Chapitre 4
Quelques applications
4.1 Relaxation
Nous avons vu pr´ec´edemment que la quasiconvexit´e (la convexit´e dans le cas scalaire) de f est une condition n´ecessaire et suffisante `a la faible semi-continuit´e inf´erieure de la fonctionnelle int´egrale
u7!W1,p(⌦;Rd)7!
Z
⌦
f(ru)dx.
Une question naturelle se pose alors : que se passe-t-il quandf n’est pas quasiconvexe ?
Exemple 4.1.1. Par exemple, siN=d= 1 et ⌦= (0,1), on consid`ere la fonction (non convexe) f(⇠) = (1 ⇠2)2et la suiteu"(x) ="u(x/") o`uu:R!Rest la fonction 1-p´eriodique d´efinie par
u(x) =
(x n sinx < n+ 12, n+ 1 x sin+12 x < n+ 1.
On a que u" *0 faiblement dans W1,4(0,1). Par cons´equent, comme u0"(x) = u0("x)2 { 1,1}
p.p dansx2(0,1), il vient
F(0) = 1>0 =F(u").
De fa¸con g´en´erale, consid´erons un espace m´etrique (X, d) et une fonctionnelleF :X!R[{+1}
qui n’est pas semi-continue inf´erieurement surX. On s’int´eresse `a d´eterminer une fonctionnelleF dont les minima sont les limites des suites minimisantes de F, autrement dit l’enveloppe semi- continue inf´erieure (ou relax´ee) deF d´efinie, pour toutu2X, par
F(u) = sup{G(u) : Gsemi-continue inf´erieurement etGF}.
On a le r´esultat g´en´eral suivant qui ram`ene le calcul de l’enveloppe semi-continue inf´erieure deF
`
a celui de la -limite de la suite stationnaireF.
Proposition 4.1.2. Soit (X, d) un espace m´etrique et F : X ! R[{+1}. Alors l’enveloppe semi-continue inf´erieure deF co¨ıncide avec la -limite de F et elle est donn´ee par
F(u) = inf
⇢ lim inf
j!+1F(uj) : uj!u pour toutu2X.
45
D´emonstration. Pour toutu2X, notons F0(u) = inf
⇢ lim inf
j!+1F(uj) : uj !u
la -limite inf´erieure de la suite stationnaireF et montrons queF0 est la -limite deF. La borne inf´erieure est ´evidente. Concernant la borne sup´erieure, pour toutk2N, il existe une suiteukj !u telle que
lim inf
j!+1F(ukj)F0(u) +1 k. Pour toutk2N, il existe une sous-suite (uk'k(j))j2N telle que
j!lim+1F(uk'k(j)) = lim inf
j!+1F(ukj)F0(u) +1 k.
On construit ensuite une suite strictement croissante d’entiers ( k)k2Ntelle que pour toutj k, d(uk'k(j), u) 1
k, F(uk'k(j))F0(u) +2 k, et on d´efinitvj=uk'k(j)si kj < k+1de sorte quevj !uet
lim sup
j!+1 F(vj)F0(u), ce qui montre la borne sup´erieure.
D’apr`es la Remarque3.1.3, la fonctionnelleF0est semi-continue inf´erieurement et, par construc- tion F0 F, ce qui montre que F0 F. Par ailleurs, si G est une fonctionnelle semi-continue inf´erieurement telleGF, alors pour toute suiteuj!u,
G(u)lim inf
j!+1G(uj)lim inf
j!+1F(uj),
ce qui implique, par passage `a l’infimum par rapport `a toutes les suites (uj)j2NqueGF0, ce qui montre queF F0 et donc queF0=F est e↵ectivement l’enveloppe semi-continue inf´erieurement deF.
Nous allons maintenant nous int´eresser `a la relaxation de fonctionnelles int´egrales. On consid`ere une fonction continuef :Rd⇥N !R satisfaisant des propri´et´es de croissance et coercivit´e
|⇠|pf(⇠)⇤(1 +|⇠|p) pour tout⇠ 2Rd⇥N, (4.1.1) o`u >0,⇤>0 et 1< p <1. On d´efinit la fonctionnelleF :Lp(⌦;Rd)![0,+1] par
F(u) = 8<
: Z
⌦
f(ru)dx siu2W1,p(⌦;Rd),
+1 sinon.
(4.1.2)
Th´eor`eme 4.1.3. L’enveloppe semi-continue inf´erieurement deF dansLp(⌦;Rd)est donn´ee par F :Lp(⌦;Rd)![0,+1] par
F(u) = 8<
: Z
⌦
Qf(ru)dx siu2W1,p(⌦;Rd),
+1 sinon,
4.1. RELAXATION 47 o`uQf:Rd⇥N !R est la quasiconvexification def d´efinie par
Qf(⇠) = inf (Z
(0,1)N
f(⇠+r'(y))dy: '2Cc1((0,1)N;Rd) )
.
