• Aucun résultat trouvé

INFORMATION SPATIALE, TERRITOIRES ET ENVIRONNEMENT

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2021

Partager "INFORMATION SPATIALE, TERRITOIRES ET ENVIRONNEMENT"

Copied!
157
0
0

Texte intégral

(1)

Ecole Normale Supérieure de Lyon

Ecole Doctorale 483

INFORMATION SPATIALE, TERRITOIRES

ET ENVIRONNEMENT

Télédétection spatiale et systèmes d'information géographiques

appliqués aux pays du Sud

Mémoire sur travaux en vue de l’obtention

de l’Habilitation à Diriger des Recherches

Parcours et travaux scientifiques

Jacques IMBERNON

Jury :

Arnould Paul, Bret Bernard, Joliveau Thierry, Golay Francois,

(2)

TABLE DES MATIERES

Préambule ______________________________________________________________________________ 4

1 Regards critiques - de la physique du signal à la cartographie participative ______________________ 7

1.1 Le ‘mirage’ des signatures spectrales dans le domaine optique________________________________________ 7 1.2 Les promesses des méthodes de classification d’images ____________________________________________ 13 1.3 L’élargissement du spectre électromagnétique à l’infrarouge thermique et aux micro-ondes ______________ 19 1.4 L’apparition de la très haute résolution spatiale___________________________________________________ 22 1.5 Vérités et mensonges du traitement des données satellitales. La fonction du terrain _____________________ 24 1.6 La cartographie participative et l’intégration de savoirs locaux _______________________________________ 26 1.7 L’instrumentalisation de l’analyse spatiale par les SIG ______________________________________________ 28 1.8 La diffusion et la socialisation de l’information____________________________________________________ 30

2 Un objet privilégié : l’occupation des terres, et ses implications ______________________________ 33

2.1 De quoi parle-t-on ? _________________________________________________________________________ 33 Les concepts de land cover, land use et land use planning ____________________________________________________ 33 Les changements d’utilisation des terres __________________________________________________________________ 34 Les «driving forces» des changements d’utilisation des terres _________________________________________________ 36 2.2 La déforestation tropicale par les agricultures sur brûlis dans les grands bassins forestiers tropicaux ________ 37

L’importance du processus de déforestation _______________________________________________________________ 38 Le lien entre déforestation et environnement global ________________________________________________________ 40 L’agriculture sur brûlis, facteur de déforestation ____________________________________________________________ 42 Le projet Alternatives to Slash-and-Burn (ASB) _____________________________________________________________ 45 2.3 La pression sur les hautes terres du mont Kenya __________________________________________________ 51

Evolution de l’occupation des terres _____________________________________________________________________ 53 Analyse comparative et interactions entre les territoires _____________________________________________________ 56 2.4 L’impact des politiques publiques, des marchés et des migrations sur l’occupation des terres en El Salvador _ 57

Les dynamiques contradictoires du couvert forestier, entre déforestation et reforestation __________________________ 59 La montée du café en altitude __________________________________________________________________________ 70 L’expansion des centres urbains _________________________________________________________________________ 75 Quelques facteurs explicatifs des dynamiques observées _____________________________________________________ 79 2.5 L’impact environnemental des populations réfugiées en Guinée forestière _____________________________ 82

La question des réfugiés en Guinée forestière ______________________________________________________________ 83 Quelle méthode pour évaluer l’impact des populations réfugiées ______________________________________________ 87 L’évolution du couvert forestier dans les régions d’accueil de réfugiés __________________________________________ 89 L’insertion des réfugiés dans l’économie régionale __________________________________________________________ 91 L’insertion des réfugiés dans les structures productives en milieu rural. _________________________________________ 92

3 Un niveau d’intégration pertinent : la fragmentation et la connectivité des paysages ____________ 96

3.1 Mobilisation de concepts de l’écologie du paysage ________________________________________________ 97 Structure et fonctionnement du paysage __________________________________________________________________ 97 Transformation des paysages et dynamiques spatiales _______________________________________________________ 98 Fragmentation du paysage _____________________________________________________________________________ 98 Indicateurs de structure du paysage _____________________________________________________________________ 99 Connectivité et corridors biologiques _____________________________________________________________________ 99

(3)

3.2 Fragmentation des paysages sur des « frontières agricoles » des grands bassins forestiers tropicaux _______ 100 Les images satellitales ________________________________________________________________________________ 100 Les indicateurs spatiaux de fragmentation _______________________________________________________________ 100 Analyse comparative entre les sites de déforestation _______________________________________________________ 103 Analyse spatio-temporelle des indices spatiaux sur le site de Theobroma _______________________________________ 109 3.3 Fragmentation et connectivite des forêts dans le corridor biologique meso-americain ___________________ 114

La fragmentation du couvert forestier ___________________________________________________________________ 116 Connectivité du couvert forestier et proposition de corridor biologique méso-américain ___________________________ 121 Scénarios d’évolution du couvert forestier et impact sur la connectivité. _______________________________________ 123

4 Une nouvelle gamme de concepts et d’outils : les systèmes d’information en appui au développement

territorial et à la gestion des ressources naturelles ____________________________________________ 125

4.1 Des concepts liés au développement territorial __________________________________________________ 125 Développement territorial et développement durable ______________________________________________________ 125 Décentralisation ____________________________________________________________________________________ 126 Gouvernance _______________________________________________________________________________________ 127 4.2 Un exemple de système d’information pour une commune en Haïti _________________________________ 127

Le cycle de conception du SI et ses étapes ________________________________________________________________ 128 La base de données __________________________________________________________________________________ 131 La cartographie participative à partir d’une image satellitale à très haute résolution ______________________________ 132 4.3 Un exemple de systèmes d’information dans une région transfrontalière d’Amérique centrale ___________ 137

Perception des ressources naturelles de la zone du Trifinio par les acteurs locaux ________________________________ 139 Structure du système d’information et transfert dans les communes __________________________________________ 143 Formation des utilisateurs locaux et diffusion de l’information _______________________________________________ 146

En guise de propos d’étape dans mon parcours scientifique _____________________________________ 147

Liste des Figures _______________________________________________________________________ 150

Liste des Photos ________________________________________________________________________ 153

Liste des Tableaux ______________________________________________________________________ 154

(4)

Préambule

Mon parcours scientifique a débuté par une thèse en hydrodynamique soutenue en 1981 à l’Institut de mécanique de Grenoble. A partir de là, l’ensemble de ma carrière s’est déroulé au Centre de coopération internationale en recherches agronomiques pour le développement (Cirad). Le fait d’évoluer dans ce centre de recherche dont le mandat porte sur les « pays du Sud » différencie mon parcours de celui plus habituel des chercheurs du Cnrs ou des Universités françaises.

Le champ géographique des recherches du Cirad couvre en effet les pays de la ceinture tropicale, et le Cirad n’intervient pas dans les pays du Nord. Travailler dans et pour les pays du Sud, c’est à la fois privilégier les applications de la recherche pour faire face aux défis auxquels sont confrontés ces pays, mais c’est aussi travailler dans des environnements parfois difficiles et souvent peu renseignés. Dès mon embauche en 1981, j’ai été immergé dans ce « bain ». La semaine même de mon entrée au Cirad, je partais en mission dans le sud du désert libyen pour optimiser la gestion de l’eau sur un vaste projet d’irrigation. Ma carrière n’a ensuite été qu’une succession de séjours à l’étranger de quelques années (Sénégal, Burkina Faso, Kenya, El Salvador) et de missions d’appui à la recherche ou d’expertise depuis la France, et ce dans une quarantaine de pays du sud. Dans ce cadre professionnel, les activités scientifiques que j’ai menées ont été souvent collectives, dans des projets rassemblant de nombreux partenaires et des compétences thématiques diverses. J’ai réalisé aussi de nombreuses expertises individuelles, que ce soit pour la coopération française (MAE ou AFD) ou pour des institutions internationales comme la FAO, la Banque mondiale, l’Union européenne ou l’Agence spatiale européenne. Cette activité d’expertise est difficilement « classable » pour la recherche académique française. Elle m’a permis toutefois d’avoir des regards sur les questions de sociétés qui se posent dans les pays du Sud et qui nous questionnent au Cirad dans nos choix et nos priorités scientifiques. Cette double activité, entre recherche et expertise, a été à mon sens une opportunité d’ancrer des recherches sur des demandes sociales et d’éviter le risque de l’auto-programmation scientifique.

