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View of Monumentaux inachèvements : Lapinot et les carottes de Patagonie et Capharnaüm

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Academic year: 2021

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Monumentaux inachèvements : Lapinot et

les carottes de Patagonie

et Capharnaüm

Côme Martin

Abstract

It’s far from unusual for comics series to remain unfinished, for editorial reasons. It’s less common, however, for a one-volume story to be presented to a reader without a definitive conclusion; and yet, it is the case for two books by Lewis Trondheim, Lapinot et les carottes de Patagonie (1995) and Capharnaüm (2015), the former having made the cartoonist a star in his field, the latter having gone through several forms before its definitive, published version.

The study of these two books reveals much. It first testifies of Trondheim’s graphic evolution, within a single volume but also between the two comics. It also shows the narrative range the cartoonist can use. Finally, it shows his aptitude to improvisation, since neither of the two books was entirely planned during its making. I also analyze in this article the reception of such books, both without a conclusion but with varying developments (an almost complete story for Les Carottes, a kind of long first part for Capharnaüm). Their incompleteness, exhibited to the reader right from their title or foreword, almost becomes their main articulatory motif and keeps one from reading them as another comics would be. On the other hand, the way these books are rhythmically constructed must be questioned, since Trondheim has indicated many times he benefited from the planned (or fantasized) length of these works to allow himself several narrative and graphic stretches. Finally, once can wonder if Les Carottes and Capharnaüm can be satisfying in their “closure”, to use Jan Yellowlees Douglas’s term, meaning the way a reader can make sense of her reading once it reaches its end. On this question, I follow up on thoughts first elaborated in my article “Quand le feuilleton s’enraye: intégrales tronquées et séries interrompues”; I ask how the reader of an unfinished work can reconcile the author’s ambitions, the inexistent end of the story and her own narrative projections.

Keywords

Seriality, improvisation, Lapinot, unfinished story, Trondheim.

Résumé

Il est loin d’être inhabituel, dans le domaine de la bande dessinée, que des séries soient vouées à demeurer inachevées, au gré des aléas éditoriaux. Il est plus rare, en revanche, qu’une œuvre en un seul tome soit livrée au lecteur sans conclusion définitive ; c’est pourtant le cas de deux livres de Lewis Trondheim, Lapinot et les

carottes de Patagonie (1995) et Capharnaüm (2015), le premier ayant propulsé l’auteur sur le devant de la

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L’étude de ces deux volumes est révélatrice à bien des égards. Elle témoigne, d’abord, d’une évolution graphique du dessinateur, au sein d’un même tome mais également entre les deux ouvrages. Elle montre ensuite l’éventail scénaristique que Trondheim est apte à déployer, et les thèmes et motifs narratifs récurrents qui surviennent tout au long de sa longue bibliographie. Enfin, elle dévoile son aptitude à l’improvisation, aucun des deux tomes n’ayant été totalement planifié au cours de son élaboration.

En plus de ces questions touchant spécifiquement à l’œuvre de Trondheim, je souhaite également par cet article aborder la réception de telles œuvres, toutes deux sans conclusion mais avec des développements relativement différents (un récit quasiment complet avec les Carottes, une sorte de longue première partie pour Capharnaüm). Leur inachèvement, exhibé au lecteur dès le titre ou la préface de l’œuvre, devient presque leur motif articulatoire principal et empêche d’aborder leur lecture comme on le ferait pour toute autre bande dessinée. D’autre part, il convient d’interroger la façon dont elles sont rythmiquement construites, Trondheim ayant ainsi indiqué à de nombreuses reprises avoir profité de la longueur projetée (ou fantasmée) de ces œuvres pour s’autoriser des étirements graphique et narratifs à plusieurs reprises. Enfin, on peut se demander si les Carottes et Capharnäum peuvent être satisfaisantes dans leur « clôture », pour reprendre le terme de Jane Yellowlees Douglas, c’est-à-dire dans la façon que peut avoir le lecteur de faire sens de sa lecture une fois le volume terminé. Reprenant sur ce point des réflexions d’abord élaborées dans mon article « Quand le feuilleton s’enraye : intégrales tronquées et séries interrompues » paru dans l’ouvrage Imaginaire sériel, je compte en poursuivre ici la portée en me demandant comment le lecteur d’une œuvre inachevée peut réconcilier les ambitions de l’auteur, la fin inexistante du récit et ses propres projections narratives.

Mots-clés

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Il est fréquent, dans le domaine éditorial instable que constitue la production de bandes dessinées, que des séries soient vouées à demeurer inachevées parce que pas assez rentables ; des chiffres de vente trop faibles ont souvent raison d’une intrigue déployée sur plusieurs tomes et qui ne trouvera jamais de dénouement. De façon plus rare, un album peut être publié tout en exhibant son inachèvement : ce dernier sera alors lié au décès de l’auteur, comme en témoignent Tintin et l’Alph-art publié trois ans après la mort d’Hergé ou La Forêt

millénaire publié l’année suivant la mort de Jirō Taniguchi. On peut aussi évoquer les récits laissés à l’abandon

par désintérêt ou manque d’inspiration de l’auteur, le plus souvent exhumés à l’occasion de recueils, tels les multiples projets de Jean-Christophe Menu évoqués et/ou montrés dans sa Munographie ou Stanislas dans ses

Archives.

Le cas de Lewis Trondheim est légèrement différent de ceux-ci. Auteur extrêmement prolifique, il n’est pas étonnant, au vu du rythme de ses parutions, qu’il connaisse de nombreux récits inachevés au sein de sa bibliographie ; il les évoque d’ailleurs fréquemment, sur le forum de son site personnel ou ailleurs1. Il est plus

étonnant de compter parmi ses parutions deux œuvres publiées malgré leur état d’inachèvement : Lapinot et

les carottes de Patagonie (publié en 1992 chez le Lézard puis en 1995 à L’Association, ci-après Les Carottes)

et Capharnaüm (publié en 2015 à L’Association). Les deux volumes paraissent partager de nombreux aspects, leur inachèvement bien sûr (Les Carottes se conclut abruptement au bout de 500 pages, Capharnaüm au bout de 275 pages sur 5000 planifiées) mais aussi leur caractère improvisé. En effet, Trondheim indique dans l’avant-propos aux deux ouvrages ne pas avoir planifié leur intrigue et avoir travaillé directement sans crayonnés. Dans les deux cas, il semble que les récits n’aient constitué d’abord uniquement que des exercices fortement contraints et de nature privée avant que, sous l’impulsion de proches, l’auteur se décide à les publier en l’état ou presque.

Bien lui en prit, puisque Les Carottes fit passer Trondheim d’une reconnaissance relativement confidentielle (il n’avait alors publié que trois albums, dont deux reposant sur un principe de photocopie des cases) à une célébrité qui alla grandissante dans les années suivantes. Dès lors, la publication de Capharnaüm fut interprétée par beaucoup comme une sorte de retour aux sources de la part d’un auteur qui craignait alors un essoufflement créatif (évoqué dans Désœuvré, paru en 2005).