Remarque 4.1.4. 1. D’apr`es la propri´et´e de croissance (4.1.1), on a aussi que Qf(⇠) = inf
(Z
(0,1)N
f(⇠+r'(y))dy: '2W01,p((0,1)N;Rd) )
.
2. Sif est quasiconvexe, alors on a par d´efinitionQf =f.
D´emonstration. D’apr`es le Th´eor`eme 3.2.1, nous savons d´ej`a qu’il existe une fonction de Ca- rath´eodoryf :⌦⇥Rd⇥N !Rtelle que
F(u) = 8<
: Z
⌦
f(x,ru)dx siu2W1,p(⌦;Rd),
+1 sinon.
Il s’agit alors de montrer quef =Qf. Dans la suite de la preuve, nous posonsu⇠(x) :=⇠x pour toutx2RN, o`u⇠2Rd⇥N est fix´ee.
Etape 1.Montrons quef est ind´ependante de la variable spatialex. Soientx0,y02⌦et⇢>0 tels queB⇢(x0)⇢ ⌦et B⇢(y0)⇢⌦. D’apr`es la Remarque 3.2.5, il existe une suite (u⇢n)n2N dans W1,p(B⇢(x0);Rd) telle queu⇢n!u⇠ dansLp(B⇢(x0);Rd) et
lim inf
n!+1
Z
B⇢(x0)
f(ru⇢n)dx Z
B⇢(x0)
f(x,⇠)dx+⇢N+1.
On d´efinitvn⇢(x) =u⇢n(x y0+x0) de sorte quevn⇢ 2W1,p(B⇢(y0);Rd) etvn⇢ !u⇠+⇠(x0 y0) dansLp(B⇢(y0);Rd). Par cons´equent, par changement de variables,
Z
B⇢(y0)
f(x,⇠)dxlim inf
n!+1
Z
B⇢(y0)
f(rvn⇢)dx
= lim inf
n!+1
Z
B⇢(x0)f(ru⇢n)dx Z
B⇢(x0)
f(x,⇠)dx+⇢N+1. En divisant l’in´egalit´e pr´ec´edente par!N⇢N et en passant `a la limsup quand ⇢!0, on obtient f(y0,⇠)f(x0,⇠). L’autre in´egalit´e s’obtient en inversant les rˆoles dex0ety0.
Etape 2 : borne inf´erieure.SoitQ=x0+ (0,⇢)N un cube contenu dans⌦. Il existe une suite (uj)j2NdansW1,p(Q;Rd) telle queuj!u⇠ dansLp(Q;Rd) et
lim inf
j!+1
Z
Q
f(ruj)dx⇢N+1+⇢Nf(⇠).
En particulier, d’apr`es la condition de coercivit´e de f, on en d´eduit que la suite (ruj)j2N est born´ee dansLp(Q;Rd⇥N) ce qui implique queuj *u⇠ faiblement dans W1,p(Q;Rd). D’apr`es la Proposition3.2.6, on peut supposer sans restreindre la g´en´eralit´e queuj=u⇠sur@Q, en particulier ':=uj u⇠2W01,p(Q;Rd). On pose alors (x) ='(x0+⇢x)/⇢de sorte que 2W01,p((0,1)N;Rd) et, par d´efinition de la quasiconvexification, on a
Z
Q
f(ruj)dx= Z
Q
f(⇠+r')dx=⇢N Z
(0,1)N
f(⇠+r )dx ⇢NQf(⇠).
En divisant par⇢N et en faisant tendre⇢!0, on obtient quef(⇠) Qf(⇠).
Etape 3 : borne sup´erieure.Pour tout">0, il existe une fonction'2Cc1(Q;Rd) telle que Z
Q
f(⇠+r'(y))dyQf(⇠) +".
On ´etend' parQ-p´eriodicit´e `a toutRN et on pose pour toutx2RN, 'j(x) = '(jx)
j
de sorte que'j!0 fortement dansLp(⌦;Rd). Dans ce cas,
|⌦|f(⇠) =F(u⇠)lim inf
j!+1F(u⇠+'j) = lim inf
j!+1
Z
⌦
f(⇠+'(jx))dx.
D’apr`es le Th´eor`eme de Riemann-Lebesgue, on a f(⇠+'(j·)) *R
Qf(⇠+r'(y))dy faiblement dansL1(⌦), ce qui implique que
|⌦|f(⇠)lim inf
j!+1
Z
⌦
f(⇠+'(jx))dx=|⌦|
Z
Q
f(⇠+r'(y))dy|⌦|(Qf(⇠) +").
Il suffit ensuite de faire tendre"!0.
