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Article pp.507-526 du Vol.5 n°4 (2007)

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Texte intégral

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et explicitation des scénarios pédagogiques

Vers un modèle de conception des scénarios par contraintes

Emmanuelle Villiot-Leclercq

LIG, équipe MeTAH, Université Joseph Fourier 110 av. de la Chimie - Domaine Universitaire BP 53 F-38041 Grenoble cedex 9

Emmanuelle.villiot-leclercq@imag.fr

RÉSUMÉ. Dans cet article, nous envisageons les différents points de vue sur le concept de scénario pédagogique. Nous montrons comment la prise en compte de quatre dimensions (genèse, réception, orientation, explicitation) peut être une façon d’envisager la scénarisation comme un processus contraint et par là-même de mieux tenir compte de ces contraintes dans la phase de conception pédagogique. Dans la seconde partie de cet article, nous centrons notre propos sur la contrainte « d’explicitation » et nous présentons une étude de cas dans laquelle nous passons d’un scénario textuel contenant de nombreux implicites à un scénario formalisé via le formalisme des « Pléiades » qui s’appuie sur le principe d’agrégation d’activités signifiantes. Ce formalisme permet au scénario originel d’être partagé mais aussi d’être à terme opérationnalisé sur des plates-formes de formation à distance.

ABSTRACT. In this article, we envisage the various points of view on learning scenario concept.

We show how the consideration of four dimensions (genesis, reception, orientation, explicitness) can be a way of describing scenario building as a constrained process. In the second part of this article, we focus our comment on the constraint of explicitness and we present a case study in which a textual scenario with many implicit contents is formalised via the “Pleiad” formalism which relies on the principle of aggregation of significant activities.

This formalism allows the sharing of the original scenario and also making it operational via distance teaching platforms.

MOTS-CLÉS : scénario pédagogique, conception pédagogique, modèle par contraintes, modélisation, formalisme des Pléiades, genèse des scénarios, réception des scénarios, explicitation des scénarios, formalisme.

KEYWORDS: learning scenario, learning design, design model by constraints, modelling, formalism of Pleiads, learning scenario genesis, learning scenario reception, learning scenario explicitness, formalism.

DOI:10.3166/DS.5.507-526 © Cned/Lavoisier

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Introduction

La finalité de nos recherches vise la conception de situations d’apprentissage instrumentées par les TICE (Technologies de l’Information et de Communication en Education). En effet, l’intégration des TICE et le développement de formation à distance ont eu de nombreux impacts, notamment sur les pratiques de conception pédagogique des enseignants et des concepteurs pédagogiques. Leurs pratiques ont été instrumentées et le souhait de partager ce que l’on a fait avec un autre que soi a entraîné le développement de nombreuses bases de ressources. Dans cette perspective, les enseignants ont été amenés à exprimer par écrit, sous différentes formes, le déroulement de ce qu’ils comptent faire ou de ce qu’ils avaient fait afin de le mutualiser et de le partager avec des praticiens de leur communauté de pratique. Le résultat « écrit » peut être appelé « scénario pédagogique » et constitue l’objet central de nos travaux. Dans ce contexte, nous nous intéressons plus particulièrement aux modalités et aux conditions favorables à la conception des scénarios pédagogiques durant la phase de préparation du processus de conception pédagogique.

Dans cet article, nous soulignons la difficulté à cerner le concept de scénario pédagogique perçu différemment d’une communauté à l’autre. Nous décrivons le scénario pédagogique selon ces deux visions et nous approfondissons la définition du concept de scénario pédagogique telle qu’elle peut être exprimée au travers des différents travaux de recherche. Nous proposons un modèle de contraintes pour l’élaboration de scénarios pédagogiques reposant sur quatre paradigmes : genèse, réception, explicitation et orientation. Nous nous centrons plus particulièrement sur le paradigme d’explicitation et nous présentons une proposition de formalisme, la méthode des Pléiades que nous confrontons à un scénario existant.

Le concept de scénario pédagogique

Pour les praticiens appartenant à une discipline ou à une communauté de pratique, il désigne la description écrite, structurée et partageable de ce qu’un enseignant prévoit de faire ou a fait. Pour le monde scientifique, notamment dans le domaine de l’informatique appliquée à l’éducation, le concept de scénario est vu comme « un ensemble ordonné d’activités, régies par des acteurs qui utilisent et produisent des ressources » (Paquette, 2005) ; il peut être formalisé afin de permettre son opérationnalisation sur une plate-forme.

Le concept de scénario dans le champ des praticiens

Le concept de scénario pédagogique s’exprime dans les pratiques enseignantes par des initiatives personnelles visant à mieux expliciter, pour les apprenants, les intentions pédagogiques, et à mettre en place des situations actives d’apprentissage.

L’apparition des supports numériques et des situations d’apprentissage à distance a

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accéléré cette évolution en déplaçant les notions d’espace, de temps, de rôles, de ressources et d’activités et en incitant les enseignants, notamment dans un contexte à distance, à structurer et planifier de façon plus détaillée leur cours afin de gérer une complexité nouvelle et d’anticiper le processus d’apprentissage. Le scénario se présente dans ce contexte comme un modèle de la situation et résulte d’un processus de scénarisation.