Il s’agira donc dans cet article d’analyser les deux monumentaux inachèvements de la bibliothèque trondheimienne en effectuant leur analyse croisée en plusieurs temps. Tout d’abord, je montrerai comment

Les Carottes et Capharnaüm sont semblables mais néanmoins fort différents, ne partageant ni les mêmes

intentions, ni le même contexte culturel, ni la même identité stylistique ou graphique. Dans un deuxième temps, je m’intéresserai au caractère improvisé des deux œuvres qui sont presque intégralement identifiables comme feuilletons, en montrant comment se construit l’articulation de leur nœuds narratifs. Enfin et dans un troisième temps, il sera question de la réception de ces œuvres, c’est-à-dire de ce que leur caractère à la fois improvisé et inachevé produit sur leur lecture.

I/ Plus différents qu’ils n’y paraissent, plus semblables qu’ils en ont l’air

Il est compréhensible que, dans l’accueil critique réservé à Capharnaüm, on soit bien en peine de trouver

1 On peut notamment mentionner le catalogue d’exposition Projets, accompagnant l’exposition du même nom à la galerie Sans Titre à Bruxelles en 1998.

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un article qui ne fasse pas d’abord référence aux Carottes, puisque l’éditeur lui-même effectue ce parallèle. On trouve ainsi cette phrase dans le « prière d’insérer » figurant sur le site Internet de L’Association2 : « Plus

de vingt ans après Lapinot et Les Carottes de Patagonie, Lewis Trondheim livre ici un récit rocambolesque et surréaliste qui flirte avec l’absurde ». L’affirmation n’explicite pas le lien entre les deux ouvrages, comptant sur le lecteur pour saisir que c’est leur principe double (improvisation inachevée) qui les rapproche. L’éditeur ne s’y est d’ailleurs pas trompé, en faisant paraître les deux volumes dans la même collection (Ciboulette) et dans un format quasi-semblable de 24,3 en hauteur par 16,5 centimètres pour 2,9 d’épaisseur. La publication de Capharnaüm s’accompagne donc en partie et de manière assez évidente sur une stratégie marketing visant à établir un parallèle explicite entre l’album fondateur de la carrière de Trondheim3 et ce nouvel opus.

Pourtant, les détails qui séparent les deux ouvrages sont nombreux, même en laissant de côté leurs intrigues respectives. Il est tout d’abord crucial d’analyser leur péritexte, à commencer par le statut de Trondheim lui-même : jeune dessinateur prometteur en 1992, déjà remarqué pour ses publications dans divers fanzines, il reste néanmoins inconnu du grand public, alors qu’en 2015, année de publication de Capharnaüm, une telle production l’assure, de par sa célébrité, d’articles ou d’entrefilets dans l’essentiel de la presse française. L’accueil critique se situe donc à deux extrémités d’un même spectre : Les Carottes est considéré comme un chef d’œuvre a posteriori, comme le coup d’envoi d’une carrière prolifique, là où Capharnaüm semble promis à la renommée dès sa publication.

Sur un plan plus formel, il est à noter que, si les deux volumes sont de même format, c’est que la fabrique des livres de L’Association a grandement évolué en 23 ans puisque la couverture de Capharnaüm est plus épaisse, ainsi que le grammage de ses pages, ce qui lui assure la même épaisseur que Les Carottes alors qu’il contient 1,81 fois moins de planches. L’aspect extérieur des volumes frappe également par leur opposition graphique : la première et quatrième de couverture des Carottes sont très dépouillées4 (n’y figurent

que Lapinot bondissant sur fond blanc et son antagoniste Lemacheur en suspension) et son titre, s’il occupe une partie importante de l’espace, est imprimé intégralement en minuscules, comme le nom de l’auteur.

Tout laisse à penser que le monumentalisme de l’œuvre est opposé à son style graphique et à sa maquette. À l’inverse, le titre de Capharnaüm s’affiche en grandes lettres manuscrites, comme celui de son auteur ; un aplat de rouge domine le volume, recouvrant une scène de désastre urbain au dos, une scène de rue sur la couverture. Nul protagoniste n’y est visible. En revanche, la mention « Récit inachevé » figure en bonne place.

Fait également notable, les deux volumes s’accompagnent d’un avant-propos, accessoire paratextuel très rare dans l’œuvre de Trondheim. Dans les deux cas, il sert à évoquer la genèse de l’œuvre. Celui des

Carottes indique un point de départ et une volonté précises pour le récit : « Une réunion de l’Association

en 1990 où je vois les premières planches du Galérien de Stanislas », ce qui donne envie à Trondheim de reprendre son dispositif en gaufrier (« trois cases sur quatre ») ainsi que son principe narratif (« [un] côté feuilletonesque et improvisé »). L’avant-propos de la première édition des Carottes, s’il ne cite pas le modèle

2 Voir https://www.lassociation.fr/fr_FR/#!catalogue/auteurs/t/open-auteur/3744/open/5906 .

3 C’est que le personnage de Lapinot reste phare pour l’auteur et synonyme de ventes importantes, comme en témoigne la sortie de plusieurs éditions limitées (un fait rare pour L’Association) du premier tome des Nouvelles aventures de Lapinot en 2017.

4 C’est l’édition de 1995 qui est étudiée ici et non la première édition de 1992, production conjointe du Lézard et de L’Association. Celle-ci ne présente en effet que des différences mineures quant à l’agencement du titre, et surtout, elle n’est plus en vente aujourd’hui contrairement à celle de 1995 ; or mon étude se soucie également de l’héritage d’un tel volume. Les deux éditions présentent néanmoins des avant-propos relativement différents, qui feront l’objet d’une discussion ci-après.

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invoqué par la suite par Trondheim, est en revanche plus précis sur la date d’origine (« en septembre 1990 ») et sur le processus créatif :

À la 146ème page, je ne trouvais plus ça si amusant.

J’ai donc arrêté un moment, puis j’ai repris jusqu’à la page 424.

Les personnages finissaient par agir d’eux-mêmes, m’empêchant régulièrement d’amener le récit où je le souhaitais ou alors utilisant huit planches là où je ne pensais utiliser que deux cases. […] Et quand, après plus d’un an d’interruption, j’ai terminé cette histoire, le sentiment qui prédominait était que tout m’avait échappé.

Ces indications, importantes pour souligner le caractère « feuilletonesque et improvisé » de l’œuvre dont il sera question plus loin, indiquent également l’importance du ludique. On retrouve donc dans ces avant-pro-pos de nombreux éléments identiques : la présentation des récits comme improvisés, sans crayonnés, et sans volonté autre qu’un plaisir ludique non accompagné de velléité de publication. Trondheim indique ainsi dans un entretien de 1996 : « J’ai rangé tout ça [les 424 pages des Carottes] et attaqué autre chose. […] Et puis des copains ont vu la somme de travail que j’avais réalisé […], ils m’ont encouragé à le finir et à le publier » (Robert 24). Cette indication est cohérente avec les remerciements présents dans Les Carottes (« Merci à Joël Bernardis [alors responsable du Lézard] et aux Associés [auteurs fondateurs de L’Association] pour avoir contribué à persuader Lewis Trondheim de terminer et de laisser publier ces 500 pages ») et avec l’indication de l’avant-propos de Capharnaüm : « Pour moi, [Capharnaüm] était un travail pratique et ludique pour essayer quelque chose. La réaction du peu de personnes qui ont lu ces carnets m’a encouragé à tout de même à [sic] les publier ».