Proposition 4.1.5. La fonctionQf est l’enveloppe quasiconvexe def, i.e., pour tout ⇠2Rd⇥N, Qf(⇠) = sup{g(⇠) :gest quasiconvexe etgf}.
D´emonstration. En prenant⌦=B=B1(0), le Th´eor`eme4.1pr´ec´edent montre que la fonctionnelle
u2Lp(B;Rd)7!F(u) = 8<
: Z
BQf(ru)dx siu2W1,p(B;Rd),
+1 sinon,
est l’enveloppe semi-continue inf´erieurement de
u2Lp(B;Rd)7!F(u) = 8<
: Z
B
f(ru)dx siu2W1,p(B;Rd),
+1 sinon.
Le Proposition4.1.2(ou la Remarque3.1.3) montre alors queF est semi-continue inf´erieurement dansLp(B;Rd). Par injection compacte de Rellich,F est faiblement semi-continue inf´erieurement dans W1,p(B;Rd), ce qui montre en vertu du Th´eor`eme 2.3.7 que Qf est quasiconvexe. Par ailleurs, on a clairement que Qf f. Enfin, si g f et g est quasiconvexe, alors pour tout '2Cc1((0,1)N;Rd),
g(⇠) Z
(0,1)N
g(⇠+r'(y))dy Z
(0,1)N
f(⇠+r'(y))dy.
Par passage `a l’infimum en', on en d´eduit que g Qf ce qui montre queQf est e↵ectivement l’enveloppe quasiconvexe def.
4.2. HOMOG ´EN ´EISATION 49 Dans le cas scalaire, l’enveloppe quasiconvexe se r´eduit `a l’enveloppe convexe. Pour revenir `a l’exemple4.1.1, siN=d= 1 et⌦= (0,1), alors la relax´ee de la fonctionnelle
u2L4(0,1)7!F(u) = 8<
: Z 1
0
(1 |u0|2)2dx siu2W1,4(0,1),
+1 sinon,
u2L4(0,1)7!F(u) = 8<
: Z 1
0
Cf(u0)dx siu2W1,4(0,1),
+1 sinon,
o`u Cf(⇠) = (1 ⇠2)2 si|⇠| > 1 et Cf(⇠) = 0 si |⇠| 1 est l’enveloppe convexe de ⇠ 7!f(⇠) = (1 ⇠2)2.
Le calcul de l’enveloppe quasiconvexe est une question difficile `a r´esoudre en pratique. Tr`es peu d’exemples sont disponibles.
Exemple 4.1.6. On d´efinit la fonction de Kohn-Strang f:R2⇥2![0,+1) par f(⇠) =
(1 +|⇠|2 si⇠6= 0,
0 si⇠= 0.
Cette fonctionnelle apparaˆıt naturellement dans les probl`emes d’optimisation de forme ou d’en- dommagement. On peut montrer (voir [4, Lemma A.2-2.7]) que l’enveloppe convexe def est donn´ee par
Cf(⇠) =
(1 +|⇠|2 si|⇠| 1, 2|⇠| si|⇠|<1, et l’enveloppe quasiconvexe est donn´ee par
Qf(⇠) =
(1 +|⇠|2 si|⇠|2+ 2|det⇠| 1, 2p
|⇠|2+ 2|det⇠| 2|det⇠| si|⇠|2+ 2|det⇠|<1.
4.2 Homog´ en´ eisation
On s’int´eresse `a pr´esent `a un probl`eme de -convergence avec une ´echelle de microstructure. On consid`ere une fonction de Carath´eodoryf:RN⇥Rd⇥N ![0,+1) satisfaisant
i) f(·,⇠) est 1-p´eriodique pour tout⇠2Rd⇥N; ii) il existe ,⇤>0 et 1< p <1, tels que
|⇠|pf(y,⇠)⇤(1 +|⇠|p) p.p. touty2RN et pour tout⇠2Rd⇥N. On d´efinit la fonctionnelle int´egraleF" :Lp(⌦;Rd)![0,+1] par
F"(u) = 8<
: Z
⌦
f⇣x
",ru⌘
dx siu2W1,p(⌦;Rd),
+1 siu2Lp(⌦;Rd)\W1,p(⌦;Rd).
On peut interpr´eter cette fonctionnelle comme l’´energie contenue dans un corps ´elastique ayant des h´et´erog´en´eit´es p´eriodiquement distribu´ees de p´eriode">0 tr`es petite. On cherche alors `a essayer de d´eterminer un milieu ´elastique “moyenn´e”, ou homog´en´eis´e, en faisant tendre la p´eriode de la microstructure vers 0. Nous avons le r´esultat suivant obtenu ind´ependamment par Braides [2] et M¨uller [8].