Le terme « scénario pédagogique » n’est cependant pas unanimement utilisé dans le monde académique français et se trouve fortement concurrencé par le terme de « séquence pédagogique » très usité en formation des enseignants. Le monde anglo-saxon de l’éducation privilégie le terme de lesson plan (Leleu-Melviel et al., 2002).

On assiste à l’émergence de communautés de pratique (Wenger, 1998) autour de la scénarisation avec un répertoire partagé de ressources (prototypes, maquettes, routines, mots, outils, procédures, histoires, gestes, symboles, concepts). Ce répertoire est différent d’une « plate-forme servant de base à un consensus collectif ».

Ainsi, dans la communauté d’enseignants du projet Hélios1, le but est de permettre le partage d’objets pédagogiques variés sur les langues anciennes et la réutilisation de l’expertise pédagogique afin de diversifier les pratiques pédagogiques. L’intérêt de ce projet est d’aller au-delà de la mise à disposition des contenus. Les scénarios pédagogiques proposés en langues anciennes intègrent aussi des dimensions de mise en œuvre pédagogique. Ils deviennent des outils d’animation et d’accompagnement disciplinaire de communautés de pratiques, participant ainsi à la construction et au développement de compétences nouvelles des enseignants.

Ces scénarios sont pour la plupart proches des fiches de préparation organisées autour d’un ensemble de rubriques récurrentes (objectif, compétences, déroulement, etc.).

Dans le monde scientifique, et notamment dans les domaines de l’informatique appliquée à l’éducation tels que l’ingénierie pédagogique, et les Environnements Informatisés pour l’Apprentissage Humain, le concept de scénario pédagogique est perçu de manière un peu différente.

Le concept de scénario dans le champ de la recherche des EIAH et de l’ingénierie pédagogique

Nous faisons le point sur l’intérêt relativement récent de la communauté scientifique européenne pour les scénarios et sur la définition du concept de scénario pédagogique tel qu’il s’exprime dans la communauté scientifique.

1. http://helios.fltr.ucl.ac.be/presentation_helios.htm

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État des recherches sur les scénarios pédagogiques

L’intérêt pour les scénarios pédagogiques s’est exprimé dans le contexte de l’e-formation en Hollande (Koper, 2001) ce qui a contribué à remettre les activités des acteurs et leur orchestration au centre des préoccupations.

Au Québec, dans le courant de l’ingénierie pédagogique (Paquette, 2002), les scénarios ont été également abordés comme un composant central du traitement pédagogique intervenant dans les phases de modélisation des connaissances, de traitement médiatique et de diffusion.

L’intérêt pour les scénarios pédagogiques s’est aussi développé au sein d’une communauté de chercheurs francophones en EIAH (Environnements Informatisés pour l’Apprentissage Humain). Cet intérêt pour la scénarisation et les scénarios est souligné par la présence de l’augmentation des contributions sur les scénarios entre les colloques EIAH de 2003 et de 2005. Dans ces travaux, les scénarios pédagogiques sont envisagés sous l’angle de la conception (Brassard et Daele, 2003), de leur formalisation en vue d’une partielle automatisation (Pernin et Lejeune, 2004, Ferraris et al., 2005), de systèmes-auteurs (Guéraud, 2006). La notion de scénario est liée à la notion de traces, ces dernières pouvant contribuer à l’évolution du scénario dans le temps, soit de manière dynamique, soit de manière asynchrone selon une perspective de réingénierie.

Définitions du scénario pédagogique

Nous présentons dans les paragraphes suivants toute une série de définitions issues des différents travaux actuels sur les scénarios pédagogiques en fonction du domaine de recherche d’origine.

Domaine des EIAH

« Un scénario se définit comme une description effectuée a priori et a posteriori, du déroulement d’une situation d’apprentissage visant l’appropriation d’un ensemble précis de connaissances, en précisant les rôles, les activités ainsi que les ressources de manipulation des connaissances, outils, services et résultats associés à la mise en œuvre des activités » (Pernin et Lejeune, 2004).

« Le scénario a un triple rôle : il définit précisément l’activité proposée aux apprenants sur l’OPI (Objet Pédagogique Interactif) ; il spécifie également le contrôle qui sera fait de la progression de l’apprenant durant cette activité ; il détermine enfin l’assistance pédagogique qui lui sera fournie automatiquement en fonction de sa progression. Notre concept de scénario est (a priori) distinct du concept de « scénario d’enchaînement pédagogique » souvent présent dans les plates-formes de Formation Ouverte et à Distance. Un scénario d’enchaînement permet de spécifier comment vont s’enchaîner les différentes activités pédagogiques alors que notre scénario concerne une activité (exploitant un OPI) et permet de

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suivre la progression d’un apprenant vers l’objectif fixé par celle-ci. » (Guéraud, 2006).

Domaine de l’ingénierie pédagogique

« Par le design de scénarios pédagogiques, le concepteur établit les liens entre les sources d’information et les différents acteurs. […] Le concepteur prévoit les types de communication, les stratégies pédagogiques, les modes de collaboration entre les acteurs » (Paquette et al., 2003).

