A ILIN R U
Tisser le chaos
Mathématiques et sciences humaines, tome 124 (1993), p. 39-56
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39
TISSER LE CHAOS
Ailin RU1
RÉSUMÉ -
Cette étude est une contribution aux nouveauxlogiciels
de C.A.O. textile. Lecrêpe-mousse
est une technique de tissage chaîne et trame qui permet de construire un
quadrillage
à deux couleurs avec peu de lignes et peu de colonnes distinctes, et pourtant sans qu’il apparaisse à l’0153il depériodicité.
Plutôt que des tirages au sort on propose une méthode combinatoire déterministe revenant à la construction d’un circuit hamiltonien dans un graphe de transition.
SUMMARY 2014 Weaving chaos.
The present paper relates a contribution to the new
Computer
Aided Design systems for the textileindustry.
Themoss-crepe is a weaving technique which generates bicolor
grids
using a restricted number of line and column types, and where theperiodicity
cannot be detected at first look.Instead of choosing random samples we prefer here to
develop
a combinatorial approach which simulates chaos,relying
on a hamiltonian circuitalgorithm applied
to a state transition graph.1. INTRODUCTION
Notre
sujet
est laconception
assistée par ordinateur d’un certaintype
de tissuappelé crêpe-
mousse, ne
reproduisant
aucunmotif,
maisproduisant
au contraire un effet de chaoséquilibré.
On ne considère ici d’un tissu quel’aspect géométrique :
on ne s’intéressequ’à
l’armure du
tissu,
c’est-à-dire à lafaçon
dont les fils sontentrelacés, indépendamment
de leurtaille,
leur matière et leur couleur. Ainsi pour nous, une armurepeut
être décrite par unegrille
bicolore.
Définir une armure de
crêpe-mousse
revient à la fabrication d’uneimage
bicolore sur unegrille
de mille par millepixels (où
le termepixel désigne
ici le carré élémentaire d’unegrille),
en évitant toute
régularité apparente
locale ouglobale,
tout accidentrepérable,
et donnant enun mot un effet
chaotique
sur l’ensemble del’image.
La
première
idéequi
vient àl’esprit
pour ce faire est de tirer àpile
ou face la couleur dechaque pixel
selon des chanceségales.
Nous observons un résultat de cette nature enFigure
1. L’effetchaotique
est assezréussi,
avec un bonéquilibre
du noir et du blanc. En revanche les accidents abondent. Ils’agit
de taches noires ou blanches. Afin de faire la chasse aux accidentslocaux,
ondéplace
surl’image
un automate trois par troisqui,
à1 Suzhou Institute of Silk Textile Technology. Suzhou
Jiangsu
Chine.Figure
1.Matrice de chaos
équilibré
dontchaque pixel
a été tiré au sort à
pile
ou face41
Figure
2Matrice de chaos
équilibré.
Des flottés
parallèles complémentaires
apparaissant
avec unegrande
densitéla reconnaissance d’un accident bien
défini,
le détruit.Après
cetteopération, l’équilibre
dunoir et du blanc est
conservé,
les taches noires ou blanches ontdisparu. L’image
estplus homogène.
En revancheapparaissent
desalignements
notables verticaux ou horizontaux depixels
blancs ou depixels noirs,
cequ’on appelle
des flottés. Si l’on faitplusieurs
fois lamême
opération,
l’effet de flottésparallèles
de couleurscomplémentaires
devientplus
apparent
encore(Figure 2).
Poursupprimer
lesflottés,
on définit un automate delissage
deflottés deux par trois. Cette
opération produit
uneimage équilibrée
avec des flottés de trois àsix
pixels
auplus éparpillés
sur un fond toilé dira-t-on entechnique
detissage (Figure 3).
Onpeut imaginer
un nouvel automaterééquilibrant qui
détruit l’effet de fondtoilé,
mais gare à laréapparition
desflottés,
etpeut
être des taches ! Toutéquilibrer
en une fois semble difficile.On abandonne alors les tentatives de
tirage
au sort, et l’on ramène la fabrication del’image
à des instructionssimples
sur laséquence
des colonnes(en technique
dutissage
onparle
durentrage
de lachaîne)
et à des instructionssimples
sur laséquence
deslignes (en technique
dutissage
onparle
du carton de latrame).