Th´eor`eme 4.2.1. La fonctionnelleF" -converge dansLp(⌦;Rd)vers la fonctionnelle homog´en´eis´ee Fhom:Lp(⌦;Rd)![0,+1]d´efinie par
F"(u) = 8<
: Z
⌦
fhom(ru)dx si u2W1,p(⌦;Rd),
+1 si u2Lp(⌦;Rd)\W1,p(⌦;Rd), o`ufhom est donn´ee par la formule de cellule
fhom(⇠) = lim
T!+1 inf
'2W01,p((0,T)N;Rd)
Z
(0,T)N
f(y,⇠+r'(y))dy pour tout ⇠2Rd⇥N. Remarque 4.2.2. 1. Dans la formule de cellule qui d´efinit fhom, il est sous-entendu que la
limite quand la p´eriode T ! +1 existe. Il s’agit d’une propri´et´e dite d’ergodicit´e qui se g´en´eralise pour des g´eom´etries plus complexes comme dans le cas quasi-p´eriodique ou mˆeme stochastique (voir le Lemme4.2.3ci dessous).
2. si f=f(⇠) est ind´ependante de la variable spatialey, alors la formule de cellule se r´eduit `a la formule de quasiconvexification def.
3. Si f est convexe par rapport `a la variable ⇠, il est possible de montrer que la formule de cellule se r´eduit `a
fhom(⇠) = inf
'2Wper1,p((0,1)N;Rd)
Z
(0,1)N
f(y,⇠+r'(y))dy pour tout⇠2Rd⇥N. Nous renvoyons pour cela au [3, Theorem 14.7]. N´eanmoins, dans le cas non convexe, il est vraiment n´ecessaire de consid´erer la limite d’une famille de probl`emes de minimisation pos´es sur des cellules qui envahissent l’espace (voir le contre-exemple de M¨uller [3, Example 14.12]).
Lemme 4.2.3. La limite
T!lim+1 inf
'2W01,p((0,T)N;Rd)
Z
(0,T)N
f(y,⇠+r'(y))dy existe pour tout⇠2Rd⇥N.
D´emonstration. On pose, pour toutt >0, gt := inf
'2W01,p((0,t)N;Rd)
Z
(0,t)N
f(y,⇠+r'(y))dy, et on consid`ere't2W01,p((0, t)N;Rd) tel que
Z
(0,t)N
f(y,⇠+r't(y))dygt+1 t.
Sis > t, nous allons construire une fonction s2W01,p((0, s)N;Rd) comme suit. Tout d’abord, on
´etend 't par z´ero sur le plus grand cube (0,[t] + 1)N et on subdivise (0, s)N en l’union disjointe de translat´es de (0,[t] + 1)N. Soit I l’ensemble des indices i = (i1, . . . , iN) 2 ZN tels que 0 ([t] + 1)(ij+ 1)spour toutj= 1, . . . , N. Notons que
sN
tN #(I) =
✓ s [t] + 1 1
◆N ✓ s [t] + 1 2
◆N
(s 2t 2)N (t+ 1)N .
4.2. HOMOG ´EN ´EISATION 51 On d´efinit pour touty2(0, s)N,
s(y) :=
('t(y i) siy2i+ (0, t)N, i2I,
0 sinon.
SiEs = (0, s)N\S
i2I(i+ (0, t)N), on a
|Es|=sN tN#(I)sN (s 2t 2)N tN (t+ 1)N. Par d´efinition degs, on a
gs Z
(0,s)N
f(y,⇠+r s(y))dy
= 1 sN
X
i2I
Z
i+(0,t)N
f(y,⇠+r't(y i))dy+ Z
Es
f(y,⇠)dy
!
1 sN
X
i2I
Z
(0,t)N
f(x+i,⇠+r't(x)dx+⇤(1 +|⇠|p)|Es|
!
= 1 sN
X
i2I
Z
(0,t)N
f(x,⇠+r't(x)dx+⇤(1 +|⇠|p)|Es|
!
1 sN
✓
#(I)tN
✓ gt+ 1
t
◆
+⇤(1 +|⇠|p)|Es|
◆
gt+ 1
t +⇤(1 +|⇠|p)
✓
1 (s 2t 2)NtN sN(t+ 1)N
◆ .
En faisant tendre d’abords!+1, puist!+1, il vient lim sup
s!+1gslim inf
t!+1gt, ce qui montre l’existence de la limite.
D´emonstration du Th´eor`eme4.2.1. D’apr`es le Th´eor`eme 3.2.1, pour toute suite ("j)j2N, il existe une sous-suite ("jn)n2N et une fonction de Carath´eodory f :⌦⇥Rd⇥N ![0,+1) satisfaisant les mˆemes propri´et´es de croissance et coercivit´e quef, tels que la fonctionnelleF"jn -converge dans Lp(⌦;Rd) vers la fonctionnelleF :Lp(⌦;Rd)![0,+1] donn´ee par
F(u) = 8<
: Z
⌦
f(x,ru)dx siu2W1,p(⌦;Rd),
+1 sinon.
