sont inclus (Thorndynke et Goldin, 1983).
Enfin, nous allons aborder le dernier niveau de représentation des connaissances présentes dans la carte cognitive qui est la connaissance de configuration
. Hintzman (1981)
nous dit que cette connaissance est plus simultanée que la précédente (connaissance de l’itinéraire). En effet, la connaissance de configuration serait comme une représentation graphique d’une entité géographique incluant la disposition de tous les éléments ainsi que les relations spatiales qui existent entre eux. Donc, on pourrait dire que ce serait une connaissance dite globale de l’environnement qui serait définie comme une connaissance de l’environnement représentée par une « vue d’oiseau » ou encore une vue de haut.
Cidessus, nous avons défini les trois niveaux de représentations de connaissances présents dans la carte cognitive. Comme nous l’avons souligné plus haut, ces trois niveaux jouent un rôle important dans l’acquisition des connaissances spatiales chez les individus.
Néanmoins, il ne faut pas oublier l’aspect d’interdépendance qui existe entre ces trois niveaux dans une optique d’acquisition des connaissances spatiales.
Cependant, il existe différentes étapes qui amènent les individus à ces trois différents types de connaissances. En effet, ces étapes ne doivent pas être prises séparément car elles interviennent de manière progressive dans l’acquisition des connaissances spatiales. Dans un premier temps, lorsqu’un individu se trouve dans un environnement nouveau, il est obligé d’avoir une connaissance des lieux importants ainsi que des objets qui l’entourent en se
référant à des points de repères. Grâce à l’acquisition des lieux, la personne peut commencer à se déplacer dans ce nouvel environnement. Ensuite, l’acquisition des connaissances spatiales demande aux individus se trouvant dans un nouvel environnement de faire des relations entre les différents objets qui les entourent. Avec ce type d’informations, les individus intègrent certaines capacités comme celle de la connaissance métrique qui est la capacité de savoir à quelle distance se trouvent les différents objets/lieux. Pour conclure, la totalité de ces connaissances du nouvel environnement sont emmagasinées dans les structures de connaissances déclaratives.
2.1.4 L’acquisition des connaissances spatiales
Dans le domaine des représentations spatiales, certaines recherches ont été faites dans le but de comprendre de quelle manière les individus arrivent à acquérir les représentations spatiales. Parmi les nombreuses recherches existantes à ce sujet, nous avons choisi de les partager en deux pôles d’intérêts. Le premier est celui de l’apprentissage à partir de cartes géographiques. Tandis que le deuxième se focalise plus particulièrement sur la navigation ainsi que l’aide à la navigation lors de tâches d’acquisition spatiale.
Le premier pôle choisi concerne les multiples études (Hintzman et al, 1981 ; Thorndyke et HaysRoth, 1982 ; Ruddle et al., 1997 ; Richardson, Montello et Hegarty , 1999) qui se sont focalisées sur l’apprentissage à partir de cartes géographiques dans le but de comprendre de quelle manière la mémoire spatiale était enregistrée. D’une manière plus précise, ces recherches se focalisent sur les diverses informations spatiales : de quelle manière elles sont encodées, utilisées ou encore représentées. En effet, selon Richardson, Montello et Hegarty (1999), les personnes acquièrent généralement des connaissances spatiales des environnements, soit à partir de l’expérience directe avec ceuxci, soit à partir d’une carte. En général, les résultats de ces recherches montrent que l’apprentissage à partir de cartes produit de meilleures performances en ce qui concerne les tâches d’orientation telles que le dessin de cartes, la location de lieux ou encore l’indication de directions. Tandis que la navigation directe produit de meilleures performances avec des tâches de navigation telles que
l’orientation vers des cibles invisibles ou encore la description d’itinéraires (Hintzman et al., 1981 ; Thorndyke et HaysRoth, 1982).