Procéder parlignes
et par colonnes pour créer le désordre tout en maintenant certainséquilibres
est le propre de lalogique
detissage
du
crêpe-mousse (caractérisé
aussi par ses filstorsadés,
mais ce n’est pas notre proposici).
Ces instructions ne seront pas un
produit
du hasard mais de la théorie des groupes finis. Unexemple
de résultat est donné enFigure
4 : uncrêpe-mousse
à sixlames,
c’est-à-dire défini par unegrille ayant
auplus
sixtypes
de colonnes différentes.L’équilibre
des blancs et noirsest
parfait,
le désordre estcalme, équilibré,
les flottés sont limités à deux verticalement ettrois horizontalement.. L’oeil n’a
plus
derepères : plus
detaches, plus
delongs
flottés. Lerapport répété
à l’infini constituerait en apparence un tissu nonpériodique,
doté d’un désordreglobal
uniforme. Etpourtant,
il n’existe que sixtypes
de colonnes etvingt types
delignes.
Nous pouvons maintenant définir le
crêpe-mousse quant
à saconception logique.
Lecrêpe-mousse
à 2k lames est un pavage de lagrille
avec un motif(appelé rapport)
dedimension no par mo dont les entrées
prennent
les valeurs 0 ou 1 enrespectant
les contraintes suivantes :(i)
le nombre de "0" est(à
peuprès) égal
au nombre de" 1 ", (ii)
le nombre de colonnes distinctes estégal
à2k,
(iii)
le nombre delignes
distinctes estégal
au nombre de sous-ensembles de klames, (iv)
le flotté de colonne dans le pavage est de 2 auplus,
le flotté deligne
de 3 auplus, (v)
enfin aucunaccident,
aucuneconfiguration remarquable n’apparaissent
dans lerapport qui permettraient
à l’oeil derepérer
lerapport
dans le pavage.Nous
présentons
ici comment réaliser lecrêpe-mousse
par la méthode déterministe dite Hamiltonienne[RU93].
2.
LAMES,
RENTRAGE ET CARTONUne matrice binaire
peut
constituer unereprésentation schématique
dutissage
chaîne ettrame. La
ligne
i est un fil de trame, lacolone j
est un fil de chaîne. Lespixels
d’uneligne qui
sontnoirs, correspondent
à descolonnes j qui
sontprises,
c’est-à-dire à des fils de chaînequi
ont été levés - les autres restant baissés - lors du passage du fil de trame entre les uns et les autres. LaFigure
5 montrel’exemple
d’une matrice decrêpe-mousse [WAL6b].
43
Figure
3A
partir
de laFigure
2 on a casséles flottés
complémentaires parallèles.
Un f ond toilé
apparaît
Figure
4.Matrice de chaos
équilibré engendrée
par calcul matriciel avec carton et
rentrage,
grâce
aux méthodes hamiltoniennes45
Figure
5.Tissage
ducrêpe-mousse
sur six lames.Le
rapport
d’armure : 66 fils enchaîne,
40 duites en trame.Les
longueurs
de flotté de chaîne n’excèdent pas 2 fils.Les
longueurs
de flotté de trame n’excèdent pas 3 fils.2.1. Le
rentrage
ou l’attachement des fils de chaîne aux lamesLes fils de chaîne sont attachés chacun à une lame. A
chaque
passage d’un fil de trame ouduite,
certaines lames sontlevées,
les autres baissées. Tous les fils d’une même lame réalisent donc exactement le même dessin de colonne.On devine
pourquoi l’expérience
a conduit à affecter le même nombre de fils àchaque lame,
et àrépartir
les fils d’une même lame non pas à intervallesréguliers
mais selon uncertain désordre. Notre étude se propose de faire cette
répartition
d’unefaçon déterministe,
c’est-à-dire de la
produire
par unalgorithme [RU93].
Le
rentrage
estl’opération
effectivequi
consiste à insérer les fils de chaîne dans les oeillets des lisses elles-mêmes fixées dans l’une des lames(ou
au corps du métierjacquard).