« Le scénario pédagogique se compose de deux autres scénarios [scénario d’apprentissage et scénario d’assistance] et consiste « à décrire l’activité ou les activités propres à l’apprentissage et à l’assistance, les ressources requises pour réaliser les activités et les productions qui devraient en résulter. […] Un scénario d’apprentissage est l’« ensemble des activités destinées aux apprenants et organisées en un tout cohérent ; à ces activités, on greffe les instruments offerts comme supports aux activités (instruments-intrants) et les instruments à être réalisés par les apprenants (produits) » (Paquette et al., 1997).

Domaine de l’ingénierie de formation

« Un scénario se définit par une séquence orchestrée de phases […] dans lesquelles les apprenants ont des tâches à effectuer et des rôles spécifiques à jouer » (Schneider et al., 2003).

« Le scénario pédagogique est la partie d’un dispositif de formation qui décrit le déroulement des activités d’enseignement et d’apprentissage. Le dispositif met à la disposition du scénario des moyens logistiques et des ressources (techniques, humaines, administratives, etc.) pour être mis en œuvre. […]. Le dispositif de formation s’insère lui-même dans un contexte institutionnel donné en lien avec des besoins exprimés par la société ». (Daele et al., 2002).

« Le scénario pédagogique est vu comme « le résultat du processus de conception d’une activité d’apprentissage », processus s’inscrivant dans un temps donné et aboutissant à la mise en œuvre du scénario. Dans un scénario, on trouve donc des objectifs, une planification des activités d’apprentissage, un horaire, une description des tâches des étudiants, des modalités d’évaluation qui sont définis, agencés et organisés au cours d’un processus de design. » (Daele et al., 2002).

« Les scénarios pédagogiques ne se veulent pas directifs mais indicatifs. Ils ont pour fonction d’aider les enseignants à exploiter des outils ou des documents disponibles, non de leur imposer certaines démarches. Des outils pour la classe, souples et ouverts, qui proposent sans imposer, guident sans enfermer. […] La métaphore du « scénario » indique qu’il s’agit de la « mise en scène » d’un texte ou d’un produit (qui n’est pas forcément à visée didactique), autour d’objets à

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apprendre […], dans une situation construite […], dans un déroulement qui intègre des tâches servant des objectifs généraux […] »2.

Bilan sur le concept de scénario pédagogique

Nous voyons donc qu’il existe différents points de vue sur le concept de scénario pédagogique. Ce dernier est encore pour l’instant porteur d’ambiguïté dans la mesure où, en fonction du contexte, dans lequel il est utilisé, il a le même signifiant, mais non le même signifié. Pour les uns, le signifié est une description écrite et statique d’un déroulement prévu ou antérieur. Pour les autres, sous l’influence de travaux en ingénierie pédagogique et sur les langages de modélisation pédagogique, le signifié est une description dynamique des différents composants du scénario (ressources, activités, acteurs, etc.) et de leurs interactions qui permet une opérationnalisation et une exécution automatique ou semi-automatique sur un support numérique.

Pour les praticiens, le point de vue est celui du partage et de l’échange de ressources et de connaissances pédagogiques. L’intérêt est alors de pouvoir disposer d’un moyen d’expression grâce auquel ils pourront décrire ce qu’ils ont fait de la manière la plus organisée possible pour être compris par des collègues. Pour les chercheurs, le point de vue est celui de l’appréhension et de la gestion du cycle de vie du scénario pédagogique. L’intérêt se porte sur l’élaboration d’outils informatiques facilitant la tâche de conception des praticiens de la formation.

Actuellement, des travaux scientifiques commencent à s’intéresser de plus en plus aux usages (Villiot-Leclercq et Pernin, 2006), aux phases amont de conception et à la définition, avant toute chose, des processus métier (Emin et al., 2007), rapprochant ainsi praticiens et chercheurs.

D’un point de vue théorique, le scénario pédagogique se présente comme un objet aux multiples facettes et dont la conception implique la prise en compte d’un ensemble de contraintes, notamment si le scénario doit être opérationnalisable sur un ENT (Environnement Numérique de Travail). Dans la partie suivante, nous proposons un modèle théorique qui repose sur la prise en compte de quatre contraintes de conception pédagogique.

Modèle de contraintes pour la conception des scénarios pédagogiques Modélisation et démarche de recherche

Nous replaçons notre démarche de recherche dans la lignée des travaux qui mettent en avant la place centrale de la construction et de la validation de modèles. Baker (2000) définit trois rôles des modèles en EIAH : le modèle est un outil scientifique (support de compréhension), le modèle peut être le composant d’un système (le

2. http://www. cndp. fr/tice/animpeda/pourquoi. htm

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modèle de l’apprenant par exemple), le modèle peut être une base pour la conception.

Il définit plus précisément les relations et les interactions entre théorie, modèle et champ expérimental et en souligne les complémentarités. Nous plaçons notre travail dans ce troisième type de modèle en nous appuyant sur la distinction de Le Moigne (1987) qui associe au concept de modèle deux paradigmes, celui de la découverte et celui de l’invention : soit le modèle dévoile le réel, la connaissance étant donnée comme préexistante à notre intervention, elle est alors objet ; soit le modèle permet de construire des représentations intelligibles, et la connaissance est une connaissance- projet, en devenir. Les modèles, dans le cas d’une connaissance-objet, sont des modèles d’explication et de compréhension, tandis que, dans le cas d’une connaissance-projet, les modèles produits sont des modèles d’interprétation et des modèles de représentations opératoires qui « servent à faire ».