Puis, certaines recherches se sont focalisées sur un autre type de tâches afin de tenter de comprendre de quelle manière les personnes arrivent à acquérir des représentations spatiales. Les tâches proposées dans ces recherches se focalisent principalement sur la navigation ainsi que sur l’aide à la navigation proposée aux participants. L’une des recherches que nous avons choisi d’aborder est celle de Taylor et Tversky (1992) qui a tenté de comprendre de quelle manière les individus explorent et apprennent de nouveaux environnements avec une aide à la navigation. Il nous semble important de souligner que cette recherche se base principalement sur l’aide à la navigation à partir de la lecture de texte.
Donc, on peut dire que cette recherche ne se base pas sur l’exploration réelle des participants.
Au final, les résultats obtenus dans cette recherche ont montré qu’il existe deux aides majeures à la navigation. Dans un premier temps, il y a l’aide dite deroute description
qui est
par exemple le fait de donner des consignes sur l’itinéraire telles que : “tourne à droite”,
“continue tout droit”, etc. Puis, il y a une seconde aide majeure à la navigation qui a été découverte, celle de survey description
qui est plus focalisée sur la caractéristique spatiale du
l’environnement par exemple : “dirige toi vers le nord”, “fais demitour en direction du sud”, etc. Un dernier élément important que nous pouvons ajouter aux résultats de ces études est le fait que d’une manière générale, comme le souligne le texte de Parush et Berman (2004) citant Schneider et Taylor (1999), les survey description produisent une meilleure connaissance de la configuration (survey knowledge) par rapport à la description de l’itinéraire (route description)
.
Comme nous avons pu le voir cidessus, la question de l’acquisition des représentations spatiales a été abordée à plusieurs reprises dans des travaux d’experts au fil des années. Néanmoins, nous avons également vu que cette question peut être traitée sous différents aspects. En effet, nous avons choisi d’aborder certaines recherches se focalisant sur l’apprentissage à partir de cartes dans l’optique de comprendre de quelle manière la mémoire spatiale fonctionnait. D’autre part, nous avons choisi d’aborder d’autres recherches se focalisant sur le rôle de l’aide à la navigation dans les environnements. Ainsi, nous pouvons
voir que cette problématique de l’acquisition spatiale est très importante et qu’elle le sera également dans la suite de notre recherche.
2.2 La mémoire
Comme nous l’avons vu précédemment, la mémoire est un aspect très important qui permet de retenir la grande quantité d’informations perçue lors des tâches accomplies.
Cependant, le concept de mémoire reste assez complexe du fait qu’elle est composée de plusieurs sousentités, comme par exemple la mémoire à long terme ou encore la mémoire à court terme. Dans le chapitre qui va suivre, nous aborderons les différentes représentations spatiales en mémoire ce qui nous permettra de mieux comprendre le rôle de la mémoire lors des déplacements d’un individu.
2.2.1 Différentes représentations spatiales en mémoire
Dans un premier temps, lorsque l’on aborde la question de la mémoire, il nous semble important de souligner l’importance des représentations spatiales. En effet, les représentations spatiales de la mémoire jouent un rôle primordial dans les déplacements des individus.
Prenons un exemple assez simple pour illustrer ces propos : imaginons qu’une personne demande à son ami de penser au trajet qu’il fait entre le centre sportif préféré de celuici et son lieu d’habitation. Afin de réaliser cette tâche, l’individu devra mettre en pratique des capacités cognitives afin de faire une carte mentale de ce trajet. L’individu doit mettre en œuvre des connaissances sur les relations spatiales entre les différents objets ou lieux afin de les relier à l’emplacement dans lequel ils se trouvent.
Selon McNamara (1992), il existerait deux modèles de représentation spatiale de la mémoire qui s’opposeraient :
● Le premier modèle serait celui de Thornkyke (1981) qui stipule en quelque sorte que la représentation spatiale serait une sorte de carte qui garderait les propriétés euclidiennes.
