PLANS DE TRAITEMENT
Coordination Jean Champion MCU-PH, Toulouse
Re´sume´
Discipline qui prend en charge de façon non chirurgicale la reconstruction des pertes de substance du massif facial, la prothe`se maxillo-faciale se re´ve`le comme une branche des disciplines odonto-stomatologiques par sa spe´cificite´ pro-the´tique. Caracte´rise´e non seulement par l’aspect impres-sionnant des cas traite´s qui frappent inde´niablement les consciences, mais aussi par son attache historique remon-tant a` la plus haute Antiquite´, la prothe`se maxillo-faciale, qu’elle soit endo-orale ou extra-orale, rele`ve pleinement de la compe´tence des chirurgiens-dentistes.
Cet article pre´sente la gestion d’un cas de restauration prothe´tique maxillo-faciale a` la suite d’une chirurgie d’exe´-re`se carcinologique inte´ressant la re´gion orbitaire et les tissus attenants. L’e´pithe`se oculo-palpe´brale a e´te´ re´alise´e apre`s cicatrisation et stabilisation des tissus cutane´s. L’ob-jectif de cet article est de montrer que la re´flexion de la de´marche prothe´tique et les me´thodes utilise´es en pro-the`se faciale sont tre`s proches de l’exercice habituel en prothe`se odontologique.
Mots-cle´s
exente´ration orbitaire, prothe`se oculo-palpe´brale, chirurgie d’exe´re`se carcinologique, epithe`se faciale
Re´fe´rence
Destruhaut F, Toulouse E, Esclassan R, Hennequin A, Pomar P. Restauration prothe´tique faciale en cas d’exente´-ration orbitaire. Cah Prothe`se 2016;174:22-29.
Restauration
prothe´tique faciale
en cas
d’exente´ration
orbitaire
F. DESTRUHAUT E. TOULOUSE R. ESCLASSAN -A. HENNEQUIN - P. POMAR
H
istoriquement, des chirurgiens-dentistes ce´le`bres ont inde´niablement contribue´ a` l’essor de la prothe`se faciale comme Pierre Fauchard (XVIIIe sie`cle) ouClaude Martin (XIXesie`cle) ; il ne faut pas non plus oublier
que durant la Premie`re Guerre mondiale, des chirurgiens-dentistes et des prothe´sistes dentaires ont su mobiliser leurs savoirs prothe´tiques afin de re´parer les de´gaˆts physiques des soldats mutile´s de la face commune´ment appele´s les « gueules casse´es ». Les restaurations prothe´tiques faciales puisent dans les savoirs prothe´tiques odontologiques et constituent une compe´tence relevant du champ d’activite´ des chirurgiens-dentistes, eu e´gard a` l’histoire de leur pro-fession mais aussi a` leur exercice actuel dans le cadre d’une activite´ hospitalo-universitaire. L’article L. 4141-1 du Code de la sante´ publique de´finit comme suit la pratique de l’art dentaire : elle « comporte la pre´vention, le diagnostic et le traitement des maladies conge´nitales ou acquises, re´elle ou suppose´es, de la bouche, des dents, des maxillaires et des tissus attenants ». Par cette de´finition, la prothe`se maxillo-faciale, qu’elle soit endo-orale ou extra-orale, rele`ve pleine-ment de la compe´tence des chirurgiens-dentistes et cette capacite´ professionnelle se doit d’eˆtre de´fendue afin de pre´server la reconnaissance de l’ensemble de leurs compe´-tences valide´es par des ge´ne´rations de pratique clinique.