Pour un tissu
crêpe-mousse
à six lames onpeut
facilement éviter les flottéshorizontaux,
c’est-à-dire les flottés de trame, de
quatre pixels
ouplus,
consécutifs et de même couleur.Sachant
qu’à chaque
passage d’un fil de trame on lèvera exactement troislames,
il suffit deprendre
soin quequatre
fils de chaîne consécutifsappartiennent
bien àquatre
lames distinctes.La
question
que l’on se poselorsque
lefil j
est attaché à la lameLU’)
est de choisirconvenablement les lames des fils
suivants,
c’est-à-direL(/+7), LU+2), LU+3),
donc endéfinitive de surveiller l’attache de 4 fils consécutifs. L’affectation des fils successifs aux
lames selon un schéma
régulièrement changeant
etcyclique rappelle
lesprocédures
de lamusique
sérielle etplus particulièrement
la traditionanglaise
de lacampanologie [JAU77].
Au siècle les sonneurs de cloches
manipulaient empiriquement
et defaçon
non trivialecertains groupes de
permutations.
Dans la tradition dutissage
ducrêpe-mousse
on constateégalement
le talent despraticiens
à utiliserdepuis longtemps
des groupes depermutations.
On
aperçoit
les difficultés combinatoires de larépartition
des fils de chaînes entre les différentes lames. Nous proposons une solution pour cetterépartition.
2.2. Le carton ou
séquence
de levées de lamesRappelons
que lors du passage d’uneduite,
certaineslames,
constituant cequ’on appelle
unelevée,
sont levées alors que les autres sont baissées. Le carton est laséquence
des levées. La levée aurang i
étant notéeE(i).
Le
rentrage
et le carton définissentcomplètement
l’informationgéométrique
dutissu,
oustructure d’entrelacement des
fils, appelée
aussi armure du tissu.Pour réaliser un effet
équilibré (la
même apparence à l’endroit et àl’envers), chaque
élément du carton est déterminé par la levée de la moitié des lames. Pour six lames on
compte
doncvingt façons
de lever. Pour surveiller leflotté,
on considère le carton aux rangsi, i+1, i+2,
c’est-à-dire les trois levées de trois lamesE(i), E(i+1), E(i+2).
Si une mêmelame
appartient (ou n’appartient pas)
à ces troisensembles,
cette lame reste levée(ou baissée)
pour les trois passages
consécutifs,
et donc chacun de ses fils de chaîne réalise un flotté vertical de troispixels
noirs(ou blancs).
Pour contrôlerqu’un
flotté vertical nedépasse
pas deuxfils,
il convient de surveiller le carton sur trois duites consécutives.D’où, également,
desdifficultés combinatoires pour affecter une levée à
chaque
duite. Là encore nous proposonsune solution par un
algorithme
hamiltonien(cf. [
Ru93]).
3. LA
MÉTHODE
HAMILTONIENNEOn la
présente
dans le cas durentrage
ducrêpe-mousse
à six lames.3.1. Tableau de
triplets
de décochementsIl est
possible
dereprésenter
unrentrage
par uneséquence
de décochements[REN87].
Dansle vocabulaire du
tissage
de certains textilesréguliers
on ditqu’il
y a un décochement k entre deux fils de chaîne a et b si le schéma de a, translaté verticalement de kduites,
se superposeau schéma du fil b. On dit
également qu’il
y a un décochement k’entre deux duites a’ et b’ si le schéma dea’,
translaté horizontalementde k’ fils,
se superpose au schéma de la duite b’.Ici par
extension,
décochement estemployé
pour définir par différences les numéros de lames de fils successifs : on ditqu’il
y a décochement d entre deux filssuccessifs
si lenuméro de la lame attachée au deuxième s’obtient par addition
(modulo 6,
avec utilisation du 6 à laplace
du0)
de d et du numéro de la lame àlaquelle
est attachée lepremier.
Ainsi unrentrage
est entièrement défini par la donnée de la lame àlaquelle
on attache lepremier
fil etla série
dl, d2,
...,dn,
..., des décochements successifs. Les contraintes durentrage
définiesen 2.1.