Etape 1. Montrons tout d’abord quef est ind´ependante de la variable spatiale x. Soient x0, y0 2⌦ et ⇢> 0 tels que B⇢(x0)[B⇢(y0) ⇢ ⌦. D’apr`es la Proposition 3.2.6, il existe une suite (un)n2N dansW01,p(B⇢(x0);Rd)) telle queun!0 dansLp(B⇢(x0);Rd) et
lim inf
n!+1
Z
B⇢(x0)
f
✓ x
"jn
,⇠+run
◆ dx
Z
B⇢(x0)
f(x,⇠)dx+⇢N+1.
Soit⌧n = "jn
hy0 x0
"jn
i. Comme⌧n !y0 x0, alors si t >1, on a B⇢(x0+⌧n)⇢Bt⇢(y0) pourn assez grand. On ´etend la suiteun par 0 `a l’ext´erieur deB⇢(x0) et pour presque toutx2Bt⇢(y0), on pose
vn(x) =un(x ⌧n).
On a alors, Z
Bt⇢(y0)|vn(x)|pdx= Z
B⇢(x0+⌧n)|un(x ⌧n)|pdx= Z
B⇢(x0)|un(y)|pdy!0 ce qui montre quevn!0 dansBt⇢(y0) et donc,
Z
B⇢(y0)
f(x,⇠)dx Z
Bt⇢(y0)
f(x,⇠)dxlim inf
n!+1
Z
Bt⇢(y0)
f
✓ x
"jn
,⇠+rvn(x)
◆ dx
lim inf
n!+1
Z
B⇢(x0+⌧n)
f
✓ x
"jn
,⇠+run(x ⌧n)
◆
dx+⇤(1 +|⇠|p)|Bt⇢(y0)\B⇢(x0+⌧n)|
= lim inf
n!+1
Z
B⇢(x0)
f
✓ y
"jn
+
y0 x0
"jn
,⇠+run(y)
◆
dy+⇤(1 +|⇠|p)!N⇢N(tN 1)
= lim inf
n!+1
Z
B⇢(x0)
f
✓ y
"jn
,⇠+run(y)
◆
dy+⇤(1 +|⇠|p)!N⇢N(tN 1)
Z
B⇢(x0)
f(x,⇠)dx+⇢N+1+⇤(1 +|⇠|p)!N⇢N(tN 1).
Par passage `a la limite quandt&1, on obtient Z
B⇢(y0)
f(x,⇠)dx Z
B⇢(x0)
f(x,⇠)dx+⇢N+1.
On obtient finalement quef(y0,⇠)f(x0,⇠) en divisant l’expression pr´ec´edente par!N⇢N et en passant `a la limsup quand⇢!0. L’autre in´egalit´e se montre en inversant les rˆoles dex0 ety0.
Etape 2.Commef est une fonction quasiconvexe, on a f(⇠) = min
'2W01,p((0,1)N;Rd)
Z
(0,1)N
f(⇠+r'(y))dy,
puis, d’apr`es le Th´eor`eme3.2.7appliqu´e `au0(x) =⇠xetg= 0, on a (quitte `a extraire une nouvelle sous-suite)
min
'2W01,p((0,1)N;Rd)
Z
(0,1)N
f(⇠+r'(x))dx
= lim
n!+1 inf
'2W01,p((0,1)N;Rd)
Z
(0,1)N
f
✓ x
"jn
,⇠+r'(x)
◆ dx
= lim
n!+1 inf
2W01,p((0,Tn)N;Rd)
1 TnN
Z
(0,Tn)N
f(y,⇠+r (y))dy, o`uTn= 1/"jn. D’apr`es le Lemme4.2.3, il vient quef(⇠) =fhom(⇠) et donc F =Fhom.
Etape 3.Nous avons montr´e que, de toute sous-suite ("j)j2N, on peut extraire une nouvelle sous- suite ("jn)n2Ntelle queF"jn -converge vers la mˆeme limiteFhom. D’apr`es la propri´et´e d’Urysohn (voir la Proposition3.1.7), on en d´eduit que c’est toute la suiteF" qui -converge versFhom.
4.3. R ´EDUCTION DE DIMENSION 53 Il est en g´en´eral tr`es difficile de calculer explicitement la formule de cellule sauf dans des cas tr`es particuliers qui se ram`enent `a un calcul 1D.