Mes activités scientifiques collectives se sont déroulées depuis une vingtaine d’années dans des groupes de recherches que j’ai souvent été amené à coordonner. Dans les années 1980, j’ai assuré la fonction de « délégué télédétection » à la Direction scientifique du Cirad, ayant en charge l’animation scientifique dans le domaine de la télédétection spatiale et des SIG. Puis j’ai coordonné des projets de recherche-développement comme le projet sur l’impact environnemental des réfugiés en Guinée pour le compte du Haut Commissariat aux réfugiés (UNHCR), l’expertise collective sur la traçabilité des cafés et les paiements pour services environnementaux au Chiapas (Mexique) pour le compte de l’Union européenne, le projet de recherche Sinrem sur la gestion des ressources naturelles dans une région transfrontalière d’Amérique centrale pour le 6e PCRDT de la commission européenne, ou le développement d’un portail Web de données pour le projet LUPIS du 6e PCRDT avec 12 pays du Sud dont la Chine, l’Inde et le Brésil. Ces différents projets m’ont conduit à jouer un rôle d’interface entre des équipes de recherches du Nord et du Sud dans les projets européens ou entre des équipes de recherches du Sud dans les projets régionaux comme en Amérique centrale, et entre les différentes compétences scientifiques mobilisées, depuis la géomatique et la télédétection spatiale jusqu’à l’agronomie, la foresterie, l’hydrologie, la sociologie ou l’anthropologie.

(5)

Dans un système français de la recherche où chaque chercheur est affecté à une « case » disciplinaire dans laquelle il est ensuite évalué, l’ensemble de mes travaux pourrait être difficile à situer. J’ai mené des recherches dans des disciplines comme l’hydrodynamique des sols et l’agroclimatologie au début de ma carrière, puis je me suis spécialisé en télédétection spatiale au milieu des années 1980, avant d’aborder l’écologie du paysage puis les approches participatives. Et depuis quelques années, je me situe dans la communauté des géographes, et cela pour au moins deux raisons. D’abord, l’utilisation des outils de la géomatique (traitement d’images satellitales et systèmes d’information géographiques) pour l’analyse spatiale qui ont été mes outils privilégiés, est largement répandue chez les géographes qui se sont approprié les outils et les approches de l’analyse spatiale. Ensuite, et c’est ma raison principale, la géographie surtout constitue pour moi une ouverture et une science « carrefour », à la fois physique et humaine. De plus, le souci qu’ont souvent les géographes « de comparer l’objet de leurs observations à d’autres exemples », représente pour moi, chercheur sur les pays du Sud, une opportunité de valoriser des savoirs.

Pourtant, à la suite de la thèse, ma carrière a débuté par des disciplines de la physique : dynamique des fluides et micro-météorologie. Et c’est en essayant de spatialiser des mesures locales d’évapotranspiration des cultures que j’en suis arrivé à utiliser pour la première fois des images satellitales. Avec le lancement du satellite Spot1 dans les années 80, la télédétection spatiale est devenue pour moi un domaine de recherche très attractif, à la fois plein de promesses et d’opportunités. C’était alors plus la physique du signal des capteurs qui étaient embarqués sur les satellites Meteosat, Noaa ou Spot, plus que les objets télédétectés, qui m’intéressait.

Mais après quelques années passées à traiter le signal de la télédétection spatiale pour essayer d’en dériver des variables biophysiques permettant de caractériser la surface de la terre, je suis devenu un simple utilisateur de l’imagerie satellitale dans des recherches thématiques portant sur les espaces et leurs ressources. De fait mon parcours en télédétection spatiale peut apparaitre à contre-sens de l’évolution des technologies qui produit des capteurs spatiaux de plus en plus performants en résolution spatiale et spectrale, et des outils logiciels de plus en plus complexes pour traiter les images satellitales acquises par ces capteurs. Vingt ans après mes débuts en télédétection spatiale, me voici dans les années 2000-2010 à photo-interpréter des images de capteurs optiques et à réaliser des cartographies participatives avec des populations locales, sans me préoccuper outre mesure du traitement du signal si ce n’est pour améliorer la localisation et la visualisation de l’image, support à l’interprétation.

Ce parcours soulèvera la critique de « télédétecteurs » dont la logique est restée l’estimation des paramètres physiques mesurés par les capteurs embarqués. Je ne me risquerai pas de mon côté à les critiquer, car ces recherches sont nécessaires et la qualité de leurs travaux a placé la France à l’avant-garde technologique dans le domaine spatial. Mais de telles recherches sur la physique du signal ne me paraissent pas être du mandat du Cirad en tant que centre de recherche appliquée pour les pays du Sud car elles ne répondent pas directement aux questions sociétales, environnementales et économiques qui nous sont posées de manière pressante sur le terrain dans les pays du Sud. Cette volonté de l’application a d’une certaine manière toujours orienté mes travaux de recherche.

Mon parcours scientifique a de fait une logique : celle d’une expérience personnelle de 30 ans de recherches sur de nombreux et divers terrains des pays du Sud. Certains vont trouver ce parcours sinueux. Je le considère pour ma part comme une véritable opportunité qui m’a permis d’acquérir des connaissances nombreuses dans des domaines différents et d’essayer de concilier des technologies spatiales mobilisant les sciences

(6)

physiques, et une géographie humaine qui s’intéresse à la manière dont l’espace observé est géré par les sociétés et dont ces sociétés influencent l’espace lui-même. Cette ouverture vers la géographie, et les sciences sociales en particulier, ne m’a pas empêché de mobiliser ces dernières années de nouvelles technologies, bien au contraire. Ainsi je mes suis tourné vers les systèmes d’information, vers la très haute résolution spatiale des capteurs satellitaires et vers les services Web. C’est donc bien vers l’avenir que mon parcours et mes travaux scientifiques restent tournés. Il ne s’agit en aucune manière d’un « retour en arrière », mais plutôt d’un recours aux technologies les plus modernes pour rendre l’information utilisable et utilisée.

Au fil de ce mémoire retraçant pour partie mon parcours, j’essaierai de porter un regard critique sur les outils et les méthodes du ‘spatial’ pour caractériser les paysages des pays du Sud. J’essaierai aussi de montrer la cohérence de ce parcours dans l’enchainement des travaux autour de la question suivante : « Comment représenter et analyser spatialement les situations agricoles et les processus de changement sur les terrains ? ». Je montrerai pour cela au travers de mon expérience les intérêts et les limites de l’imagerie satellitale, les apports de l’écologie du paysage, la ‘richesse’ de la cartographie participative, la contribution des systèmes d’information aux actions de développement territorial et le développement d’applications sur le Web pour la diffusion de l’information.

(7)

1 Regards critiques - de la physique du signal à la cartographie participative

Dès les premiers satellites d’observation de la terre, puis dès le lancement du satellite Spot1 en France en 1986, la télédétection spatiale est apparue comme un formidable moyen d’acquérir de nouvelles données et une nouvelle vision de la terre. Pour le Cirad, à cette période, les principales applications se résumaient à la spatialisation des données acquises par les agronomes sur le terrain (en premier lieu les rendements agricoles) et à la réalisation de cartes d’occupation des terres, avec l’espoir sous-jacent de s’affranchir d’une « vérité terrain » considérée comme fastidieuse et peu valorisante.

En utilisant les bases physiques du rayonnement électromagnétique et du bilan radiatif des surfaces terrestres, le traitement de ces données ouvrait en effet un domaine d’application prometteur dans l’observation et l’analyse des agricultures et des forêts des pays du Sud. Mais, après plusieurs années, mon expérience m’amène à une analyse critique pour faire apparaitre à la fois les ’vérités’ et les ‘mensonges’ que l’attrait des technologies spatiales a pu produire.

