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fondation des barrages-voûtes à partir des mesures d’auscultation
Mathilde de Bigault de Granrut
To cite this version:
Mathilde de Bigault de Granrut. Analyse et interprétation de la pression d’eau en fondation des
barrages-voûtes à partir des mesures d’auscultation. Mécanique des solides [physics.class-ph]. Univer-
sité Grenoble Alpes, 2019. Français. �NNT : 2019GREAI048�. �tel-02406469�
THÈSE
Pour obtenir le grade de
DOCTEUR DE LA COMMUNAUTE UNIVERSITE GRENOBLE ALPES
Spécialité : Matériaux, Mécanique, Génie Civil, Électrochimie
Arrêté ministériel : 25 mai 2016
Présentée par
Mathilde de BIGAULT de GRANRUT
Thèse dirigée par Daniel DIAS, Professeur des Universités, Université Grenoble Alpes.
préparée au sein du Laboratoire « Sols, Solides, Structures - Risques » (3SR)
dans l’École Doctorale « Ingénierie - Matériaux Mécanique Énergétique Environnement Procédés Production » (I-MEP2)
Analyse et interprétation de la pression d'eau en fondation des barrages-voûtes à partir des
mesures d'auscultation
Thèse soutenue publiquement le 28 octobre 2019, devant le jury composé de :
M. Frédéric DUFOUR
Professeur à Grenoble INP (Président)
M. Anton SCHLEISS
Professeur à l’École Polytechnique Fédérale de Lausanne (Rapporteur)
M. Pierre LÉGER
Professeur à l’Université Polytechnique Montréal (Rapporteur)
M. Daniel DIAS
Professeur à l’Université Grenoble Alpes (Directeur de thèse)
M. Laurent PEYRAS
Ingénieur de recherche à IRSTEA (Membre)
Mme. Frédérique LETUÉ
Maître de Conférences à l’Université Grenoble Alpes (Membre)
M. Jean-Paul FABRE
Ingénieur Expert Génie-Civil à AB Fabre Constulting (Membre)
Thèse de doctorat / PhD thesis – Université de Grenoble Alpes / Grenoble Alpes University Auteure : Mathilde de BIGAULT de GRANRUT
Établissement : Laboratoire 3SR (Sols, Solides, Structures - Risques) Domaine Universitaire - BP53, 38041 Grenoble Cedex 9, France
Domaine Universitaire - BP53, 38041 Grenoble Cedex 9, France
Titre : Analyse et interprétation de la pression d'eau en fondation des barrages-voûtes à partir des mesures d'auscultation
Résumé
L’ouverture du contact béton-rocher des barrages-voûtes est un phénomène fréquemment observé, qui se traduit par une piézométrie locale caractérisée par des effets non-linéaires : effet de seuil et couplage de ses facteurs explicatifs (effets hydrostatiques, thermiques, et temporels). Afin d’interpréter les mesures d’auscultation correspondantes, il est nécessaire de tenir compte de la non-additivité de ces influences, ce que ne permettent pas les modèles physico-statistiques de type régression linéaire multiple actuellement utilisés par l’ingénierie. Dans ce contexte, les objectifs de cette thèse sont d’aboutir à une meilleure compréhension des phénomènes hydrauliques ayant lieu à l’interface béton-rocher grâce à l’analyse et interprétation des mesures d’auscultation, et de caractériser l’état de dégradation du contact, en particulier son extension spatiale, à partir de ces mesures. À cet effet, deux modèles ont été développés, l’un basé sur les réseaux de neurones artificiels, l’autre sur une formulation non-linéaire du modèle HST, permettant d’expliciter l’effet des différentes charges sur l’écoulement. L’interprétation de la piézométrie en termes d’effets réversibles et irréversibles a permis de proposer une caractérisation d’ordre géométrique de l’état du contact dans un profil amont-aval, basée uniquement sur la lecture de ces effets. Puis, un modèle analytique d’écoulement a été formulé et investigué, construit à partir de cette description géométrique du contact, qui permet d’interpréter le champ de pression en plusieurs points de mesure d’un même profil.
Mots clés : barrage voûte, piézométrie, interface béton-rocher, modèles statistiques, mesures d’auscultation
Title : Analysis and interpretation of piezometric levels in the foundation of arch dams using monitoring data
Abstract
The aperture of the rock-concrete interface of arch dams is a frequently observed phenomenon that shows through the non-linear features it induces in the local piezometry: threshold effects, couplings between its explanatory factors (hydrostatic effects, thermal effects, temporal effects). In order to interpret the corresponding monitoring measurements, it is necessary to take into account the non- additivity of those influences. This is not feasible with the multi-linear regression models that are commonly used in engineering. In that context, the aim of this thesis is to come to a better understanding of the hydraulic phenomena that occur at the rock-concrete interface based on the analysis and interpretation of monitoring measurements. In parallel, the objective is to characterise the state of deterioration of the contact, and more particularly its spatial extent, thanks to those measurements. To that end, two models were developed, the first one based on artificial neural networks, the second one based on a non-linear formulation of HST, enabling to make explicit the effects of the different loads on the flow. The interpretation of the piezometry in terms of reversible and irreversible effects made it possible to propose a geometrical characterisation of the contact state in an upstream-downstream profile, based only on the analysis of those effects. Then, an analytical flow model was expressed and investigated, built on this geometrical description of the contact. It permits to interpret the pressure field in several measuring points in one profile.
Key words : arch dam, piezometry, rock-concrete interface, statistical models, monitoring
measurements
Remerciements
Au terme de ce travail, je tiens à remercier celles et ceux qui ont participé à sa réalisation.
Je tiens tout d’abord à remercier très sincèrement Daniel Dias, qui a dirigé mes travaux tout au long de ces trois années. Je le remercie d’avoir partagé avec moi son expérience du monde de la recherche, et pour les conseils avisés qu’il m’a apportés sur le plan technique. Ses qualités d’écoute, le soutien qu’il m’a témoigné et son optimisme ont fait de chacun de nos échanges un moment privilégié, qui ont entretenu et alimenté ma motivation et mon enthousiasme tout au long de ce travail au long cours.