Faut-il pour autant croire sur parole de telles déclarations ? Il est vrai qu’elles contribuent à forger l’image

Image 1 : couvertures de Lapinot et les carottes de Patagonie et Capharnaüm Avec la gracieuse permission de l’auteur

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de Trondheim comme auteur prolifique et laissent sous-entendre que d’autres œuvres gardées secrètes pourraient atteindre un jour le public. En outre, elles exhibent la virtuosité de l’auteur, aussi bien en termes d’intrigue que de style graphique. Cependant, prudence est de mise, puisque Trondheim joue fréquemment sur la fictionnalisation du paratexte de ses livres. Ainsi, la préface à Mickey’s Craziest Adventures prétend que la bande dessinée que le lecteur tient entre les mains n’est que le recueil de planches tirées d’une « quarantaine

de numéros d’un comics américain des années 60 complètement oublié aujourd’hui » déniché en vide-grenier ;

dans celle d’A.L.I.E.E.N., il prétend que les pages de l’ouvrage proviennent d’un « magazine de bande dessinée tout gondolé et racorni » trouvé dans une forêt ; enfin, Trondheim n’est pas étranger à la mystification pure et simple puisqu’il est l’auteur du Blog de Frantico, ouvrage qui ne porte pas son nom et qui est volontairement dessiné à la frontière de son style graphique habituel5.

Il est donc permis de douter légèrement les indications des avant-propos, notamment l’affirmation, dans celui des Carottes, que Trondheim ne sait pas dessiner6. En effet, comme le rappelle avec justesse David

Turgeon, le dessinateur a commencé sa carrière par l’auto-édition d’un fanzine, Approximate Continuum

Comics Institute H3319 (ci-après ACCI H3319), pendant douze numéros et demi de septembre 1988 à janvier

1990. On connaît surtout des pages de ce fanzine les bandes dessinées photocopiées de Trondheim, recueillies dans Le Dormeur (Cornélius, 1993) et Psychanalyse (Le Lézard, 1990, plus tard en version augmentée sous le titre Monolinguistes), mais de nombreuses autres témoignent du talent de Trondheim en matière de dessin. Comme l’écrit Turgeon :

Il suffit de comparer […] par exemple les dernières pages des Carottes […] avec ce que l’auteur produisait déjà, trois ans plus tôt, dans ACCI H3319 pour constater que l’écart n’est pas si grand entre l’un et l’autre. Je l’ai dit, Trondheim savait déjà dessiner avant d’entamer ce monstrueux projet. En tout cas il est bien plus adroit que ce que le début des Carottes, sous son trait gras, peut nous faire croire. (2008a, n. pag.)

En effet, des personnages comme Richard H. Brooster ou Mister Weird, pour citer les deux plus récurrents, n’ont rien à envier à ceux des Carottes, à deux détails près. D’une part, ils sont assez différents du style animalier que Trondheim utilisera systématiquement par la suite7 ; d’autre part, ils sont sans doute

réalisés à l’aide de crayonnés (rien ne permet de l’affirmer mais l’absence de crayonnés est fortement mise en avant par Trondheim à la fois pour Les Carottes et Capharnaüm). Trondheim n’apprend donc pas à dessiner avec Les Carottes : il apprend en réalité à dessiner sans crayonné. Cela explique le « trait volontairement plus gras » des premières pages, « destiné à cacher ses “défauts” » (Turgeon, 2008a) jusqu’à ce que l’auteur se sente suffisamment à l’aise pour reprendre petit à petit son style habituel8, ainsi que l’emploi systématique du

gaufrier permettant les dessins de près, sans décors complexes.

5 Voir notamment Falgas, 24 et Paques et Dejasse, pas de page.

6 L’affirmation est moins forte dans l’avant-propos de 1992, qui n’indique aucune difficulté ou contrainte graphique autre qu’une « furieuse envie d’apprendre à dessiner ».

7 Bien que Trondheim ait toujours été un dessinateur au style relativement protéiforme, c’est avec Les Carottes qu’il fige son style zoomorphe principal. Mister Weird est néanmoins très présent dans Les Carottes comme compagnon de Lapinot et dessiné dans un style quasi-identique à celui de ses apparitions dans ACCI H3319.

8 Turgeon affirme également que Trondheim « dessin[ait] chaque case sur une feuille séparée » au début des Carottes, « cases qui [étaient] ensuite découpées et collées en séquence » ; mais hormis la disparité dans la taille des cases des premières planches, aucune autre source ne vient étayer cette affirmation.

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À première vue, il n’y a pas lieu de s’interroger sur le style graphique utilisé par Trondheim dans

Capharnaüm : il est certes plus libre que celui d’albums publiés à la même époque mais ne témoigne pas du

même genre d’évolution spectaculaire que celui des Carottes, alors même que l’exécution de ses pages est étalée sur plus de temps (« entre juillet 2003 et janvier 2005 », contre un peu plus d’un an pour Les Carottes). On peut considérer le style graphique de Capharnaüm comme celui d’un entre-deux entre des albums plus commerciaux comme les tomes de Donjon Zénith et des albums plus expérimentaux comme les Carnets de

bord. Sa mise en page même témoigne de cet entre-deux, avec des planches très variées quant à leur découpage

et à la présence ou non de cadres autour des dessins.

Cependant, le cadeau envoyé aux adhérents de L’Association début 20179 vient confirmer ce que les

aficionados de l’auteur savaient déjà : les pages publiées de Capharnaüm représentent en réalité l’aboutissement d’une recherche graphique très poussée par l’auteur, et ce dès 1994, c’est-à-dire deux ans à peine après la publication des Carottes. La lecture de Capharnaüm – Inachevés d’inachevé dévoile 5 pages dessinées en 1994, proches du style d’Approximativement publié à la même époque, dont une page en teintes de gris ; 5 pages dessinées en 1995, dans un style légèrement moins rigide, déjà dévoilées en 1998 dans le catalogue d’exposition Projets10 ; 6 pages dessinées en 2001, et 9 pages dessinées en 2002, ces deux dernières séries

montrant un style quasi-identique à celui de Capharnaüm.

Ces essais successifs révèlent une genèse plus complexe et longue qu’il n’y paraît pour un projet présenté comme simple récréation ludique ; outre la volonté pour Trondheim de travailler à nouveau sans crayonnés, on peut dès lors voir en Capharnaüm la détermination à mener à bien un projet, quand bien même il devrait rester non publié.

9 L’Association propose à ses lecteurs d’adhérer à la maison d’édition, ce qui donne droit entre autres bénéfices à un ouvrage inédit et hors-commerce envoyé chaque début d’année.

10 Trondheim présente alors ces pages comme tirées d’un projet commandé par Casterman en 1993 puis finalement refusées et portant le titre « Willard Watte ».

Image 2 : Capharnaüm – Inachevés d’inachevé, planche 2, case 6 Avec la gracieuse permission de l’auteur

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L’étude de la genèse, du péritexte et du style graphique des Carottes et Capharnaüm révèle donc à la fois les disparités entre deux ouvrages présentés comme allant de pair dans la bibliographie de Trondheim, et les points communs de projets pensés dans des contextes différents. Elle permet également de souligner un aspect primordial et pourtant peu mentionné de leurs deux récits, c’est-à-dire leur aspect proliférant et feuilletonesque.