● Le second modèle, quant à lui, stipule que les représentations spatiales seraient des représentations abstraites qui pourraient ou pas garder les propriétés euclidiennes (Stevens, Coupe, 1978).
A partir de ces deux modèles, nous pouvons nous demander lequel est le plus correct.
Cependant, toujours selon McNamara (1992), ces deux modèles pourraient être justes. En effet, lorsqu’un individu se trouve en situation d’apprentissage d’une disposition spatiale (comme par exemple la création d’une carte mentale), il peut construire deux types de représentations bien distinctes : une représentation spatiale hiérarchique nonmétrique et une représentation spatiale métrique (Kosselyn, 1987).
En nous basant sur des études antérieures concernant la structure hiérarchique de la mémoire spatiale (Tversky & Bryant, 1992 ; Stevens & Coupe, 1978 ; McNamara, 1992), nous pouvons voir qu’il existe bel et bien, dans la mémoire spatiale, des composants hiérarchiques. Afin d’illustrer un peu mieux ce concept, nous avons créé une représentation simplifiée de cette idée de structure hiérarchique des représentations spatiales (cf. figure 2) :
Figure 2: illustration d’une structure hiérarchique des représentations spatiales
2.3 Le déplacement au sein d’un environnement réel ou virtuel 2.3.1 Définition des termes
A présent, nous allons aborder la thématique de la navigation au sein d’un environnement virtuel ou réel. Afin de mieux comprendre les propos qui seront tenus dans cette partie de notre recherche, il nous semble important de définir les différents concepts liés à la navigation. Cependant, comme le souligne Darken et Peterson (2002), l’un des plus grands problèmes que l’on peut trouver dans la littérature existante est la confusion qui règne autour des différentes définitions. C’est à partir de cette réflexion que Darken et Peterson ont décidé d’utiliser certains concepts en les associant à certaines définitions tout en encourageant la communauté à adopter ces définitions. Ces auteurs souhaitent mettre d’accord la
communauté scientifique en proposant des définitions claires et concises des différents concepts liés à la navigation. Dans notre recherche, nous utiliserons bien évidemment les définitions proposées par Darken et Peterson mais nous tenterons également d’aller plus loin en proposant des définitions d’autres travaux portant sur cette thématique.
Le premier concept pouvant être lié à la navigation que nous souhaitons aborder est le concept dit de wayfinding
. Ce concept est défini comme l’élément cognitif de la navigation.
Le wayfinding n’implique pas les mouvements à proprement parler mais concerne la partie tactique et stratégique qui guide le mouvement (Darken et Peterson, 2002). Selon Peponis et al., (1990), le concept dewayfinding
peut être considéré comme l’habileté à trouver une façon
de s’orienter lorsqu’une personne se trouve dans un endroit spécifique afin d’atteindre la destination souhaitée. Gluck nous donne également sa propre définition concernant ce concept qui, selon lui, serait le processus utilisé pour s’orienter et naviguer. Le principal but du waydfinding
est, toujours selon cet auteur, de réussir à relocaliser de manière précise un
endroit (Gluck, 1990). Néanmoins, l’une des parties les plus essentielles concernant ce concept est le développement et l’utilisation de cartes cognitives. En effet, comme nous l’avons vu précédemment dans notre recherche, la représentation de la connaissance spatiale dans la mémoire humaine que constitue une carte cognitive est un élément très important pour la navigation (Darken et Peterson, 2002). D’autant plus que l’utilisation du wayfinding permettrait aux individus d’être capable d’identifier la longueur d’un segment et la direction des mouvements, d’organiser l’itinéraire et les repères distants tout en stockant l’itinéraire afin de l’englober dans une structure de référence plus large, ce qui donnerait la possibilité aux individus d’effectuer un trajet correct (Gollèdge, 1999).