(4
fils successifs doivent être attachés àquatre
lamesdifférentes)
se traduit pour les décochements par la contrainte suivante : pour touttriplet (di, di+l, d,+2)
de décochements consécutifs dans la sériedl, ..., dn,...,
les trois termesdi, di+1, di+2
dutriplet
sont différents47
de 0 modulo 6 ainsi que les sommes de deux ou trois termes consécutifs du
triplet.
Les 60triplets
de décochements obéissant à ces contraintes sont donnés dans le tableau ci-dessous(Figure 6).
L’obtention d’une série de décochements s’effectue par une sélectionprogressive
des
triplets
de décochements. Achaque étape,
les deuxpremiers
décochements du nouveautriplet
doivent êtreégaux
aux deux derniers décochements dutriplet précédent.
La considération d’un nombre
important
de décochements amenant engénéral
uneplus grande variété,
il estimportant
de construire une série de décochements utilisant ungrand
nombre de
triplets
successifsfigurant
dans letableau,
pour obtenir unrentrage
degrand
rapport
etayant
moins derépétitions
de fils.Les
algorithmes
hamiltoniens constituent uneréponse
à la recherche de la mise en oeuvreautomatique
d’une utilisationsystématique
de tous les décochements dans un tableau.DÉFINITION.
Un circuit hamiltonien d’ungraphe
est un cheminementcyclique
d’ungraphe
traversant une
fois
exactementchaque
sommet dugraphe.
Figure
6.Tableau des
triplets
de décochements autorisésNous allons définir des
graphes
de transition d’états et montrer que les circuits hamiltoniens de cesgraphes répondent
à notreproblème.
Restera le calcul de tels circuitsqui
comme on le sait demande dans l’état actuel des connaissances sur la
complexité
desalgorithmes combinatoires,
une durée de calculqui
est une fonctionexponentielle
du nombrede sommets. Ceci ne sera pas sans encombre pour les
grands systèmes
que nousenvisageons.
3.2.
Propriétés
des circuits hamiltoniens derentrage
Considérons d’abord à titre
d’exemple
letriplet
de décochements( 13 4) agissant
sur la lame[1],
c’est-à-dire considérons que le fil(i-1)
est attaché à la lame[1].
Pour les trois filssuivants, i, i+1,
eti+2,
il en résulte letriplet
de lames[2
53], puisque :
1 + [1] = [2]; 1
+ 3 +[1] = [5];
1+ 3 + 4 +[1]
=[3]. (Dans
tout ceparagraphe
les calculssont faits modulo 6 en raison des six
lames).
Ce
qu’on
écritplus simplement :
..’" -L ...-. ...
Mais on a aussi
c’est-à-dire que le motif de trois fils successifs
[2
53] peut
êtreengendré
par deuxtriplets
différents
agissant
v sur v des lames différentes. Plus v _L r rw w1généralement,
onpeut
poserl’équation
où il
apparaît
que seulsdl
et L sont desvariables,
carD’où
l’équation :
à
laquelle
nous trouvons six solutions telles que. r’lr .... -
soit :
dont trois obéissent aux contraintes des
triplets
de décochements. En d’autre termes il n’est pasimpossible qu’un cycle
hamiltonien de soixantetriplets
dans le tableau de décochements réalise trois fois le même motif de trois filsconsécutifs,
comme parexemple
ci-dessus le motif[2
53].
Qu’en
est-il d’un motif dequatre
fils successifs ?Il convient de considérer deux
triplets
de décochements successifs. Parexemple
mais on a aussi
iw 4III8rI... "" v ...." v _1-
Cette fois nous avons
l’équation
à deux inconnuescar le deuxième
triplet
de décochements estimposé
par le second membre connu. Si donc untriplet
dugraphe
des transitions licites -en l’occurrence(3 4 1) -
n’est visitéqu’une fois,
onn’obtiendra
jamais
deux motifs dequatre
fils successifs[2 5 3 4].
La preuve dans le cas
général
consiste à poserl’équation
suivanteoù l’on voit nécessairement que
..
49
et donc
dl
et L sont les seules variables.Quelle
que soit la solution(il peut
y en avoir six auplus)
le deuxièmetriplet
de décochements reste fixe d’une solution à l’autre.Nous aboutissons donc à la
nécessité,
pour éviter lesrépétitions
de telsmotifs,
de larègle
hamiltoniennequi
utilisechaque triplet
une fois exactement.D’où le théorème.
