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Article pp.327-351 du Vol.22 n°127-128 (2004)

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L’implication des journalistes dans le phénomène Le Pen (volume 1) Les interactions entre les journalistes et J.-M. Le Pen (volume 2) de Jacques LE BOHEC

par Stéphane OLIVESI

A l’heure où les normes de l’édition savante tendent à écarter a priori tout ouvrage de plus de 120 pages, on peut d’abord saluer l’auteur et son éditeur d’avoir eu le courage de proposer un travail de recherche exhaustif de près de 670 pages. Etait-il justifié de produire une prose si abondante sur un objet aussi circonscrit à savoir les relations entre J.-M. Le Pen et les journalistes ? Il faut reconnaître, dès à présent, qu’en raison de sa longueur, le travail de J. Le Bohec risque d’effaroucher le lecteur. Mais, comme on souhaite le montrer par la suite, il présente plus d’un intérêt : d’abord, pour la méthode au sens de la relation réflexive d’un chercheur confronté à un objet qui ne se laisse pas saisir sans une multiplicité de précautions ; ensuite, pour les éclairages en profondeur, loin des partis pris normatifs et des jugements sommaires, du phénomène médiaticopolitique « Le Pen » ; enfin, pour la compréhension élargie du monde journalistique qui en résulte.

Posture réflexive et construction d’objet

J. Le Bohec travaille depuis longtemps sur les rapports presse/politique. Son premier livre (Les rapports presse-politique. Mise au point d’une typologie

« idéale », L’Harmattan, 1997) portait déjà sur cet objet. Et son intérêt pour le leader du Front national remonte à ses premiers travaux « d’apprenti-

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chercheur », puisqu’il consacra un mémoire de fin d’étude aux électeurs du FN, suivi d’un mémoire de DEA. Cette continuité dans la recherche explique le caractère pleinement abouti de ce travail qui repose sur l’observation minutieuse, dans la longue durée, non seulement du « phénomène Le Pen », mais de la prolifération des discours journalistiques, militants et savants qui l’ont accompagné, participant ainsi à sa construction. Certains passages prêteront d’ailleurs à sourire, comme ceux qui rappellent utilement les morts politiques de J.-M. Le Pen, annoncées et promises, par des journalistes, transformés en pythies sous l’effet de leur auréole sondagière et de l’amnésie médiatique qui accompagne ces prophéties (T. 1, p. 156).

Dans son introduction, J. Le Bohec consacre plusieurs dizaines de lignes à parler de lui sous l’angle de son rapport à l’objet, non pour se justifier, mais pour préciser, « cadrer » ce qui l’a conduit ou poussé à s’y intéresser d’une manière scientifique et non pas politique ou militante. Ce genre de déclaration, peu courant dans la littérature scientifique française, même en anthropologie, nous conduit à rattacher cette étude aux longues monographies d’auteurs tels que ceux de l’Ecole de Chicago parce que ceux-ci n’évacuaient jamais la question toujours délicate de leur propre vécu d’acteur et de leur position d’observateur du monde social. Ce souci d’exhaustivité qui conduit l’auteur à s’expliquer sur ses choix (d’objet et de méthode), confère un caractère exemplaire à cette recherche pour tout

« apprenti-chercheur » qui s’interroge sur les manières de faire. Car si les manuels de méthodologies regorgent de conseils normatifs, leurs auteurs s’avèrent plus avares d’exemples probants qui, loin de chercher à faire croire en l’existence de recettes miracles, indiquent comment tel ou tel chercheur confronté à des difficultés de méthodes (d’ordre logistique, épistémologique ou éthique, sans oublier les censures structurales qu’autoexercent les chercheurs sur leur propre production) parvient à dégager des solutions viables. L’auteur souligne d’ailleurs, à juste titre, l’emprise des logiques mandarinales et leurs effets de clôture sur la production scientifique, car ces logiques conduisent à sacraliser les prés carrés, à orienter les recherches sur des voies déjà balisées et à délaisser certains objets qui, malgré leur intérêt et leur importance, n’entrent pas dans les comptes et mécomptes des dominants. Il confirme l’idée selon laquelle aucune recherche en sciences sociales ne peut se dispenser d’un travail réflexif sur les conditions objectives et subjectives d’objectivation et, plus précisément encore, sur la configuration sociale, les interdépendances et les relations de pouvoir dans lesquelles le producteur du savoir inscrit sa pratique de chercheur.

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La réflexion méthodologique qui irrigue les démonstrations conduit ainsi à écarter toutes les explications essentialistes du phénomène Le Pen.

J. Le Bohec montre que : d’une part, la sociologie électorale et les politologues surinterprètent les votes FN, en restant dépendant d’une vision autocentrée du jeu politique, qui les conduit à chercher les facteurs explicatifs dans une adhésion à des valeurs, à des options politiques, à des choix partisans ; d’autre part, les analyses du discours de J.-M. Le Pen, savantes et profanes, supposent que, par leurs qualités formelles ou par leur contenu, ces discours suscitent l’adhésion de l’électorat. Le souci de réflexivité permet ainsi de neutraliser certains présupposés essentialistes qui faussent l’objectivation du phénomène Le Pen. Il conduit à déjouer certaines explications sommaires : « Ces votes seront justifiés politiquement et perçus comme politisés par une série d’acteurs portant des lunettes politisantes : professionnels de la politique, journalistes spécialisés dans la politique, politologues et historiens de marketing, sondeurs de l’opinion publique, conseillers en marketing politique » (T.1, p. 264). La croyance essentialiste dans un sens politique du vote Le Pen est d’autant plus forte qu’elle est collective, partagée par la plupart des acteurs qui font le jeu politique et ont un intérêt objectif à ne pas interroger cette croyance constitutive du sens même de leur pratique. Mais le travail de J. Le Bohec ne se limite pas à objectiver ou à critiquer formellement cette croyance. Au moyen d’entretiens, il la confronte à ce qu’en disent réellement ceux qui ont voté Le Pen, soulignant au passage deux faits : la vision déformée de la réalité qui résulte de l’emprise des professionnels de l’opinion dont le discours pénètre le monde académique de la recherche (en particulier les sciences politiques) ; l’intérêt d’une investigation en profondeur qui, n’agissant pas dans le court terme et la précipitation, prend le temps de rencontrer des électeurs anonymes, c’est-à-dire ceux qui font les scores exceptionnels du FN aux élections et, non pas, les militants les plus en vue dont la surreprésentation

« médiaticosondagière » fausse la compréhension de la réalité du vote.