Je remercie également chaleureusement Alexandre Simon, ingénieur expert à EDF DTG, qui m’a encadrée au quotidien. Merci en premier lieu pour la confiance qu’il m’a accordée, dès l’étape du recrutement, alors que j’avais tout à découvrir du monde des barrages. Merci de m’avoir offert l’opportunité de m’engager et m’investir dans ce projet. Merci ensuite pour nos échanges quotidiens, qui m’ont guidée et permis de parcourir ce chemin escarpé avec confiance. Par sa bienveillance, sa patience, son écoute et son optimisme, il a su valoriser chacune de mes qualités et révéler le meilleur de moi-même. Je le remercie enfin pour avoir enduré mes sautes d’humeur (en particulier en phase de rédaction) sans m’en tenir rigueur, et m’avoir rassurée dans les moments difficiles. J’ai énormément appris à son contact et je lui en serai toujours reconnaissante.
Mes remerciements appuyés vont également à Frédérique Letué, maître de conférences du Laboratoire Jean Kuntzmann. Elle m’a fait découvrir et aimer les statistiques, et je lui dois toutes les connaissances que j’ai acquises dans ce domaine au cours de ces trois années. Merci de s’être rendue disponible pour assurer l’encadrement de ma thèse, malgré un emploi du temps rendu chargé par ses obligations au sein de l’université. Merci également pour sa sensibilité, ses encouragements et ses conseils précieux.
Mes remerciements s’adressent également à l’ensemble des personnes qui ont constitué mon comité de suivi. Je leur suis reconnaissante pour l’intérêt qu’ils ont porté à mon travail, pour la richesse de leurs questionnements et des échanges que nous avons pu avoir au cours des réunions de comité de suivi et en dehors. Leur expertise dans des domaines divers a contribué de façon considérable à l’ensemble des travaux réalisés. Merci en particulier à Jean-Paul Fabre, qui est à l’origine de ce projet de thèse, et que la retraite n’a pas empêché de suivre (voire devancer) avec le plus grand intérêt les avancées de ces travaux. Merci pour sa réactivité, sa disponibilité, et pour sa vision extrêmement pointue et complète du sujet de thèse qu’il a partagée avec moi. Son avis et ses conseils ont été de vrais fils conducteurs au cours de ces trois années. Merci également à Thierry Guilloteau, expert Génie-Civil à EDF DTG, d’avoir partagé avec moi son expérience et sa vision métier, ainsi que de m’avoir conseillée lors de la rédaction des différents articles que j’ai pu produire. Je tiens également à remercier Leslie Martin, pour l’appui qu’elle m’a apporté par sa connaissance complète du barrage qui a focalisé l’essentiel des développements. Merci à Alexandre Girard et Pauline Laviron, ingénieurs à EDF R&D, pour leur suivi et leurs conseils, ainsi que pour l’éclairage différent qu’ils ont apporté au sujet par leur vision orientée recherche. Merci enfin à Emmanuel Robbe, ingénieur spécialiste barrages à EDF CIH, pour sa connaissance approfondie des modèles aux éléments finis réalisés sur plusieurs des voûtes étudiées. Ces personnes ont constitué une équipe d’encadrement exceptionnelle, constructive et bienveillante. Je les en remercie sincèrement.
Je tiens à témoigner ma reconnaissance à l’ensemble des membres du jury pour l’intérêt qu’ils ont
manifesté à l’égard de mon travail en acceptant de le lire, de l’évaluer et pour certains de venir de loin
afin d’assister à la soutenance. Je remercie donc Anton Schleiss et Pierre Léger, qui m’ont fait l’honneur
de rapporter cette thèse, Frédérique Dufour, Laurent Peyras, qui ont accepté d’intégrer ce jury.
particulier à François Martinot, pour avoir entre autres partagé avec moi son expérience du doctorat, sa connaissance du monde de l’entreprise, et pour ses conseils avisés (en particulier en trail !).
Mes remerciements vont également à Clément Gaffet pour sa disponibilité et pour l’aide infiniment précieuse qu’il m’a apportée en termes de programmation sous R. Je voudrais aussi remercier Camille Roquencourt et Benjamin Berthomé, dont j’ai eu le plaisir d’encadrer les stages, et dont les travaux ont contribué aux avancées de cette thèse.
Enfin, tout cela ne serait jamais arrivé sans Fabrice François, professeur à Grenoble INP, qui m’a donné le goût et l’envie de m’engager dans la recherche. Les encouragements et la confiance qu’il m’a témoignés ont été déterminants dans ma décision de démarrer cette thèse.
Merci enfin à Lucas, pour son soutien quotidien, son intérêt pour mes travaux et son regard extérieur inspiré qui m’ont permis d’envisager les choses sous des angles différents. Je remercie également affectueusement ma famille pour leur soutien indéfectible au cours de ces trois ans, et en particulier ceux qui m’ont accompagnée dans les dernières semaines de rédaction.