THÉORÈME : L’algorithme
hamiltonien sur six lamesn’engendre pas
deuxmotifs identiques
de
quatrefils successifs.
Dans le cas
présent
de soixantetriplets
de décochements et leurgraphe
de transitionslicites,
où tout sommet a trois arêtes entrantes et trois arêtes sortantes, il existe effectivementau moins un circuit
hamiltonien,
comme le prouve notrealgorithme.
En
fait,
il estpossible
dans certains cas, derépéter plusieurs
fois le même circuit 1-hamiltonien(i.e.
un circuit hamiltonienauquel
on a retiré unsommet)
sansdanger
dereproduire
deux motifsidentiques
dequatre
fils consécutifs.Appelons
r lepoids
d’un circuit 1-hamiltonienH,
calculé comme la somme totale de ses décochements. Si r -0,
nous avons :(H)
*[L] = [L
+r]
c’est-à-dire que, dans une
répétition
deH,
à la deuxième occurrence, les fils seprésentent
comme à la
première
occurrence avec un décochement de r,(avec
un décochement de(k-1 )r
à la kièmeoccurence).
Donc tant que kr # 0 la lameproduite
par le mêmetriplet
dedécochements est
toujours
différente. D’où le corollaire :COROLLAIRE : Un
cycle
1-hamiltonien dugraphe
des transitions licites sur six lames depoids
r(mod L) peut
êtrerépété
m fois sansengendrer
deux motifsidentiques
dequatre
filssuccessifs,
mprenant
les valeurs suivantes :.l’’’IIrr... .8i...
le nombre T ci-dessus est le
rapport
de chaîne(T
= 59m).
Considérons maintenant un motif de
cinq
fils consécutifs donc une suite de troistriplets
de décochements successifs. Parexemple
l’action suivante sur la lame[ 1] : qui
donne lieuà une équation
oùseul le
deuxième membre est fixé:qui
est enfait l’équation
à deuxvariables
Il s’ensuit
qu’un quintuplet
decinq
fils consécutifs nepeut apparaître
que pour une transition donnée dugraphe
des transitions licites. Si donc onimpose
de nejamais emprunter
deux fois la mêmetransition,
c’est-à-dire la même arête dugraphe -
c’est-à-dire que l’onemprunte
un circuit eulérien dugraphe -
alors on évite larépétition
d’un motif decinq
filsconsécutifs. D’où :
THÉORÈME :
La méthode eulérienne sur six lamesn’engendre
pas deuxmotifs identiques
de
cinq fils successifs.
Le
graphe
des transitions licites considéré admet effectivement un circuit eulérien.Toutefois nous
préférons
interdire larépétition
du même motif dequatre fils,
cequi
nousconduit à
adopter
la méthode hamiltonienne.3.3.
Rentrage
obtenu par la méthode hamiltonienneGraphe
des transitions licites durentrage :
On considère ungraphe
G dont l’ensemble des sommetscorrespond
à l’ensemble destriplets
de décochements et les arcs définis par la relation entre les soixantetriplets (Figure 7).
On a IXI = 60. Pour tous les sommets :dg+(Xi)
=dg-(Xi)
= 3 soitdg(Xi)
= 6.C’est un
graphe
orienté d’ordre soixante et dedegré
six. Lestriplets
111 et 555 montrentchacun une boucle.
L’algorithme général
de ROBERTS et FLORES[CHR75] [ROB66] permet
de déterminer un par un, les circuits hamiltoniens dans ungraphe
orienté donné. Laprocédure grâce
à un rebroussementsystématique garantit l’exploration
de toutes lespossibilités.
Par
exemple,
enpartant
dupoint (111),
on obtient au moins un circuit hamiltonienqui
nous
permet
de construire une série de décochements derentrage :
Le
rentrage correspondant
estrepris
dans laFigure
8.Cette méthode est
déjà généralisée
pour lescrêpes-mousse
àquatre
et à huit lames[RU93].