Notre recherche se situe plus particulièrement dans ce second paradigme pour lequel construire la connaissance-projet, c’est « inventer, concevoir », c’est

« chercher ce qui n’existe pas et pourtant le trouver ».

Proposition d’un modèle de contraintes pour construire les scénarios pédagogiques

Nous proposons d’envisager quatre contraintes majeures à la conception du scénario. Le terme « contrainte » n’est pas pris dans son sens négatif « état de gêne, d’asservissement » mais dans le sens positif « d’un effort volontaire pour prendre en compte un ensemble d’éléments essentiels ».

Nous listons les contraintes puis nous les détaillons dans le schéma et les paragraphes suivants :

Scénario Contrainte de genèse

Contraintes de réception Contrainte d’explicitation

Mise en mots (écriture)

• Mise en forme (formalisation)

Contrainte d’orientation Orienté par les intentions Orienté par les contextes

régit

régit régit

régit Processus de scénarisation

Figure 1. Modèle de contraintes pour la création de scénarios pédagogiques

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– contrainte de genèse ; – contrainte de réception ; – contrainte d’explicitation ; – contrainte d’orientation.

Ces différentes contraintes sont inter-reliées au sein du processus de scénarisation (figure 1).

Nous détaillons dans les paragraphes suivants chaque contrainte et leur impact sur la création de scénarios pédagogiques.

Contrainte de genèse

Le scénario pédagogique s’inscrit dans une histoire, sa propre histoire, et en ce sens il possède une genèse, ce temps où le scénario était un avant-texte et existait seulement dans l’espace mental de l’enseignant. Le terme « genèse » vient de genesis « naissance, génération » et marque à la fois ce point zéro de la conception où tout a commencé mais aussi le processus de maturation par lequel le scénario s’est formé. Cette maturation est associée à d’autres contraintes externes, comme la contrainte de réception.

Contrainte de réception

Le scénario n’est pas un objet fini car, une fois créé, écrit et mis en forme, il est amené, comme une œuvre littéraire (Eco, 1994), à être prolongé par l’interprétation qu’en fera un autre enseignant ou un apprenant dans un autre contexte lors de sa réception. Le sens du scénario sera alors actualisé par un nouveau lecteur, qui projettera son propre horizon d’attente (Jauss, 1978). Un fort lien se crée entre l’auteur, l’œuvre (ici le scénario) et le lecteur (un autre enseignant, un apprenant).

Nous nous appuyons ici sur les travaux sur la réception de l’école de Constance.

Dans ces travaux, l’horizon d’attente est considéré comme un fait social plus qu’individuel. Il dépend d’une époque, d’un contexte. Dans le cas du scénario, la réception d’un scénario donné sera différente aujourd’hui et dans cinq ans ; la réception sera différente d’une communauté de pratique à l’autre (enseignant/concepteur pédagogique ou enseignant du secondaire/enseignant du supérieur).

Enfin, la distance qu’introduisent les formations en ligne ou de type auto- formation induit de fait une interprétation du scénario pédagogique encore plus marquée. Son auteur en est en quelque sorte dessaisi de façon plus marquée que dans des situations d’apprentissage en présentiel où il peut réajuster l’interprétation qui en est faite, le récepteur prenant en partie la place laissée par l’auteur. C’est l’interprétation du récepteur, la signification dont il va investir le scénario, qui va prévaloir. Ce dernier s’en trouve en quelque sorte modifié.

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Dans nos travaux, nous nous intéressons plus particulièrement à la contrainte d’orientation et d’explicitation et ce que cela implique en termes d’expression des scénarios par des enseignants.

Contraintes d’orientation

Le terme « orientation » est pris dans le sens « action de donner une direction déterminée » à l’acte de conception. Ce processus d’orientation est un processus complexe car de nombreux paramètres entrent en ligne de compte dans un choix d’orientation. Nous avons voulu mettre en évidence deux concepts qui nous paraissent essentiels : le contexte et l’intention. Nous nous attarderons plus longuement sur le concept d’intention qui nous paraît pour l’instant peu présent dans les différents travaux sur la conception de scénarios pédagogiques.

Contextes

Le terme « contexte » vient du latin contextus, « assemblage » et de contexere

« tisser avec ». Il se comprend comme « un ensemble de circonstances dans lequel s’insère un fait ». La maturation du scénario est orientée par un ensemble de paramètres tels que le domaine des connaissances à acquérir, le profil du public (niveau, spécificités, motivation, degré d’autonomie, etc.), la situation d’apprentissage (en présence, à distance, hybride), les modalités d’apprentissage (individuel, collaboratif), les préférences de l’enseignant pour certaines approches pédagogiques.

Ces données contextuelles relèvent de l’existence d’une situation d’apprentissage donnée et dont il faut tenir compte et sont complétées par des données intrinsèques et propres à l’enseignant qui permettent au processus de genèse de s’engager véritablement.

Nous distinguons le contexte d’apprentissage, c’est-à-dire le contexte dans lequel le scénario va être « joué » par des élèves, et le contexte de conception de ce scénario (conception individuelle versus conception collaborative au sein d’une équipe pédagogique ; conception ex nihilo versus conception par réutilisation d’un scénario existant ; conception avec un support papier versus conception dans un contexte d’instrumentation technologique, etc.).