Puis, toujours en nous basant sur le texte de Darken et Peterson (2002), nous allons aborder le concept dit de motion
qui fait également partie du système de navigation. Ce
concept est défini comme l’élément moteur de la navigation. Les auteurs de cet article tiennent à souligner que le concept de motion n’est pas une étape qui survient après le concept de wayfinding. Au contraire, ces deux concepts sont très liés et sont utilisés de manière simultanée par les individus naviguant dans un environnement virtuel ou réel.
Ensuite, nous allons parler du concept de navigation qui est celui qui nous intéresse le plus dans le cadre de notre recherche. Initialement, la navigation a été définie comme le processus de mouvement dans un environnement. Ensuite, de nombreux chercheurs se sont penchés sur la définition de ce concept qui, au final, reste assez compliquée. Darken et Sibert (1993) complète la première définition en y incluant le concept de wayfinding
. Selon ces
auteurs la navigation est : “[...] the process by which people control their movement using environmental cues and artificial aids such as maps so that they can achieve their goals without getting lost”
(Darken et Sibert, 1993).
Si nous analysons cette définition, nous pouvons voir que lorsque l’on parle du concept de navigation, les concepts de wayfinding et motion
sont également présents. En effet, la
navigation peut être définie comme l’élément central entre les concepts de wayfinding et de motion
. Pour qu’un individu puisse naviguer dans un environnement, il faut qu’il fasse appel à
la partie cognitive de la navigation (wayfinding)
ainsi qu’à sa partie motrice (motion).
Pour terminer, nous allons également aborder le concept de navigational awerness.
Toujours dans une optique de navigation au sein d’un environnement, ce concept est destiné aux individus ayant une totale compréhension de l’environnement dans lequel ils se trouvent (Van Dijk, Op den Akker, Nijholt et Zwiers (2001). On peut dire que la navigational awerness est le résultat de l’exploration d’un environnement dans l’optique d’obtenir la connaissance de configuration ainsi que la connaissance procédurale de celuici.
2.3.2 Le modèle de la navigation
Comme nous l’avons souligné plus haut, pour cette recherche, nous partons de l’importance au concept de navigation au sein d’un environnement virtuel ou réel. Afin d’aller plus loin dans notre compréhension de ce terme, il nous semble approprié d’aborder la question de la fonctionnalité de la navigation. Cependant, ce concept de navigation reste très complexe à expliquer d’un point de vue fonctionnel et c’est en partie pour cela que de nombreuses recherches ont tenté de créer un modèle pouvant représenter la fonction de
navigation (Downs & Stea, 1977; Neisser, 1976;Passini, 1984; Darken, 1996;Spence, 1998 ; cités par Darken et Petersen, 2000 ; Chen & Stanney, 2000).
Parmi les nombreuses recherches effectuées sur le modèle de la navigation, selon Darken et Petersen (2000), celle de Jul et Furnas (1997) a été la plus concluante et la plus complète dans ce domaine (cf. figure 3). Afin d’expliquer ce modèle, les auteurs nous donnent un exemple pratique dans lequel nous pouvons comprendre de quelle manière le modèle de la navigation fonctionne. Imaginons qu’un individu se trouve dans un centre commercial et qu’il décide qu’il lui faut une nouvelle paire de chaussure. Dès cet instant, l’individu vient de formuler un but. A partir de ce but, l’individu doit trouver un moyen d’arriver à cette paire de chaussure. Pour cela, la personne met en place une stratégie, comme par exemple aller à un endroit précis dans le centre commercial. La prochaine étape pour cette personne est de réunir toutes les informations possibles afin de ne pas se déplacer de manière aléatoire dans cet environnement. Pour cela, il aperçoit une carte du centre commercial et emmagasine les informations utiles pouvant l’aider à atteindre son but. Cette étape correspond à l’utilisation simultanée des concepts de wayfinding et motion vus précédemment. A cet instant, la personne comprend mieux l’environnement dans lequel elle se trouve, se rend compte des progrès pouvant la mener à son but et fait des jugements qui lui permettent de guider ses mouvements afin de naviguer correctement au sein de l’environnement. Pour conclure, les auteurs insistent sur le fait que ce modèle fonctionne comme une sorte de boucle. En effet, il est probable que l’individu qui cherche de nouvelles chaussures puisse, lors de sa recherche, décider de changer de but comme par exemple s’acheter un livre. A partir de cet instant, les processus mis en jeu dans le modèle de navigation reviennent au départ et l’individu doit à nouveau s’adapter à l’environnement afin d’atteindre son nouveau but. C’est en partie pour cela que nous pouvons dire que la navigation est ancrée dans une action située. En effet, il est très difficile de penser que les tâches, l’environnement et la navigation fonctionnent de manière séparée. Donc, nous pouvons dire que la planification et l'exécution de la tâche ne sont pas des événements en série, mais sont plutôt entrelacés dans le contexte de la situation (Darken et Peterson, 2000).