1
Développement Mesures et Méthodes
Table des matières
REMERCIEMENTS ... V TABLE DES MATIÈRES ... VII TABLES DES SYMBOLES ET ABRÉVIATIONS ... XI S YMBOLES ... XI A BRÉVIATIONS ... XV
INTRODUCTION GÉNÉRALE ... 17
CHAPITRE 1: SURVEILLANCE ET AUSCULTATION DES FONDATIONS DE BARRAGES- VOÛTES 23 1 I NTRODUCTION ... 25
2 G ÉNÉRALITÉS SUR LES BARRAGES ... 25
2.1 Typologie et construction des barrages-voûtes ... 25
2.2 Sûreté hydraulique... 26
2.3 Des ouvrages vieillissants ... 29
3 F ONCTIONNEMENT DE LA STRUCTURE BARRAGE VOÛTE ( VOÛTE ET FONDATIONS )... 36
3.1 Fonctionnement de la voûte ... 36
3.2 Comportement hydromécanique des fondations des barrages en béton: description et modélisation 40 3.3 Dispositions constructives prises pour palier l’endommagement du contact béton-rocher ... 65
4 S URVEILLANCE ET AUSCULTATION ... 67
4.1 Généralités, principes ... 67
4.2 Modèles d’analyse : interprétation des grandeurs mesurées ... 70
5 P ROBLÉMATIQUE ... 91
Objectifs ... 92
CHAPITRE 2: ANALYSE EXPLORATOIRE DES PHÉNOMÈNES HYDRAULIQUES PAR UNE MÉTHODE DE TYPE DATA MINING ... 95
1 I NTRODUCTION ... 96
2 A NALYSES DES PHÉNOMÈNES HYDRAULIQUES PAR RÉSEAUX DE NEURONES ARTIFICIELS DANS L ’ ÉTAT DE L ’ ART ET APPLICATION DANS LA PRÉSENTE THÈSE ... 97
2.1 Démarche d’analyse des phénomènes hydrauliques... 97
2.2 Méthodes alternatives pour l’analyse du comportement hydraulique des fondations de barrages- voûtes 103 2.3 Utilisation des réseaux de neurones artificiels dans la littérature ... 105
3 M ÉTHODE D ’ ANALYSE EMPRUNTÉE AU DATA MINING : LES RÉSEAUX DE NEURONES ARTIFICIELS ... 106
3.1 Principe des réseaux de neurones artificiels (RNA) ... 106
3.2 Détection du surapprentissage ... 109
3.3 Interprétation des modèles... 109
4 A PPLICATION DES RÉSEAUX DE NEURONES AUX PHÉNOMÈNES HYDRAULIQUES ( NIVEAUX PIÉZOMÉTRIQUES ET DÉBITS ) ... 111
4.1 Présentation de l’ouvrage d’étude ... 111
4.2 Étude d’un capteur au contact béton-rocher: capteur C4 ... 116
4.3 Conclusions et perspectives... 152
CHAPITRE 3: MODÈLE HST NON-LINÉAIRE : NL HST ... 155
1 I NTRODUCTION ... 156
2 P RISE EN COMPTE EXPLICITE DES NON - LINÉARITÉS ENTRE LES CHARGES EXTÉRIEURES ET LA PIÉZOMÉTRIE AU CONTACT ... 156
2.1 Construction du modèle NL HST à variables instantanées ... 156
2.2 Amélioration de la description des charges ... 161
3 M ISE EN ŒUVRE ... 166
3.1 Optimisation ... 166
3.2 Confrontation du modèle aux mesures de piézométrie... 171
4 R ÉSULTATS DE MODÉLISATION ... 183
4.1 Synthèse des résultats obtenus par application des modèles NL HST à un panel de capteurs ... 183
4.2 Caractérisation du contact béton-rocher par l’interprétation des effets réversibles ... 196
4.3 Exemple d’étude d’un ouvrage complet : barrage B6 ... 203
5 D ÉVELOPPEMENTS COMPLÉMENTAIRES LIÉS AU MODÈLE NL HST ... 206
5.1 Modification de la prise en compte de l’effet viscoélastique du béton ... 206
5.2 Développement d’un outil industriel : l’application PHABRE ... 206
5.3 Analyse des mesures de débit ... 207
6 C ONCLUSIONS ... 209
CHAPITRE 4: MODÈLE ANALYTIQUE DE POISEUILLE ... 211
1 I NTRODUCTION ... 212
2 C ONSTRUCTION D ’ UN MODÈLE ANALYTIQUE D ’ ÉCOULEMENT ... 213
2.1 Observations préalables sur mesures de déplacements verticaux ... 213
2.2 Hypothèses prises en compte ... 216
2.3 Calcul du champ de pression ... 219
3 I NVESTIGATION DU MODÈLE THÉORIQUE ... 221
3.1 Effet des paramètres de forme sur les niveaux piézométriques modélisés ... 222
3.2 Étude du champ de pression dans un profil ... 238
3.3 Conclusions et perspectives... 253
CONCLUSIONS ET PERSPECTIVES ... 259
D ÉMARCHE MISE EN ŒUVRE ... 260
C ONTRIBUTIONS , LIMITES ET IMPACTS ... 260
P ERSPECTIVES ... 260