Pour les espaces ruraux des pays du Sud, je montrerai les limites de ces données et des méthodes de traitement utilisées, mais aussi leur avantage dans la caractérisation des territoires et dans l’analyse de processus spatiaux comme la déforestation tropicale. Mais pour approcher une vérité terrain bien difficile à percevoir, j’en viendrai à montrer l’intérêt de prendre en compte des savoirs locaux dans l’interprétation de ces données, tout au moins pour donner une représentation proche de celles des acteurs locaux.

1.1 Le ‘mirage’ des signatures spectrales dans le domaine optique

Dans les années 80, les signatures spectrales dans les domaines du visible et du proche infra-rouge du spectre électromagnétique concentraient une bonne partie des recherches. Nous étions alors dans l’actualité des premiers satellites d’observation de la terre, Landsat4 puis Spot1 (1986). C’était l’époque où le traitement physique du signal de ces satellites promettait une nouvelle vision de la terre et où nous cherchions à relier le signal télédétecté par les capteurs satellitaires à la réalité des surfaces observées sur le globe.

Nous nous équipions alors de radiomètres portables (les radiomètres Cimel) pour obtenir sur le terrain ce que nous pensions être les clés de l’interprétation du signal : les signatures spectrales de chaque surface terrestre, en particulier de chaque type de végétation. Je ne résiste pas ici au rappel de quelques bases physiques qui fondaient ces espoirs.

Télédétection dans le domaine optique Le principe est que des capteurs dans le domaine visible et proche-infrarouge mesurent les rayonnements solaires réfléchis par des cibles au sol et

permettent de constituer des images de la surface terrestre (Fig. 1).

Figure 1. Réflexion du rayonnement solaire (source : CRISP).

(8)

Spectre électromagnétique

Les rayonnements mesurés par les capteurs peuvent être quantifiés sur le spectre des énergies électromagné-tiques, classées en fonction de leur fréquence et de leur longueur d’onde électromagnétique. Le visible et le proche-infrarouge ne constituent qu’une très petite partie du spectre (Fig. 2).

Figure 2. Spectre électromagnétique (source : CCRS/CCT).

Spectre du rayonnement solaire

Dans le domaine optique, le soleil est la source du rayonnement. Au dessus de l’atmosphère, le rayonnement solaire peut être considéré comme émis par un corps noir à la température de 5900 °K, avec un maximum de radiation à

0,500 µm. Ce rayonnement solaire, après

passage au travers de l’atmosphère, est sensiblement transformé et il varie dans

une gamme de 0.25 µm à 3 µm (Fig. 3).

Figure 3. Spectre du rayonnement solaire au dessus de l’atmosphère et de la mer (source : CRISP).

Rayonnement solaire réfléchi par une cible

Le rayonnement solaire incident sur une cible quelconque se décompose ainsi (Fig. 4) :

– rayonnement réfléchi par la cible ; – rayonnement absorbé par la cible ; – et rayonnement transmis par la cible. Les cibles réfléchissent et absorbent ce rayonnement solaire différemment aux différentes longueurs d’ondes et se différencient théoriquement par leurs réflectances spectrales.

Figure 4. Exemple de rayonnement réfléchi, absorbé et transmis par une cible (source : CCRS/CCT).

(9)

Réflectance spectrale

La réflectance spectrale est la part du rayonnement incident qui est réfléchie par la cible. Cette réflectance varie en fonction de la longueur d’onde et des caractéristiques de la cible (Fig. 5). Ainsi deux cibles peuvent avoir une même réflectance dans une longueur d’onde, mais une réflectance différente dans une autre longueur d’onde. Cette propriété permet théoriquement de différencier les cibles par leurs signatures spectrales.

Figure 5. Exemple de spectre de réflectance de la végétation dans le domaine optique. A: bande bleue, B: bande verte; C: bande rouge; D: bande proche IR; E: bande moyen IR proche (source : CRISP).

Signature spectrale

Différentes cibles absorbent ou

réfléchissent différemment le rayon-nement solaire à différentes longueurs d’onde. Le spectre des réflectances est donc une signature qui devrait permettre d’identifier cette cible (Fig. 6). La télédétection dans le domaine optique consiste donc à retrouver les objects de la

surface à partir des réflectances

(radiométries) de l’image.

Figure 6. Exemple de signatures spectrales de deux types de

végétation, d’une eau claire et d’une eau turbide, et d’un sol nu (source : CRISP).

Les difficultés liées aux signatures spectrales

Ces bases physiques du bilan radiatif sont séduisantes pour des chercheurs qui découvrent la télédétection spatiale, et elles ont laissé espérer pendant de nombreuses années un important potentiel d’applications, même sur les espaces ruraux des pays du Sud qui nous intéressaient. Toutefois, les travaux menés dans ces régions ont rapidement montré une grande sensibilité des réflectances mesurées par les capteurs satellitaires dans le domaine optique à des paramètres de la surface dont la variabilité naturelle pouvait être importante et « bruiter » fortement le signal enregistré. Ceci était d’autant plus vrai dans les pays du Sud que les espaces y sont le plus souvent faiblement anthropisés, la variabilité naturelle est importante et les objets recherchés (les parcelles cultivées, par exemple) sont peu contrastés par rapport à leur environnement. Ces paramètres de surface sont les suivants.

-L’humidité de la surface, du sol et/ou de la végétation. Elle a un effet important sur la réflectance mesurée

(10)

spectrales très différentes selon son niveau d’humidité (Fig. 7 et 8). Or dans de nombreux pays du Sud, l’agriculture est fortement dépendante de régimes pluviométriques erratiques dont la distribution spatiale peut être très hétérogène.

Figure 7. Réflectances d’un type de végétation selon différents niveaux de stress hydrique (source : RST)

Figure 8. Parcelles humides et sèches sur un périmètre rizicole à Ségou au Mali (source : Google Earth).

-La densité de couvert végétal. Dans les systèmes de culture extensifs des pays du Sud comme c’est le cas par

exemple en Afrique sub-saharienne, la densité du couvert d’une même culture peut être très différente d’une parcelle à l’autre et au sein d’une même parcelle. Lorsque la végétation est peu couvrante, comme c’est souvent le cas, l’effet du sol sur le signal peut devenir prépondérant sur l’effet de la végétation (Fig. 9 et 10) et le signal rend compte alors de la variabilité des sols plus que de la couverture végétale.

Figure 9. Champs de mil autour d’un village au Niger vus par le satellite Ikonos (source : Google Earth).

Figure 10. Champs de mil au Niger vus d’avion en visée latérale

(source : Begue A., Cirad).

-La géométrie du couvert végétal. En zone tropicale, et plus particulièrement en zone tropicale sèche où la

végétation ne recouvre pas totalement le sol et la couverture est hétérogène, les effets directionnels dans les réflectances mesurées peuvent être très importants (Fig. 11 et 12). Dans ce cas, la géométrie du couvert végétal: hauteur, port foliaire, rang, peut avoir une forte influence sur le signal.

(11)

Figure 11. Photo hémisphérique au dessus d’un champ de mil au Niger (source : Cirad).

Figure 12. Semis en ligne de soja au Brésil (source : Cirad).

-La géométrie de la visée, de l’éclairement et du relief. Dans les zones à fort relief, outre les effets de

parallaxes engendrées par le relief qui nécessitent des corrections géométriques, la réflectance enregistrée par le capteur est fortement dépendante à la fois de la position du soleil et du capteur, et de la position topographique de la cible. Une même couverture végétale sur deux versants opposés d’un même relief aura des réflectances très différentes (Fig. 13 et 14), laissant croire à des objets différents.