Figure 3 : modèle de navigation tiré de l’étude de (Jul et Furnas, 1997)
2.3.3 Importance du facteur de gravité pour l’orientation et la navigation au sein d’un environnement
Dans le chapitre qui va suivre, nous avons choisi d’aborder une recherche qui a obtenu des résultats pouvant nous être utiles dans le cadre de notre recherche. La recherche que nous allons aborder a été menée par Vidal, Lipshits, McIntyre et Berthoz (2003). Pour cette étude, les chercheurs ont tenté de mener des expériences sur la capacité des sujets à mémoriser des structures d’environnement en trois dimensions, comme par exemple un bâtiment contenant plusieurs étages. En résumé, les chercheurs ont proposé aux participants de se déplacer dans un environnement virtuel contenant une série de tunnels. Afin d’aller plus loin dans cette recherche, les chercheurs ont également utilisé deux modes de déplacements bien distincts : le premier dit “debout” qui est très similaire aux déplacements qu’un individu peut faire dans la vie de tous les jours et le second dit “non contraint” qui peut être considéré comme un
déplacement dit “en mode vol”. Le principal but de cette recherche est de voir s’il y a une différence dans la qualité de la navigation par rapport aux différents modes de déplacement.
Les résultats obtenus dans cette étude ont permis aux auteurs d’émettre une hypothèse intéressante. En effet, les participants ayant pris part à l’expérience dans un mode “debout”
ont eu un meilleur résultat dans les tâches de navigation comparé aux participants ayant dû se déplacer en mode “non contraint”. Selon les auteurs, le fait de se déplacer en mode “debout”
implique que le participant respecte l’environnement virtuel dans lequel il se déplace. Les résultats obtenus mènent à dire que la gravité est un élément très important dans le changement entre les perspectives égocentrées et allocentrées lors de la navigation. Afin d’appuyer leur hypothèse, les chercheurs nous donnent également un exemple important : la navigation au sein d’une station spatiale. En effet, prenant part également à des recherches pour les stations spatiales, les auteurs nous informent que dans une station spatiale le facteur de gravité n’est plus présent, ce qui a pour effet de changer la perception des personnes concernant l’estimation de l’axe le plus utilisé par les êtres humains : l’axe vertical. En effet, une personne se trouvant sur terre dans un mode “debout” aura un seul type de rotation mentale à faire lors du déplacement en se basant sur l’axe vertical, tandis que dans l’espace, les astronautes se trouvent dans un mode “non contraint” et doivent utiliser trois axes canoniques pour se déplacer dans l’environnement ce qui en augmente la difficulté.
Au final, selon ces auteurs, la gravité est l’élément crucial pour l’orientation spatiale et la navigation sur terre. En effet, sans la gravité, les stratégies perceptives sont altérées et doivent être réadaptées par les humains.