II/ Des feuilletons livrés d’un bloc

Dès le début du vingtième siècle, la bande dessinée sous forme de feuilleton est devenue sinon une norme, une modalité fréquemment utilisée. La publication de bandes dessinées étant alors presque toujours associée à la parution d’un journal, les récits d’aventure ou de suspense étaient assujettis à ce rythme hebdomadaire, ce qui nécessitait l’emploi de nombreuses techniques de suspense narratif11. Les Carottes et Capharnaüm, parce

qu’ils n’ont pas bénéficié d’une prépublication12, ne sont pas forcés de s’alourdir de tels procédés ; comme

la plupart des bandes dessinées, leur suspense pourrait ne se situer qu’en fin de double planche (Groensteen 1999, 37), sans autre dispositif particulier. Pourtant, tous deux présentent de nombreux points communs avec des bandes dessinées feuilletonnesques comme Dick Tracy ou Flash Gordon.

L’effet feuilletonesque est frappant dès la première planche des Carottes : le lecteur y découvre l’assassinat d’un certain Mezzo, « seul responsable » d’une faute inconnue, poussant Lemacheur à « devoir [s’]occuper de cette affaire personnellement ». Il apparaît à la fin de la même planche que c’est Lapinot qui a « évincé l’ignoble Mezzo », expression reprise planche 5. Tout se présente donc comme si un épisode précédent avait eu lieu avant le début du récit, comme si le lecteur prenait en cours une histoire en plusieurs livraisons. Mais le dispositif est rapidement subverti : « Mais à la fin, qui est ce Mezzo dont tout le monde me parle ?!!!?? » s’écrie Lapinot en fin de planche 9, sous-entendant qu’il n’a pas plus connaissance que le lecteur de l’épisode. Il est à nouveau fait allusion à l’évincement de Mezzo aux planches 26 et 27 (le commandant affirme que Lapinot s’en est débarrassé « grâce à un coup de chance », jetant le discrédit sur lui), puis une dernière fois à la planche 147 : la péripétie préalable au début du récit n’est au fond qu’un prétexte pour créer un antagoniste à Lapinot et pousser ce dernier à quitter son confort domestique pour partir à l’aventure. Comme l’écrit Françoise Revaz, il s’agit là d’un schéma très classique dans les récits feuilletonesques :

Le héros ne quitte jamais son cadre familier sans raison. […] Soit son statut socio-professionnel […] le contraint à accepter une mission, soit c’est un projet personnel (voyager, porter secours à quelqu’un, trouver un trésor, épouser une princesse) qui le pousse à partir. D’autres fois encore, c’est le hasard qui l’arrache à son quotidien : sans l’avoir cherché, le héros tombe sur la piste de malfaiteurs, surprend un secret ou se retrouve embarqué par erreur dans un périple qui l’emmène loin de chez lui. (55)

Le départ de Lapinot de son village correspond à plusieurs de ces motifs, puisqu’il désire aller à « la grande ville » pour y visiter l’ambassade de Patagonie avant de se retrouver malgré lui acteur primordial dans la lutte

11 Sur ce sujet, voir l’article de Françoise Revaz dans Case, strip, action !.

12 Deux planches des Carottes, correspondant aux pages 238 et 239 ont été prépubliées dans un format légèrement plus grand et sous le titre « Lapinot et le noiseau » dans le numéro 4-5 de la revue Le Lézard en juillet 1991 ; elles correspondent néanmoins à un épisode onirique qui ne nécessite aucune connaissance du récit plus large (et qui n’est d’ailleurs pas identifié au sein de la revue comme partie d’un plus grand tout).

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contre des puissances ésotériques ; pour ne rien dire des nombreux détours qui l’entraîneront sur son chemin, notamment un train l’emmenant dans un monastère à l’autre bout du pays.

Les marques initiales du feuilleton sont donc présentes dès le départ de ce récit foisonnant dont la trame va aller en se complexifiant au fil des pages et finir par alterner entre de nombreuses sous-intrigues et plusieurs genres narratifs. La présence d’un marque-pages dans l’édition de 1995, sur lequel figurent presque tous les personnages importants du récit, n’est à ce titre pas anodine : elle rappelle au lecteur à la fois la complexité de l’intrigue et la longueur du récit, le terme duquel il sera difficile d’atteindre en une seule fois et dont le parcours nécessitera donc sans doute plusieurs séances de lecture.

S’il est difficile d’attribuer un genre précis aux différentes sous-intrigues des Carottes, deux d’entre elles se détachent clairement ; Lapinot ne croise d’ailleurs jamais les personnages qu’elles mettent en scène. La première, policière, correspond à un changement de paradigme, l’arrivée de Lapinot à la grande ville en page 100. La première rencontre qu’y fera le héros est Kox, un criminel qui cache un mystérieux magot, après lequel courent de nombreux personnages du récit. Mais le personnage de Kox est relativement périphérique à l’intrigue policière qui concerne davantage un gang de malfaiteurs apparaissant dès la page 103, infiltré par Baker, un policier dont la fille a été kidnappée par un certain Mercury. Si les membres du gang croiseront Lapinot à quelques reprises (Le Dentu poignarde le héros à la page 137, et le chef du gang n’est autre que Mikhi, rencontré par Lapinot dans les souterrains page 43 et laissé pour mort), la confrontation entre Baker et Mercury n’aura aucune incidence sur les autres sous-intrigues, alors même qu’elle perdurera jusqu’à la page 497 (il s’agit de l’avant-dernière sous-intrigue présente avant la fin du récit). En outre, ce canevas policier constitue la partie la plus violente des Carottes, notamment parce que le personnage de Mercury est présenté comme un psychopathe n’hésitant pas à gratuitement tuer des innocents, le plaçant de fait non seulement en totale contradiction avec la bonhomie de Lapinot mais également avec les agissements de Lemacheur et son maître Ghoran, qu’on observe plus fréquemment déclamer des monologues et ricaner qu’agresser réellement qui que ce soit.

Les agissements de Ghoran forment d’ailleurs la deuxième sous-intrigue quasiment sans lien avec le reste des Carottes. Rapidement identifié comme le supérieur de Lemacheur, antagoniste principal de Lapinot dans le premier tiers du récit, le retour de Ghoran et la récupération de ses pouvoirs est présenté comme un long processus, qui culminera avec son voyage vers un plan d’existence parallèle. La sous-intrigue concernant Ghoran, si elle ne peut être clairement reliée à un genre narratif particulier, correspond en revanche à un procédé feuilletonesque relativement courant : le délaiement de l’intrigue afin qu’elle crée la tension narrative la plus grande possible. En suivant les agissements de Ghoran en parallèle d’une maturation progressive du caractère de Lapinot, le lecteur s’attend à une confrontation entre ces deux forces à un moment clef du récit ; en présentant Ghoran comme une entité de plus en plus puissante, voire la plus puissante de l’univers diégétique (« Le mage a même dit que l’archiduc, c’était encore rien comparé à Ghoran », déclare Kuikui à la dernière case de la planche 495), Trondheim s’assure que l’attente du lecteur vis-à-vis de cette confrontation soit à son maximum. Cette stratégie de délaiement jusqu’au moment opportun n’est battue en brèche que par l’aspect inachevé du récit, qui a pour conséquence un isolement narratif de Ghoran, dont la quête de pouvoir reste inconclusive après la planche 440.