Exemple 4.2.4. Suppposons que N = d = 1 et f(y,⇠) = a(y)|⇠|2 pour tout (y,⇠) 2 R2, o`u a:R!R est une fonction mesurable 1-p´eriodique telle que 0< a(y)⇤<+1pour tout y2R. Comme la limite qui d´efinit la formule de cellule existe, on peut se restreindre `a une p´eriode k2N. Soituk2H01(0, k) une solution du probl`eme de minimisation
v2Hmin01(0,k)
Z k 0
a(y)|⇠+v0(y)|2dy.
L’´equation d’Euler-Lagrange montre queukest solution de [a(⇠+u0k)]0= 0 au sens des distributions dans (0, k). En particulier, il existe une constantec2R(qui d´epend deket⇠) telle quea(⇠+u0k) =c p.p. dans (0, k) et donc, commeane s’annule jamais etuk(0) = 0,
uk(x) = Z x
0
✓ c a(y) ⇠
◆ dy.
On utilise maintenant le fait queuk(k) = 0, ce qui implique que c=⇠
✓Z 1 0
dy a(y)
◆ 1 ,
o`u l’on a utilis´e le fait queaest 1-p´eriodique etk2N. Par cons´equent, fhom(⇠) = lim
k!+1
1 k
Z k
0 a(y)|⇠+u0k(y)|2dy
= lim
k!+1
c k
Z k 0
(⇠+u0k(y))dy=c⇠=
✓Z 1 0
dy a(y)
◆ 1
|⇠|2.
4.3 R´ eduction de dimension
On consid`ere un dernier exemple de mod´elisation de plaques bi-dimensionnelles `a partir de l’´elasticit´e non lin´eaire tridimensionnelle. On s’int´eresse `a un milieu ´elastique dont l’´epaisseur est beaucoup plus petite que les autres dimensions. Ce milieu occupe le cylindre⌦"=!⇥( "/2,"/2) au repos, o`u!⇢R2est un ouvert born´e et">0 est petit.
L’´energie ´elastique contenue dans un tel mat´eriau est donn´ee par
v2W1,p(⌦";R3)7!
Z
⌦"
W(rv)dx, o`uW :R3⇥3![0,+1) est une fonction continue satisfaisant
|⇠|pW(⇠)⇤(1 +|⇠|p) pour tout⇠2R3⇥3
avec ,⇤>0 et 1< p <1. On s’int´eresse au comportement asymptotique de cette ´energie lorsque
"!0, i.e., lorsque la configuration de r´ef´erence du milieu “converge” vers une surface plane de l’espace. La premi`ere difficult´e `a laquelle nous sommes confront´es est le fait que l’espace ambiant
W1,p(⌦";R3) d´epend du param`etre". Nous allons donc remettre `a l’´echelle ce probl`eme dans une
configuration unitaire⌦=⌦1en posant, pour toutv2W1,p(⌦";R3), u(x1, x2, x3) =v(x1, x2,"x3) p.p. toutx2⌦.
Dans la suite, on poserax0= (x1, x2) la variable planaire etr0le gradient par rapport `ax0. On a alors queu2W1,p(⌦;R3) et, d’apr`es la formule de changement de variables
1
"
Z
⌦"
W(rv)dx= Z
⌦
W
✓ r0u 1
"@3u
◆ dx.
On d´efinit la fonctionnelle int´egraleE":Lp(⌦;R3)![0,+1] par
E"(u) = 8<
: Z
⌦
W
✓ r0u 1
"@3u
◆
dx siu2W1,p(⌦;R3),
+1 siu2Lp(⌦;R3)\W1,p(⌦;R3).
On a alors le r´esultat suivant de -convergence dˆu `a Le Dret & Raoult [7].
Th´eor`eme 4.3.1. La familleE" -converge dansLp(⌦;R3)vers la fonctionnelleE:Lp(⌦;R3)! [0,+1]d´efinie par
E(u) = 8<
: Z
!
QW0(r0u)dx si u2W1,p(!;R3),
+1 si u2Lp(⌦;R3)\W1,p(!;R3),
o`uW0(⇠) = minz2R3W(⇠|z)pour tout⇠2R3⇥2 etQW0est la quasiconvexification de W0 d´efinie par
QW0(⇠) = inf
'2W01,p((0,1)2;R3)
Z
(0,1)2
W0(⇠+r0'(y0))dy0 pour tout⇠2R3⇥2.
Remarque 4.3.2.Notons que le mod`ele limite est un mod`ele “r´eduit” car le domaine de la -limite est donn´e parW1,p(!;R3), c’est `a dire des champs de vecteursu2W1,p(⌦;R3) bidimensionnels, i.e., tels que@3u= 0 p.p. dans⌦.
Commen¸cons par montrer un lemme de s´election mesurable pour les solutions du probl`eme de minimisation d´efinissantW0(⇠(x)) lorsque⇠:!!R3⇥2est une fonction mesurable.