-L’atmosphère2. Au cours des deux trajets effectués par le rayonnement solaire à travers l’atmosphère,

descendant du Soleil vers la surface et montant de la surface vers le capteur, l’atmosphère a des effets sur le rayonnement. Ces effets atmosphériques résultent de deux processus, l’absorption et la diffusion, qui sont exercés par les deux constituants de l’atmosphère que la vapeur d’eau et les aérosols (formés des particules, liquides ou solides, en suspension dans l’atmosphère). La concentration en molécules ou particules diffusantes est mesurée par « l’épaisseur optique » de l’atmosphère, une grandeur qui dépend à la fois de la

1 Dedieu J.P., 1989. Télédétection et montagne. Un outil privilégié pour l’étude des milieux d’altitude. Revue de géographie Alpine, vol. 77, n°77-1-3, p. 105-123. 2 Kergomard C., 2000.Pratique des corrections atmosphériques en télédétection : utilisation du logiciel 5S-PC. Cybergeo, Actes des Journées de Télédétection en Sciences humaines. URL : http://www.cybergeo.eu/index1679.html.

Figure 13. Ombre propre (1) et ombre portée (2) en terrain accidenté avec un éclairement solaire direct

(source : Dedieu, 1989)1.

Figure 14. Reliefs et ombres dans la région montagneuse de Lacandona au Chiapas (Mexique) sur une image Spot5 (source : Imbernon, Cirad).

(12)

longueur du trajet atmosphérique et de la concentration vapeur d’eau et aérosols diffusants. Les angles jouent un rôle important dans ces effets atmosphériques : élévation solaire (mesurée par rapport à l’horizon) et son complémentaire l’angle zénithal solaire (Fig. 15).

-Figure 15. Le trajet atmosphérique du rayonnement solaire et les effets de l’atmosphère.

Les effets atmosphériques sur le signal enregistré par les capteurs satellitaires peuvent être corrigés par le modèle 6S développé initialement par le Laboratoire d’optique atmosphérique de Lille (Cnrs). Mais l’utilisation de ce modèle de correction est une étape complexe du traitement des images et elle requiert des données atmosphériques qui ne sont pas toujours facilement accessibles. De plus, ces corrections atmosphériques restent partielles et elles sont inopérantes lorsque les effets de l’atmosphère sont trop importants.

Tous ces facteurs influencent donc très sensiblement le signal enregistré par le capteur satellitaire dans le domaine optique et ils génèrent une grande variabilité dans le temps et dans l’espace des réponses spectrales d’un même objet. Ils limitent donc considérablement l’utilisation de « signatures spectrales » pour différencier les types de couverture végétale à la surface de la terre.

Sans doute des progrès techniques ont été réalisés dans la qualité des capteurs satellitaires, tant en géométrie qu’en radiométrie, et dans les modèles de correction du signal (modèles de transferts radiatifs, modèles de corrections atmosphériques). Force est de constater toutefois que les résultats restent peu opérationnels au regard du gain de qualité obtenu et de la lourdeur de mise en œuvre de ces outils et méthodes. Sans réfuter l’intérêt que représente la physique du signal en télédétection spatiale, c’est bien la « vérité » de ce signal vis-à-vis du terrain et des objets d’étude que sont l’agriculture, le paysage ou le territoire qui est questionnable pour les pays du Sud. Et sans remettre en cause tout l’intérêt de ces données dans la caractérisation des espaces et des processus à la surface de la terre, même pour les pays du Sud, c’est l’approche basée sur le « tout numérique » où l’utilisateur se retranche derrière la « vérité » de la physique du signal en n’ étant qu’un « presse bouton » de logiciels plus ou moins sophistiqués, que j’ai tendance à remettre en cause. Car, face aux difficultés liées aux signatures spectrales des cibles, il y a également des désillusions du côté des méthodes de classification des images satellitales pour produire des cartes. Nombre de cartes produites « automatiquement », sans un sérieux travail de vérification sur le terrain, ont parfois donné dans les pays du

(13)

Sud des résultats très éloignés de la réalité du terrain et ont discrédité les capacités de la télédétection spatiale.

1.2 Les promesses des méthodes de classification d’images

La classification numérique par ordinateur des images satellitales, utilisant des méthodes statistiques relativement évoluées, promettait dans les années 1980 de renouveler la cartographie par une approche technique, normative et reproductible. La photo-interprétation de nos ainés était devenue « ringarde ». Le principe général de la classification numérique d’une image est basé sur l’utilisation de l'information contenue dans les valeurs d'une ou de plusieurs bandes spectrales du capteur pour classer chaque pixel de l’image et lui assigner un thème : par exemple eau, forêt de conifères, maïs ou blé. La « nouvelle » image qui résulte la classification est ainsi composée d'une mosaïque de pixels qui appartiennent chacun à un thème

particulier et cette image classée est alors une représentation thématique de l'image numérique originale3

(Fig. 16)

Figure 16. Classification de l’information

radiométrique des pixels en thèmes pour réaliser une carte (source : CCRS, Canada).

Une des méthodes les plus simples à utiliser pour classer ces images est le seuillage. Sur des images monospectrales (1 bande), en définissant une valeur minimum et une valeur maximum, on peut représenter aisément ce seuillage sur un histogramme et faire varier les valeurs de seuillage de manière interactive. (Fig. 17).

3 Centre canadien de télédétection. Tutoriel: Notions fondamentales de télédétection. Analyse et interprétation d'images. URL : http://www.ccrs.nrcan.gc.ca/resource/tutor/fundam/chapter4/07_f.php

(14)

Figure 17. Image monospectrale seuillée sur l’histogramme.

De la même manière, il est possible de seuiller une image multispectrale sur des diagrammes de dispersion où les canaux sont visualisés deux à deux. Dans l’exemple suivant (Fig. 18), sur les canaux 2, 3 et 4 de Landsat-TM, l’échelle de couleur est proportionnelle au nombre de pixels de l’image et le point repéré par une étoile correspond au pixel de valeur 21 dans le canal 3, 23 dans le canal 2 et 84 dans le canal 4.

Figure 18. Histogrammes bidimensionnels sur les canaux 2, 3 et 4 de Landsat.

En définissant une valeur minimum et maximum dans chacune des trois bandes, l’utilisateur définit un parallélépipède dans le nuage de points qui permet de classer aisément l’image (Fig. 19).

(15)

Cette méthode très simple n’est le plus souvent utilisée que pour réaliser des masques sur l’image (eau, nuages ou bâti). Mais la méthode la plus utilisée, et la plus proche du terrain, a été la classification supervisée. Par cette méthode, l'utilisateur identifie sur le terrain des échantillons homogènes de l'image, représentatifs des différents thèmes à classer. Ces échantillons serviront de données-tests pour la classification de l’ensemble de l’image. L’utilisateur détermine la « signature spectrale » de chacune des classes à partir de ces échantillons, et il classe les pixels de l’image avec ces signatures. L’une des méthodes les plus utilisées pour affecter les pixels à la classe la plus probable a été celle du maximum de vraisemblance qui définit des aires d’égale probabilité autour des centres de gravité des classes. Pour chaque pixel, les probabilités d’appartenir à chacune des classes sont calculées puis chaque pixel est affecté à la classe dont la probabilité est la plus forte. Cette méthode a été très largement utilisée dans les années 1980 et 1990.

Plus récemment, les méthodes « orientées-objets » ont fait leur apparition et elles ont apporté des améliorations à la classification des images satellitales, en particulier des images à Très Haute Résolution spatiale (THR). Ces méthodes ne tiennent pas seulement compte des propriétés spectrales des objets mais aussi de leurs organisations et de leurs relations spatiales, et de leur contexte géographique. Cela permet de réduire la probabilité de confusion entre les classes. Ces méthodes s’organisent en deux grandes étapes (Fig. 20) :

– la segmentation de l’image qui est une subdivision de l’image selon des critères spectraux et spatiaux en régions homogènes représentatives des objets du territoire ;

– la classification qui comporte l’analyse des propriétés des segments, la définition des critères discriminants et des règles de classification.

Figure 20. La classification d’image orientée-objet (source : Boussaid, 2006)4.