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Enfin, un troisième fil, qui ne constitue pas tout à fait une sous-intrigue mais davantage un motif narratif concerne les rêves de Lapinot. De nombreuses séquences oniriques sont présentes au long des Carottes ; apparaissant dès les planches 16-17, elles occupent le plus souvent une double page, sauf lorsque Lapinot est blessé (4 planches [140-143] et 7 planches un quart [214-221]) ou maintenu magiquement dans le coma (12 planches [342-345 ; 347-351 ; 357 ; 364-365])13. On notera que dans ce dernier exemple, la séquence onirique,

parce qu’elle a des conséquences directes sur les actions en cours, est entremêlée d’autres planches.

Cet entremêlement devient très rapidement le mode principal de narration des Carottes ; les sous-intrigues s’empilent, s’emmêlent, disparaissent pendant des dizaines de pages pour mieux revenir ensuite, voire partagent parfois l’espace paginal avec une autre intrigue (la page est alors divisée en deux demi-planches indépendantes, comme aux pages 173 ou 487). Bien que le récit soit entièrement contenu en un seul volume, ces allers-retours produisent une sensation de lecture similaire à la découverte d’un feuilleton aux parutions sérialisées : le découpage toujours similaire de la planche en douze cases permet un séquençage qui laisse la part belle aux effets de suspense et de délaiement, créant bel et bien « [l’]effet feuilletonesque » désiré par Trondheim. De tels effets, s’ils ne sont pas tout à fait absents de Capharnaüm, y trouvent un éclairage très différent ; puisque la mise en page est plus libre (le nombre de cases dans une planche varie entre 1 et 10, avec des agencements très variés), il y devient plus difficile de passer d’une sous-intrigue à l’autre avec fluidité. Cette différence se retrouve dans le titre même des ouvrages : alors que Lapinot et les carottes de Patagonie implique une direction claire (l’objet d’une quête et son protagoniste), Capharnaüm sous-entend un désordre dans l’organisation de l’ouvrage. Mais ce désavantage n’est que peu handicapant puisque, aux contraire des

Carottes, Capharnaüm ne présente en tout et pour tout que deux sous-intrigues, qui se rejoignent aux

deux-tiers du récit.

En effet, à de très rares et courtes exceptions (par exemple aux planches 90 ou 134 à 139), le lecteur suit les pérégrinations de Martin Mollin jusqu’à la planche 151, point où le récit passe abruptement au point de vue d’un autre personnage, Michel Mercet. Ces deux fils se rejoignent dès la planche 167 et la retrouvaille entre les deux personnages se fait dès la planche 192.

13 Un rare exemple de séquence onirique plus courte que la moyenne apparaît en planche 242 (elle n’occupe que 11 des 12 cases).

Image 3 : Lapinot et les carottes de Patagonie, planche 440, cases 10 à 12 Avec la gracieuse permission de l’auteur

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Après l’évasion de Mercet en fin de planche 200, il redevient un personnage secondaire ; il ne fait plus qu’une courte apparition aux planches 220 à 222. Comme avec les sous-intrigues des Carottes, le lecteur est amené à anticiper l’entrecroisement futur de ces deux personnages14, voir l’introduction d’autres personnages et points

de vue dans le récit, mais l’aspect inachevé de Capharnaüm ne permet pas de répondre à ces attentes narra-tives. La présence d’une séquence supplémentaire concernant la fille de Mercet dans les Inachevés d’inachevé permet de penser que Trondheim comptait développer ces personnages périphériques, qui n’ont qu’une faible (voire nulle) implication dans l’intrigue du livre publié.

Il est à noter, par ailleurs, que le rythme de Capharnaüm est très différent de celui des Carottes ; conséquence de son inachèvement d’une part, mais également du découpage chapitral net du récit. Bien que non désignés comme tels, les chapitres s’accompagnent systématiquement d’une image en pleine page (qu’on pourrait qualifier d’image-titre) suivie par une page blanche, découpant nettement le récit en cinq unités de longueur à peu près égale (une cinquantaine de pages) et une sixième unité deux fois plus courte, faisant dès lors office d’épilogue15. La tension narrative se construit dès lors sur un rythme bien différent de celui des Carottes,

s’articulant davantage sur la fin des chapitres que sur la fin des planches, et isolant de manière plus nette chaque unité narrative, ce qui fait sens pour un récit qui, dans sa forme idéalisée, devait être dix fois plus long que les 500 pages publiées des Carottes.

Malgré ces différences d’enchevêtrement et d’articulation narratives, les deux volumes partagent au moins trois points communs qui, une fois de plus, justifient leur comparaison critique. Tout d’abord, il n’est pas anodin que le récit de Capharnaüm ait lieu dans la même ville que celle des Carottes, Saint Stephenbourg : preuve en est le même uniforme que revêtent les policiers, et surtout le vendeur de glaces auquel Martin achète une glace planche 40, similaire à celui qui apparaît à la planche 4 de Pichenettes, le troisième tome

14 La similitude de leurs initiales, répondant en miroir à celles de Willard Watte, y est sans doute pour quelque chose.

15 Sur son forum officiel, Trondheim indique néanmoins qu’il a « enlevé 8 ou 10 pages qui se passe [sic] après la «fin» du livre parce que, pour le coup, ça aurait été extrêmement brusque. Là, tel que c’est fait, il y a tout de même une sorte de conclusion » (http:// www.lewistrondheim.com/forum/viewtopic.php?p=27#p27).

Image 4 : Capharnaüm, planche 192, case 1 Avec la gracieuse permission de l’auteur

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des Formidables aventures de Lapinot (série qui fera suite aux Carottes). Pichenettes représente l’album-lien entre Les Carottes et Capharnaüm, à tel point qu’on y aperçoit, dans la case 9 de sa 31e planche, Martin sur

son lieu de travail.

Ce partage d’univers diégétique est encore plus frappant lorsque l’on constate que Saint Stephenbourg est l’objet de destructions massives à la fois dans Les Carottes et Capharnaüm, des tomes par ailleurs fortement empreints de fantastique alors que l’intrigue de Pichenettes repose précisément sur une ambigüité qui ne révèle jamais son caractère surnaturel ou non16.