Les intentions

Nous préférons la forme plurielle « les intentions » à la forme au singulier dans la mesure où nous pouvons identifier différents types d’intentions et où une orientation se fait à partir d’un ensemble d’intentions difficiles à démêler les unes des autres tant elles sont dépendantes.

Les intentions correspondent aux représentations que l’enseignant se fait sur la façon dont l’élève apprend. Dans cette perspective, elles relèvent du cognitif, des représentations mentales. Les intentions se pensent à la fois dans une logique

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pédagogique « comment ? » et dans une logique de connaissance afin de définir les modalités du travail sur et avec le savoir.

Les intentions orientent fortement, dans notre modèle, le processus de genèse et régissent par là-même le processus d’explicitation.

Contrainte d’explicitation

Dans notre modèle, le processus d’explicitation se définit au travers des deux sens du terme « explicite » : « qui est réellement exprimé, formulé » et « qui est suffisamment clair et précis ». Dans le processus d’explicitation, le scénario est tout d’abord mis en mots des intentions, il est un objet « écrit ». Il doit ensuite être mise en forme pour pouvoir être reçu et interprété par d’autres personnes le plus aisément possible. En ce sens, le processus d’explicitation repose sur une démarche de mise en forme et de formalisation qui peut être comprise comme la réduction « d’un système de connaissances à ses caractères formels ».

Cette mise en forme est fortement orientée par le contexte et les intentions. Ces dernières s’explicitent au travers de multiples approches pédagogiques répertoriées à partir des travaux de Paquette (2002), du catalogue Tecfa Seed3 et des travaux menés par les chercheurs du LICEF4 dans le cadre de définitions de « tactiques pédagogiques » au sein de l’AGD5. Nous proposons une liste non exhaustive des différentes approches :

(1) l’exposé, (2) le questionnement didactique, (3) la formation de concept, (4) l’enquête, (5) l’enquête déductive, (6) l’enquête inductive, (7) la discussion, (8) les questions-réponses, (9) l’apprentissage coopératif, (10) la simulation, (11) la visualisation guidée, (12) les exercices, (13) les contrats, (14) le débat, (15) le colloque, (16) la démonstration, (17) l’étude de cas simple, (18) l’étude de cas complexe, (19) l’exercice, (20) l’exposé formel, (21) l’exposé informel, (22) le clip, (23) l’exposé multimédia, (24) le groupe de discussion, (25) le remue-méninges, (26) la résolution de problèmes, (27) les séminaires, (28) l’apprentissage par didacticiel, (29) le jeu de rôle, (30) le jeu éducatif, (31) la présentation de synthèse, (32) le travail dirigé, (33) le projet, (34) l’enseignement programmé, (35) la conférence, etc.

Les approches pédagogiques s’expriment concrètement par le choix de stratégies d’enseignement et d’apprentissage. Lasnier (2000) propose des banques de stratégies d’apprentissage et d’enseignement qui peuvent constituer des boîtes à outils pour l’enseignant, mais aussi pour l’apprenant, si les stratégies d’apprentissage lui sont clairement explicitées. Pour élaborer ces banques, il s’est

3. http://tecfa.unige.ch/proj/seed/catalog/net/catalog.pdf

4. Laboratoire d’Informatique Cognitif et Environnements de Formation.

5. AGD (Atelier de Génie Distribué) qui vise à soutenir l’élaboration de scénarios pédagogique.

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appuyé sur de nombreux travaux à la fois de terrain et scientifiques. Il propose de distinguer quatre catégories de stratégies :

– les stratégies magistrales (exposé, démonstration pratique),

– les stratégies de travail individuel (pratique autonome, session de travail individuel, apprentissage par problème),

– les stratégies interactives (groupe de discussion, jeu de rôle, modelage, pratique guidée, apprentissage pas à pas),

– les stratégies socioconstructivistes (enseignement par les pairs, tutorat, travail en équipe, apprentissage coopératif, apprentissage par projets, étude de cas).

Il propose également une banque des stratégies d’apprentissage dans laquelle il distingue :

– les stratégies cognitives (activation, acquisition, élaboration, organisation des connaissances, intégration, transfert),

– les stratégies affectives (réception, motivation, gestion du stress, coopération, résolution de conflit),

– les stratégies de gestion (temps, ressources matérielles, ressources humaines, environnement),

– les stratégies métacognitives (planification, contrôle, régulation et évaluation).

Les combinaisons sont multiples et permettent de mettre en place des situations variées. Par exemple, « on peut augmenter l’efficacité des stratégies d’enseignement par l’utilisation de certaines stratégies agencées les unes par rapport aux autres comme par exemple la progression : modelage, pratique guidée, pratique autonome » (Lasnier 2000, p. 108).

Le choix d’une stratégie d’enseignement, tout comme celui d’une stratégie d’apprentissage, relève des intentions de l’enseignant et d’un ensemble de paramètres de la situation d’apprentissage : le profil de l’élève, le type de tâche, les connaissances en jeu, les objectifs pédagogiques, les compétences initiales et visées, la présence ou non de supports numériques, etc. Les approches pédagogiques et les stratégies d’apprentissage existent en soi et leur intervention dans la construction d’une situation d’apprentissage n’intervient que dans la mesure où elles sont associées à une intention pédagogique et didactique, celle de l’enseignant.