Les difficultés liées aux classifications d’images

Au regard de mon expérience dans le domaine de la télédétection spatiale, les difficultés liées à la classification d’images satellitales restent de deux ordres :

– la complexité de la réalité du terrain (hétérogénéité, présence de pixels mixtes, grand nombre d’objets par unité de surface….) et la difficulté à rendre compte de cette complexité par le traitement informatique de l’image, quel que soit le logiciel ;

– la trop grande confiance donnée aux traitements informatiques, le peu de valorisation des savoirs-locaux et la faiblesse de la confrontation à la réalité du terrain et à ses acteurs.

Ce dernier point sera traité plus avant. Je ne reprendrai ici que les problèmes liés aux pixels mixtes et à la grande hétérogénéité des paysages agricoles des pays du Sud.

(16)

- Le problème des pixels mixtes

Les « pixels mixtes » sont des pixels composés de plusieurs objets dont la dimension est inférieure à la résolution du capteur. Ces pixels intègrent donc la radiométrie des différents objets présents dans le pixel. Lors de la prise de vue, si un pixel individuel est situé complètement dans les limites d'une classe (un objet), alors les valeurs de ce pixel seront déterminées par les propriétés spectrales de cette classe : on dit que c’est un pixel pur. Mais il est plus probable que le pixel recouvre plusieurs classes et la réponse spectrale résultante est alors un « mélange » de réponses spectrales de chaque objet (Fig. 21 et 22) : ces pixels mixtes sont donc difficilement classables. Or, dans les pays du Sud, l’agriculture familiale est largement prépondérante et les parcelles de culture sont de taille réduite, le plus souvent inférieures à un hectare, parfois de l’ordre de

quelques centaines de m2. Dans ce cas, avec des résolutions spatiales des capteurs de l’ordre de 10, 20 ou 30

m, les pixels mixtes sont très nombreux sur des images des satellites Spot3 ou Landsat TM.

Figure 21. Exemple de pixels mixtes sur un parcellaire (source : NASA).

Figure 22. Confusion spectrale liée au

« mélange » de classes (source: Campbell)5

Des méthodes mathématiques ont été développées pour traiter les pixels mixtes par la résolution de

systèmes d'inconnues6 : c’est le cas en particulier entre des images Noaa-Avhrr et Spot (Fig. 23). Mais ces

méthodes sont complexes et coûteuses (fusion d’images de résolutions différentes), et les incertitudes statistiques demeurent importantes.

L’apparition de capteurs à Très haute résolution (THR) spatiale avec une résolution métrique et submétrique a réduit ce problème des pixels mixtes omniprésent sur les images Noaa-Avhrr, comme sur l’image ci-dessous au Niger qui est comparée à une image Spot1 (Fig. 24).

5 Campbel J.B., 2002. Introduction to remote sensing. Third Edition.. Taylor & Francis, London. 626 p.

6 Ouaidrari H., Bégué A., Imbernon J., D'Herbès J.M. 1996. Extraction of the pure spectral response of the landscape components in NOAA-AVHRR mixed pixels.

(17)

Figure 23. Comparaison d’une image Spot à 20 m de résolution (en vert, culture de mil ; en rouge, brousse tigrée) et d’une image Noaa-Avhrr à 1 km de résolution (source : Ouaidrari et al.).

Figure 24. Différence de perception du terrain avec deux images juxtaposées : Spot4 XS à 20m de résolution et Ikonos à 1m de résolution (source : Imbernon, Cirad).

Mais si en général la proportion de pixels mixtes décroît lorsque la résolution spatiale devient plus fine, dans certains cas cette proportion peut augmenter avec l’apparition de nouveaux objets de plus petite taille et de nouvelles classes spectrales. Par exemple l’image d’une région forestière, qui peut paraitre homogène à faible résolution, fera apparaitre à Très Haute Résolution des arbres individualisés de différentes espèces, et des espaces « ouverts » intermédiaires. De plus, les différences locales d’humidité, hauteur ou éclairement

deviennent plus apparentes et elles complexifient, et peuvent même dégrader, les classifications d’image7.

7 Justice, C.O., B.L. Markham, J.R.G. Townshend, and R.L. Kennard, 1989. Spatial degradation of satellite data. International Journal of Remote Sensing, vol. 10. p. 1539-1561.

(18)

- Le nombre considérable d’objets géographiques hétérogènes dans un espace rural

L’accès à des images à très haute résolution spatiale comme Ikonos, QuickBird ou même Spot5 a considérablement augmenté la capacité de discrimination des objets présents à la surface de la terre. Le corollaire est une surabondance d’informations dans l’image qu’il devient difficile de classer pour en faire une représentation cartographique. Dans le cas du projet Sinrem en Amérique centrale (Photos 1 et 2), aucune méthode de classification ne nous a donné de résultats satisfaisants ; même les méthodes orientées-objet sont restées inefficaces. En Guinée forestière, sur le projet UN-HCR, la même difficulté a été rencontrée avec des images à très haute résolution à 1 m de résolution (Ikonos pan-sharpened) (Fig. 25). Ces images n’ont été utilisées qu’en photo-interprétation et que pour la reconnaissance automatique d’objets par le logiciel Adoc que nous avions développé (voir plus avant).

Figure 25. Détails d’images Ikonos pan-sharpened de Guinée forestière (source: Imbernon, Cirad).

Abris de réfugiés Tentes du HCR Cases de villages (toit en tôle) Grenier à céréales

Palmiers Case de village (toit en chaume)

Bas-fond Rivière Houpiers Piste

(19)

1.3 L’élargissement du spectre électromagnétique à l’infrarouge thermique et aux micro-ondes Depuis les années 1980, l’offre en images satellitales s’est incroyablement diversifiée. Dans un premier temps, le spectre électromagnétique des capteurs s’est élargi avec un accès à des images dans des domaines spectraux de plus en plus éloignés comme l’Infrarouge thermique (IRT) et les micro-ondes.

Les données dans l’infrarouge thermique

Si le visible et le proche IR correspondent au rayonnement solaire réfléchi par les surfaces terrestres et donnent une image proche de la vision humaine, l’IRT correspond au rayonnement terrestre émis vers l’atmosphère (rayonnement tellurique) et il n’est lié qu’à la température radiative de la surface terrestre. Sa mesure permet donc de s’affranchir du rayonnement solaire et d’avoir accès à des images de jour comme de nuit.

Dans mes premiers travaux de recherches, j’ai utilisé les canaux IRT des satellites Méteosat et Noaa-Avhrr pour estimer les précipitations ou l’évapotranspiration des couverts (le flux de chaleur latente) en zone

sahélienne (Fig. 26 et 27). Ces travaux de recherches collectifs8 ont été récompensés en 1991 par le prix

Brochet-Gerbier, décerné par l’Organisation météorologique mondiale des Nations-Unies à Genève (OMM).

8 Seguin B., Assad E., Freteaud J.P., Imbernon J., Kerr Y., Lagouarde J.P., 1989. Use of meteorological satellites for water balance monitoring in Sahelian regions. Int. J. Remote Sensing, vol. 10, n° 6. p. 1101-1117.

Photo 1. Mosaïque de café, pâturages et forêts dans la région du Trifinio au Guatemala (source : Imbernon, Cirad).

Photo 2. Image Ikonos de la région du Trifinio au Guatemala (source : UES, El Salvador).

(20)

Figure 26. Carte des précipitations cumulées en 1984 au Sénégal estimées à partir de la température radiative de surface (source : Seguin et al., 1989).

Figure 27. Relation entre la température radiative de surface et l’évapotranspiration au Sénégal (source : Seguin et al., 1989).

Les faiblesses des images IRT

Malgré tout l’intérêt que représentait cette nouvelle vision de la surface terrestre dans l’Infrarouge thermique, l'interprétation de la température de surface est restée difficile pour plusieurs raisons.