Paralle`lement, la chirurgie reconstructrice a connu un essor conside´rable au cours des dernie`res de´cennies, avec en particulier les travaux sur les greffes du visage du Pr Bernard Duvauchelle. On peut s’interroger depuis sur la validite´ des the´rapeutiques prothe´tiques maxillo-faciales. Ne´anmoins, les e´pithe`ses restent une solution the´rapeu-tique de choix notamment en cas de pertes volumiques de substance faciale et dans le cadre de la cance´rologie oro-cervico-faciale pour laquelle les re´interventions chirurgicales
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restent limite´es du fait du contexte postradique. Les restau-rations prothe´tiques faciales pre´sentent plusieurs inte´reˆts : – psychologique, car le patient retrouve un visage normalise´ socialement et une identite´ restaure´e ;
– me´dical, car l’amovibilite´ de l’e´pithe`se permet un controˆle des tissus sous-jacents et une surveillance indispensable dans un contexte carcinologique ;
– esthe´tique par la reproduction fide`le de l’organe de´fec-tueux.
Le but de cet article est de de´crire un cas clinique ne´cessi-tant une restauration esthe´tique et fonctionnelle en metne´cessi-tant en valeur les diffe´rents moyens de re´tention utilise´s en pro-the`se faciale et en soulignant la proximite´ des techniques prothe´tiques faciales avec les techniques odontologiques.
PRE´SENTATION DU CAS Anamne`se
Un patient aˆge´ de 70 ans nous a e´te´ adresse´, apre`s une pe´riode de cicatrisation de plus de 9 mois, par les e´quipes de chirurgie maxillo-faciale a` la suite d’une chirurgie d’exe´re`se carcinologique conse´cutive a` l’apparition d’une tumeur maligne situe´e dans la cavite´ orbitaire. L’exente´ration orbi-taire qu’a subie le patient est une proce´dure chirurgicale de´figurante caracte´rise´e par l’exe´re`se de tout le contenu orbitaire incluant le pe´rioste et laissant a` nu les parois osseu-ses de l’orbite. Dans ce contexte chirurgical, le comblement fait appel soit a` une e´pithe´lialisation spontane´e, soit a` une greffe cutane´e. Le patient a par ailleurs be´ne´ficie´ de plus de 20 se´ances de radiothe´rapie cervico-faciale l’exposant a` plus de 60 Gy de rayonnement ionisant. Il convient de noter que toute intervention chirurgicale conse´cutive l’exposerait a` un
risque d’oste´oradione´crose et devrait se faire avec d’impor-tantes pre´cautions (antibiothe´rapie et oxyge´nothe´rapie) [1].
Lors du premier rendez-vous en prothe`se maxillo-faciale, le patient souhaitait retrouver une image correcte de son visage afin qu’il puisse avoir une vie sociale acceptable ; une de ses principales demandes, outre l’esthe´tique, e´tait la mise en place d’une prothe`se assure´ment re´tentive.
Examen clinique
L’examen clinique a re´ve´le´ une perte de substance volu-mique inte´ressant la cavite´ orbitaire gauche (fig. 1 et 2). La
re´gion anatomique concerne´e faisait apparaıˆtre une large communication orbito-naso-sinusienne dont il a ensuite fallu tenir compte lors de l’empreinte faciale et lors de la concep-tion prothe´tique pour re´pondre a` l’impe´ratif d’e´tanche´ite´ qui se rajoute aux impe´ratifs traditionnels de la triade de Housset (sustentation, stabilisation, re´tention). La base late´rale gauche de la pyramide nasale n’e´tait pas touche´e, ce qui a permis de masquer plus facilement le joint prothe´tique souvent disgra-cieux dans cette re´gion anatomique. La partie ante´ro-infe´rieure de la perte de substance ne montrait aucun pli cutane´ particulier : il a fallu re´aliser a` ce niveau un bord pro-the´tique se terminant en biseau masque´ par un artifice com-ple´mentaire (monture de lunettes). Les parties supe´rieure et late´rale de la perte de substance pre´sentaient un volume osseux inte´ressant en raison de la conservation de l’arcade sourcilie`re et du processus frontal de l’os zygomatique qui allait assurer la stabilisation transversale de la future e´pithe`se. Une palpation cutane´e des berges de la perte de substance a e´galement e´te´ ne´cessaire afin d’appre´cier les zones sensibles en vue de de´charges prothe´tiques, pour de´terminer les zones d’appui, et, enfin, pour repe´rer des fibroses cutane´es fre´-quentes dans un contexte post-chirurgical.