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES ... 267 ANNEXE 1. INSTRUMENTS DE MESURE ... A1 1 A PPAREILS DE MESURE DE PHÉNOMÈNES MÉCANIQUES ... A1 1.1 Pendules ... A1 1.2 Pots de nivellement (HLS) ... A2 1.3 Élongamètres (Distofor) ... A2 1.4 Fils de fondation ... A3 2 A PPAREILS DE MESURE DE PHÉNOMÈNES HYDRAULIQUES ... A4 2.1 Piézométrie ... A4 2.2 Mesure de débits... A5 ANNEXE 2. VALIDATION D’UN MODÈLE DE RÉGRESSION ... A7 1 H YPOTHÈSES ... A7 1.1 Définition du modèle non-linéaire... A7 1.2 Résolution par application des moindres carrés ... A7 1.3 Hypothèse de normalité des erreurs ... A8 2 V ALIDATION ET ANALYSE DU MODÈLE ... A8 2.1 Test de s ignificativité ... A8 2.2 Validation d’un modèle de régression non-linéaire : ... A10 3 D ÉTECTION DES POINTS ATYPIQUES : OBSERVATIONS ABERRANTES OU POINTS INFLUENTS ... A13 ANNEXE 3. OPTIMISATION PAR LES MOINDRES CARRÉS ... A17 1 D ESCENTE DU GRADIENT ... A17 2 D ESCENTE DU GRADIENT ADAPTATIF AVEC MOMENT D ’ INERTIE , RÉTROPOPAGATION DU GRADIENT
A18
ANNEXE 4. CALCUL DE LA COTE RETARDÉE ... A21
ANNEXE 5. RÉSULTATS NL HST DU CAPTEUR C4 ... A23
1 D ONNÉES BRUTES ... A23
2 R ÉSULTATS DE LA MODÉLISATION HST... A23
3 R ÉSULTATS DE LA MODÉLISATION NL HST ... A24
4 E FFETS RÉVERSIBLES ET IRRÉVERSIBLES ... A25
4.1 Effets hydrostatiques ... A25
4.2 Effets saisonniers... A27
4.3 Effets temporels... A28
Tables des symboles et abréviations
Symboles
𝑎 Accélération [m.s
-2]
𝑎 Diffusivité thermique du milieu [m
2.s
-1]
𝑎
𝑖∈{0;𝑁}Coefficients de régression linéaire pour N variables explicatives
𝑎
0Intercept
𝑎̂
𝑖∈{0;𝑁}Coefficient de régression estimé pour N variables explicatives
𝐴 Section de passage d’un écoulement [m²]
𝐴
𝑖Amplitude de l’impulsion de contrainte appliquée à l’instant 𝑡
𝑖[kg.m
-1.s
-2] 𝑏
0, 𝑏
1, 𝑏
2, 𝑎
𝑗; 𝑗 Є {1, . . , 𝑘};
𝑘 Є{9, 10, 13, 14}
Coefficients de régression des modèles NL HST
𝑐 Chaleur massique du béton [J.kg
-1.K
-1]
𝑐
𝑘Contraste des perméabilités en amont et en aval d’un piézomètre [-]
𝑐𝑜𝑠𝑆 Variable explicative construite par application de la fonction cosinus à la variable S
[-]
𝒞
𝑆𝐶𝐸Courbe de la SCE en fonction des valeurs initiales de paramètres du modèle
𝐶
𝑖∈{1,..,𝑚}𝑚 valeurs prises par la charge paramètre (AS) 𝐶
0Valeur de la charge constante (AS)
𝐶
1, 𝐶
2Constantes d’intégration
𝐷𝐵 Données brutes
𝐷𝐶 Données corrigées
𝐷
𝑣Débit volumique [m
3.s
-1]
𝐷𝑉 Déplacements verticaux [mm]
𝑒 Ouverture [m]
𝑒
0Ouverture résiduelle [m]
𝐸 Énergie totale d’un élément de fluide par unité de masse [m]
𝐸 Module d’Young du ressort [GPa]
𝐸 Épaisseur du pied de l’ouvrage [m]
𝐸( ) Espérance mathématique
𝐸
𝑐Épaisseur en crête de l’ouvrage [m]
𝐸
𝑝Épaisseur en pied de l’ouvrage [m]
𝐸𝑟𝑟
𝜏Erreur de test ou de généralisation
𝐸
𝑅Écart à la température normale retardé [°C]
𝒇 Fonction de régression
𝒇̂ Estimateur de 𝒇
𝑓
ℎ𝑦𝑑𝑟𝑜Fonction hydrostatique 𝑓
ℎ𝑦𝑑𝑟𝑜̂ Fonction hydrostatique estimée
𝑓
𝑖𝑟𝑟Fonction irréversible 𝑓 ̂
𝑖𝑟𝑟Fonction irréversible estimée
𝑓
𝑁𝐿Fonction non-linéaire
𝑓
𝑠𝑢𝑟Force surfacique [kg.m.s
-2]
𝑓
𝑡Fonction de transfert
𝑓
𝑡ℎ𝑒𝑟Fonction thermique
𝑓 ̂
𝑡ℎ𝑒𝑟Fonction thermique estimée
𝑓
𝑣𝑜𝑙Force volumique [kg.m.s
-2]
𝑓
1et 𝑓
2Fonctions inconnues supposées monotones croissantes, potentiellement non-linéaires
𝐹 Fraction de la charge amont [-]
𝐹⃗ Force [kg.m.s
-2]
𝑔 Accélération de pesanteur [m.s
-2]
G Grille de recherche multi-paramètres
ℎ Cote de retenue [m]
ℎ
𝑚𝑒𝑑Valeur médiane de la cote de retenue [m]
ℎ
max, ℎ
min, ℎ
𝑚𝑒𝑑Valeur maximale, resp. minimale, resp. médiane de la cote observée [m]
ℎ
𝑞1, ℎ
𝑞2, ℎ
𝑞3, ℎ
𝑞4Valeur médiane des quatre intervalles définis par les quartiles de la cote observée
[m]
ℎ
𝑟𝑒𝑓Cote de retenue de référence [m]
𝐻 Charge hydraulique [m]
𝐻
𝑎𝑚, 𝐻
𝑎𝑣Charge hydraulique à l’extrémité amont, resp. aval du pied du barrage [m]
𝐼 Intensité électrique [A]
𝑰
𝒏Matrice identité de rang n
𝑖⃗ Gradient hydraulique [-]
𝐽 Complaisance [MPa
-1]
𝑘 Perméabilité hydraulique [m
2]
𝑘
𝑎𝑚Perméabilité hydraulique entre l’amont et le piézomètre [m²]
𝑘
𝑎𝑣Perméabilité entre le piézomètre et l’aval [m²]
𝑘
𝐻Conductivité hydraulique du milieu [m.s
-1]
𝑘
𝑛Rigidité normale de la fracture [kg.m
-2.s
-2]
𝑘
𝑆La rigidité tangentielle de la fracture [kg.m
-2.s
-2]
𝐾 Coefficient de perméabilité [m
3.s
-1]
𝐿 Distance caractéristique [m]
𝐿 Épaisseur de béton [m]
𝐿
𝑎𝑚, 𝐿
𝑎𝑣Distance du piézomètre aux extrémités amont, resp. aval [m]