Enfin, on trouve au long des deux récits des métacommentaires sur leur progression. Ce métaniveau narratif est tout à fait explicite dans Capharnaüm : non seulement l’un des personnages principaux, Willard Watte, est le héros de bandes dessinées lues par Martin qui racontent ses exploits, mais, de plus, un des numéros de cette bande dessinée se retrouve représenté dans le récit, à partir de la planche 80. Ces planches ne se distinguent que par un niveau typographique différent (les dialogues et récitatifs ne sont plus en majuscules, comme c’est le cas dans le récit-cadre) et jouent à plein les clichés du récit feuilletonnant : ainsi, Martin est interrompu une première fois dans sa lecture, alors que la dernière planche qu’il (et le lecteur) est en train de lire se termine par le récitatif chargé de tension narrative « À moins que… ». La résolution de cette tension ne survient que huit planches plus tard, par l’explosion de l’immeuble où se trouve le héros du magazine. Cette deuxième lecture est à nouveau interrompue, alors que dans le récit-cadre surviennent, un peu plus tard, des explosions similaires. Martin la reprendra plus de cent pages plus loin, sur un temps très court : sa lecture est à nouveau interrompue après moins de deux planches et ne sera pas reprise. En d’autres termes, non seulement le feuilleton que lit Martin répond dans son intrigue à l’aventure qu’il est en train de vivre (son personnage principal est l’un des acolytes de Willard Watte, que Martin est amené à côtoyer ; il traverse des péripéties semblables à celles qui vont arriver ou sont survenues dans le récit-cadre), mais ce feuilleton est de plus inachevé, tout comme l’est Capharnaüm lui-même. Les deux feuilletons, similaires jusque dans le genre qu’ils émulent (l’aventure fantastique teintée d’enquête, un genre exemplifié par le Spirit de Will Eisner), se répondent parfaitement l’un l’autre.

16 Le nom de la ville apparaît par ailleurs explicitement sur le chèque que rédige Mercet page 164. Elle n’est pas nommée dans

Les Carottes autrement que « la grande ville » et il n’est pas anodin que Richard emploie exactement la même expression lorsqu’il

rencontre Lapinot à la planche 2 de Pichenettes. Enfin, le bâtiment où loge le roi de Saint Stephenbourg dans Les Carottes est visible à la première case de la planche 16 de La Couleur de l’enfer, septième tome des Aventures de Lapinot.

Image 5 : Capharnaüm, planche 41, case 5 et Pichenettes, planche 31, case 9 Avec la gracieuse permission de l’auteur

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Les métacommentaires sont plus discrets dans Les Carottes et se font principalement à travers les dialogues de certains personnages. David Turgeon en identifie un en particulier :

D’expliquer Scanlan à un autre : « Et puis, ne sens-tu pas que le moment est idéal ? Que l’on arrive à la fin d’un cycle ? N’as-tu pas senti le potentiel de Lapinot ? C’est le moment ou jamais ! » (pl. 82, je souligne) […] La « fin d’un cycle » citée plus haut me fait penser à un signal, un commentaire comme quoi il est temps de passer à autre chose. Cet appel à Lapinot, en qui Scanlan place tous ses espoirs […] m’a l’air complémentaire au reproche adressé par Simon quelques cinquante pages plus tôt [« Je voulais te dire que j’ai trouvé cette conversation insipide et triste », planche 33, case 8]. L’auteur, à travers ses personnages, demande que l’on provoque un rebondissement. […] Encore une fois, la critique est juste : narrativement, il est bel et bien temps d’avancer. (2008b, n. pag.)

Ce double commentaire, reproche que l’auteur s’adresse à lui-même, peut être rapproché de ce que pense un autre personnage, à la case 12 de la planche 389 : « Il faut absolument que j’arrive à démêler tous ces fils ». Une telle remarque pourrait elle aussi être une adresse de Trondheim à lui-même, alors que la fin du récit semble approcher (rappelons que le dessinateur a initialement abandonné Les Carottes à la planche 424). Comme le souligne Turgeon, ces échanges, qui pourraient paraître des coïncidences dans un récit publié, prennent un sens différent lorsqu’on se rappelle que « nous avons un récit improvisé jouant le rôle d’un carnet

de création, le tout à usage privé. Je ne peux faire autrement que d’y voir des exhortations à soi-même ici et

là, à peine déguisées, analogues en ce sens aux nombreuses (et instructives) autocritiques parsemant l’Acme

Novelty Date Book de Chris Ware, par exemple » (2008b). Là où Capharnaüm met en avant sa nature de

feuilleton, Les Carottes exhibe sa propre structure narrative, construite par un auteur qui sembler improviser son récit au fur et à mesure.

III/ L’inachèvement comme point d’orgue de l’improvisation

Trondheim déclare fréquemment que la plupart de ses albums sont improvisés au fur et à mesure de leur création ; ni Capharnaüm ni Les Carottes ne dérogent à la règle. Néanmoins, improvisation ne signifie pas absence de planification. D’une part, on sait que Trondheim avait en tête, pendant la conception de chacune des deux œuvres, un ou des plans à plus ou moins long terme pour ses héros. Dans le cas des Carottes, David Turgeon affirme en effet que la dernière case de l’ouvrage, « fin fameusement inconclusive avait été prévue par l’auteur autour de la page 50. Autrement dit, pour les neuf dixièmes du livre, la question pour lui était : comment je vais m’y prendre pour arriver à cette dernière case ? » (2008a). Bien que je ne dispose pas d’autre source pour cette affirmation, il semble très crédible que l’arrivée de Lapinot devant l’ambassade de Patagonie comme fin idéale du livre ait été pensée par Trondheim en amont. Dans le cas de Capharnaüm, on dispose d’une part des Inachevés d’inachevé qui témoignent que deux scènes du récit étaient déjà pensées avant le début du projet (la rencontre dans la librairie entre Martin et l’un de ses héros, et l’introduction du personnage de monsieur Mercet), ce qui explique d’ailleurs a posteriori la division du récit entre ces deux protagonistes. D’autre part, Trondheim a indiqué sur son forum avoir eu, dès le départ de Capharnaüm, une idée de la direction que prendrait ensuite l’intrigue. À la question « Pourquoi ne pas avoir précisé où le récit devait s’orienter à la fin du récit inachevé ? » il répond : « À 250 pages, je n’avais en fait pas encore entamé le

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véritable sujet, et l’enquête incroyable qu’aurait eu à mener Martin, sous les traits de Willard Watte »17. Dans

le cadre d’un récit improvisé, ces indications relèvent davantage d’étapes prévues légèrement en avance que de rebondissements entièrement planifiés, mais elles montrent néanmoins que l’auteur n’avançait pas tout à fait à tâtons.