2.3.4 Les trois espaces de la cognition spatiale utile pour le déplacement
Afin d’agir dans un environnement réel, toute personne se doit d’utiliser certaines capacités. En effet, comme le souligne Azemar (1987), l’humain doit avoir la faculté de reconnaître l’espace dans le but de construire des formes dans lequel il identifie cet espace. A partir de cela, l’humain pourra situer les objets qui l’entourent et situer son propre corps dans
l’espace qui l’entoure pour s’y adapter. L’’humain utilise non seulement la perception de son corps dans l’espace mais il doit également utiliser la perception qu’il a de cet espace.
Lorsque l’on aborde le sujet du déplacement dans l’espace, on peut dire que les individus ont besoin de construire différents référentiels d’espace. Grâce à cela, ils peuvent coordonner ces référentiels pour ensuite les intégrer afin de les réutiliser pour se déplacer. Des recherches comme celles de Vanpoulle (2008) ou encore Tversky et al, (1999), nous donnent trois types d’espace référentiel bien distincts :
● L’espace personnel défini comme l’espace de soi, en principe localisé dans les limites du corps propre mais qui peut se prolonger à un objet.
● L’espace proche d’action défini comme l’espace qui se trouve autour du corps, dans lequel le sujet agit sans pour autant avoir besoin de nouvelle prise d’information idéomotrice.
● L’espace lointain défini comme un espace de projet dans lequel se construit un cheminement ou un itinéraire.
L’utilisation de ces trois types d’espace de manière imbriquée permet, dans un premier temps, aux individus de situer leur corps dans l’espace, pour ensuite, déclencher les mouvements adéquats qui permettront le déplacement.
Jusqu’à présent, dans cette partie du travail, nous avons abordé uniquement la question des trois espaces de la cognition spatiale utile pour le déplacement dans un environnement réel. Cependant, il est également important de savoir si ces propos peuvent être valables pour le déplacement dans un environnement virtuel. Dans le texte de Van Dijk, et al (2001), nous pouvons voir que le déplacement dans un monde réel n’est pas tout à fait le même que dans un monde virtuel. En effet, ces chercheurs soulignent le fait que le déplacement au sein d’un environnement virtuel peut être nettement plus difficile que le déplacement dans un monde réel. La principale raison de cette différence entre ces deux environnements provient du fait que les environnements virtuels présentent moins de détails sensoriels (visuel, auditif et
locomotif) que les environnements réels. Le deuxième aspect qui rend la navigation dans un environnement virtuel plus difficile est la rapidité dans laquelle ces environnements évoluent.
En effet, selon Van Djik et al (2001), les environnements virtuels ont tendance à changer très rapidement, ce qui ne laisse pas le temps aux personnes de s’y familiariser. Tandis que dans le monde réel, bien qu’il puisse y avoir certains changements, en général, les environnements restent les mêmes et n’évoluent pas rapidement, ce qui donne la possibilité aux personnes de s’y familiariser.
Comme nous le verrons dans la suite de ce travail, de nombreux chercheurs ont tenté de comprendre de quelle manière il est possible de venir en aide aux personnes naviguant dans des environnements virtuels pour tenter d’améliorer leur navigation.
2.3.5 L’aide à la navigation
En ayant connaissance de cette difficulté concernant le déplacement dans des environnements virtuels, certaines recherches se sont penchées sur la problématique de l’aide à la navigation. Elles ont pour but de venir en aide aux personnes navigant dans un environnement virtuel afin d’augmenter leurs capacités d’exploration. Dans un contexte de navigation au sein d’un environnement nonfamilier, Darken et Sibert (1993) proposent une aide à la navigation intéressante qui est l’insertion d’une carte électronique de l’environnement
connue également sous le nom de map (cf. figure 4).