𝐿
𝑜Longueur d’ouverture [m]
𝐿
𝑜maxLongueur dégradée du contact [m]
𝐿/𝐻 Rapport de la longueur en crête du barrage sur sa hauteur
𝐿
𝑥, resp. 𝐿
𝑦, resp. 𝐿
𝑧Dimension suivant la direction 𝑒 ⃗⃗⃗⃗ , resp. 𝑒
𝑥⃗⃗⃗⃗⃗, resp. 𝑒
𝑦⃗⃗⃗⃗
𝑧[m]
𝑚 Masse [kg]
𝑚 Nombre de courbes d’effet dans un graphe de l’AS 𝑚𝑒𝑐𝑎 Niveau de sollicitation global de la voûte
𝑀 Nombre de paramètres
𝑀𝑆𝐸
𝑎𝑝𝑝Erreur quadratique moyenne d’apprentissage
𝑀𝑆𝐸
𝑡𝑒𝑠𝑡Erreur quadratique moyenne de test
𝑛 Nombre d’observations
𝑁 Nombre de variables explicatives
𝑁
𝑎𝑚Niveau piézométrique amont [m]
𝑁
𝑎𝑣Niveau piézométrique aval [m]
𝑁𝑃 Niveau piézométrique [m]
𝒑 Vecteur des paramètres
𝒑
𝑮𝑺Vecteur des paramètres dont les valeurs initiales sont recherchées par grille de recherche multi-paramètre
p_h1, p_h2, p_h3, p_h4 Plages bornées par les quartiles de la cote observée
p_t1, p_t2, p_t3 Périodes temporelles correspondant aux tiers de la période d’analyse p_Zmin, p_Zmed, p_Zmax Plages correspondant aux valeurs extrêmes et médiane du creux
relatif observé
p_Z1, p_Z2, p_Z3, p_Z4 Plages bornées par les quartiles du creux relatif observé p_S1, p_S2, p_S3, p_S4 Trimestres correspondant aux quatre saisons
𝑃 Pression de fluide [kg.m
-1. s
-2]
𝑃
𝑥(. ) Fonction de réponse impulsionnelle en 𝑥 [s
-1]
𝑃(. ) Fonction de réponse impulsionnelle [s
-1]
𝑄
𝑣Débit volumique par unité de longueur [m
2.s
-1]
𝑅𝑒 Nombre de Reynolds [-]
𝑅
𝑒Résistance électrique [Ω]
𝑅
𝐻Résistance hydraulique [s.m
-2]
𝑅
𝐻𝑎𝑚, 𝑅
𝐻𝑎𝑣Résistances hydrauliques des portions situées en amont, resp. en aval du capteur
[s.m
-2]
𝑅𝑁 Niveau normal de la retenue [m]
𝑅
𝑣𝑖𝑑𝑒Niveau de la retenue à vide [m]
𝑅
2Coefficient de détermination
𝑠𝑖𝑛𝑆 Variable explicative construite par application de la fonction sinus à la variable S
[-]
𝑆 Saison [rad]
SC
NL HSTScore du modèle NL HST [-]
𝑆
𝑟𝑒𝑓Saison de référence [rad]
𝑆
0Écart-type des données brutes
𝑆1, 𝑆2, 𝑆3, 𝑆4 Saisons de janvier, avril, juillet, octobre
𝑆
2Variance des résidus
𝑡 Temps [jours]
𝑡𝑎𝑛ℎ Fonction tangente hyperbolique 𝑡
𝑝𝑖Date médiane de la période 𝑝
𝑖𝑡
𝑟𝑒𝑓Date de référence [jours]
𝑇 Transmissivité de la fissure [m².s
-1]
𝑇
𝑓Temps de relaxation [jours]
𝑇
0Temps retard caractéristique [jours]
𝑇
0𝑡Temps retard caractéristique permettant le calcul de 𝐸
𝑟[jours]
𝑇
0𝑣Temps retard caractéristique permettant le calcul de 𝑍
𝑟[jours]
𝑇
𝑡̿̿̿̿ Tenseur des contraintes de viscosité [kg.m
-2. s
-2]
𝑣; 𝑉 Vitesse [m.s
-1]
𝑉
𝑚𝑎𝑥Vitesse maximale dans un profil de Poiseuille plan [m.s
-1]
〈𝑣〉 Vitesse moyenne de l’écoulement [m.s
-1]
𝑥 Position dans la direction horizontale [m]
𝑥 Distance à l’aval [m]
𝑥
0Une observation
𝑿 Variables explicatives
𝑿
𝑖∈{1,𝑁}Une variable explicative
𝑋
𝑡𝑖, 𝑖𝜖{1, . . , 𝑛} Valeurs prises par la variable X aux instants 𝑡
𝑖, 𝑖𝜖{1, . . , 𝑛}
𝑦
0Réponse correspondant à l’observation 𝑥
0𝒀 Variable à expliquer
𝑌̅ Moyenne arithmétique de 𝒀
𝑧 Altitude par rapport à une référence donnée [m]
𝑍 Creux relatif [-]
𝑍
max, 𝑍
min, 𝑍
𝑚𝑒𝑑Valeur maximale, resp. minimale, resp. médiane du creux relatif observé
[-]
𝑍
𝑞1, 𝑍
𝑞2, 𝑍
𝑞3, 𝑍
𝑞4Valeur médiane des quatre intervalles définis par les quartiles du creux relatif observé
[-]
𝑍
𝑟𝑒𝑓Creux relatif de référence [-]
𝑍
𝑅𝑚𝑒𝑑Valeur médiane de la cote retardée observée [-]
𝑍
𝑅Cote retardée [-]
𝛼 Coefficient de Biot-Willis [-]
𝛽 Angle d’ouverture [rad]
δ Rapport 𝛽/𝑒
0[rad.m
-1]
∆𝑡 Intervalle de temps entre deux mesures [jours]
Δ𝑢
𝑛Déformation normale [m]
Δ𝑢
𝑠Déplacement tangentiel [m]
Δ𝑥 Distance parcourue par l’écoulement dans la direction horizontale [m]
Δ𝑉 Différence de potentiels électriques [V]
Δ𝜎
𝑛′ Variation de contrainte normale effective [kg.m
-1.s
-2]
Δ𝜎
𝑠Variation de contrainte de cisaillement [kg.m
-1.s
-2]
𝜀 Erreur de modélisation
𝜀 Déformation [m]
𝜀
𝐻Réponse indicielle en déformation [m]
𝜀
𝑖Réponse impulsionnelle en déformation [m]
𝜀̂ Résidus de modélisation (estimés)
𝜀 ̂
𝑚Terme d’erreur dû à ε et aux erreurs d’estimation sur 𝑓 ̂
𝑖𝑟𝑟𝜀̂
ℎ𝑦𝑑, 𝜀̂
𝑡ℎ𝑒𝑟,𝜀̂
𝑖𝑟𝑟Résidus de modélisation dus à la composante hydrostatique, resp.