• La mesure de la température de la végétation ne peut se faire indépendamment de celle du sol, et le

degré d'interférence du sol dans le signal est fonction de la structure du couvert et de la configuration des angles entre le soleil et le capteur. De fait, dans les pays du Sud, dans la mesure où le recouvrement du sol par la végétation est faible, l’influence du type de sol peut être très importante sur la température radiative de surface mesurée.

• La traduction théorique de la Température radiative de surface Ts (une fois la calibration du capteur

réalisée) en termes de transpiration des plantes repose sur des échanges complexes de chaleur au sein du système sol – végétation – atmosphère. Cette complexité est difficile à prendre en compte et à représenter dans les approches de modélisation.

• La correction des effets atmosphériques sur la température radiative de surface enregistrée par le capteur

nécessite des modèles relativement sophistiqués (à l’époque, il s’agissait du modèle Lowtran) et des jeux de données difficilement accessibles sur les profils atmosphériques, en termes de contenu en vapeur d’eau, de température et de pression.

• Enfin, la résolution spatiale des capteurs thermiques embarqués est moins bonne que dans le domaine

visible du fait des contraintes d’antenne. Lorsque nous avons des résolutions de l’ordre de 10 m dans le domaine optique, la résolution dans l’IR thermique est encore de 100 m et avec une telle résolution la question des pixels mixtes reste cruciale. A l’heure actuelle, ce ratio de résolution entre domaines optique et thermique perdure, mais les résolutions sont respectivement de l’ordre de 1m et de 10m, ce qui ouvre des perspectives d’application plus précises pour l’Infrarouge thermique.

Les données de radar (micro-ondes actives)

Au-delà encore du domaine de l’IRT se trouvent les micro-ondes des radars. Les ‘images radar’ relèvent de ce qu’il est convenu d’appeler la télédétection active puisque le rayonnement est d’abord émis par l’instrument

(21)

embarqué à bord du satellite avant l’enregistrement de la partie du signal retournée vers le capteur. Il ne s’agit donc plus comme pour les domaines précédents du seul enregistrement d’un rayonnement extérieur émis par le soleil ou la terre. Cette spécificité du radar, associée à la transparence de l’atmosphère dans ces longueurs d’onde, présente l’avantage sur les précédents domaines spectraux de permettre l’acquisition de données de jour comme de nuit et par temps couvert (ce qui en région tropicale humide peut présenter un intérêt important).

Lorsque les satellites ERS (1 et 2) et JERS, puis RADARSAT, sont devenus disponibles, de nombreuses applications ont été explorées dans le domaine de l’agriculture et de la forêt. Pour la plupart, ces applications n’ont pas atteint le stade opérationnel, tout au moins dans les pays du Sud. Mon expérience dans ce domaine est très faible, car je n’ai utilisé des images ERS et JERS que sur le projet ‘Alternatives to Slash and Burn’, en Amazonie brésilienne et au Cameroun (Fig. 28 et 29). Malgré une série de traitements à l’aide de filtres relativement complexes, au final ces images n’ont pas apporté d’information nouvelle pour le projet. Si elles s’affranchissaient effectivement de la nébulosité présente sur ces zones tropicales humides, elles n’ont pas permis de différencier les types de couvert végétal, pas même dans certains cas de différencier tout simplement les forêts de zones déforestées.

Figure 28. Image Spot4 XS de mars 1995 sur Yaoundé au Cameroun (source : Imbernon, Cirad).

Figure 29. Image ERS-SAR d’avril 1996 sur Yaoundé au Cameroun (source : Imbernon, Cirad).

Les faiblesses des images radar

Si ces images ont l’immense intérêt de fournir des données quelles que soient les conditions météorologiques, elles ont des limites liées à la géométrie et à la radiométrie. Ainsi sur les zones de relief, la morphologie des reliefs induit des distorsions géométriques particulières dans les images radar (« déplacement topographique »). De plus l’interférence aléatoire des ondes électromagnétiques crée sur l’image une texture granulaire particulière : ce phénomène est appelé « chatoiement » (Speckle). Des techniques de filtrage des images radar ont été développées pour réduire le Speckle. Mais même si des progrès considérables ont été accomplis, l'interprétation de ces images radar reste difficile et les nombreux traitements nécessaires (en particulier les filtrages) sont peu accessibles à l’utilisateur commun.

(22)

1.4 L’apparition de la très haute résolution spatiale9

Depuis le lancement des premiers satellites d’observation de la terre dans les années 1970, les progrès techniques ont été continus. Mais les années 2000 constituent à mon sens une révolution technologique dans l’observation de la terre avec le lancement de satellites à résolution métrique ou submétrique (Fig. 30) qui nous offrent une vision proche de la perception que nous pouvons avoir au sol.

Figure 30. Evolution de la résolution spatiale des capteurs satellitaires d’observation de la terre depuis l’origine (source : Umr Tetis).

Les satellites Spot 5 (Spot-Image, France), Alos (Nasda, Japon), Ikonos (Space Imaging, États- Unis), Quickbird (DigitalGlobe, États-Unis) fournissent maintenant des images dont la résolution spatiale se situe entre 0,6 m et 2,5 m. Et cette abondance de l’offre est apparue dans un laps de temps très court puisque les premiers capteurs à très haute résolution disponibles dans le domaine civil datent du début des années 2000.

L’amélioration de la résolution spatiale, et donc de la perception des composantes du paysage, nous permet de visualiser et d’analyser des objets jamais vus auparavant en télédétection : petit réseau d’irrigation, greniers à grains, arbres isolés… Ces nouvelles images mettent en avant la notion d’objets. Et ces objets peuvent être caractérisés par leur forme et leur texture, et non plus uniquement par leur radiométrie spectrale. Ainsi, de nouvelles textures apparaissent comme des sillons dans un champ ou des arbres dans un verger ; et ces textures peuvent cohabiter à plusieurs échelles spatiales.

Avec l’accès à ces images, les applications nouvelles sont nombreuses :

Etude de l’intra-urbain. A basse et moyenne résolution, l’information concernant l’urbain se réduisait

essentiellement à une différentiation binaire entre l’urbain et le non-urbain. A très haute résolution, les différents types de tissu urbain peuvent être distingués en fonction de la densité et du type de bâti.

9 Conclusions du groupe «2D ». Groupe de travail «Méthodologie ORFEO». CNES 23/07/2004. URL : http://smsc.cnes.fr/PLEIADES/Fr/PDF/Synthese_2D.pdf.

(23)

Extraction de nouveaux items cartographiques. La très haute résolution permet d’enrichir les items

cartographiques que l’on peut extraire des images, et d’accroitre le détail et la précision des nomenclatures cartographiques qui étaient utilisées pour les images à moyenne résolution.

Comptage et classification d’objets individualisés. Avec cette capacité à distinguer les objets, il est possible

de faire des comptages, comme des comptages d’arbres dans un espace. Ceci ouvre la porte à de nouvelles applications pour l’étude de la biodiversité ou des milieux urbains par exemple.

Pour tirer parti de cette très haute résolution, de nouvelles méthodes de traitement d’images ont été développées. Elles concernent principalement :

– la prise en compte de la texture dans les algorithmes de classification et de segmentation. Pour associer différents modes de l’histogramme à même classe, des hypothèses contextuelles ou sur les matrices de co-occurrence sont maintenant proposées.

– la prise en compte de la géométrie des objets et des relations entre les objets. Des approches utilisées dans le domaine de l’analyse d’image peuvent être utilisées : approches stochastiques, approches variationnelles, morphologie mathématique… C’est sans doute l’aspect le plus novateur dans le traitement de ces données. Les variables traitées ne sont plus les pixels, mais des objets, c’est à dire des ensembles connexes de pixels ayant une structure géométrique.

Les contraintes de l’imagerie à très haute résolution

Si ces images renouvellent notre perception de la surface terrestre, il n’en demeure pas moins qu’elles représentent des contraintes :

– le volume des fichiers à manipuler ne se compte plus en mégaoctets, mais en gigaoctets, et cela nécessite des moyens de calcul et de stockage très importants ;

– la surface couverte par ces images est de plus en plus réduite ; la taille d’une scène acquise par un capteur est passée par exemple de 185 km x 185 km pour Landsat-TM à 11 km x 11 km pour Ikonos (Fig. 31) ; l’utilisation de ces images THR ne peut donc s’envisager que pour des applications locales et la vision régionale n’est plus possible avec une seule image ;

Figure 31. Couverture spatiale des différents capteurs satellitaires (source : Umr Tetis).