Figure 4 : exemple de map tiré du texte de (Darken et Peterson, 2002)
Les cartes peuvent être un outil très puissant d’aide à la navigation du fait qu’elles contiennent un grand nombre d’informations que les personnes peuvent emmagasiner lors de la navigation. Cependant, selon Darken et Peterson (2002), l’utilisation de cartes ne doit pas se faire à la légère du fait que cellesci peuvent avoir certaines limites. En effet, plusieurs recherches (Aretz and Wickens, 1992; Darken and Cevik, 1999 cités par Burgiat et Chittaro, 2007) ont montré que le fait de changer de manière répétée la perspective lors d’une tâche de navigation, c’estàdire de passer de la perspective égocentrée de la personne à la perspective allocentrée de la carte, peut avoir des effets négatifs sur les performances. C’est pour cela qu’il ne faut pas utiliser cette aide à la navigation dans n’importe quel cas de figure. L’emploi d’une carte est utile lorsque les utilisateurs d’un environnement doivent apprendre la disposition de l’environnement dans lequel ils se trouvent, tandis que son utilisation peut être nuisible lorsque les utilisateurs doivent retrouver leur chemin ou bien visiter à nouveau
l’environnement virtuel. En effet, il peut y avoir un risque de surcharge cognitive due au surplus d’informations (Burgiat et Chittaro, 2007 citant Sjölinder et al., 2005). Ainsi, l’utilisation de cette aide à la navigation serait plus appropriée à la phase d’acquisition de l’environnement virtuel.
Ensuite, nous avons les points de repères ou landmarks qui peuvent être d’une grande aide pour la navigation (cf. figure 5). L’utilisation de points de repères présentés visuellement aux utilisateurs peut apporter une grande aide à la navigation ainsi qu’à l’orientation. En effet, le manque de point de repères dans un environnement peut amener à la dégradation de la navigation ainsi qu’à la performance d’orientation (Parush et Berman, 2004).
Figure 5 : exemple de points de repères tiré du texte de Darken et Peterson, 2002
Pour conclure, dans le texte de Darken et Peterson (2004), il existe également une aide à la navigation dite de trainée (cf. figure 6) qui consiste à montrer les différents déplacements qu’un individu a fait dans l’environnement virtuel.
Figure 6 : exemple de trainée tiré du texte de Darken et Peterson, 2002
Cette technique, qui a été appelé la technique “d’Hansel et Grettel” (Darken et Sibert, 1993), donne la possibilité aux utilisateurs d’avoir une sorte de tracé récapitulatif de la navigation qui a été faite lors de la tâche de navigation.
Puis, nous pouvons également aller plus loin et trouver une autre fonction à cette aide à la navigation. Nous pourrions également imaginer utiliser cette “trainée” lors de la phase d’acquisition d’un environnement nonfamilier qui aurait pour objectif d’orienter l’utilisateur dans ce nouveau monde ce qui l’aiderait à se familiariser à celuici.
2.3.6 La navigation au sein d’un environnement virtuel ou réel : qu’en pense la neuroscience ?
Lorsque l’on parle de la navigation, comme nous l’avons vu plus haut, il y a un processus cognitif qui est mis en jeu. Cette problématique a fasciné une grande partie de la communauté neuropsychologique s’intéressant à la navigation dans des environnements réels
ou virtuels. Nous allons tenter de comprendre quelles sont les différentes parties de notre cerveau qui sont utilisées lors de la navigation. Pour répondre à cette question nous allons principalement nous baser sur une recherche qui a été conduite par Spiers et Maguire (2006).
Ces chercheurs ont tenté de comprendre de quelle manière le cerveau humain aide les individus à interagir et à naviguer à travers un environnement qui change constamment. Pour étudier cela, les chercheurs ont reconstruit la ville de Londres dans un environnement virtuel en trois dimensions. Cette recherche a un public cible bien précis : les chauffeurs de taxi travaillant à Londres. En effet, selon les chercheurs, les chauffeurs de taxi ont une plus grande connaissance mentale concernant la ville de Londres qu’un simple citoyen. D’un point de vue pratique, les chercheurs ont demandé aux différents chauffeurs de taxi de naviguer dans la ville de Londres. Les résultats obtenus pour cette recherche ont été très importants car ils ont permis de mieux comprendre le rôle des différentes parties du cerveau de l’être humain dans une situation de navigation.