Cette stratégie, consistant à ne pas tout prévoir mais à avoir un peu d’avance sur ses lecteurs dans l’articulation de l’intrigue, est analysée par Raphaël Baroni dans Les Rouages de l’intrigue :

Lorsque les lecteurs partagent plus ou moins le même niveau de connaissance auquel ont accès des personnages plongés au cœur des évènements, il leur est provisoirement impossible d’accéder à une vision globale de l’histoire, et par conséquent, cela induit généralement le sentiment que l’auteur, même s’il improvise en partie son intrigue, est toujours dans un excès de connaissance par rapport à ce qu’il laisse filtrer dans son récit. (2017, 32-33)

Ce sentiment est bien présent dans les deux ouvrages dont il est ici question : il est en effet très rare, aussi bien dans Les Carottes que dans Capharnaüm, que le lecteur ait accès au point de vue de personnages qui en sauraient plus sur l’intrigue. Dans le premier cas, la multiplicité des points de vue et des sous-intrigues en donne l’illusion, puisque le lecteur en sait plus que Lapinot, mais une analyse détaillée montre que tous les personnages sont, à des degrés divers, laissés dans l’ignorance : le Mage ignore quels sont les projets de ses ennemis Ghoran et l’Archiduc ; tout le monde ignore où se cache le magot de Kox (à part ce dernier) ; Rodrigo ignore où se trouve le livre rare qu’il recherche ; etc. Dans un mouvement inverse, de très nombreux secrets (par exemple le magot de Kox susmentionné ou la raison pour laquelle Rodrigo est menacé de mort) ne sont jamais révélés aux autres personnages, ni donc au lecteur, sans doute parce que Trondheim lui-même ne disposait pas de réponses satisfaisantes à leur propos au moment de les introduire dans l’intrigue. Le même schéma se retrouve dans Capharnaüm, où les héros ignorent tout des motivations et des agissements de leur ennemi Gashinga : le point de vue de ce dernier n’étant jamais montré, on (les personnages et le lecteur) ignore pourquoi il enlève des collectionneuses et collectionneurs (information révélée à la page 264). De même, la tension autour de l’identité de Willard Watte n’est jamais résolue : il semble d’abord qu’il trouve la mort et que Martin est amené à le remplacer, mais il est rapidement révélé qu’il s’agissait là d’une doublure.

Dans le cadre d’un feuilleton improvisé au cours des livraisons, ces éléments laissés obscurs à la fois pour le lecteur et l’auteur ne seraient pas problématiques puisqu’une promesse narrative tacite sous-entendrait qu’ils seraient tôt ou tard éclairés au fil du déroulement de l’intrigue. Mais les récits sont ici inachevés ; quasiment toutes leurs sous-intrigues sont donc brutalement interrompues et vouées à rester sans réponse. Sans établir un inventaire exhaustif des frustrations ainsi générées et en sus des secrets déjà mentionnés, on peut citer l’identité du curieux personnage révélant à Lapinot les secrets du monastère Sivhak dans Les

Carottes ou l’origine des pouvoirs de Gashinga dans Capharnaüm.

Si le lecteur, en entamant la lecture d’une œuvre qu’il sait inachevée, peut s’attendre à l’irrésolution de certains éléments, il convient toutefois de noter que certaines réponses surviennent dans les dernières planches des deux œuvres, laissant dès lors la tension narrative intacte jusqu’à la dernière case de chaque récit

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puisque sous-entendant que des réponses pourraient encore s’y trouver. Comme l’observe précisément Hilary Dannenberg :

La lecture du récit est nourrie par deux aspects différents de l’intrigue. Premièrement, il y a la configuration intra-narrative des événements et des personnages qui se présente comme une matrice de possibilités, ontologiquement instable, créée par l’intrigue dans son aspect encore non résolu. Celle-ci, en retour, nourrit le désir cognitif du lecteur d’être en possession du second aspect de l’intrigue : la configuration finale réalisée à la clôture du récit, lorsque (du moins c’est ce qu’espère le lecteur) une constellation d’événements cohérente et définitive sera établie. (Dannenberg 2008, 13, ma traduction) En d’autres termes, on peut poser une tension forte entre l’aspect improvisé du récit, sous-entendant que l’auteur n’est pas plus que le lecteur en possession de la configuration finale du récit, et son aspect inachevé qui suppose que cette configuration finale ne pourra jamais être tout à fait atteinte. Ou, pour le dire avec Tzvetan Todorov, le suspense est maintenu, mais la curiosité est mise à mal puisque Trondheim ne sait pas plus que son lecteur (ou feint de ne pas savoir) la cause à de nombreux effets du récit (1971, 60).

Pour maintenir malgré tout une tension narrative au sein des deux récits et continuer de capter l’intérêt de son lectorat, on notera que Trondheim a, une fois de plus, recours à des dispositifs similaires, cette fois-ci en termes de rythme de l’action. En effet, les moments d’action des deux réfois-cits, qui sont nombreux, sont également fréquemment entrecoupés de passages plus calmes, qu’il s’agisse des rêves de Lapinot dans Les

Carottes ou d’exploration urbaine dans Capharnaüm. Il est par ailleurs à noter que les deux récits débutent par

une longue période d’inaction (qui va même, dans Capharnaüm, jusqu’à la filature par Martin d’une feuille morte pendant plus de cinq pages18) et se terminent par une période de contemplation, de huit cases dans Les

Carottes et sept planches dans Capharnaüm. Insérer de tels épisodes au sein des récits a une double fonction :

d’une part, ils permettent au récit de conserver son dynamisme sans s’engluer dans un rythme narratif constant (que ce dernier soit frénétique ou lent) ; d’autre part, ils permettent à Trondheim de maintenir un nombre de pages suffisant dans des récits supposés en contenir des centaines ou des milliers. La difficulté de l’exercice réside en son caractère nécessairement secret : éventée, la stratégie narrative de l’auteur peut passer pour un délaiement d’autant plus frustrant qu’il peut survenir peu avant la fin du volume.

Il convient dès lors et pour finir de se poser la question de la satisfaction du lecteur confronté à l’inachèvement d’une intrigue qu’il sait par ailleurs improvisée (et donc inconclusive pour l’auteur lui-même). Si Trondheim affirme se laisser porter par son récit autant que son lecteur, ce dernier peut-il encore s’intéresser à l’intrigue ? Raphaël Baroni répond, de manière convaincante, par l’affirmative :

L’intrigue peut être improvisée sans rien perdre de son efficacité, car elle consiste davantage en un dispositif suscitant le désir d’un dénouement qu’en la planification de ce dernier. Dans l’expérience concrète que nous en avons, la mécanique fondamentale de l’intrigue consiste donc en l’art d’intriguer le public et, par conséquent, elle n’est pas incompatible avec un degré plus ou moins important d’improvisation dans l’élaboration de l’histoire, sans parler des incohérences, intentionnelles ou non,

18 Trondheim a indiqué à plusieurs occasions que la longueur supposée de son récit lui avait permis de tels épisodes contemplatifs (voir par exemple Le Saux, pas de page).

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qui pourraient survenir sur la ligne du temps. […] En d’autres termes, le nœud et les péripéties sont essentiels, mais le dénouement et la révélation d’une explication finale ne sont que des virtualités de cette « matrice de possibilités » que représente l’intrigue dans son état encore irrésolu. (2017, 43)

Jean-Christophe Menu va plus loin en parlant de « véritable communion entre l’auteur et le lecteur », puisque « la suspension du récit dans l’imaginaire, effectuée par le lecteur, est également vécue par l’auteur, qui dans le même laps de temps, ignore lui aussi ce qui va se passer » (2010, 303-306). L’aspect improvisé du récit pourrait alors être considéré comme une vertu plutôt qu’un défaut, encore davantage lorsque le lecteur en a une connaissance complice : c’est le cas pour Capharnaüm qui exhibe cet aspect sur sa couverture, c’est également le cas pour Les Carottes qui le mentionne dans son avant-propos.