Les méfaits des politologues ne s’arrêtent pas là. Victimes, coupables d’une conception essentialiste du pouvoir, ils contribuent à diffuser des représentations fallacieuses ou, plus simplement, naïves des médias et de leur rôle, appréhendant ceux-ci en termes de « paysages informatifs » (T. 1, p. 140 et 160), comme s’ils ne faisaient que refléter la réalité ou décorer l’air du temps. En la matière, les routines savantes s’apparentent à de véritables obstacles épistémologiques. A l’encontre de la politologie, savante ou médiatique, mais toujours docte, qui résume la problématique de

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l’implication des journalistes dans la construction du « phénomène Le Pen » à l’alternative coupable/innocent, J. Le Bohec démontre que « la focalisation des journalistes sur le FN n’est ni la cause, ni la conséquence du phénomène Le Pen : elle figure au rang des divers processus sociaux qui ont participé en simultané à sa sociogenèse et donc à la réussite de l’entreprise politique collective menée sous la marque FN. » (T. 1, p. 204)

Les analyses consacrées aux discours du FN et de J.-M. Le Pen appréhendent également le phénomène en termes d’essence, comme si ces discours recélaient en eux-mêmes les principes explicatifs de la mobilisation sociale. Pour dégager une hypothétique cohérence idéologicopolitique, il s’agirait alors de triturer les propos de Le Pen pour comprendre qu’est-ce qui séduit, fascine, fait adhérer l’électorat, autrement dit de dégager cette essence du lepénisme, véritable principe explicatif et gage de la permanence de son identité. Or, ce que montre l’analyse contextualisée des discours de J.-M. Le Pen, c’est qu’il n’existe rien de tel. Ces discours n’obéissent à aucune essence, à aucun principe idéologicopolitique bien établi, mais ils se plient à une structure relationnelle et des nécessités conjoncturelles conduisant le leader du FN à s’exprimer selon un principe tactique qui consiste à faire des coups médiatiques dont il tire ou espère tirer un profit politique. Si les études en communication ignorent trop souvent les apports de la sociolinguistique, elles communient plus fréquemment dans l’idéologie du corpus qui conduit à extraire les discours de leur contexte pour les réduire à du langage, comme si le discours qui est avant tout une pratique sociale, c’est-à-dire contrainte, pouvait encore être appréhendé de la sorte, après toutes les critiques du formalisme linguistique et, notamment, celles de M. Foucault et de P. Bourdieu. Cette propension à se méprendre sur le discours, sur sa fonctionnalité sociale et ses implications, et à réitérer une problématique de l’adhésion est d’autant plus répandue qu’elle ne fait que reproduire le point de vue des professionnels de la parole autorisée : « Il faut d’ailleurs voir tout ce que le rapport enchanté au discours écrit ou oral de plusieurs catégories d’agents sociaux (journalistes, hommes politiques, sémiologues, philosophes, etc.) doit au rôle pivot qu’il a dans leurs activités professionnelles respectives. » (T. 1, p. 26) Ces agents présupposent que tous les agents sociaux entretiennent un même rapport au discours et qu’ils partagent par conséquent leurs croyances dans la magie du verbe et ses vertus persuasives.

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La réflexion de méthode que propose les deux tomes du (ou des livres) de J. Le Bohec ne se présente pas que sous ce jour critique. L’abondance des sources résultant du travail d’investigation (entretiens auprès d’électeurs du FN, de journalistes, d’acteurs ainsi que de J.-M. Le Pen ; recueil d’articles et d’interventions médiatiques traitant directement ou indirectement du

« phénomène Le Pen » sur la longue durée ; mobilisation de toutes les sources scientifiques au-delà des clivages disciplinaires) démultiplie les ressources argumentatives. Diverses questions de méthode, de celles qui font la routine de la recherche, font l’objet d’un traitement instructif. Pour exemple, le parti pris consistant à restituer les propos enregistrés sans omettre toutes les imperfections, les approximations et les bredouillements propres à l’oralité déconcertera peut-être le lecteur, plus habitué à un lissage stylistique, surtout lorsqu’il s’agit d’acteurs dont il est convenu d’admettre qu’ils savent s’exprimer. Il invite le lecteur à s’interroger sur les situations d’interlocution et sur l’implication de l’enquêteur dans l’interaction. De la sorte, les restitutions apportent de nombreux éléments informatifs, souvent effacés par le travail de mise en forme ultérieur. Elles offrent aussi une certaine authenticité, inhérente à la prise en compte du vécu de la situation.

Bref, c’est « le métier de sociologue » qui est ainsi revisité.

Une sociogenèse du « phénomène Le Pen »

Problématiser le phénomène Le Pen en termes de mobilisation multisectorielle permet à J. Le Bohec de démontrer qu’une diversité d’acteurs, journalistes et hommes politiques, mais aussi saltimbanques, intellectuels et ecclésiastiques, a participé à sa construction, de manière parfaitement vertueuse. Il n’est pas jusqu’au champ religieux qui n’ait été amené à se structurer autour de ce phénomène comme enjeu avec, d’une part, un clair rejet des thèses du FN par une grande partie de la presse catholique et de l’épiscopat et, d’autre part, un positionnement nettement plus favorable à ces thèses par les intégristes catholiques. Mais au-delà de cet exemple, ressort la capacité du « phénomène Le Pen » à apparaître comme un enjeu de société sur lequel les agents sont amenés à se prononcer, lui conférant ainsi un surcroît de visibilité, parce qu’ils ont un intérêt direct ou indirect à faire œuvre de dénonciation. La contextualisation du phénomène Le Pen met au jour l’implication de divers acteurs (politiques et journalistes, mais aussi artistes, intellectuels, savants, ecclésiastiques,

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patrons, etc.) dans sa construction par leur positionnement en interaction directe avec lui, concourant ainsi à jouer un jeu dont il tire profit.

La mise en perspective historique complète l’objectivation sociologique. A l’appui de sa démonstration, J. Le Bohec rappelle opportunément les scores du FN du début des années 1980 en les mettant en regard de la couverture médiaticopolitique de ce parti. La surmédiatisation des scores très modestes obtenus par le FN dans deux communes françaises (sur 36 000) de faibles importances et peu représentatives en raison de particularismes locaux lors d’élections municipales partielles en 1983 ne manque pas d’interroger les logiques d’acteurs qui, mus par des intérêts liés à leur pratique professionnelle et leur positionnement, ont perçu une opportunité tactique dans l’existence d’une polémique, transformée en enjeu structurant. Ainsi

« à Aulnay-sous-bois en 1983, il n’y avait qu’un seul adhérent, mais Le Monde consacre une page au résultat ». (T. 1, p. 235) On n’épiloguera pas longuement sur l’intérêt objectif d’acteurs, situés à « gauche » dans l’échiquier politique, à faire du FN un objet de mobilisation militante afin de focaliser le débat public à leur avantage sur ce précieux « partenaire- ennemi ». Ces points d’histoire étant rappelés, l’essentiel de l’analyse de J. Le Bohec se concentre sur les modalités du passage d’une offre politique non crédible à une offre légitimée par les autres instances de consécration, à savoir journalistes et compétiteurs politiques. Là encore, ni calcul machiavélien, ni dérive, ni coupable, mais des stratégies d’actions, des interdépendances socioprofessionnelles et une conjoncture sociale, politique et médiatique qui conduit à instituer Le Pen dans le jeu politique pour en faire un acteur incontournable.

Moment essentiel dans la sociogenèse du phénomène, ce processus d’inclusion de Jean-Marie Le Pen dans le jeu politique est mis en parallèle avec le processus d’exclusion du candidat Coluche, peu de temps auparavant. Ce parallèle peut surprendre à première vue. Il éclaire pourtant bien la participation des journalistes dans la reconnaissance de J.-M. Le Pen comme danger pour la démocratie mais aussi, par conséquent, comme acteur politique crédible parce que ce dernier joue le jeu politique à la différence du saltimbanque qui sera immédiatement relayé au rang des simples farceurs.