Dans cette perspective, les approches et stratégies dépendent fortement des intentions que sont la part de l’auteur, de l’enseignant dans le scénario mis en forme et explicité. Cependant, une fois explicité, le scénario échappe à son auteur et peut être reçu et interprété différemment des intentions premières de l’auteur.

Enjeux de la contrainte d’explicitation

La contrainte d’explicitation permet en situation de conception pédagogique de rendre audibles et visibles à soi ou à un autre que soi les intentions sous-jacentes.

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L’autre peut être un élève ou un autre enseignant appartenant ou non à la même communauté de pratique. En ce sens, expliciter permet de se faire comprendre et de partager). L’explicitation du scénario permet aussi de rendre lisible le scénario pédagogique par des infrastructures logicielles au travers de langages de modélisation actuels comme LDL (Martel et al., 2007) ou IMS LD afin qu’elles puissent réaliser son opérationnalisation sur une plate-forme. Cette opérationnalisation s’avère particulièrement pertinente dans un ensemble de situations instrumentées (classe virtuelle, campus en ligne, etc.).

Nos travaux actuels portent essentiellement sur le processus d’explicitation et plus particulièrement sur la formalisation du scénario orienté par les intentions.

Suite à un travail de recherche et de développement mené en association avec des usagers (Villiot-Leclercq, 2007), nous avons élaboré un formalisme d’expression des scénarios orienté par les intentions qui permet de donner une forme concrète à la contrainte d’explicitation et de formalisation. Nous la présentons rapidement dans le paragraphe suivant et nous l’illustrons par une étude de cas.

Expliciter un scénario par le formalisme des Pléiades : présentation et étude de cas

Formalisme des Pléiades : principes et fondement théorique

Ce formalisme repose sur le principe que le scénario peut être perçu a priori et a posteriori comme un ensemble d’entités qui ont un sens ensemble ou indépendamment pour chacun d’entre nous, selon notre perception personnelle et selon nos intentions respectives. Ces entités sont constituées d’une activité ou d’un regroupement d’activités d’apprentissage qui font sens les unes par rapport aux autres, mais aussi en fonction des intentions des enseignants. Cette approche trouve son ancrage théorique dans les approches cognitives, et notamment celle de la théorie de la forme « Gestalt theory » (Guillaume, 1979). Ce fondement théorique est plus longuement défini dans (Villiot-Leclercq, 2008).

Dans notre formalisme, différentes granularités ont été définies à partir de la métaphore des Pléiades : une étoile est une activité élémentaire, une pléiade est un ensemble d’activités élémentaires, une constellation est un ensemble de pléiades et d’activité élémentaire. Ainsi défini, chaque grain est perçu comme une entité signifiante.

Dans le formalisme des Pléiades, l’explicitation du sens se fait, pour chaque entité, au travers de valeurs données à des propriétés génériques. Ces dernières permettent de décrire certains aspects du scénario, notamment les choix pédagogiques qui ont été faits (stratégie d’apprentissage, stratégie d’enseignement, temps, etc.) et de décrire l’organisation du scénario et l’interaction des différents éléments du scénario (les constituants, ordonnancement des activités de l’entité, condition de démarrage, condition de clôture, implication des différents rôles dans

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l’entité, etc.). La propriété pivot étant la propriété « constituant », chaque constituant peut prendre le statut d’entité formalisable.

Étude de cas : formalisation d’un scénario narratif

Nous présentons une description de scénario extrait de la base disciplinaire

« Histoire-géographie » du site Educnet6. La figure 2 est la transcription exacte du scénario tel qu’on peut le trouver dans la base. La description est textuelle et elle apporte un certain nombre d’informations sur les activités d’apprentissage en jeu, les ressources, les acteurs impliqués, le temps, la problématique« comment l’historien interroge le passé en fonction de ses idées ou des préoccupations de son temps », les connaissances, l’intention didactique « faire comprendre qu’il y a plusieurs lectures d’un événement et que chacune apporte un éclairage différent ». Cependant, de nombreux implicites demeurent : les stratégies d’enseignement choisies, les stratégies d’apprentissage impliquées, la façon dont les groupes sont formés, certains aspects du déroulement et l’organisation de la dernière activité « l’assassinat du député Féraud » (qui la mène ? production attendue ?). A la fin, un fichier répertorie les ressources nécessaires pour le scénario mais les interactions entre les activités, les acteurs et ces ressources documentaires ne sont pas explicitées. Enfin, les références aux autres ressources sont indiquées de façon occasionnelle et entre parenthèses.

Ce travail d’analyse d’un scénario existant montre la difficulté pour un enseignant d’expliciter l’ensemble des interactions à l’œuvre dans un scénario et les intentions qui ont prévalu à l’élaboration de ce dernier au moment de la genèse.

Nous proposons de formaliser ce même scénario selon le formalisme des Pléiades. Dans cette approche, ce scénario forme une entité de granularité

« constellation » composée d’un ensemble d’étoiles et de Pléiades d’activités que nous nommons constituants : « Mise en situation », « Formation des groupes »,

« Analyse des documents », « Discussion dirigée », « Production », « Discussion dirigée ». Nous présentons sous forme d’arbre le scénario dans son ensemble, puis un grain « mise en situation » de ce scénario.