Tous lesrentrages
obtenus par cette méthode satisfont aux contraintes durentrage
ducrêpe-mousse.
La construction d’un carton élémentaire
(chaque
élément étantemployé
une et une seulefois) peut
être réalisée par la même méthode. La recherche des circuits hamiltoniens estlimitée par la condition
d’adjacence (cf.2.3).
Ilapparaît
ainsi 11 808 circuits hamiltoniens pourchaque point
dedépart (élément
ducarton).
Le nombre total de cartons élémentaires ducrêpe-mousse
à six lames est donc 236 160.4. CONCLUSION
Historiquement
le tissu decrêpe-mousse apparaît
en France au début du20ème
siècle. Al’origine,
letissage
ducrêpe-mousse
est réalisé sur un métierjacquard.
Ce dernier satisfait àl’exigence
de distribution desflottés;
les mouvements des fils de chaîne étant tousindépendants [ROB49]. (le
nombre de colonnes distinctes n’est paslimité). Cependant,
lescontraintes de
tissage paraissent
très difficiles àrespecter lorsqu’il
faut limiter lerapport
d’armure pour réaliser ce tissu sur un métier à lames. La réalisation durentrage
et du carton pourcrêpe-mousse exige beaucoup
de tâtonnements et nécessite unelongue préparation.
Apartir
de1930,
le tissu decrêpe-mousse
connaît une vogueuniverselle;
il est en effetfabriqué
51
Figure
7Nombre de sommets : 60
Chaque
sommetcomporte
3 arêtes rentrantes et 3 arêtes sortantesReprésentation
d’uncycle
hamiltonienFigure
8Rentrage
obtenu àpartir
d’unpoint
dedépart
11153
non seulement en France et en
Chine,
mais encore enGrande-Bretagne,
enAllemagne
et auxÉtats-Unis [ROB49].
Aux environs de
1950,
certaines méthodesempiriques
sont établies afin desimplifier
lesprocédés
de construction durentrage
et du carton descrêpes-mousse [ROB49], [BAR51].
[BAR55]. Cependant,
elles ont été peuexploitées jusqu’à présent;
laconception
d’armures decrêpe
degrand
rapport demandantbeaucoup
detemps
pour un résultat souvent décevant.De nos
jours,
lessystèmes
C.A.O.(C.A.D)
facilitent lesprocédures automatiques
decréation de textiles et
permettent
de simuler lesproduits
finis ouplutôt
de nombreuses variantespossibles.
Ils favorisent aussi lesprogrès
de la recherche relative aucrêpe-mousse
et à l’automatisation de sa fabrication
[GUA84], [ZHA87], [ZHA89].
Notre étude a été consacrée à la recherche
d’algorithmes spécifiques
pour la construction durentrage
et du carton ducrêpe-mousse.
Elle propose des fonctionsmathématiques
pour lessystèmes
de C.A.O. textilequi
ont coursdepuis quelques
années. La construction desrentrages
et des cartons est effectuéeautomatiquement
par introduction de la formulecorrespondant
à la série de décochements voulus. En utilisant lesrentrages
et les cartons obtenus par la méthodehamiltonienne,
on réalise les différents tissus decrêpe-mousse
àquatre, six,
et huit lames. Les tissus sont conçus et simulés surpapier
etproduits
à l’aide desces
logiciels :
ils satisfont les contraintes propres aucrêpe-mousse
définies au§.1
et sonttissables sur un métier à lames.
La
Figure
9 montre unexemple
du tissu decrêpe-mousse
à huit lames. Lerentrage
avecun
rapport
de 840 colonnes est réalisé par la méthode hamiltonienne.Ma recherche
mathématique
sur lecrêpe-mousse
a été réalisée auC.A.M.S.-E.H.E.S.S.,
sous la direction des
Professeurs
P. Rosenstiehl(directeur
dethèse)
et H. deFraysseix grâce auxquels j’ai
pu réaliser des simulations de tissu avec lelogiciel
PENELOPE. Je tiens à lesen remercier vivement.
Figure
9Tissu de
crêpe-mousse
à 8 lames simulé par l’ordinateur.Le
rapport
d’armure : 840 fils enchaîne ; 120
duites en trame55
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