Les journalistes n’ont évidemment pas été les seuls acteurs à participer à cette reconnaissance. Quelques acteurs politiques, parmi les plus visibles et les plus influents du milieu des années 1980 ont également contribué à reconnaître cet adversaire politique qui n’en attendait pas moins que d’être

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placé sous les feux croisés des projecteurs après sa longue traversée du désert des années 1960 et 1970. Mélange de calculs cyniques et d’intérêts aveugles, la promotion volontaire ou involontaire du FN par des acteurs politiques soucieux d’imposer sa présence de manière à modifier l’offre politique à leur avantage a ainsi concouru à sa légitimation paradoxale.

L’exemple le plus explicite est évidemment celui de l’action de F.

Mitterrand, non seulement pour que le leader du FN accède à l’écran, mais aussi pour que se structure un pôle de lutte anti-FN garantissant à ce dernier une publicité politique durable.

Complétées par les entretiens réalisés auprès d’électeurs du FN, les analyses de J.L. Le Bohec conduisent à appréhender le vote avant tout comme un effet d’offre, suggérant ainsi que l’électorat lepéniste (à l’exclusion des militants) adhère moins à un discours ou à des valeurs qu’il ne réagit à une offre « différente » ou « oppositionnelle », correspondant éventuellement à ses attentes par sa capacité à se démarquer des autres produits politiques.

Elles rompent avec les présupposés des politologues et d’une grande partie du public savant qui, invariablement, spéculent sur l’adhésion des électeurs à des thèses racistes et aux incongruités du leader du FN en matière de politique économique et sociale. « La vision fictive d’un dialogue en tête-à- tête présuppose une adhésion programmatique et idéologique des votants à la vulgate officielle ou officieuse des candidats. » (T. 1, p. 218) Seule en effet la transformation de la structure de l’offre politique sous l’effet d’intérêts convergents explique la rencontre conjoncturelle et déterminée du leader du FN avec un électorat prédisposé à l’entendre. Quant à la croyance durable en une adhésion massive de cet électorat « à des idées d’extrême droite », elle éclaire à la fois la représentation que les professionnels de l’opinion se font de « l’homme d’en bas », révélant au passage un imaginaire social guère plus évolué que celui de G. Le Bon, et la difficulté à s’émanciper de leur vision « politisante » du jeu politique.

Est-on par conséquent conduit à renouer avec la thèse d’un pouvoir des médias qui aurait contribué à imposer Le Pen en lui conférant une excessive visibilité ? L’objectivation du phénomène Le Pen en termes de mobilisation multisectorielle permet de déjouer cette réification d’un pouvoir médiacratique, en décomposant toutes les interdépendances et tous les jeux d’acteurs qui ont concouru directement ou indirectement à sa promotion.

Dans le prolongement d’analyses telles que celles d’E. Neveu et d’E. Darras, J. Le Bohec montre bien que ce pouvoir médiacratique n’existe que sous la

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forme d’un épouvantail théorique, brandit par des politologues soucieux d’imposer une croyance d’autant plus facilement admise qu’elle conforte le sens commun et correspond aux représentations intéressées de la plupart des autres acteurs impliqués dans le jeu politique. La contextualisation historique et politique de l’émission « L’Heure de vérité » du 13 février 1984 qui, rétrospectivement, reste dans les mémoires comme un des moments essentiels dans le développement du FN puisqu’il s’agit de la première émission consacrée à J.-M. Le Pen, permet de fortement nuancer son impact.

Par extension, l’analyse éclaire le travail des protagonistes – de J.-M. Le Pen au premier rang – visant à imposer a posteriori la croyance dans l’existence du rôle pivot de cette émission. Soucieux d’occuper le devant de la scène médiatique, le leader du FN ne pouvait que souscrire et promouvoir sa propre caricature de « bête médiatique » puisque celle-ci lui garantissait à la fois une aura certaine auprès de militants convaincus du charisme de leur chef et une carte d’entrée dans le monde des médias toujours enclin à accueillir un si bon client. Les journalistes communient, eux aussi, dans cette croyance pour des raisons d’ailleurs symétriques. La croyance en un pouvoir médiacratique s’apparente, pour eux, à une ressource tactique qui leur garantit de négocier en meilleure position avec des interlocuteurs dont ils dépendent. Il ne manque d’ailleurs jamais d’un herméneute, pas même d’un psychanalyste, pour corroborer cette croyance en « une attractivité électorale torride » du leader du FN.

Sur ce point encore, les analyses de J. Le Bohec s’apparentent à un véritable travail de désenchantement du phénomène Le Pen. Le personnage n’apparaît ni sous les traits d’un malin génie fascisant (répulsion), ni d’une bête médiatique (attraction), mais comme un agent que sa trajectoire sociale et professionnelle a pourvu de ressources limitées, ayant fortement fructifié dans le cadre d’une conjoncture particulière. Les familiers du Mozart de N. Elias identifieront certainement dans la démarche d’objectivation de l’habitus de J.-M. Le Pen une même volonté de comprendre la conduite de l’individu, son souci de s’afficher, son sens de la provocation, mais aussi son esprit « faluchard » par la prise en compte de sa destinée sociale comme creuset de la subjectivité. J. Le Bohec souligne ainsi de manière convaincante que bon nombre des traits de son comportement « son génie » s’expliquent par les formes de gratifications qu’il recherche comme par un effet mécanique de son habitus. Comme celles d’Elias, les analyses se risquent à tout moment à basculer dans une sorte de psychanalyse sauvage, notamment lorsqu’il est rappelé l’importance de la destinée du père de

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J.-M. Le Pen, comme si la singularité de celle-ci était de fait un élément de nature à expliquer le comportement ultérieur de ce fils unique revanchard.

Elles neutralisent cependant toutes les spéculations théoriques et psychologiques sur le caractère déterminé ou libre des actes de J.-M. Le Pen.

J. Le Bohec montre ainsi que, de manière ni vraiment réfléchie, ni totalement spontanée, J.-M. Le Pen joue dans sa communication, par son discours et ses manières d’être, sur la perception que les électeurs ont de certains signes sociaux, fonctionnant comme des marqueurs d’une identité de classe. Le leader du FN crée ainsi de « façon à la fois tactique (consciente) et dispositionnelle (inconsciente) » une sorte de complicité ou de connivence avec un électorat populaire qui peut reconnaître dans toutes ses performances transgressives l’expression d’une identité de classe rejetée par les journalistes (T. 2, pp. 86-87). Un autre enseignement ressort des entretiens menés avec J.-M. Le Pen et de l’analyse de ses interactions publiques avec des journalistes politiques. Ce dernier connaît d’une connaissance qui n’est pas qu’intuitive à la fois le métier de journaliste (il en a fait ponctuellement l’expérience) et la pratique des sondages d’opinion (il est diplômé de 3e cycle en science politique). Cette connaissance lui confère, non seulement un certain pragmatisme dont témoignent les propos recueillis par J. Le Bohec (T. 2, p. 59), mais des ressources tactiques pour neutraliser des journalistes qui, en situation d’interaction publique, ne parviennent pas toujours à imposer leurs règles du jeu à cet acteur qui déjoue leurs injonctions.