Lemme 4.3.3. Pour toute fonction mesurable ⇠ : ! ! R3⇥2, il existe une fonction mesurable b:!!R3telle que
W0(⇠(x)) =W(⇠(x)|b(x)) pour presque toutx2!.
Si de plus⇠2Lp(!;R3⇥2), alors b2Lp(!;R3).
D´emonstration. Si⇠(x) =⇠2R3⇥2 est constante, comme la fonctionz7!W(⇠|z) est continue et coercive, il existe unb2R3tel queW0(⇠) =W(⇠|b) = minz2R3W(⇠|z).
Si ⇠= Pm
i=1⇠i Ai est une fonction ´etag´ee avec⇠i2R3⇥2 pour tout 1imet A1, . . . , Am
est une partition mesurable de!, alors pour tout 1 i m, il existe bi 2R3 tel queW0(⇠i) = W(⇠i|bi). On d´efinit alorsb=Pm
i=1bi Aiqui est une fonction mesurable de!!R3et qui satisfait W0(⇠) =W(⇠|b) p.p. dans!.
Enfin, si ⇠ : ! ! R3⇥2 est une fonction mesurable, il existe une suite (⇠k)k2N de fonctions
´etag´ees telle que ⇠k !⇠ p.p. dans !. Soit bk : ! !R3 une fonction ´etag´ee mesurable telle que W0(⇠k) =W(⇠k|bk) pour toutk2N. Tout d’abord, commeW0 est d´efini comme un infimum de fonctions continues, alorsW0est semi-continue sup´erieurement ce qui montre que
lim sup
k!+1W0(⇠k)W0(⇠).
4.3. R ´EDUCTION DE DIMENSION 55 Par ailleurs, on poseb= lim supkbk (composante par composante) qui d´efinit une fonction mesu- rable. Pour toutx2!, on extrait une sous-suite (qui d´epend dex) telle queb(x) = limkb x(k)(x).
Par continuit´e deW, pour presque toutx2!, on a W0(⇠(x))W(⇠(x)|b(x)) = lim
k!+1W(⇠ x(k)(x)|b x(k)(x))
= lim
k!+1W0(⇠ x(k)(x))lim sup
k!+1W0(⇠k).
En regroupant les in´egalit´es pr´ec´edentes, on en d´eduit queW0(⇠) =W(⇠|b) p.p. dans!.
Supposons maintenant que ⇠ 2 Lp(!;R3⇥2). Pour montrer que b 2 Lp(!;R3), on utilise les propri´et´es de croissance et de coercivit´e deW pour obtenir que
Z
!|b|pdx0
Z
!|(⇠|b)|pdx0 Z
!
W(⇠|b)dx0
= Z
!
W0(⇠)dx Z
!
W(⇠|0)⇤ Z
!
(1 +|⇠|p)dx0<1, ce qui conclut la preuve du lemme.
D´emonstration. D’apr`es le Th´eor`eme3.2.1, pour toute suite ("j)j2N, il existe une sous-suite ("n=
"jn)n2N telle que la fonctionnelle E"n -converge dans Lp(⌦;Rd) vers une fonctionnelle E. La preuve est ensuite divis´ee en quatre ´etapes pour montrer queE=E.
Etape 1 : compacit´e. Soit (un)n2N telle queun!udansLp(⌦;R3) et lim inf
n!+1E"n(un)<+1.
Alors, quitte `a extraire une sous-suite, la borne inf´erieure de coercivit´e implique que Z
⌦
✓ r0un 1
"n@3un
◆p
dxC.
En particulier, si "n < 1, on a que (run)n2N est born´ee dans Lp(⌦;R3⇥3) ce qui implique que un*u faiblement dansW1,p(⌦;R3) et aussi queu2W1,p(⌦;R3). Par ailleurs, on a ´egalement
Z
⌦|@3un|pdxC"n.
Par semi-continuit´e inf´erieure de la norme pour la convergence faible, on en d´eduit que Z
⌦|@3u|pdxlim inf
n!+1
Z
⌦|@3un|pdx= 0,
ce qui montre que@3u = 0 p.p. dans⌦. La fonctionu peut donc ˆetre identifi´ee `a un ´el´ement de W1,p(!;R3).
Etape 2 : borne inf´erieure.Soit (un)n2Ntelle queun!udansLp(⌦;R3). Si lim infnE"n(un) = +1, il n’y a rien `a montrer. Si en revanche lim infnE"n(un)<1, l’´etape 1 montre que un *u faiblement dansW1,p(⌦;R3) avecu2W1,p(!;R3). CommeQW0W0W, on en d´eduit que
lim inf
n!+1E"n(un) lim inf
n!+1E"n(un) Z
⌦
QW0(r0un)dx.