La première partie du cerveau qui joue un rôle important pour la navigation est l’hippocampe
. Des recherches antérieures (Burgess and O’Keefe, 1996; Sharp et al., 1996;
Touretzky and Redish, 1996; Koene et al., 2003; Voicu, 2003 cités par Spiers & Maguire, 2006; Banquet et al., 2005; Howard et al., 2005) stipulent que l’on attend une augmentation de l’activité de l’hippocampe lorsqu’une personne se trouve dans une situation de navigation.
Il a été également suggéré que l’activité de l’hippocampe ainsi que les régions qui lui sont associées change la navigation d’un individu. En effet, l’activité de ces parties du cerveau permet de se rapprocher de plus en plus vers le but final de la navigation. Certaines études mettent en évidence le rôle de l’hippocampe dans une situation de navigation. Cependant, la recherche de Spiers et Maguire (2006) s’est plutôt focalisée sur le rôle de cette partie du cerveau dans un contexte de navigation dans un environnement familier. Selon ces auteurs, le rôle de l’hippocampe en situation de navigation semble être la facilitation de la planification de la route à prendre afin d’atteindre un but précis. La recherche a montré que lorsqu’une personne planifie l’itinéraire à entreprendre pour atteindre un but, l’hippocampe s’active et récupère les informations de l’environnement provenant des cartes cognitives stockées en mémoire. De plus, lors de la navigation, les informations spatiales allocentrées (cartes
cognitives) sont disponibles dans l’hippocampe et ne demande pas d’effort supplémentaire pour les utiliser sauf si la destination finale change. D’autres recherches ont également montré un point très intéressant concernant l’utilisation de cette région du cerveau lors de la navigation. Selon ces recherches, l’activité de l’hippocampe en situation de navigation ne varie pas en fonction de la connaissance de l’environnement. En effet, une personne ayant une parfaite connaissance de l’environnement dans lequel elle navigue depuis dix ans utilise tout autant l’hippocampe comparé à une personne qui ne connaît pas un environnement (Rosenbaum et al., 2000 cité par Spiers et Maguire, 2006).
Ensuite, la deuxième partie du cerveau qui joue un rôle important pour la navigation est la partie du cortex rétrosplénial
. Cette partie du cerveau est interconnectée avec
l’hippocampe. Le cortex rétrosplénial aurait pour rôle d’intégrer et de traduire les représentations égocentrées se trouvant dans le cortex pariétal postérieur et les représentations allocentrées se trouvant dans le lobe temporel médian (Maguire, 2001; Wolbers and Buchel, 2005 cités par Spiers et Maguire, 2006). Les résultats obtenus dans la recherche de Spiers et Maguire (2006) sont cohérents avec ces propos mais vont également plus loin. En effet, les résultats montrent également que ce processus n’est pas toujours maintenu lors de la navigation au sein d’un environnement familier. Le cortex rétrosplénial joue un rôle et s’active lorsqu’il y a un changement dans la demande, comme par exemple lorsqu’une personne décide de changer l’objectif final lors de la navigation. Pour conclure avec cette partie du cerveau, cette recherche montre également que le cortex rétrosplénial ne joue pas un rôle dans la planification de la navigation du point de vue moteur contrairement à ce que laissait penser des recherches antérieures (Cho et Sharp, 2001 cités par Spiers et Maguire, 2006).
Enfin, la dernière partie du cerveau qui a été mise en évidence dans la recherche de Spiers et Maguire (2006) estle cortex préfrontal
. Grâce à un système d’imagerie IRM, il a été
prouvé que lors de la navigation, le cortex préfrontal s’active. Cette activité est généralement attribuée à la fonction exécutive, à la planification et à la prise de décision (Hartley et al., 2003 cité par Spiers et Maguire, 2006) ou est liée à l’augmentation de la demande concernant la mémoire de travail (Gron et al., 2000 cité par Spiers et Maguire, 2006).