Des journalistes impliqués

En étayant la thèse selon laquelle les journalistes ne sont « ni innocents, ni coupables, mais impliqués à leur insu dans un processus interactionnel et intermittent caractérisé par des mobilisations multisectorielles… » (T. 1, p. 6), J. Le Bohec déjoue a priori toutes les explications mécanistes sommaires sur la culpabilité ou l’innocence de ces acteurs. Cette thèse implique de saisir conjointement et d’interroger divers phénomènes de manière à complexifier notre vision initiale des choses. N’est-ce pas là d’ailleurs la tâche que G. Canguilhem assignait au philosophe et que J. Le Bohec (qui n’apprécierait certainement pas d’être comparé à un philosophe tant il est vrai que toutes les logorrhées et tous les discours normatifs se rangent sous cette rubrique) pourrait attribuer à ce qu’il appelle

« le sociologue » ? Son problème se résume donc en ces termes : comment

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expliquer que des journalistes aient pu concourir aux succès électoraux d’un homme politique si ouvertement détesté et combattu par eux durant deux décennies ?

Scruter les pratiques permet d’observer que les oppositions manifestes, déclarées, dissimulent parfois des ententes tacites, basées sur des routines professionnelles et des interdépendances structurantes. Inviter à déjeuner celui qui fait l’objet de toutes les invectives, plus vertueuses les unes que les autres, ne se comprend pas seulement comme l’effet d’une contrainte déontologique, d’une routine professionnelle, d’un souci démocratique, mais comme l’expression d’un décalage objectif entre les intentions affichées et la réalité de comportements qui se plient à des logiques très éloignées de celles-ci (T. 2 , p. 146). La division sociale du travail journalistique et l’emprise d’un petit nombre d’acteurs dominants dans les choix éditoriaux expliquent aussi cette attitude paradoxale qui a conduit à écarter le travail d’investigation et d’enquête au profit de croisades moralisantes contre le FN dont les finalités inavouées et inavouables furent souvent très éloignées des objectifs initiaux (T. 2, p. 213).

La posture réflexive développée par les journalistes se traduit par un discours incessant sur eux-mêmes ainsi que sur la réalité de leur pratique. Leur implication dans le phénomène Le Pen n’échappe pas à cette règle. Aussi ces discours se laissent lire comme des rationalisations au sens freudien (T. 1, p. 71 et 85). J. Le Bohec traite à juste titre ces autojustifications et ces autocritiques comme une dimension constitutive de son objet d’étude pour deux raisons : elles structurent la perception que les journalistes ont d’eux- mêmes et de leur propre pratique ; elles s’imposent au chercheur comme des obstacles visant à déjouer toute autre forme de critique, déployée à partir d’un point de vue externe à la vision professionnelle. L’élaboration d’un discours éthique, pseudo-réflexif et autojustificateur, par des journalistes soucieux de neutraliser toute objectivation externe de leur pratique participe ainsi au phénomène Le Pen. Elle tend à dédouaner ces acteurs d’une réflexion portant sur les ressorts de leur implication dans ce phénomène, c’est-à-dire sur leurs manières routinisées de faire et de penser, sur leurs dépendances à l’égard de certaines catégories d’acteurs. Cette implication ressort pourtant clairement de certaines situations analysées par J. Le Bohec, telles que le conflit interne au mouvement lepéniste lors de l’affaire Mégret/Le Pen. Dans ce type de conjoncture, les acteurs se tournent vers les médias pour régler leur conflit interne, orchestrant des fuites, sollicitant

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l’attention des uns et des autres, multipliant les interventions publiques. S’ils n’instrumentalisent pas directement à leurs profits les médias, les acteurs politiques basent en tout cas leur stratégie sur leur implication directe comme moyen d’action positif ou négatif. Pour comprendre ce genre de situations, J. Le Bohec s’inspire surtout d’Elias et il les traite en termes

« d’interdépendance fonctionnelle élargie », avec un double profit : mettre ainsi au jour les déterminants de l’action des protagonistes et, complémentairement, saisir les raisons du décalage entre les représentations et les pratiques journalistiques.

Analysant les interactions publiques Le Pen/journalistes, l’auteur décompose aussi le déploiement de tactiques de stigmatisation à l’encontre du leader du FN, leurs présupposés et leurs conséquences éventuelles. L’habitus de classe de ces journalistes les conduit souvent à adopter des attitudes condescendantes, voire méprisantes à l’égard de cet acteur totalement atypique pour sa vulgarité, son côté « parvenu », ses origines provinciales, son mauvais goût affiché, sa gouaille, etc. (T. 2, p. 71-74). Il les conduit aussi à systématiquement sous-estimer ce dernier et, surtout, à méconnaître la perception de ces interactions ou de ces jugements par certaines catégories de public qui jugent selon un sens de classe qui les conduit d’autant plus facilement à s’identifier au stigmatisé que ce dernier ne s’en laisse pas conter et se transforme en vecteur fédérant leur propre mécontentement à l’égard des dominants.

Les analyses des interactions publiques Le Pen/journalistes s’inspirent de Goffman, notamment sous l’angle de la description des phénomènes, mais elles se fondent sur un modèle structurant, essentiellement dérivé de la sociologie d’Elias. Les relations d’interdépendance expliquent la dynamique des interactions. Ainsi, ce sont les logiques de comportements d’agents sous contraintes qui s’éclairent. On soulignera, au passage, tout l’intérêt d’une importation raisonnée des concepts et des modèles d’analyse de N. Elias appliqués à des situations de communication telles que les débats publics.

Les analyses de J. Le Bohec esquivent ainsi les deux écueils des travaux savants consacrés au journalisme : produire un discours bien fait pour fonctionner ensuite comme une idéologie professionnelle ; élaborer une vulgate dénonciatrice plus soucieuse de ses échos militants que de la mise en intelligibilité effective des pratiques.

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Au final, une conclusion ressort de la lecture des deux volumes : l’émergence ou la renaissance du phénomène Le Pen est bien le produit conjoncturel d’une redéfinition de l’offre politique sous l’effet des transformations du jeu politique. Professionnels de la politique, journalistes et politologues pris dans des jeux d’intérêts croisés et des formes d’interdépendance ont communié dans une même croyance, véritable prophétie autoréalisatrice, qui a conduit à reconnaître Le Pen comme acteur légitime, pour durablement ancrer sa présence dans l’espace médiatique et politique. Ce dernier, loin d’être le puissant stratège ou le théoricien d’une idéologie fortement mobilisatrice, apparaît comme un acteur politique opportuniste qui a su maximiser le profit de ses « coups » médiatiques et transformer en capital un habitus initialement décalé. Lecture décapante, neutralisant les mythologies savantes qui accompagnent l’analyse des phénomènes sociaux, cet ouvrage constitue un travail essentiel pour comprendre « le phénomène Le Pen ». Mais il est aussi un ouvrage qui va au-delà de son objet pour suggérer des enseignements de méthode et pour inviter les chercheurs à problématiser leurs objets sans reproduire les découpages académiques usuels qui interdisent le renouvellement de la connaissance.