EXPERTISE
CLINIQUE
fig. 1- Perte de substance oculo-palpe´brale (vue de face). fig. 2- Perte de substance oculo-palpe´brale (vue de trois quarts).
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Une observation attentive de l’œil controlate´ral s’est re´ve´le´e indispensable, en particulier de la pupille, afin de de´terminer la position du centre de la coque scle´rale de la future e´pithe`se :
– dans le sens vertical (par le trace´ de la ligne bipupillaire) ; – dans le sens horizontal (par la mesure au pied a` coulisse de la distance qui se´pare l’ophryon du centre de la pupille droite) ; – dans le sens sagittal, par une analyse du profil droit du patient.
L’iris controlate´ral a e´galement e´te´ analyse´ tant en matie`re de diame`tre que de teintes(fig. 3).
Examens comple´mentaires
Un examen photographique a e´te´ indispensable en vue frontale et late´rale afin de de´terminer, sur une image bidi-mensionnelle, les lignes de re´fe´rence, notamment la ligne bipupillaire, la ligne bicommissurale et le plan sagittal me´dian. Des vues de trois quarts ont e´te´ e´galement inte´res-santes afin d’appre´cier la perte volumique de substance faciale et le volume de la re´gion anatomique controlate´rale correspondante. Les photographies re´alise´es se sont re´ve´-le´es eˆtre un e´le´ment de communication significatif entre le spe´cialiste en prothe`se maxillo-faciale, l’e´pithe´siste de labo-ratoire et l’oculariste(fig. 4).
Il convient de noter qu’un examen radiographique du type cone beam n’a pas paru ici indispensable compte tenu de l’absence de signes cliniques en faveur d’une e´ven-tuelle re´cidive carcinologique.
DIAGNOSTIC
La collecte des donne´es issues de l’anamne`se, de l’obser-vation clinique et des examens comple´mentaires a accre´dite´ le diagnostic d’une perte de substance oculo-palpe´brale gauche avec communication orbito-naso-sinusienne (fig. 5).
Le diagnostic e´tiologique e´tait lie´ a` une chirurgie d’exe´re`se carcinologique (du type exente´ration orbitaire) a` la suite d’une le´sion tumorale maligne.
fig. 3- Analyse de l’œil droit (pupille, iris, forme des paupie`res).
fig. 4- Prise de vue photographique lors de la consultation en prothe`se maxillo-faciale : la photographie est un e´le´ment de
communication indispensable entre les diffe´rents intervenants. fig. 5- Perte de substance oculo-palpe´brale gauche.
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OBJECTIFS DU TRAITEMENT
Le but du traitement e´tait principalement d’ordre esthe´tique afin de re´tablir l’identite´ du patient, lui redon-ner une apparence normalise´e et permettre une modifi-cation de son sche´ma neuro-psycho-physiologique par l’inte´gration d’une e´pithe`se faciale. L’amovibilite´ de la prothe`se faciale a permis par ailleurs une surveillance re´gulie`re de la cavite´ d’exe´re`se dans ce contexte carcino-logique[2].