Dans l’arbre suivant (figure 2), le scénario « les historiens et la Révolution » est formalisé grâce à la définition d’une granularité, d’un ensemble de constituants et de propriétés.

6. Source : http://www.ac-strasbourg.fr/sections/enseignements/secondaire/pedagogie/

les_disciplines/histoire-geographie/lycee/histoire/la_terreur_en_second4798/

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Comment les historiens interprètent-ils cette période de la Révolution ? Un TP de 2h en classe de Seconde proposé par Emmanuel Noussis, Lycée Fustel de Coulanges.

Source : http://www.ac-

strasbourg.fr/sections/enseignements/secondaire/pedagogie/les_disciplines/hi stoire-geographie/lycee/histoire/la_terreur_en_second4798/

Ce TP vise à montrer aux élèves. Il ne s’agit pas bien sûr de le dénigrer mais de leur faire comprendre qu’il y a plusieurs lectures d’un événement et que chacune apporte un éclairage différent. Des arrière-pensées politiques peuvent exister chez certains historiens, elles doivent être examinées autant que l’événement lui-même. La leçon, qui peut être menée également en module dure 2 heures et s’organise en trois temps.

– Le professeur donne quelques explications notamment sur la situation de la France (carte dans tous les manuels) au début de l’année 1793 et sur les tendances politiques de la Ire République. (voir 2.)

– Ensuite, les élèves travaillent par binômes sur une partie des documents (2 ou 3) que le professeur leur propose par rangée en veillant à ce qu’il y ait au moins un texte d’historien et un document d’époque. Ils doivent en dégager les principales idées pour alimenter les thèmes déjà établis avec lui. Il reste à leur disposition pour toute explication nécessaire.

– Pendant la 2e heure nous procédons à une mise en commun. Les élèves proposent des réponses à partir de leur recherche et prennent des notes avec l’aide du professeur selon le plan thématique proposé :

1. Qu’est-ce que la Terreur, par qui et dans quel contexte a-t-elle été décidée ? 2. Quelles sont ses conséquences politiques, économiques et militaires ? 3. Comment les historiens l’interprètent-ils ?

La leçon se termine par une transition repérée dans le doc. 5: l’assassinat du député Féraud lors du soulèvement des sans-culottes (20 mai 1795) sous la Convention thermidorienne.

Qui gouverne à ce moment là ? Pourquoi les sans-culottes sont toujours mécontents ?

Les réponses seront apportées lors de la séance suivante sur la Convention thermidorienne et le Directoire : la bourgeoisie libérale tente de terminer la Révolution en réprimant les sans-culottes et les royalistes. (voir séquence « Révolutions et expériences politiques » sur le site académique).

La Terreur révolutionnaire.pdf -

Figure 2. Scénario pédagogique « les historiens et la Révolution française » répertorié dans la base Educnet Histoire

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Figure 3. Les composants formels du scénario : les constituants et leurs propriétés

Les propriétés définies sont des propriétés dont les valeurs ont des visées descriptives et organisatrices.

Les propriétés descriptives correspondent aux caractéristiques génériques du scénario. Les propriétés organisatrices permettent de mettre en interaction les constituants avec les acteurs (de la distribution), les ressources, les outils mais aussi la façon dont vont s’enchaîner ces constituants au travers de l’orchestration et des conditions de démarrage et de clôture.

Nous pouvons descendre plus en détail dans la description de chaque entité, chaque constituant. Nous le faisons pour la pléiade « mise en situation ».

Dans cette seconde représentation, nous montrons comment affiner avec la méthode des Pléiades la description de l’entité « mise en situation » et définir plus précisément son organisation.

Cette Pléiade (figure 4) constitue un ensemble d’activités de « mise en situation » qui permettent de préparer les élèves à être réceptifs à la suite du cours sur « la terreur révolutionnaire ». Nous avons choisi ici de la représenter sous un format graphique avec un outil de carte conceptuelle que nous contraignons en fonction du formalisme des Pléiades. Les boîtes carrées contiennent les termes appartenant au formalisme, les ronds avec les termes en italique contiennent ce qu’un enseignant aurait pu écrire avec ses propres mots en fonction de sa perception de ce premier ensemble d’activités à mettre en place.

Grâce à cette méthode de formalisation, certains aspects du scénario narratif ont pu être exprimés sous forme d’énoncés (en italique dans la figure 4) tout en étant reliés à des propriétés plus génériques.

Ces énoncés sont propres à chaque enseignant et permettent à chacun d’entre eux d’expliciter leurs intentions, mais aussi de définir la mise en action de ces intentions.

Cette mise en action correspond à l’expression des énoncés associés aux propriétés qui vont permettre d’exprimer des valeurs à portée organisatrice (« orchestration »,

« condition de démarrage et de clôture », « distribution »). Nous pourrions procéder de même et formaliser le constituant « analyse de la carte de France en 1793 ». Dans

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ce cas, les valeurs en italique vont être modifiées. Comme pour le grain

« constellation », les intentions pédagogiques et didactiques ont pu être explicitées au travers de l’ensemble des propriétés mais plus particulièrement au travers des propriétés de type « stratégies » telles que nous les avons présentées au travers des travaux de Lasnier (2000).