Jacques LE BOHEC :

L’implication des journalistes dans le phénomène Le Pen, vol. 1, L’Harmattan, Coll. Logiques sociales, 2004.

Les interactions entre les journalistes et J.-M. Le Pen, vol. 2, L’Harmattan, Coll. Logiques sociales, 2004.

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Petits récits des désordres ordinaires d’Anne-Claude AMBROISE-RENDU par Jean-Pierre BACOT

Sous-titré « Les fait-divers dans la presse française des débuts de la IIIe République à la Grande Guerre », ce livre s’attaque à un sujet difficile, parce déjà plusieurs fois étudié par des historiens. Si l’ouvrage ne sombre pas, loin s’en faut, dans la banalité répétitive, c’est par sa rigueur et son originalité méthodologique qui n’en font pas pour autant un ouvrage austère.

L’auteure utilise, pour puiser les exemples dont elle parsèmera son analyse sémiologique et historique du phénomène fait divers, quatre grands quotidiens de l’époque choisie. Il s’agit du plus puissant des populaires : Le Petit Journal, du plus fort des journaux mondains : Le Figaro et de deux régionaux : La Dépêche de Toulouse et Le Petit Marseillais.

Dans sa première partie, Anne-Claude Ambroise-Rendu distingue deux étapes dans la mise en récit que construit le fait divers institué comme rubrique de presse. Elle note que deux déterminations se sont croisées d’entrée chez les auteurs de l’entre-deux-siècles qui usèrent de ce registre : la volonté d’informer le lecteur et celle de dramatiser l’événement d’une manière qui n’exclut pas son divertissement. En mettant en mots et en scène cette dramatisation, les rédacteurs spécialisés construisirent en peu de temps un nouveau type d’écriture journalistique.

L’auteure s’emploie ensuite à détailler les fonctions de l’événement qui alimentent cette production que la presse rend régulière, quasi continue. Elle lui assigne pas moins de six objectifs : rassurer, édifier, attendrir, conjurer, transgresser, neutraliser. Il s’agit en effet pour le chroniqueur de faits divers de mettre en situation de lecture tout une série de dysfonctionnements de la société qui seront exemplifiés par des événements pour proposer au lectorat populaire, en forte progression quantitative, un paysage social violent, mais, peu ou prou, maîtrisé. On le rassurera tout d’abord, face aux menaces environnantes, par la présence des figures de l’ordre ; on maintiendra le masculin dans sa puissance édifiante, face à l’innocence et à la vulnérabilité des femmes, des indigents, des enfants et des animaux. Cela s’effectuera à travers des récits qui permettront de déployer « toute une topique du sentiment » sur le mode principal de l’attendrissement. Quant à ce qu’il s’agit de conjurer, cela tient pour A.-C. Ambroise-Rendu, à une volonté persistante de vengeance populaire, mise en scène en creux par le traitement

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du fait divers, sous celui de la mise en acte de l’appareil de justice. Ce qu’il faut ensuite gérer, c’est une autre figure de la modernité, la transgression des convenances. Spectacles du corps et violence sexuelle en fourniront les modalités nécessaires, autant que codifiées. Viennent enfin la banalisation du mal ou son rejet dans la monstruosité, tout cela pour construire la chronique comme format d’écriture standardisé du fait divers, un « genre mineur et scandaleux (qui) surveille étroitement les représentations (qu’il) construit ».

A travers l’affichage de la violence et la prise en compte d’une transgression atténuée, le résultat de ces diverses opérations d’écriture et de formatage est d’abord, pour l’auteure, un processus d’édification des masses dans une certaine modernité, matinée d’archaïsme, comme en témoigne la notion de providence à laquelle le traitement journalistique du fait divers fait souvent appel comme facteur explicatif.

Dans une troisième partie, le livre étudie ce que A.-C. Ambroise-Rendu appelle « les figures de la menace », à travers quatre autres caractéristiques du fait divers : sa topographie, sa temporalité, ses acteurs et ses enjeux. Le lieu du crime ou de l’accident est le plus souvent situé à l’extérieur, dans l’espace public et, aussi imprécis soit-il dans sa description ou sa représentation, il est sujet d’une inquiétude, l’arrivée du chemin de fer ayant à ce titre étendu le champ du risque annoncé. Le rapport au temps du fait divers est tout aussi ambivalent que l’ensemble de son discours. Si tout est censé s’étioler de l’ordre social, celui-ci sera vite rétabli, le futur étant lourd de promesses, autant que d’inquiétudes, grâce, en particulier, mais aussi à cause de la technique. Quant aux acteurs mis en scène, le livre détaille leurs évolutions au cours des années, en fonction du contexte national et international, mais il pointe aussi la nette sur-représentation de l’homme par rapport à la femme, aussi bien comme sujet que comme victime d’un dérèglement de l’ordre social.

En dernier lieu, le livre s’attache à étudier à la fois l’utilisation choisie du fait divers par d’autres journaux de l’entre deux siècles que ceux qui ont servi d’exemple tout au long de l’ouvrage, notamment dans des logiques de dénonciation politique. A.-C. Ambroise-Rendu souligne alors la contagion que répand le style fait-diversier sur d’autres rubriques, en particulier sur le traitement de la politique au moment des grandes affaires, dont l’Affaire (Dreyfus). Elle repère in fine, quel que soit le support de presse, « des idéologies différentes pour un contenu commun », unité qui s’établit dès lors que recours est fait à ce style anecdotique qui introduit un type de narration,

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mais qui propose aussi, de manière constante, la représentation d’une altérité socialement dangereuse.

En conclusion, A.-C. Ambroise-Rendu revient sur une définition générale du fait divers et de son format rédactionnel comme un ensemble « ni réel, ni imaginaire, mais entrecroisant réalité et fiction (…) (un) objet culturel, appartenant au système de représentations qui caractérise une société ».

« Ambivalent, voire contradictoire, ajoute-t-elle, le monde de la chronique dévoile d’un côté le panorama des anxiétés fin de siècle (…) et, d’un autre côté, l’entrée dans la modernité de la culture de masse » (p. 309).

Le seul regret que l’on puisse formuler après lecture de ce livre très construit est une faible prise en compte de l’image, alors même que les titres choisis dans le corpus ont été dotés de suppléments illustrés au milieu de la période étudiée. Or, ces derniers sont à peine cités dans l’ouvrage. Leurs images ressortissent-elles à la même logique, longuement et habilement démontrée par l’auteure ? Cela restera à étudier. De plus, l’absence d’une mise en perspective internationale minimale nous semble affaiblir quelque peu la force de la démonstration quant à l’aspect essentiellement français de ce phénomène historique. Mais ces critiques pourraient se traduire positivement en ce que le livre qui approfondit, enrichit et renouvelle l’un des thèmes classiques de l’histoire de la presse, ouvre des perspectives comparatistes, pour ce que Roland Barthes, qu’A.-C. Ambroise- Rendu cite opportunément d’entrée de jeu, appelait « un témoignage capital de civilisation » qui ne fût pas que national.

Anne-Claude AMBROISE-RENDU, Petits récits des désordres ordinaires.