thermique, resp. irréversible
𝜂 Viscosité de l’amortisseur [Pa.s]
𝜃 Température de l’air [K]
𝜃
𝑏Température du béton [K]
𝜆 Conductivité thermique [W.m
-1.K
-1]
𝜆 Taux d’apprentissage
𝜇 Viscosité dynamique [kg.m
-1.s
-1]
𝜇 Moment d’inertie [-]
ν Viscosité cinématique du fluide [m
2.s
-1]
𝜌 Masse volumique du fluide [kg.m
-3]
σ Écart-type
σ Contrainte [kg.m
-1.s
-2]
𝜎
𝑚, 𝜎
𝑚′Contrainte moyenne totale, resp. généralisée [kg.m
-1.s
-2]
𝜎
𝑛′ Contrainte normale effective [kg.m
-1.s
-2]
𝜎
𝑆Contrainte de cisaillement [kg.m
-1.s
-2]
𝜎
𝑧𝑧, 𝜎
𝑧𝑧′Contrainte verticale totale, resp. effective [kg.m
-1.s
-2] τ Échantillon d’apprentissage hypothétique contenant un très grand
nombre d’observations
𝜏 Instant [jours]
𝑉𝑎𝑟( ) Variance mathématique
Abréviations
ACP Analyse en composantes principales AR(B) Arbre de régression (boosté)
AS Analyse de sensibilité
CFBR Comité Français des Barrages et Réservoirs CIGB Commission Internationale des Grands Barrages CTPB Comité Technique Permanent des Barrages
CTPBOH Comité Technique Permanent des Barrages et Ouvrages Hydrauliques CV Validation croisée (cross validation)
DC Données corrigées
DTG Division Technique Générale
ddl Degrés de liberté
EDF Électricité de France
EF Éléments finis
EVC Évacuateur de crue
FA Forêt aléatoire
GSA Analyse de sensibilité globale
HM Hydromécanique
HrST Modèle Hydrostatique Saison Temps avec cote retardée HST Modèle Hydrostatique Saison Temps
HSTT Modèle Hydrostatique Saison Temps avec écarts à la température normale retardés kf-CV k-fold validation croisée
kPV K-plus-proches voisins
m. a. s. l. Mètres au-dessus du niveau de la mer (meters above sea level)
LM Levenberg-marquardt
MARS Régression multivariée par splines adaptatives
MAE Erreur absolue moyenne (mean absolute error)
MSE Erreur quadratique moyenne (mean squared error)
NARX Modèle Non-linéaire autorégressif avec entrées exogènes
température normale retardés
NL HST Modèle(s) Hydrostatique Saison Temps non-linéaire(s)
NL HSTT Modèle Hydrostatique Saison Temps non-linéaire avec écarts à la température normale retardés
NOVAE Application interne EDF (Neural NetwOrks for Valuable Analysis and Expertise)
NP Niveau piézométrique
NS Navier Stokes
PFD Principe Fondamental de la Dynamique
PHABRE Application interne EDF (Phénomènes Hydrauliques à l’intrefAce Béton-Rocher) RLM Régression linéaire multiple
RMSE Racine de l’erreur quadratique moyenne (root mean squared error) RNA Réseau de neurones artificiels
SCE Somme du carré des écarts
SVM Machine à vecteurs de support (support vector machines) VEC Courbes d’effet caractéristique des variables
VER Volume équivalent représentatif
Par convention, les dates, lorsqu’elles ne sont pas écrites en toutes lettres, sont écrites comme suit :
jj/mm/aaaa ou mm/aaaa
Les premiers barrages ont vu le jour il y a des millénaires, apparaissant quasi simultanément dans des régions du monde très éloignées les unes des autres. On en retrouve des traces dans presque toutes les civilisations, mais on situe le plus ancien barrage du monde en Jordanie autour de Jawa (-3000 ans), haut de 5 mètres, en remblai et maçonnerie, avec une structure interne très complexe. Ces ouvrages de génie civil se définissent comme « toute structure en travers d’un cours d’eau ou fermant une dépression, ayant pour but de retenir de l’eau soit pour la stocker pendant une durée fonction de la finalité, et/ou de créer une chute. » (Bordes 2010). La notion de hauteur intervient au XXe siècle lorsque s’impose la définition de « grand barrage », définie en 1935 par la Commission Internationale des Grands Barrages (CIGB, ICOLD en anglais). Ce sont donc les « barrages d’une hauteur supérieure à 15 mètres, des fondations les plus basses à la crête, ou barrages dont la hauteur est comprise entre 5 et 15 mètres et qui retiennent plus de 3 millions de mètres cubes d’eau. » (CIGB n.d.). D’après le registre mondial des grands barrages tenu par la CIGB, il existe actuellement plus de 59 000 grands barrages dans le monde, dont pas moins de 23 841 sont détenus par la Chine, en tête du classement du nombre de grands barrages par pays. On recense 709 grands barrages en France, mais les barrages plus petits sont infiniment plus nombreux (plusieurs dizaines de milliers, mal connus, si on va jusqu’à 2 m de hauteur). Le plus haut barrage français est Tignes, avec ses 180 mètres de hauteur au-dessus du terrain naturel.
Les rôles de ces ouvrages sont multiples et de nombreux barrages sont mixtes et concourent à plusieurs usages: hydroélectricité, irrigation, alimentation en eau, loisirs, écrêtement des crues, navigation. La production hydroélectrique représente à elle seule 50% de l’utilisation des grands barrages français.
Comme dans la plupart des pays développés, la majeure partie des barrages français a été construite dans les années 50, permis par le redressement économique qui a suivi la fin de la Seconde Guerre mondiale, avec près de 60% des ouvrages mis en service entre 1950 et 1990. La dernière grande voûte construite en France est le barrage de Puylaurent, de 73 m de haut, dont la mise en service a eu lieu en 1996. Le parc français, tout comme une large partie du parc mondial, est donc vieillissant.
La présence de barrages fournit des bénéfices considérables pour l’homme, mais elle constitue dans le même temps un nouveau risque pour les populations avalisantes, en raison de la probabilité, faible mais jamais nulle, de rupture de ces ouvrages. L’ampleur des conséquences qu’occasionnent de tels accidents est considérable, tant d’un point de vue humain que d’un point de vue environnemental et économique.
Les enjeux de sûreté associés à ces infrastructures sont donc particulièrement importants. 105 ruptures de grands barrages ont été décomptées sur les ouvrages construits avant 1986 (le Delliou 2003).
Si dramatiques soient ces accidents, ils ont permis par le passé de progresser considérablement dans les disciplines qui constituent de façon générale l’ingénierie des barrages : mécanique des roches, hydraulique souterraine, mécanique des géomatériaux, géologie, géotechnique etc. Les travaux de Reason dans les années 1990 ont permis de réexaminer les accidents industriels majeurs en complétant les analyses des causes techniques de défaillance par l’intégration du facteur humain et organisationnel, apportant ainsi un éclairage nouveau à la sécurité des installations (Larouzée et al. 2014). À l’échelle mondiale, c’est la CIGB qui assure le retour d’expérience des accidents internationaux, et édite des guides et codes de bonnes pratiques à l’intention des barragistes, qui sont régulièrement mis à jour.
L’action de la CIGB contribue à l’unification des pratiques en matière de conception de barrages, mise en eau, exploitation et surveillance.