SOLUTIONS THE´RAPEUTIQUES
La solution prothe´tique consistait en une e´pithe`se oculo-palpe´brale. Il a fallu re´pondre a` plusieurs question-nements initiaux, notamment le choix des moyens de re´tention. L’implantologie extra-orale aurait pu constituer une solution de choix comme l’avait propose´e Tjellstro¨m de`s 1978 pour ce meˆme type de traitement afin de stabi-liser l’e´pithe`se [3, 4]. Toutefois, le patient ayant be´ne´ficie´
de rayonnements ionisants dans le cadre de son traite-ment carcinologique, les conditions des interventions chi-rurgicales, bien que re´alisables sous antibiothe´rapie et avec la ne´cessite´ de se´ances d’oxyge´nothe´rapie pre´ope´ra-toires et postope´rapre´ope´ra-toires, restaient de´licates [5]. Une
concertation a d’ailleurs e´te´ re´alise´e entre le spe´cialiste en prothe`se maxillo-faciale et le chirurgien qui a ope´re´ le patient. Une solution plus simple a e´te´ discute´e avec le patient, offrant la possibilite´ d’une e´pithe`se oculo-palpe´-brale en silicone [6] retenue par un adhe´sif et stabilise´e
par une paire de lunettes pre´sentant une monture en ace´tate de cellulose (le patient e´tant de´ja` porteur de lunettes).
Le choix the´rapeutique pouvait e´galement s’orienter vers une e´pithe`se « œil ferme´ » car il n’est pas toujours aise´ de redonner un aspect naturel a` cause de la fixite´ de la coque scle´rale. La silicone e´tant par ailleurs inerte (elle ne subit pas de variations de teinte contrairement a` la peau du fait du bronzage), il a fallu discuter avec le patient de ses habitudes de vie afin de de´terminer s’il semblait ne´cessaire de re´aliser une prothe`se d’hiver ou une d’e´te´, ce qui n’a pas e´te´ une option retenue.
La me´thode de conception de la prothe`se faciale a duˆ e´galement eˆtre de´termine´e par le praticien : pour ce cas, une me´thode traditionnelle a e´te´ privile´gie´e (empreinte faciale a` l’aide d’alginates et de plaˆtre, et re´alisation de la maquette en cire au laboratoire de pro-the`ses) mais le cas aurait tout aussi bien pu be´ne´ficier d’une conception et fabrication assiste´es par ordinateur (empreinte par came´ra optique, conception d’une maquette virtuelle par CAO et re´alisation d’une maquette par FAO)[7].
DE´CISION THE´RAPEUTIQUE
Apre`s expose´ des diffe´rentes solutions the´rapeutiques envisageables, un temps de re´flexion a e´te´ laisse´ au patient. Le choix s’est oriente´ vers la re´alisation d’une e´pi-the`se oculo-palpe´brale (« œil ouvert ») en silicone, retenue par un adhe´sif a` silicone et dont une monture de lunettes apportait un comple´ment de stabilisation prothe´tique. Il a e´te´ de´cide´ d’utiliser une silicone de la gamme NuSil colore´e dans la masse a` partir de pigments de la marque Rem-brandtâet de faire re´aliser par un oculariste la coque
ocu-laire en re´sine me´thacrylate de me´thyle.
SE´QUENCES DU TRAITEMENT Empreinte faciale
Le patient a d’abord e´te´ informe´ des e´tapes de re´alisation de l’empreinte faciale et les mate´riaux d’empreinte ont e´te´ pre´pare´s paralle`lement (fig. 6). L’empreinte s’est faite avec
l’œil droit ferme´ et il a e´galement e´te´ pre´cise´ que le mate´-riau d’empreinte pouvait eˆtre froid au contact avec la peau. Compte tenu de la pre´sence d’une communication orbito-naso-sinusienne, une compresse vaseline´e a pre´alablement e´te´ inse´re´e dans la bre`che afin d’e´viter toute fuite de mate´-riau en dehors des limites de la perte de substance a` enre-gistrer ; les sourcils ont e´galement e´te´ vaseline´s. Des alginates (hydrocolloı¨des re´versibles) ont e´te´ pre´pare´s en quantite´ et de´pose´s au niveau des e´tages supe´rieur et moyen de la face avec enregistrement des re´gions anatomi-ques controlate´rales. Une compresse a ensuite e´te´ de´roule´e et positionne´e en une fine couche sur l’empreinte, tandis que du plaˆtre a` prise rapide (Snow White, Kerr) a e´te´ de´pose´ sur l’ensemble afin de constituer une chape de reveˆtement solide pour e´viter le de´chirement des alginates ou la de´for-mation de l’empreinte lors de la de´sinsertion [8]. Une fois
EXPERTISE
CLINIQUE
fig. 6- Pre´paration du mate´riel en vue de l’empreinte faciale.