Montrons que QW0 est quasiconvexe de R3 dans R3. Pour ce faire, on consid`ere une fonction 2Cc1((0,1)3;R3). En particulier, pour tout x3 2(0,1), on a que (·, x3)2Cc1((0,1)2;R3), ce qui montre que pour tout⇠2R3⇥2,
QW0(⇠) Z
(0,1)2
QW0(⇠+r0 (x0, x3))dx0 puis, par le Th´eor`eme de Fubini que
QW0(⇠) Z 1
0
Z
(0,1)2
QW0(⇠+r0 (x0, x3))dx0dx3= Z
(0,1)3
QW0(⇠+r0 (x))dx.
Comme un *u faiblement dans W1,p(⌦;R3), le Th´eor`eme 2.3.7de semi-continuit´e inf´erieure implique que
lim inf
n!+1
Z
⌦
QW0(r0un)dx Z
⌦
QW0(r0u)dx= Z
!
QW0(r0u)dx0 caruest ind´ependante dex3. On a donc montr´e que
lim inf
n!+1E"n(un)
Z
!
QW0(r0u)dx0=E(u), puis, par passage `a l’infimum parmi toutes les suites, queE E.
Etape 3 : borne sup´erieure.Siu2Lp(⌦;R3)\W1,p(!;R3), alorsE(u) = +1et il n’y a rien
`
a montrer. On suppose donc queu2W1,p(!;R3). D’apr`es le Lemme 4.3.3, il existe une fonction b2Lp(!;R3) telle que
W0(r0u(x0)) =W(r0u(x0)|b(x0)) p.p. toutx02!.
Soitbk 2 Cc1(!;R3) telle que bk !b fortement dans Lp(!;R3). On pose alors ukn(x) = u(x0) +
"nx3bk(x0) pour presque toutx2⌦de sorte queukn!ufortement dansLp(⌦;R3) quandn!+1. Commer0ukn(x) =r0u(x0) +"nx3r0bk(x0) et@3ukn(x) ="nbk(x0) pour presque toutx2⌦, on a
Z
⌦
W
✓ r0ukn
1
"n@3ukn
◆ dx=
Z
⌦
W r0u(x0) +"nx3r0bk(x0)bk(x0) dx et, par convergence domin´ee et continuit´e deW,
n!lim+1
Z
⌦
W
✓ r0ukn 1
"n
@3ukn
◆ dx=
Z
⌦
W r0u bk dx.
Par d´efinition de la -convergence, on en d´eduit que pour toutk2N, E(u)
Z
⌦
W r0u bk dx,
puis, par passage `a la limite quandk!+1et par convergence domin´ee, E(u)
Z
⌦
W r0u b dx= Z
⌦
W0(r0u)dx= Z
!
W0(r0u)dx0, o`u l’on a utilis´e le fait que la fonctionuest ind´ependante dex3.
4.3. R ´EDUCTION DE DIMENSION 57 On d´efinit, pour toutu2Lp(!;R3),
G(u) :=
8<
: Z
!
W0(r0u)dx0 siu2W1,p(!;R3),
+1 sinon.
Nous avons montr´e jusque l`a queE G. D’apr`es la Remarque 3.1.3-1, la -limite E est semi- continue inf´erieurement dansLp(!;R3). Par cons´equent,Eest plus petite que la relax´ee deGdans Lp(!;R3), et donc d’apr`es le Th´eor`eme4.1.3, pour toutu2W1,p(!;R3),
E(u) Z
!
QW0(r0u)dx0=E(u), ce qui conclut la preuve de la borne sup´erieure.
Etape 4 : conclusion.Par la propri´et´e d’Urysohn, comme la -limite est unique, on en d´eduit que c’est tout la suiteE" qui -convergence versE.
Exemple 4.3.4. Une ´energie fr´equemment rencontr´ee en ´elasticit´e non lin´eaire est celle de Saint Venant-Kirchho↵d´efinie, pour tout⇠2R3⇥3, par
W(⇠) = µ
4tr((⇠T⇠ I)2) +
8(tr(⇠T⇠ I))2,
o`u 0 et µ > 0 sont les coefficients de Lam´e. Il est ´etabli dans [7, Proposition 16] que, pour tout⇠2R3⇥2,
QW0(⇠) = E
8 v2(⇠)2 1 2+
+ E
8(1 ⌫2) v1(⇠)2+⌫v2(⇠)2 (1 +⌫) 2+
+ E
8(1 ⌫2)(1 2⌫) ⌫v1(⇠)2+v2(⇠)2 (1 +⌫) 2+,
o`uv1(⇠)v2(⇠) sont les valeurs propres de⇠T⇠2R2⇥2,E= µ(3 +2µ)+µ est le module de Young et
⌫= 2( +µ) est le coefficient de Poisson.