Les fais divers dans la presse française des débuts de la IIIe République à la Grande Guerre, Paris, Séli Arslan, 332 pages.

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Le métier d’illustrateur

Rodolphe Töpffer, J.J. Grandville, Gustave Doré de Philippe KAENEL

par Jean-Pierre BACOT

C’est parce que la recherche en histoire de l’art en matière d’illustration et de rapport texte/image s’est considérablement développée dans les dix dernières années, que Philippe Kaenel a décidé de refondre une œuvre parue en 19961 qui offre une lecture sociale de trois grands acteurs de l’illustration au XIXe siècle et, à travers eux, un éclairage sur un aspect peu fréquenté de l’histoire du livre et de la presse français.

Le panorama des réflexions théoriques récentes menées sur l’image que l’auteur dessine dans sa préface renforce en effet la crédibilité de ce que fut, au moment de leur parution, la puissance d’imposition des gravures dans l’imaginaire du lecteur. Dans le même temps, les éléments qu’il rappelle quant à la faiblesse institutionnelle des illustrateurs par rapport aux éditeurs et aux écrivains tracent ce qui sera l’économie de ce livre, l’inscription d’un métier dans un processus technique et économique en construction. Trois illustrateurs vont bénéficier ainsi d’un long développement, le Suisse Rodolphe Töpffer (1799-1846), les Français J.J. Grandville2 (1803-1847) et Gustave Doré (1832-1883), trois acteurs majeurs d’un double mouvement de vulgarisation des connaissances et de diffusion de l’art. Le seul reproche que l’on puisse faire à l’auteur, c’est d’avoir rétréci du coup de facto le concept d’illustrateur au métier de dessinateur, alors que l’on pourrait penser qu’il englobe l’ensemble des acteurs du processus d’illustration.

Dans un premier temps, Kaenel détaille la naissance de cette activité, ce qu’il appelle le temps de « l’illustration avant les illustrateurs », puis il note sa relance en pleine crise de l’économie du livre et de la librairie dans les années 1820, jusqu’à la confrontation de la reproduction par gravure et par photographie, sensible à partir de 1860. Il montre comment la hiérarchie financière et symbolique des positions s’est petit à petit modifiée par le volontarisme de certains illustrateurs situés presque au bas de l’échelle de production, juste au-dessus des graveurs auxquels il est fait souvent allusion dans ce livre et pour lesquels on peut rêver un travail comparable. L’auteur

1. Première édition chez Messene, Paris, 1996.

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inscrit les acteurs du processus éditorial à travers leur outil (la plume, le crayon, le burin) dans une double problématique de la collaboration, qu’on pourrait dire horizontale, et de la traduction, plus verticale. Une évolution esthétique, l’autonomie de l’allégorie, voire du symbole, véhiculée par certains illustrateurs, introduira une tension avec le modèle classique du monde de la littérature qui posait l’illustration comme seconde par rapport au texte, et, en tout état de cause, largement dénotative, installant le dessinateur en position de soumission.

Töpffer, qui aurait voulu être reconnu en Suisse comme écrivain et qui est parfois considéré aujourd’hui comme l’inventeur de la bande dessinée est le premier des personnages longuement analysés par Kaenel dans leur inscription en un milieu changeant. Töpffer se déplacera de Genève à Paris, oscillant entre plusieurs métiers. Demeurant romancier, mais devenant aussi grand dessinateur paysagiste, nous explique l’auteur, il aura souffert de blessures narcissiques qui l’auront amené à une attitude de fausse modestie contribuant à brouiller un talent qui ne pouvait se poser à son époque à l’endroit où il est aujourd’hui reconnu. La postérité lui a en effet permis de dépasser, par son

« simple » coup de crayon, bon nombre d’éditeurs, de peintres ou d’écrivains auxquels il eut à faire à son époque en position de faiblesse.

Plus encore que Töpffer, Grandville aura été le militant d’un métier, publiant de véritables manifestes, de régulières protestations, « nourries par une conscience aiguë de la position dominée de sa pratique dans le champ artistique, et de ses illustrations dans la hiérarchie des biens culturels » (p. 299). Collaborateur de Balzac, puis de très nombreux éditeurs dont Charton, grand ordonnateur de la première presse illustrée française, il verra son œuvre largement commentée de son vivant, jusqu’à la folie qui marquera la fin de sa vie. Il est aujourd’hui reconnu3 pour avoir donné une autonomie artistique à l’illustration d’un texte, une attitude qui lui vaut, quelque soutien que lui ait apporté sur ce point, en son temps, Baudelaire, une reconnaissance essentiellement rétrospective. Kaenel détaille les rapports difficiles que Grandville eut parfois avec les graveurs et les éditeurs et la confrontation qui fut également la sienne avec l’évolution des diverses techniques.

Si l’on connaît bien davantage Gustave Doré que ses confrères, tant son œuvre prolifique est dotée d’une bibliographie impressionnante, sans cesse

3. Voir, notamment, Annie Renonciat, La vie et l’œuvre de J.J., Grandville, Paris, ACR,

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enrichie, l’auteur nous rappelle que le créateur n’en fut pas pour autant heureux de son succès. Une tension s’est en effet très vite établie chez Doré, dès ses premiers dessins et gravures, en un vécu contradictoire qui le vit écartelé entre l’admiration que portait à certaines de ses œuvres un très large public et la frustration d’un artiste qui peinait à se faire reconnaître pour d’autres talents, essentiellement comme peintre et comme sculpteur. Prolixe et travailleur infatigable, Doré fut le premier à être soumis à la critique des gens de presse, pour éloge ou pour caricature et, rarement, pour quelques reproches. Kaenel met en parallèle sa trajectoire d’artiste bourgeois dans les années 1860 et celle du peintre Edouard Manet, confrontant le « plus illustre des illustrateurs » et le peintre de la modernité. Tous les deux illustrèrent Le Corbeau d’Edgar Alan Poe, le premier développant la tradition romantique du livre illustré de luxe, le second portant, avec l’arrivée du japonisme, l’émergence du livre d’artiste destiné à la mode et au marché.

En conclusion, Kaenel inscrit précisément la fin du XIXe siècle dans cette transition entre le livre illustré et le livre d’art qui allait profondément modifier le statut social et artistique des illustrateurs, dans une configuration technique qui aura également largement évolué. Le haut de l’activité se resserrera en effet sur l’édition de livres d’art de grand luxe, devenus objet de spéculation et qui souffriront du coup des conséquences de la crise boursière française de 1890. Partagé entre tenants de la tradition de la gravure reproductible et les romantiques, partisans de la lithographie originale, « ce métier (d’illustrateur) dominé et dénié » aura vécu à l’ombre des écrivains, des peintres, des éditeurs, c’est-à-dire sous la tutelle économique de la librairie et le surplomb symbolique de l’Art.

Pour proposer une histoire sociale de créateurs à demi-reconnus, pour confronter le regard qui fut porté sur eux à leur époque et celui de la critique d’aujourd’hui, ce livre enrichi mérite une place de choix dans une bibliothèque elle-même en voie d’enrichissement. Elle regroupe des études qui s’attaquent au monde du livre et de la presse illustrés, avec ses supports, ses acteurs, ses métiers. Plus intéressant encore, Kaenel considère comme objet d’étude sociohistorique l’évolution du regard posé au cours du temps sur cet univers.