Parmi les accidents majeurs, la rupture totale du barrage de Malpasset (France) de décembre 1959 a
marqué un tournant dans l'histoire de la sûreté hydraulique. Ce barrage voûte de 60 m de haut a rompu
lorsque des intempéries ont fait monter le niveau d’eau dans la retenue avant la fin du premier
remplissage. L’appui rive gauche du barrage était implanté sur un dièdre rocheux de grand volume,
délimité par un plan amont plongeant vers l’aval, parallèle au plan de foliation
2des gneiss constitutifs du rocher de fondation de la voûte, et un plan aval, plongeant vers l’amont. La face de ce plan aval était un plan de faille quasiment plan, rempli d’un matériau argileux très imperméable et caractérisé par une faible résistance au cisaillement. Sous l’effet du remplissage de la retenue, les discontinuités parallèles au plan amont et à la schistosité
3du rocher ont permis l’infiltration de l’eau sous le barrage, créant d’importantes pressions interstitielles au cœur même de la fondation, sous le barrage (Figure 0.1). Dans le même temps, la poussée de la voûte a appliqué des contraintes de compression à sa fondation, rendant imperméable le gneiss de fondation sur une tranche parallèle au plan amont du dièdre, ainsi que la faille aval. Le barrage n’étant pas drainé, la poussée induite par les écoulements de percolation
4a agi comme un vérin sur le dièdre, qui a alors glissé le long de plan fissuration et a été éjecté vers l’aval, entraînant la rupture de la voûte.
Figure 0.1 – Représentation des sous-pressions définies comme cause explicative de la rupture de Malpasset (d’après (Giraud 2018))
La catastrophe fit 423 victimes et des dégâts matériels évalués à plus de 15 millions d’euros (Peyras 2003). Une enquête de plusieurs années visant à établir les raisons de la rupture a suivi cette catastrophe.
Elle a conduit à une remise en question de la sûreté hydraulique et des prises de dispositions conséquentes non seulement en France mais également à l’échelle mondiale : campagnes de mesures (par l’installation de nouveaux instruments de mesure) sur pratiquement toutes les voûtes de la planète, abaissement de retenues d’eau, modifications d’ouvrages (Larouzée et al. 2014).
Plus particulièrement en France, des évolutions réglementaires et organisationnelles ont suivi, avec notamment la mise en place à partir de 1968 de plans d’alerte pour les ouvrages de plus de 20m et de plus de 15 millions de mètres cube de capacité, qui sera approfondie en juillet 1987 avec l’établissement des Plans Particuliers d’Intervention (PPI). Ces plans organisent l’action de l’ensemble des intervenants dans les situations les plus graves d’accidents. La réglementation technique en matière de sécurité des barrages a été renforcée, et ont alors été imposés deux niveaux de contrôle : l’un a priori et l’autre a posteriori. Le premier est assuré par le Comité Technique Permanent des Barrages (CTPB) créé à cette occasion en 1967 (désormais CTPBOH Comité Technique Permanent des Barrages et Ouvrages Hydrauliques) pour émettre un avis sur les dossiers d’avant-projet de tous les barrages de plus de 20m de haut. Le contrôle a posteriori quant à lui concerne l’inspection et la surveillance des ouvrages, et est encadré par la circulaire du 14 août 1970. C’est alors l'avènement de l’auscultation des barrages, qui devient une règle incontournable en complément de l’inspection visuelle, les deux constituant la surveillance.
En outre, suite à la tragédie de Malpasset, la science et la technologie des barrages ont également connu des évolutions majeures, avec notamment la reconnaissance de la mécanique des roches et la géologie comme disciplines à part entière. L’analyse de cet accident a amélioré la compréhension du comportement complexe des barrages-voûtes et des interactions entre la structure et la fondation. Elle a
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La foliation est la structure présentée par les roches dont les minéraux sont arrangés selon des plans parallèles.
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Structure en feuillets.
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Infiltration de l’eau dans un sol plus ou moins perméable.
également permis de mettre en évidence les avantages du drainage du pied aval des voûtes, de façon à libérer les éventuelles sous-pressions présentes dans le rocher, et qui devient alors une règle quasi systématique. Déjà mis en évidence suite à la rupture du barrage de Bouzey
5en avril 1895 (Bacchus 2018), la notion de « sous-pressions » et le comportement hydromécanique des fondations entrent dans la logique des concepteurs de barrages-voûtes suite à l’analyse de la catastrophe de Malpasset. Les conclusions des investigations menées révèlent le rôle majeur qu’a joué la fondation dans la rupture de l’ouvrage.
On sait aujourd’hui que les massifs rocheux ont pour caractéristique fondamentale d’être fissurés, ce qui leur confère un caractère hautement discontinu, hétérogène et anisotrope. Les massifs constituant les fondations de barrage ne font pas exception, d’autant plus qu’ils subissent des contraintes mécaniques variables dans le temps imposées par la structure. Ils peuvent être considérés comme une matrice plus ou moins poreuse traversée par un réseau de discontinuités. Ces discontinuités ou fractures peuvent être des fissures, des joints, ou des failles, selon que les blocs séparés par la fracture se sont déplacés les uns par rapport aux autres ou pas, que ces déplacements se sont produits de façon normale ou parallèle au plan moyen de la fracture
6. La présence de ces discontinuités confère une perméabilité au rocher, qui permet la mise en place d’écoulements se propageant de l’amont vers l’aval, et l’établissement de sous-pressions en fondations (également appelées simplement « pressions d’eau »).
Les écoulements et sous-pressions redistribuent à leur tour les contraintes dans le rocher (on parlera de
« contrainte effective »), ce qui peut induire l’apparition de nouvelles fractures, et donc l’augmentation de la perméabilité et des sous-pressions en fondation. Ainsi, les écoulements en milieu fracturé, et plus particulièrement en fondations de barrages, sont gouvernés par un fort couplage hydromécanique.
Carrère (Carrère 2010) le présente comme le principal mécanisme permettant d’interpréter le comportement des fondations, directement hérité de la compréhension de l’accident de Malpasset.
Aujourd’hui, les fondations d’un barrage sont une partie de l’aménagement hydraulique qui reçoivent un soin et une attention toute particulière, tout au long de la vie de l’ouvrage mais également avant même sa construction. En effet, ce sont elles qui imposent en grande partie le type de barrage qu’il sera possible de construire sur un site donné. Une reconnaissance géologique et une caractérisation mécanique et hydraulique approfondies sont indispensables à la mise en œuvre d’un projet de barrage, sans quoi les conséquences peuvent aller du simple surcoût à la catastrophe. Néanmoins, alors que la superstructure est bien connue puisque “fabriquée” (qualité des matériaux de construction contrôlée, respect des spécifications techniques de conception), la connaissance des fondations demeure imparfaite, quel que soit le niveau des investigations menées. Les hétérogénéités et discontinuités géologiques et géomécaniques qui caractérisent les fondations en font un système complexe qu’il est impossible de définir complètement par des mesures ponctuelles, si complète soit l’étape d’exploration.