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cette dernie`re retire´e, elle a e´te´ analyse´e avec les meˆmes exigences qu’une empreinte dentaire et coule´e rapidement en plaˆtre de type III (beige) au laboratoire de prothe`ses.
En fin de se´ance, l’oculariste a re´alise´ des photographies de l’œil sain, fait un releve´ de teintes et choisi une coque d’essai a` partir de laquelle il a re´alise´ une coque en re´sine me´thacrylate de me´thyle personnalise´e et peinte(fig. 7). Re´alisation de la maquette
Le moulage facial de travail obtenu a e´te´ analyse´ puis les plis cutane´s et les futures limites prothe´tiques ont e´te´ trace´s sur le moulage a` l’aide d’une mine graphite ; les zones de de´charge, de´termine´es lors de l’examen clinique initial, ont e´galement e´te´ hachure´es et recouvertes d’une tre`s fine couche de cire de laboratoire rose ramollie a` la flamme. Bien que des moules de patients donneurs s’ave`rent d’une utilite´ non ne´gligeable, la maquette a e´te´ re´alise´e en tech-nique directe par adjonction de cire « couleur chair » goutte par goutte. Elle a ensuite e´te´ sculpte´e notamment pour faire
apparaıˆtre certains plis cutane´s, a` l’aide d’un couteau a` cire et d’une spatule a` cire Zhale-Lecron(fig. 8).
La coque oculaire a e´galement e´te´ inse´re´e dans la maquette en respectant les repe`res anatomiques et les lignes ide´ales du visage analyse´es lors de l’examen initial et reporte´es sur les photographies du visage du patient
(fig. 9). Il sera important de pre´voir la fixation (par une tige
en re´sine) de la coque oculaire dans le moulage initial, afin qu’elle soit enrobe´e de silicone a` la coule´e, donc maintenue en place par emboıˆtement me´canique.
Essayage de la maquette
Lors de la se´ance clinique suivante, la maquette a e´te´ essaye´e : ont e´te´ ve´rifie´es les limites prothe´tiques et la posi-tion de la coque oculaire en demandant au patient de hocher la teˆte afin de se rendre compte du caracte`re naturel ou non du regard (du fait de la fixite´ de la coque, contrairement a` la mobilite´ de l’œil sain). Le patient a e´te´ invite´ a` se regarder dans le miroir afin de le reconditionner a` une nouvelle image de soi, ce qui facilite, lors de la pose, l’inte´gration prothe´-tique sur un plan psychologique. Un opticien e´tait e´galement pre´sent afin d’essayer plusieurs montures de lunettes ; une monture en ace´tate de cellulose choisie en fonction des gouˆts du patient a e´te´ privile´gie´e. En effet, le reveˆtement en plastique permet d’avoir une monture a` bords e´pais afin de masquer plus facilement les limites prothe´tiques sans pour autant l’alourdir (contrairement a` une monture en me´tal). Par ailleurs, le plastique peut eˆtre colore´, agre´mente´ d’imitations en « e´cailles de tortue ». Le regard de l’entou-rage sera ainsi plus facilement de´tourne´ vers les montures de lunettes et non vers les e´ventuelles imperfections esthe´ti-ques de l’e´pithe`se. Une encoche a e´te´ e´galement re´alise´e dans la cire en regard de l’appui nasal de la monture (telle un contournement fraise´ dans une couronne dentaire support de crochet) afin d’ame´liorer la stabilisation prothe´tique.
fig. 7- Coque scle´rale peinte re´alise´e par l’oculariste.
fig. 8- Maquette en cire de couleur chair. fig. 9- Maquette en cire avec incorporation de la coque oculaire.