Philippe Kaenel, Le métier d’illustrateur Rodolphe Töpffer, J.J. Grandville, Gustave Doré, Droz Collection « Titre courant », Genève, 2005.

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Se libérer de la matière. Fantasmes autour des nouvelles technologies de Bernadette BENSAUDE-VINCENT

par Sandrine VILLE

Bernadette Bensaude-Vincent, professeure d’histoire et de philosophie des sciences, auteure d’essais traitant de l’histoire de la chimie et de la notion de matière, s’interroge dans son nouvel ouvrage sur l’opinion largement répandue aujourd’hui, selon laquelle on assisterait à l’avènement de la dématérialisation. Ce mouvement, qui prédit « la fin de l’âge des matériaux », laissant place à « l’âge de l’information » est issu de l’univers des technologies, mais se diffuse au sein de toute l’économie, s’illustre à travers les médias, tout en mobilisant les systèmes philosophiques traditionnels.

Pour questionner cette représentation du monde, l’auteure analyse les discours qui l’entourent, en tentant de mettre au jour les présupposés qu’ils reflètent. Elle dissèque ainsi tour à tour trois types de discours : les discours descriptifs qui voient en la dématérialisation une tendance technologique forte, les discours prescriptifs que produisent les écologistes, et enfin les discours programmatiques qui accompagnent le développement des nanotechnologies.

Elle relève tout d’abord le véritable engouement observable dans les milieux économiques et industriels, qui se représentent la dématérialisation comme un changement structurel de notre économie, en se basant sur une observation de la baisse générale de consommation de matière. Tout en notant la faiblesse intrinsèque de ces discours (contredits notamment par le fait qu’ils ne concernent que les pays industrialisés), elle révèle la croyance qui les sous-tend, celle d’une capacité à soumettre une matière passive au contrôle de l’esprit. Cette représentation rencontre d’autant plus de succès qu’elle conforte à merveille, selon l’auteure, les idées les plus classiques sur le progrès technique et le pouvoir de l’homme sur la nature.

Dans une deuxième partie, B. Bensaude-Vincent étudie le langage de l’écologie industrielle, pour lequel la dématérialisation désigne un objectif économique de réduction des flux matériels aussi bien au niveau de la production (par le recours aux matériaux renouvelables ou recyclables) qu’au niveau de la gestion des entreprises (par la politique de gestion de

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l’environnement). Ainsi, l’idée de la dématérialisation implique-t-elle de viser non pas l’expansion, ni la croissance, mais plutôt l’équilibre.

L’auteure note que contrairement au concept de dématérialisation comme tendance technologique, le concept des écologistes industriels conduit à une remise en question du progrès et de l’image de maîtrise de l’esprit sur la matière.

Le dernier discours étudié, la dématérialisation comme effet des nanotechnologies, est le plus médiatisé, et certainement le plus porteur d’imaginaire. D’un point de vue pratique, il ne s’agit souvent encore que d’anticipations. La philosophie du projet consiste à manipuler les atomes un par un pour les disposer à volonté, de façon à bâtir des réservoirs d’informations. Ici encore, on retrouve très fortement le fantasme d’une émancipation à l’égard des contraintes matérielles, grâce au pouvoir de l’intelligence.

La quatrième partie vise à renverser tous ces discours (selon l’auteure, non seulement faux mais dangereux, dans la mesure où ils fournissent un prétexte pour relancer l’idée d’un pouvoir toujours accru de l’homme sur la matière) et à montrer qu’en aucun cas, nous n’assistons aujourd’hui à une libération à l’égard de la matière, mais plutôt à un changement du rapport de l’homme à la matière, qui prend la forme d’un contrat. Elle donne plusieurs arguments en ce sens. Tout d’abord, elle montre que le concept de « matériau » a succédé à la notion de « matière » : alors que la matière pouvait être considérée comme une contrainte préalable à tout projet technique, les matériaux, dans leurs singularités sont devenus un paramètre modulable en fonction des projets humains. La substitution des pare-chocs de composites aux anciens pare-chocs d’acier chromé en fournit un exemple. Cette substitution programmée dans les années 1970 répondait à une demande d’allègement. Or le plastique renforcé révéla des potentialités non prévues grâce au procédé de fabrication : faisant corps avec le véhicule, il a permis d’y intégrer d’autres fonctions telles que les phares ou les feux stop. Cet exemple parmi d’autres montre qu’aujourd’hui l’homme a davantage à faire à des matériaux porteurs en eux-mêmes de propriétés.

Contrairement à la matière, les matériaux n’appartiennent plus au champs du réel, mais à un champs théoriquement extensible de possibles. Elle montre également, à travers une série d’exemples, que le monde des objets n’est pas moins actif que le sujet inventeur. En effet, les matériaux

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possèdent des fonctions intelligentes comme l’autoréparation, et peuvent même devenir de véritables partenaires à l’instar des molécules réagissant aux signaux des chercheurs, et selon leur expression « communiquant » en quelque sorte avec eux. Le matériau ne peut donc être traité comme une matière brute qui s’opposerait à la conscience mais doit être perçu comme interagissant directement avec l’homme et son environnement. Par conséquent, la tendance à la dématérialisation ne traduit selon l’auteure qu’un déplacement de la recherche de la matière vers les matériaux, qui ne constituent plus des illustrations de lois générales, mais des individualités coproductrices de la technique humaine. C’est pourquoi, elle propose, plutôt que de céder aux discours ambiants qui privent la matière de toute détermination ou qualité, de mobiliser le paradigme aristotélicien où

« l’information ou la forme n’est pas apportée du dehors, mais émerge de la matière, en est une potentialité inhérente ». L’auteure livre ici sa propre vision en annonçant l’émergence d’un nouveau rapport au monde matériel, la naissance de l’ère des matériaux qui fait suite à l’âge de pierre, de bronze, et du fer.

La conclusion de l’ouvrage, tout en voulant mettre à mal l’idéologie de domination sur la matière semble lui en substituer une autre, celle d’une libération de la matière elle-même, à laquelle il serait urgent de « redonner vraiment le rôle qui lui revient », après qu’elle ait été dépouillée par la science classique. La richesse de l’ouvrage de Bernadette Bensaude-Vincent, qui tient notamment à l’habileté avec laquelle elle articule analyse de discours (discours médiatiques, discours d’entreprises, publicités, paroles de chercheurs), connaissances philosophiques et scientifiques, s’avère néanmoins suffisamment convaincante pour nous rallier à sa cause.

Bernadette BENSAUDE-VINCENT, Se libérer de la matière. Fantasmes autour des nouvelles technologies, Paris, INRA, 2004, 89 pages.