Pour autant, Baroni mentionne également l’aspect résolu du récit, lorsqu’il parvient à « [un] dénouement et la révélation d’une explication finale » ; or, cet aspect est absent des deux œuvres étudiées ici, privant potentiellement leur lecteur d’un sentiment de clôture. Cette notion est en effet ici cruciale : Jane Yellowlees Douglas, dans The End of Books, note qu’il s’agit de « la seule entité qui confère une cohérence et un sens aux récits » (92, ma traduction), ce que soutiennent également des chercheurs comme Frank Kermode, Peter Brooks ou Wolfgang Iser. Une fois le récit terminé, selon ces chercheurs, on pourrait alors le considérer, rétrospectivement, comme une entité entière et l’appréhender synchroniquement. S’il est sans doute plus juste de considérer que la construction du sens se fait pendant la lecture du récit et jusqu’à la fin de celle-ci, il est néanmoins exact que « la fin [d’un récit], pour utiliser la définition de Barbara Herrstein-Smith de la clôture, se contente d’ôter toute “attente résiduelle” que je peux avoir ; je sais que le récit n’a plus rien à me révéler après que j’ai fini ma lecture » (Douglas 95, ma traduction). Même un récit inachevé se conclut donc, ne serait-ce que parserait-ce qu’il est suivi de près ou de loin par une quatrième de couverture, mais serait-cette fin matérielle ne suffit pas nécessairement à dissiper toutes les attentes résiduelles du lecteur lorsque de nombreuses intrigues, comme je l’ai montré, restent en suspens.

Néanmoins, l’inachèvement du récit des Carottes et de Capharnaüm diffère par l’état de l’intrigue au moment où elle est interrompue. Dans le premier cas, de très nombreuses péripéties ont eu lieu, et au moins un arc narratif important est au bord de l’achèvement : celui du combat contre l’Archiduc, à travers la disposition des quatre pierres récupérées au monastère Sivhak. Cet achèvement est laissé ouvert, puisque, dans l’hypothèse d’une continuation du récit, on pourrait imaginer que les pierres soient inefficaces ou que ce moyen soit contrecarré d’une quelconque façon ; en l’état, c’est principalement le statut de Lapinot qui est souligné sur la 500e page. Enfin arrivé devant l’ambassade de Patagonie tant désirée, Lapinot se retrouve une fois de plus

mêlé à une lutte qui ne le concerne pas et doit choisir entre celle-ci et son plaisir personnel. Cette fin qui n’en est pas une permet tout de même une forme de conclusion, car arrivé à ce point du récit, le lecteur a assisté à la maturation de Lapinot et peut penser qu’il ne fera pas le choix égoïste (son sourire qui disparaît au fil des ultimes cases en témoigne). L’intrigue en tant que telle reste donc inachevée mais pas la caractérisation du personnage principal, qui au terme de ses 500 pages a atteint la forme graphique et narrative que Trondheim lui fera peu ou prou adopter dans les prochains tomes de ses aventures.

Il en va de même dans le deuxième cas : au terme de Capharnaüm, Martin semble également avoir muri. Comme Lapinot, il sourit de se retrouver au milieu de ses héros (plaisir personnel) mais redevient plus sérieux

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lorsqu’il réalise être emporté par une intrigue qui le dépasse. Néanmoins, on sait que Trondheim estime, au terme de ces pages, ne pas avoir « encore entamé le véritable sujet » ; le point d’inachèvement de Capharnaüm désignerait alors presque le volume comme le premier tome d’une saga à venir et promise longue, là où celui des Carottes semble intervenir peu avant une conclusion plus ou moins générale (malgré, paradoxalement, le nombre beaucoup plus important de sous-intrigues laissées en suspens). Les lecteurs pourraient se montrer en conséquence plus frustrés par l’inachèvement des Carottes, paraissant réparable (il suffirait de ne dessiner que quelques dizaines de planches supplémentaires), que par celui de Capharnaüm dont il est entendu que le tome publié fait presque figure de partie émergée d’un iceberg narratif. Au final, ce n’est ni le caractère improvisé, ni l’aspect inachevé en tant que tels des œuvres qui peut poser problème à leur réception, mais les modalités de ces aspects.

Conclusion

Lapinot et les carottes de Patagonie et Capharnaüm sont les deux livres les plus longs de Lewis Trondheim19 ;

en tant que tels, et parce qu’ils se situent à deux points précis de la carrière de l’auteur (ses débuts et son apogée), ils font figure de monuments au sein de sa bibliographie. Leur ressemblance, à la fois matérielle et narrative, les rapproche aux yeux du public, même si, on l’a vu, ce sont des dynamiques distinctes qui les animent. En particulier, ni leur caractère improvisé ni l’inachèvement de leur intrigue ne répond aux mêmes exigences de la part du lectorat. Dans les deux cas, une certaine frustration peut se faire jour à leur lecture, même si le lecteur, au fond, s’y était engagé en connaissance de cause et en sachant, malgré ses possibles fantasmes (peut-être nourri par le mysticisme de Trondheim autour de certaines œuvres précédentes), qu’il n’aurait pas accès au fin mot de l’histoire.

Au-delà des caractéristiques que j’ai tâché de dégager au fil de cet article, il me semble pertinent, pour conclure, d’évoquer deux points. Premièrement, si ces deux livres font tant date dans l’œuvre trondheimienne, c’est peut-être parce que, à la façon des récits inachevés publiés après la mort de leur auteur, on a ici une impression de proximité avec le dessinateur, comme si, après ses proches, c’était à nous qu’il ouvrait ses tiroirs pour nous montrer ces planches. Cette impression de proximité est renforcée, d’une part de par le versant autobiographique de l’œuvre de Trondheim, faisant déjà de lui-même un personnage dont on pense beaucoup savoir ; particulièrement parce que Les Carottes et Capharnaüm, œuvres moins grand public que les autres albums de Lapinot ou ceux de Ralph Azham, seront lus par des lecteurs connaisseurs du dessinateur et de l’œuvre, ayant donc un horizon d’attente différent du grand public. D’autre part, les planches de ces livres ayant été réalisées sans crayonnés, elles nous sont donc présentées dans leur aspect initial ou presque.

Deuxièmement, c’est peut-être précisément l’inachèvement de ces œuvres qui les rend si puissantes ; parce que le lecteur n’a pas accès à une fin dictée par l’auteur, il est libre, à des degrés divers, d’imaginer la sienne potentielle. Il n’existe pas à ma connaissance de fan fiction des Carottes ou de Capharnaüm, mais Trondheim a indiqué pour ce second livre être ouvert à l’idée que d’autres dessinateurs s’emparent de la suite20 : il

appartient à ses lecteurs d’achever la construction du monument ou d’en admirer les espaces « négatifs ».21

19 À l’exception d’Île Bourbon 1730, non scénarisé par Trondheim.

20 Voir http://www.lewistrondheim.com/forum/viewtopic.php?p=2135#p2135. 21 Au sens sculptural du mot.

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Ouvrages Cités

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(consulté le 1er juillet 2018).

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Bio

Côme Martin est docteur en littérature contemporaine américaine ; il travaille sur les relations entre texte

et image et sur les formes du livre, aussi bien en bande dessinée qu’au sein du roman. Il est membre associé du laboratoire GRENA (Groupe de Recherche sur le Neuvième Art), à Paris IV – Sorbonne et du groupe de recherche TIES (Texte, Image et Son) à Paris Est – Créteil.

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