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La se´ance s’est termine´e par le choix de la teinte de masse : pour cela, il a fallu observer attentivement la couleur de la peau du patient en essayant d’en identifier la saturation (intensite´ de la couleur), la teinte et le contraste (du clair au fonce´). Cette analyse colorime´trique s’est faite par vitropression, cette technique permettant de chasser toutes les composantes chromatiques vasculaires et d’avoir la teinte de base ide´ale. Une fois la couleur globale identi-fie´e, il a e´te´ inte´ressant de prendre une photographie du patient, maquette en place, le tout sur fond blanc afin d’avoir un rappel visuel lors de la mise en œuvre de la silicone au laboratoire.
Re´alisation de l’e´pithe`se en silicone
Apre`s validation sur les plans esthe´tique, morphologique et fonctionnel de la maquette en cire, elle a e´te´ incorpore´e dans un moule re´fractaire en deux parties (fig. 10). Par la
technique de la cire perdue, la cire a e´te´ e´limine´e par chauffage et la cavite´ a` l’inte´rieur du moule a e´te´ ensuite comble´e de silicone pre´alablement teinte´e.
Mise en œuvre de la silicone teinte´e
Pour re´aliser la teinte de base, des pigments colore´s (Rembrandtâ) ont e´te´ utilise´s et me´lange´s avec les
diffe´ren-tes parties de la silicone. Celle-ci a e´te´ opacifie´e graˆce a` l’incorporation de peinture blanche additionne´e en tre`s faible quantite´. Les autres pigments ont e´te´ progressive-ment ajoute´s en proportion variable de manie`re a` obtenir la teinte de base de la peau. Il faut souligner qu’il n’existe pas de proportions pre´e´tablies : la teinte de base a e´te´ obtenue par le me´lange de terre de Sienne (naturelle et bruˆle´e), de bleu outre-mer, d’ocre de chair, de brun oxyde transparent et de bleu de cobalt pour le reflet violet de la peau[9](fig. 11).
La mise en œuvre de la silicone (MED-4011, NuSil) s’est faite en plusieurs e´tapes. Une quantite´ pre´de´termine´e en fonction de la superficie et du volume de l’e´pithe`se (partie A) a e´te´ de´pose´e dans un bol a` spatuler. La pre´paration s’est acheve´e par l’ajout de la partie B (rapport 10/1)(fig. 12 et 13)
et le me´lange s’est effectue´ sous vide afin d’e´viter
l’incorpo-EXPERTISE
CLINIQUE
fig. 10- Moule re´fractaire en deux parties avec coque incorpore´e. fig. 11- Principaux pigments colore´s utilise´s pour teinter la silicone.
fig. 12- Silicone utilise´e en prothe`se faciale. fig. 13- Mise en œuvre de la silicone teinte´e dans sa masse.
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ration de bulles d’air pouvant alte´rer la silicone et, par voie de conse´quence, ses proprie´te´s me´caniques et optiques. La silicone a e´te´ ensuite coule´e dans le moule en plaˆtre et la polyme´risation s’est effectue´e dans une e´tuve a` 80oC. Cette
phase e´tait particulie`rement importante car une poly-me´risation incomple`te entraıˆne une instabilite´ plus grande du mate´riau face a` la colonisation bacte´rienne et/ou fon-gique et peut compromettre la pe´rennite´ du maquillage de surface[10].