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Conversations francophones. À la recherche d’une communication interculturelle

d’Astrid BERRIER par Julie DENOUËL

Si la « communication interculturelle » a suscité nombre de recherches depuis quelques dizaines d’années, elle soulève tout autant de débats, suite à une confusion entre objet et champ d’analyse et à la difficulté pour désigner spécifiquement le concept (distinction entre communication au sens strict et communication interculturelle). En effet, la question a été de savoir si toute interaction entre individus de cultures hétérogènes était nécessairement régie par des facteurs d’ordre culturel qui détermineraient l’organisation de l’échange, les positions participatives et la construction du contenu conversationnel. Autrement dit, si des personnes n’appartenant pas à la même

« culture » sont en train d’interagir, sont-elles pour autant engagées dans une

« communication interculturelle » supposant des incompréhensions, des malentendus, voire des rapports de force ? La relation interculturelle entre individus de nationalités différentes implique-t-elle une communication spécifique ?

Dans Conversations francophones. A la recherche d’une communication interculturelle, Astrid Berrier s’interroge sur la pertinence de ce concept de

« communication interculturelle » et propose pour cela de décrire et d’analyser « la mise en place de la dynamique qui se développe dans l’interaction, c’est-à-dire (…) le positionnement interactionnel et le parcours adopté par chacune des participantes [toutes étant des femmes] au cours d’interactions à plusieurs personnes, ces dernières étant issues de pays francophones différents, le Québec, Haïti et la France. »(p. 31). Au lieu de convoquer des macrocatégories pour figurer les relations entre individus dans un contexte multiculturel, l’auteure adopte une approche focalisée sur l’observation d’échanges naturels entre des personnes de nationalités différentes. Elle se place du point de vue des participants dans l’interaction et tente de montrer qu’ils sélectionnent en fonction du contexte et de manière collaborative différents rôles interactionnels, sans pour autant que l’identité culturelle soit un fait d’emblée mobilisé. Pour A. Berrier, « la communication interculturelle, […] c’est de la communication tout court » (p. 31). En somme, le diktat d’une l’affirmation identitaire qui présiderait toute interaction entre personnes « étrangères » est revisité au profit d’une

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orientation pragmatico-interactionniste qui appréhende avant tout les relations interpersonnelles contextualisées.

Dans un premier temps, A. Berrier introduit un certain nombre de repères théoriques issus de l’analyse conversationnelle, de l’ethnométhodologie, de la pragmatique, des actes de parole, et de « la communication interculturelle au sens large du terme », puis dégage spécifiquement les concepts utiles pour l’analyse des interactions enregistrées. En ce sens, elle revient sur les notions de négociation, de coopération et de collaboration, sur les concepts de représentation de soi (Goffman, 1974) et de politesse (Brown et Levinson, 1978), sur les questions de positionnement et de contrôle interactionnels, mais aussi d’organisation de la conversation comme activité quotidienne.

Elle s’attache ensuite à examiner la notion de « communication interculturelle », qu’elle considère comme « prétendument interculturelle », pour tenter de se soustraire à une certaine confusion entourant ce concept.

Mettant en perspective les différentes approches qui ont pu utiliser cet outil, l’auteure segmente l’expression « communication interculturelle », circonscrit les termes de communication, de culture, et d’identité, puis les redéfinit : reliant communication et culture. Elle adopte une approche

« universaliste et dynamique de la culture » (p. 106). Armée d’outils analytiques stables, elle s’engage dans l’étude d’interactions naturelles enregistrées entre des participantes francophones pour mieux s’interroger sur la validité du concept de communication interculturelle, et sa possible définition.

Mais avant cela, A. Berrier justifie ses choix méthodologiques. Son corpus est en effet composé d’interactions naturelles enregistrées de groupes de quatre interactantes francophones, et des transcriptions de ces échanges.

Chaque session d’enregistrement est organisée autour d’une première

« conversation à bâtons rompus », suivie d’une « discussion » pour laquelle les participantes doivent classer un ensemble d’éléments selon un ordre d’importance statué collaborativement. L’auteure motive cette orientation en affirmant que les prises de décision demandées rendront compte de la structuration in situ des positionnements interactionnels et de l’organisation de la dynamique des échanges.

Elle en vient alors à l’analyse spécifique d’extraits de ces interactions enregistrées. Organisant l’étude des transcriptions autour de notions-clé, telles que le contrôle, le pilotage, la digression, l’expression de l’accord

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et/ou désaccord, le face à face, A. Berrier montre que les jeux de positionnement engagés dans ces échanges ne répondent pas nécessairement à des critères culturels. Loin s’en faut : « Le corpus montre que les accords ou les désaccords ne se font pas automatiquement selon les origines, ce qui relativise la place de la dimension culturelle. » (p. 359). L’observation de ces séquences invite donc Berrier à reconsidérer le concept d’identité culturelle au sein de la conversation. L’auteure témoigne de la fonction structurante du positionnement interactionnel et des indices de contextualisation, dans la mesure où chaque individu développe une pluralité de rôles qu’il sélectionne en fonction du contexte situationnel. Il n’existe donc pas de hiérarchie des identités, puisque les individus s’orientent vers les positions qui sont pertinentes pour leur contexte d’interaction et qui participent de l’organisation située de la conversation. En ce sens, l’expression d’une quelconque appartenance culturelle ne suppose pas nécessairement une revendication identitaire, encore moins un rapport de forces entre les participants. A. Berrier insiste en effet sur « la négociation et sur la possibilité que se négocie un aspect culturel dans l’interaction » (p. 367).

C’est donc une conception fondée sur l’orientation située des participants qui nourrit cette réflexion, loin de toute théorisation massive et décontextualisée.

Avant d’être possiblement interculturelle, la communication est interpersonnelle.

Si nous partageons l’argument général de l’auteure, nous émettrons néanmoins quelques réserves quant à sa démonstration. Rappelons que l’auteure s’appuie en début de texte sur une explicitation méthodologique extrêmement dense, dont la sociolinguistique, l’analyse conversationnelle et l’ethnométhodologie sont définies comme les principaux vecteurs analytiques. Bien qu’elle revendique une méthodologie de type mixte, on est perturbé par une certaine confusion théorique et par le mélange d’outils analytiques. On regrettera ainsi que l’analyse des « positionnements » dans les différentes interactions n’ait pas été effectuée sous l’angle processuel, ou en termes d’accomplissement (d’un point de vue ethnométhodologique). On aurait pu alors accéder aux phénomènes situés de coordination des participants, ce qui, a posteriori, aurait probablement révélé des éléments organisationnels plus fins que ceux qui sont apparents dans le texte. En ce sens, un système de transcription plus précis aurait permis au lecteur d’apprécier des phénomènes interactionnels apparemment structurants, mais qui n’apparaissent justement pas dans la transcription (on pense notamment à une codification qui ne mélange pas orthographe normée et orthographe modifiée, à la représentation du temps interactionnel, de la durée et du

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placement des pauses dans l’échange, à une présentation du destinataire des tours). On s’étonnera également de la naïveté de certaines formules, telles que « certains sujets ne passent pas la rampe », (p. 223), « nous croyons que la culture “c’est la vie” » (p. 62), « la fragilité de l’interaction est encore présente car le groupe parle encore du temps qu’il fait » (p. 171). Plus que de

« simples » descriptions ou commentaires parfois quelque peu suggestifs, on aurait attendu une étude de corpus un peu plus approfondie.

Astrid BERRIER (2003), Conversations francophones. A la recherche d’une communication interculturelle, Paris, L’Harmattan, préface de Nicole Boucher, 388 p.

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