Landsat SPOT Formosat Aster Ikonos QuickBird 0 10 20 30 40 0 50 100 150 200 Taille image (km) R é s o lu ti o n s p a ti a le ( m ) Modis

(24)

– coût du km2 couvert par ces images est élevé ; nous sommes passés d’un coût du km2 qui était négligeable

pour les images Landsat-TM à un coût de l’ordre de 15 à 20 euros/km2 pour les images Ikonos et Quickbird.

Un tel investissement se justifie lorsque les intérêts économiques, sociaux ou environnementaux sur l’espace observé sont très importants ; c’est rarement le cas sur les espaces ruraux des pays du Sud où j’interviens. D’une certaine manière la fracture sociale entre pays du Nord et du Sud dans l’utilisation de la télédétection

spatiale continue à se creuser10.

1.5 Vérités et mensonges du traitement des données satellitales. La fonction du terrain

Dans les années 1980, la télédétection spatiale était présentée par ses détracteurs comme « un ensemble de solutions à la recherche de problèmes ». Les temps ont changé et l’on pourrait dire à présent le contraire, tant les demandes sont nombreuses et les applications diversifiées. Il faut reconnaitre que la télédétection spatiale a apporté beaucoup à la connaissance de l’espace géographique et de ses transformations. En géographie rurale, dans les pays du Sud, la télédétection spatiale a été et est toujours un puissant outil pour caractériser des composantes paysagères comme le parcellaire agricole. Par la répétitivité des acquisitions, elle permet aussi les analyses diachroniques et le suivi des processus de déforestation ou d’urbanisation. Elle permet aussi d’analyser des processus spatiaux comme la fragmentation d’un paysage. Tous ces apports sont indéniables et sont à son crédit.

Mais de nombreux échecs dans l’application de la télédétection spatiale existent, et en particulier dans le domaine de l’agriculture dans les pays du Sud. Ces échecs sont peu ou pas visibles, que ce soit dans les revues scientifiques ou sur le Web. Il est quasi-impossible d’en trouver trace, car les chercheurs sont restés très discrets sur les expériences négatives ou tout au moins sur les difficultés rencontrées. Et le lobbying des distributeurs d’images a certainement fortement joué dans ce sens.

Or la concordance entre les informations produites à partir de données satellitales et la réalité du terrain peut être mesurée : biomasse sur pied, occupation des terres… On parle souvent de « vérité terrain », car d'une manière implicite le « terrain » est synonyme de contact direct avec la réalité des choses. « C’est le lieu où les choses se révèlent à la vue et pour lequel sont utilisés des relevés de terrain, par opposition aux constructions

purement théoriques issues du travail en laboratoire »11. Or le spécialiste en télédétection, souvent issu des

« sciences physiques », a été formé pour traiter, interpréter et analyser les images de télédétection ; pas pour se confronter à cette réalité du terrain. Son travail consiste d’abord à utiliser des logiciels spécialisés pour traiter les données numériques des capteurs satellitaux.

Or la télédétection spatiale devrait à mon sens être considérée comme un outil complémentaire aux mesures et aux observations sur le terrain. Pour comprendre l’information issue de l’image satellitale, pour développer les méthodes reliant l’image à la réalité ou pour valider l’information que l’on extrait de l’image, il est essentiel de se rendre sur place, d’observer in situ les paysages, de récolter des échantillons, de mesurer le phénomène étudié et de confronter l’information spatiale avec la perception du terrain qu’en ont les acteurs

10 Des initiatives internationales comme “GEO Agricultural Monitoring Community of Practice” ou les missions ‘Sentinelle’ du programme de Surveillance mondiale pour l’environnement et la sécurité (GMES) visent à rendre plus accessible l’information satellitale aux pays du Sud au travers de réseaux qui se mettent en place. Mais les retombées pour les pays du Sud ne sont pas encore visibles et la gestion de ces réseaux reste du domaine exclusif des pays du Nord.

(25)

locaux. Le terrain permet de calibrer et d’interpréter les données de télédétection et de les confronter aux « savoirs locaux ».

L’instantanéité de l’image satellitale à l’écran, la facilité que l’on a de la manipuler, de faire apparaitre des objets cachés à l’œil humain, donne une impression de vérité absolue. Cela incite le spécialiste du traitement d’images à interpréter l’image par tous les moyens, multipliant les filtres, les seuils et les traitements statistiques pour faire apparaitre justement cette vérité cachée. A tel point qu’il en devient impossible parfois de reconstituer l’historique des multiples traitements réalisés. La technique de traitement numérique prend le dessus. Et en mobilisant des outils et des méthodes sophistiqués, ces traitements numériques donnent une satisfaction intellectuelle. Mais ils en font oublier la complexité du réel sur le terrain.

Les exemples d’échec de cette approche techniciste que j’ai pu constater sont nombreux. Par exemple, deux cartes d’occupation des terres ont été réalisées sur le territoire d’El Salvador, en Amérique centrale, avec les mêmes images Landsat ETM+ de 2002, mais de deux manières différentes (Fig. 32 et 33) : l’une par traitement

automatique sur ordinateur depuis le laboratoire de géomatique du Catie12 au Costa Rica, l’autre par

photo-interprétation, avec des observations sur le terrain avec des agents locaux puis une validation par les collectivités et les associations locales (associations de producteurs de café ou ONG environnementaliste). Au final, la carte réalisée par le Catie indique de grandes étendues de forêts là où n’existe sur le terrain aucune forêt comme je l’ai vérifié moi-même. Ces exemples ont fait beaucoup de mal à la télédétection spatiale, en décrédibilisant les données et les méthodes de traitement utilisées.

Figure 32. Carte d’occupation des terres dans le Nord d’El Salvador en 2002 réalisée par traitement automatique (source : Catie).

Figure 33. Carte d’occupation des terres dans le nord d’El Salvador en 2002 réalisée par photo-interprétation et avec des savoirs locaux (source : Cirad).

La fonction du terrain est donc primordiale pour apporter du crédit aux informations produites à partir des données satellitales, tout au moins dans le cas des pays du Sud où il est difficile de s’appuyer sur des

(26)

informations existantes. Dans ce processus de confrontation de ces informations à la vérité du terrain, la prise en compte des « savoirs locaux » permet de renforcer la légitimité des analyses produites et de mieux prendre en compte la complexité de terrain.

1.6 La cartographie participative et l’intégration de savoirs locaux

Face aux modèles traditionnels de classification numérique d’images satellitales basés sur des algorithmes informatiques, il est un domaine qui offre des perspectives « illimitées » pour la réalisation de cartes, en particulier dans les pays du Sud ; c’est celui de la prise en compte des savoirs locaux des sociétés qui vivent dans et des espaces étudiés dans une cartographie participative.

La cartographie participative est apparue dans les années 1980 et les acteurs du développement utilisaient à cette époque les méthodes de Participatory Rural Appraisal (PRA) mais avec peu ou pas de cartographie. Cette situation a changé dans les années 1990 avec la « démocratisation » des SIG, des GPS et des images satellitales, et leur utilisation de plus en plus fréquente pour des projets territoriaux.

La cartographie participative consiste à transcrire les savoirs locaux sur des cartes, des photos aériennes ou des images satellitales. Cette nouvelle approche est fortement inspirée des approches participatives utilisées dans le développement rural et elle se décline de deux manières :

– faire participer les acteurs locaux à une retranscription cartographique de leur perception des ressources naturelles du territoire et de la répartition spatiale ;

– cartographier la perception environnementale des acteurs locaux de ce territoire sous l’angle des atouts (par exemple, les potentialités agricoles des sols), des faiblesses et des contraintes (liées par exemple à la fertilité des sols), des évolutions majeures sur le territoire (déforestation ou reforestation), ou des projets envisagés ou souhaités sur le territoire.