Essayage clinique et recommandations
L’e´pithe`se oculo-palpe´brale a e´te´ essaye´e, la teinte de masse ve´rifie´e et diffe´rentes recommandations ont e´te´ donne´es au patient, notamment en ce qui concerne l’utili-sation de l’adhe´sif et l’entretien indispensable de l’e´pithe`se sous peine d’une colonisation bacte´rienne et/ou fongique compte tenu des porosite´s de la silicone. L’e´tape de maquil-lage de surface s’est faite en pre´sence du patient. Elle a fait intervenir un autre type de silicone, celle de type A (MED 1137, NuSil)(fig. 14). Ce mate´riau est une colle a` froid qui,
me´lange´e a` des pigments a` l’huile, constitue une couche teinte´e se rapprochant au mieux des particularite´s colorime´-triques de la peau du patient. Le maquillage de surface
ne´cessitait un me´lange artistique de diffe´rents pigments colore´s (fig. 15). Ainsi, il a e´te´ utilise´ de la terre de Sienne
naturelle, du rouge vermeil, du bleu de Prusse, de la teˆte morte violette. Le me´lange a e´te´ applique´ sur l’e´pithe`se par touches digitales successives. Le patient est reparti avec sa prothe`se en place retenue par une fine couche d’adhe´sif spe´cial [11, 12] (fig. 16) qui lui a e´te´ fourni. Il a e´te´ revu la
semaine suivante afin de controˆler la stabilite´ de la prothe`se et de ve´rifier si les recommandations d’hygie`ne et d’entre-tien e´taient bien respecte´es(fig. 17).
Controˆle et maintenance
Le patient, revu 1 semaine plus tard, e´tait satisfait du re´sultat esthe´tique (fig. 18). L’objectif the´rapeutique avait
e´te´ atteint. Les controˆles successifs ont permis de ve´rifier que les recommandations d’hygie`ne e´taient bien respecte´es
[13]et que l’adhe´sif e´tait utilise´ correctement. Malgre´ cela, le
renouvellement de la prothe`se a e´te´ indique´ au bout de 3 ans compte tenu de l’alte´ration des bords prothe´tiques par un de´but d’envahissement fongique lie´ a` la porosite´ de la silicone[10].
CONCLUSION
La re´alisation d’une e´pithe`se oculo-palpe´brale par me´thode traditionnelle reste une the´rapeutique courante en prothe`se maxillo-faciale. La re´flexion prothe´tique dans un tel cas clinique ne diffe`re pas des conside´rations habi-tuelles effectue´es en prothe`se odontologique. Par ailleurs,
fig. 14- Adhe´sif pour silicone en vue du maquillage de surface.
fig. 15- Choix des pigments colore´s en vue du maquillage de surface.
fig. 16- Adhe´sif utilise´ par le patient en vue de la re´tention de son e´pithe`se.
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les techniques utilise´es en prothe`se maxillo-faciale sont issues des techniques prothe´tiques dentaires qui font de la prothe`se maxillo-faciale une discipline he´ritie`re des savoirs odontologiques.n
BIBLIOGRAPHIE
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8Pomar P, Soulet H. Facial prosthesis. Face 1994;1:39-42.
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12 Pasturel A, Savy P, Pons J. La fixation par colle des prothe`ses faciales. Rev Fr Prothese Maxillofac 1972;15-20.
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Liens d’inte´reˆts
Les auteurs de´clarent n’avoir aucun lien d’inte´reˆts concernant cet article.
Auteurs
Florent Destruhaut - Ancien assistant hospitalo-universitaire E´ric Toulouse - E´pithe´siste
Re´mi Esclassan - MCU-PH
Antonin Hennequin - Charge´ d’enseignement Philippe Pomar - PU-PH
Doyen de la faculte´
Faculte´ d’odontologie de Toulouse, Service de prothe`ses, uni-versite´ Paul-Sabatier, CHU Toulouse Rangueil, 3 et 5, chemin des Maraıˆchers, 31400 Toulouse
EXPERTISE
CLINIQUE
fig. 17- L’e´pithe`se oculo-palpe´brale en situation, stabilise´e par une monture de lunettes.
fig. 18- Patient « prothe´se´ » lors d’une visite annuelle.