Figure 4. Formalisation avec la méthode des Pléiades du grain « mise en situation » du scénario « la terreur révolutionnaire »

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De l’explicitation à la formalisation : l’apport du formalisme des Pléiades aux enjeux de la formalisation

L’intérêt de ce formalisme est qu’il permet d’aller plus loin dans la mise en mots et dans la structuration formelle d’un scénario pédagogique. Cette dernière peut être essentielle dans des dispositifs d’apprentissage à distance ou hybride où les paramètres à prendre en compte sont nombreux et complexes à articuler ente eux.

Un autre intérêt est que cette structuration formelle peut être exploitée, soit dans une perspective d’indexation et de réutilisation, soit dans une perspective d’ingénierie.

L’enjeu de la formalisation dans une perspective d’indexation

Dans une perspective d’indexation et d’aide à la réutilisation, la structure formelle du scénario lui permet d’être indexé selon de multiples points de vue : temporel, modalités pédagogiques, connaissances, type d’activités, etc. Dans une perspective de réutilisation, la contrainte d’explicitation joue un rôle majeur dans la mesure où elle est la condition pour qu’un enseignant, qui interroge une base de données, trouve plus aisément le scénario voulu. Des recherches sur la réutilisation des objets pédagogiques et des scénarios ont montré qu’une des premières conditions de leur réutilisation était qu’ils puissent être recherchés, trouvés et sélectionnés en fonction de critères pertinents pour l’enseignant. En ce sens, le formalisme des Pléiades proposent via les propriétés descriptives un ensemble d’informations sur la granularité du scénario et les choix pédagogiques effectués qui peuvent être utilisés comme des métadonnées.

L’enjeu de la formalisation dans une perspective d’ingénierie et d’opérationnalisation

Dans une perspective d’ingénierie, qui va du processus de conception à celui de diffusion du scénario pédagogique à des apprenants, la structuration formelle permet d’envisager la diffusion du scénario sur des supports numériques tels que des environnements numériques de travail (ENT).

La transformation d’un scénario « écrit » en un scénario exécutable sur une plate-forme ne va pas de soi et pose un certain nombre de problèmes en termes d’opérationnalisation. Le scénario pédagogique formalisé doit pouvoir être compris et lu par des machines. C’est à cette condition que le scénario pourra être opérationnalisé sur une plate-forme. La contrainte d’explicitation doit en effet rester dans son application relativement proche des habitudes des enseignants, ce qui peut être difficilement réalisable dès que l’on s’approche d’expressions formelles.

En ce sens, le formalisme que nous proposons est un intermédiaire entre un mode d’expression de type narratif, proche de celui des enseignants et un mode d’expression « machine ». En effet, le formalisme des Pléiades maintient la

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création d’énoncés et leur mise en interaction, préservant ainsi l’expression du sens, à l’inverse d’un mode d’expression de type langage de modélisation où le sens, pour l’enseignant, est découpé et dispersé parmi une multitude d’énoncés déconnectés les uns des autres. La machine seule pourra recréer du sens à partir du modèle sur lequel elle s’appuie. Or, au moment de l’édition, l’enseignant doit pouvoir maîtriser, vérifier et faire émerger au travers de ses choix écrits,

« énoncés », le sens du scénario.

Conclusion

Dans cet article, nous avons fait le point sur le concept de scénario pédagogique dans différentes communautés et différents champs de recherche. Nous nous sommes intéressés plus particulièrement à la problématique de la conception des scénarios pédagogiques instrumentés en proposant un modèle de conception pédagogique par contraintes. Les contraintes retenues peuvent être organisées autour d’un premier axe « auteur/scénario/récepteur » et d’un second axe

« orientation/scénario/explicitation ». Dans le premier axe, la conception du scénario est envisagée selon les paradigmes de genèse et de réception. Dans le second axe, elle repose sur les paradigmes d’orientation intentionnelle et contextuelle et d’explicitation. Les deux axes interagissent l’un avec l’autre et sont au centre du processus de scénarisation.

Nous avons centré plus particulièrement notre propos sur la contrainte d’explicitation en proposant une méthode de formalisation des scénarios pédagogiques, la méthode des Pléiades que nous avons confrontée à un exemple concret de scénario. Nous avons voulu montrer comment ce formalisme propose une alternative à l’expression narrative des scénarios pédagogiques, souvent lacunaires et peu opérationnalisables sur des ENT, et l’expression difficilement appréhendable des langages de modélisation pédagogiques.

L’approche par modèle de contraintes permet de mettre au jour de nouvelles problématiques de recherche à approfondir sur la conception des scénarios telles que les rapports entre genèse et réception des scénarios, interprétation et adaptation, les liens entre expression narrative et expression formelle, mais aussi le statut même du scénario pédagogique qui peut être tantôt analysé comme une « œuvre », une création ou comme un objet de communication. Chaque problématique interroge alors l’intervention de différents domaines de recherche en sciences humaines (psychologie cognitive, approches herméneutique, pragmatique, linguistique) tout en les associant à des préoccupations relevant du champ de l’informatique afin de rendre ces scénarios pédagogiques éditables et instrumentables par les TICE.

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