L’expérience de cartographie participative à très haute résolution que j’ai eue en Haïti en 2000 pour le compte

de la FAO13 m’a permis par exemple de cartographier non seulement l’occupation des terres d’un territoire,

mais aussi la perception de la fertilité des sols qu’en avaient les populations locales. L’utilisation de dénominations vernaculaires propres aux populations locales a permis à la fois d’enrichir la carte et de faciliter son appropriation par les acteurs locaux eux-mêmes. Par la suite, mes expériences de cartographie de l’occupation des terres ont pour la plupart été réalisées sur le terrain avec l’appui des acteurs locaux : bassin versant du rio Lempa (Guatemala, Honduras et El Salvador), territoire national d’El Salvador, région de Lacandona au Chiapas (Mexique) (photos 3 et 4).

13 Imbernon J., 2002. Cartographie participative à très haute résolution. Utilisation d'une image Ikonos dans un projet de développement communal en Haïti. Revue Internationale de Géomatique, vol. 12, n° 1. p. 115-128.

(27)

Photo 3. Mobilisation des techniciens agricoles des coopératives de

producteurs de café au Chiapas pour la cartographie des zones de production de café (source : Imbernon J.).

Photo 4. Entretiens entre producteurs de café et techniciens agricoles pour la cartographie des zones de production de café (source : Imbernon J.).

Les difficultés dans la cartographie participative

La première des difficultés est l’amateurisme qui prévaut parfois dans la représentation cartographique. Les dessins « naïfs » représentant le territoire ont certes un intérêt pour faire émerger les questionnements, mais ce ne sont en aucun cas des cartes au sens de représentations planes et réduites de la surface dans un rapport de similitude (l’échelle). Et ces « représentations mentales » ne sont pas utilisables pour localiser les ressources, les processus ou les actions à mener.

L’autre problème de ces cartographies participatives est celui de la représentativité de ceux qui participent à la démarche. L’instrumentation de cette démarche par des groupes d’intérêts est toujours possible et le risque de tomber dans le piège du groupe dominant n’est pas négligeable. Il faut être conscient que le résultat de la cartographie participative reste dépendant de la composition du groupe des participants.

La démarche peut aussi révéler voire créer des tensions et des conflits entre les acteurs du terrain (ces conflits sont souvent liés au foncier et à la gestion des ressources naturelles) ou entre les acteurs du terrain et les autorités locales. Ces conflits sont intéressants à mettre en évidence et constituent une source d’information sur les usages et sur les rapports sociaux entre les groupes. Mais ils peuvent polluer la démarche de cartographie participative et la rendre stérile. Le rôle de l’expert pour éviter ces pièges est important. Il assure l’appui technique dans la représentation cartographique, il tient compte des jeux de pouvoir au sein du groupe des participants et des différences de perception, il joue un rôle de facilitateur et il synthétise les connaissances en essayant d’aboutir à des consensus. L’expert ne s’efface donc pas derrière les savoirs locaux : il les fait émerger, il les cristallise et il les représente selon les normes en vigueur en cartographie. Entre l’expert qui sait tout et l’expert qui s’efface devant les savoirs locaux, il faut faire varier le curseur et rechercher le bon équilibre.

(28)

1.7 L’instrumentalisation de l’analyse spatiale par les SIG

A la fin des années 1980, les travaux en télédétection spatiale ont fait appel à de nouveaux outils d’intégration de données et d’analyse spatiale : les Systèmes d’information géographique (SIG). La logique sous-jacente à ces systèmes présente un double intérêt :

– l’espace géographique traité y est pris dans toutes ses dimensions : localisation exacte (latitude, longitude), caractères physiques (relief, climat, hydrologie, sols, écosystème), transformations humaines (peuplement, constructions, réseaux de transports, activités agricoles) ; le SIG est un moyen d’intégrer toutes les dimensions de l’espace ou des processus spatiaux en jeu ;

– le fonctionnement par couches que l’on peut ajouter, enlever ou combiner, permet de vérifier étape par étape chaque hypothèse de l’analyse spatiale. De plus les SIG permettent d’intégrer et de gérer à la fois des données au format vecteur issues de cartes et des données au format raster issues des images satellitales. Au départ, dans les années 1980, les SIG permettaient seulement de générer, mémoriser et visualiser les données géographiques. Ils ont rapidement été enrichis par des fonctions d’analyse spatiale, et leur développement a été très rapide (Fig. 34). Force est de reconnaitre qu’à l’heure actuelle l’usage des SIG s’est répandu, que ce soit dans la communauté scientifique (agronomes, forestiers, géologues, urbanistes, historiens…), mais aussi dans les entreprises, les collectivités territoriales et même dans notre vie courante. Ce développement a commencé dans les années 1970 par la cartographie assistée par ordinateur, suivie par la gestion de bases de données ‘spatiales’, avant d’en arriver à la composante la plus intéressante qui est l’analyse spatiale et plus récemment aux applications multimédias et à la diffusion par le Web.

- La cartographie assistée par ordinateur dans les années 1970

Points, lignes et surfaces qui définissent les objets sur une carte sont représentés en coordonnées X, Y. A cette époque, le plus important sans doute est le passage d’un format analogique (la carte papier) à un format numérique stocké sur des disques durs. Un des avantages de cette cartographie assistée par ordinateur était la capacité de modifier une partie de la carte sans refaire la totalité de la carte et de redessiner rapidement la carte entière mise à jour.

- La gestion de bases de données spatiales, dans les années 1980

Des systèmes de gestion de bases de données spatiales sont alors développés. Ils font le lien entre la cartographie assistée par ordinateur et la gestion de bases de données non géoréférencées. Un identifiant est attribué à chaque objet géographique de telle manière que l’utilisateur puisse pour n’importe quel objet de la carte retrouver les informations associées à cet objet (les données tabulaires). Réciproquement l’utilisateur peut fixer des conditions de recherche sur les données tabulaires et afficher les objets géographiques correspondants sur la carte. Cette période est marquée par une demande croissante pour des données cartographiques. C’est l’époque où les utilisateurs s’équipent en tables à digitaliser et en scanners et où les grandes organisations internationales, comme le Programme des Nations-Unies pour l’environnement (PNUE) ou l’Organisation des Nations-Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), investissent dans le développement de bases de données géoréférencées. C’est aussi à cette époque que je découvre le logiciel Arc Info sur station de travail (Sun Station). Le logiciel fonctionne alors avec des lignes de commandes : l’ergonomie et l’interactivité ne sont pas son fort.

Références

Documents relatifs

Ainsi, l'objectif de cette étude est de décrire statistiquement la variabilité des débits des rivières Tibagi, Ivaí, Piquiri et Iguaçu dans l'Etat du Parana -

L’agriculture pèse moins que naguère, et son centre de gravité est clairement l’État de São Paulo L’industrie est concentrée dans les capitales, en particulier du

Ahora bien; es innegable que, en cierto modo, la pintura de Villa es oscura para su propio autor. De vez en cuando, nos choca en ella al- guna absurda contradicción de su

Chantier d’arrachage mécanique : Dégagement des berges pour faciliter l'accès aux engins, pose de filtres aux entrées et sorties d'eau et nettoyage régulier, arrachage mécanique

Ensuite les conseilleurs : Luis de Santángel, décapité puis brûlé ; micer Francisco de Santa Fe, assesseur du gouverneur, dont le corps fut brûlé après son suicide dans La

Pour cette raison, les régions périphériques allient coûts expressifs de transport avec une relation de dépendance dans les activités de transformation et de services..

A “Arte poética” serve de introdução à poética de José Luís Peixoto porque reflecte, de certa maneira, todos os temas e motivos importantes presentes no livro (e com

Le stage se déroulera dans l’UMR TETIS (Territoire, Environnement, Télédétection et Information Spatiale), située dans les locaux de la Maison de la Télédétection à