De plus, la fondation est soumise tout au long de la vie de l’ouvrage à des sollicitations remarquablement importantes, provenant d’une part des efforts qu’elle reçoit directement du barrage lui-même influencé par des cycles thermiques et des cycles de remplissages, mais aussi provenant de l’action permanente de l’eau de la retenue et ses infiltrations, qui en modifient le comportement. Afin de palier la méconnaissance relative des caractéristiques de la fondation et du contact, induite d’abord par la forte hétérogénéité initiale du rocher, puis par l’évolution de son comportement au cours de la vie de l’ouvrage
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Barrage poids et remblai constitué d’enrochement et maçonnerie, France
6
La définition et distinction des termes de fracture, joint, faille, fissure, diaclase, varie en fonction des auteurs.
Mitcham (Mitcham 1963) a proposé les définitions suivantes dans le but d’uniformiser les appellations : la
fracture est le terme générique désignant une « surface de rupture de liens physiques ou physicochimiques, sur
laquelle les déplacements relatifs peuvent aller du déplacement infinitésimal au grand déplacement ». Le
joint correspond au cas d’une « fracture sans déplacement relatif significatif des lèvres […] ». La faille est « une
fracture dont les lèvres se sont déplacées relativement de façon parallèle au plan de la fracture ». La fissure
correspond au cas où « les lèvres se sont ouvertes de façon significative en se séparant dans une direction normale
au plan de la fracture ».
dictée par un couplage hydromécanique fort, un système d’auscultation adapté doit être défini, et les mesures résultantes analysées.
Parce qu’il est, par nature, une discontinuité majeure, le contact béton-rocher constitue la zone la plus sensible de la fondation, et doit faire l’objet d’une attention encore plus particulière que le reste de la fondation. Sous l’effet des contraintes de traction à l’amont et contraintes de compression à l’aval des plots centraux lorsque l’ouvrage est en charge, on observe un décollement du pied amont, avec apparition de fissures dans le rocher et/ou le béton. La perméabilité de l’interface béton-rocher varie donc de l’amont à l’aval, et les écoulements sont redistribués. La pression hydrostatique imposée par la retenue est ainsi transmise vers l’aval, et permet le développement de sous-pressions en fondation. À l’extrême, la pleine pression est mesurée au niveau du parement aval. On désigne ce phénomène par le terme d’ouverture du contact béton-rocher. Il est fréquemment observé sur les voûtes, en particulier celles situées en vallée large. Il est favorisé par des conditions de températures basses, qui accentuent le basculement de la voûte vers l’aval sous l’effet de la contraction thermique du béton. Ainsi, une variation de cote
7se traduira par une variation du champ de pression différente suivant l’état thermique. Par conséquent, les niveaux piézométriques mesurés au contact sont déterminés par une combinaison des conditions de remplissage et de températures qui n’est pas simplement additive. Compte tenu du fonctionnement des voûtes par mobilisation des effets d’arc, l’ouverture du contact, initiée en partie centrale, ne devient pathologique que lorsqu’elle se propage vers les rives. Il est donc de la plus haute importance d’être en mesure de suivre l’évolution de ce phénomène dans le temps et dans l’espace, afin d’être en mesure de garantir la sûreté de l’ouvrage, et au besoin, mettre en place des actions à la hauteur des risques détectés. Des modifications brutales des phénomènes mesurés au niveau du contact, ou des dérives lentes mais constantes, doivent alerter sur un potentiel changement de comportement en fondation présentant des risques pour la stabilité structurelle de l’ouvrage. L’existence de ce phénomène est aujourd’hui bien connue, puisqu’il est révélé par la propagation de la pleine pression vers l’aval.
Néanmoins, son évolution dans le temps, ainsi que son extension spatiale sont propres à chaque ouvrage et à son histoire, et sont de fait, difficiles à caractériser. Ce phénomène demeure mal pris en compte dans les modèles actuels d’analyse des mesures d’auscultation utilisés pour le suivi long terme des ouvrages.
Le comportement singulier de l’interface béton-rocher, partie la plus sensible de la fondation, constitue le cœur du sujet de cette thèse. Le phénomène d’ouverture du contact donne lieu à des phénomènes hydrauliques (niveaux piézométriques, débits) caractérisés par des non-linéarités qui constituent le verrou à lever en termes de modélisation. Le périmètre de ces travaux de thèse se limite aux modèles de comportement basés sur les mesures d’auscultation, l’intérêt étant que ces mesures permettent de décrire les phénomènes évolutifs dans le temps et la part transitoire de leurs évolutions.
Ces modèles de comportement utilisés dans le cadre de l’auscultation de barrages, consistent à expliquer un phénomène mesuré représentatif de l’état de l’ouvrage, par un ensemble d’influences extérieures, elles aussi mesurées. Ils permettent d’identifier l’évolution temporelle du phénomène expliqué, d’en détecter toute évolution anormale. Un diagnostic peut dès lors être posé sur l’évolution du comportement de l’ouvrage vis-à-vis de son état de sûreté. Ils représentent donc un enjeu incontournable pour les exploitants de barrages qui sont responsables de leur sûreté. L’utilisation de modèles statistiques pour l’analyse des mesures d’auscultation est aujourd’hui généralisée dans la communauté internationale des propriétaires de barrages. Cependant, comme tout modèle, ils reposent sur des hypothèses qui en définissent les limites d’application. Plus spécifiquement, ces modèles d’analyse sont construits sur l’hypothèse que les effets des différentes influences extérieures sont indépendants les uns des autres, et qu’ils peuvent donc être décrits grâce au principe de superposition (additivité des effets). En pratique, ces hypothèses s’adaptent très bien à la réalité des phénomènes mécaniques (déplacements), et ces modèles permettent souvent une bonne modélisation des déplacements des barrages-voûtes. En revanche, ils sont souvent mis en échec lorsqu’il s’agit de modéliser les phénomènes hydrauliques en fondation puisqu’ils ne prennent pas en compte les non-linéarités des phénomènes. Ainsi,
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