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La gestion des inputs quasi-publics en agriculture : le cas des exploitations porcines et céréalières

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Academic year: 2021

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Submitted on 7 Jun 2020

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des exploitations porcines et céréalières

Pierre Dupraz

To cite this version:

Pierre Dupraz. La gestion des inputs quasi-publics en agriculture : le cas des exploitations porcines et céréalières. Economies et finances. Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales, 1996. Français. �tel-02841915�

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LA GESTION DES INPUTS QUASI-PUBLICS

EN AGRICULTURE :

LE CAS DES EXPLOITATIONS PORCINES

ET CEREALIERES

THESE POUR LE DOCTORAT EN SCIENCES ECONOMIQUES présentée et soutenue publiquement par

Pierre DUPRAZ

Directeur de thèse :

J. MAIRESSE : Directeur d'études à l'E.H.E.S.S.

JURY

Rapporteur MENARD C. Professeur, Université de Paris 1 Rapporteur VERMERSCH D. Chargé de Recherche, INRA - Rennes DESAIGUES B. Professeur, Université de Paris 1

RAINELLI P. Directeur de Recherche, INRA - Rennes SOLER L.G. Directeur de Recherche, INRA - Grignon

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L'Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales n'entend donner aucune approbation ni improbation aux opinions émises dans la thèse ; ces opinions doivent être considérées comme propres à leur auteur.

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Pour les nombreuses recommandations qui m'ont permis de mener à bien cette thèse, j'adresse ma plus vive reconnaissance à Jacques Mairesse.

Je remercie Dominique Vermersch qui me conseille et me dirige depuis le début de mes travaux de recherche.

Je tiens à remercier Pierre Rainelli et François Bonnieux, directeurs de recherche à l'Unité d'Economie et Sociologie Rurales, INRA de Rennes , pour leur attention constante tout au long de ce travail réalisé dans leur laboratoire.

J'associe à mes remerciements l'ensemble du personnel de l'Unité de Rennes pour son soutien amical, sa disponibilité, et l'aide efficace apportée dans les mises au point de ce document.

Je me dois cependant de rendre un hommage particulier à Marion Desquilbet, Cathie Laroche et Anne-Marie Cardou pour leur contribution décisive à la mise en forme finale de cette thèse.

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Introduction Générale Chapitre 1.

Economies de gamme et structure du secteur agricole

Section 1. Les économies de gamme en économie industrielle Section 2. Economies de gamme et firmes multi-produits Conclusion du chapitre 1.

Chapitre 2.

Inputs quasi-publics et production jointe

Section1. Approche duale de la technologie facteurs / multi-produits

Section 2. Comportement des agents en présence de biens à caractère public

Section 3.La nature des biens et la nature de la firme Conclusion du chapitre 2.

Chapitre 3.

Modélisation du comportement des agriculteurs associant les productions végétale et porcine

Section 1. Modélisation du comportement économique des producteurs Section 2. La comparaison des technologies végétales dans les

exploitations mixtes et dans les exploitations spécialisées

Section 3. Résultats économétriques des estimations de la fonction de rendement végétal

Section 4. Analyse conjointe des technologies porcine et végétale Conclusion du chapitre 3.

Chapitre 4.

Description de la technologie jointe par la fonction de revenu

Section 1. Technologie et fonction de revenu

Section 2. La spécification Translog de la fonction de revenu Section 3. Etude de la fonction de revenu pour l'échantillon des exploitations mixtes

Conclusion du chapitre 4.

Conclusion générale Bibliographie

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INTRODUCTION GENERALE

L'agriculture et l'élevage sont caractérisés par des phénomènes biologiques à l'origine de nombreuses possibilités de complémentarités techniques entre les différentes productions. Selon les pratiques culturales et la conduite des élevages, ces synergies sont plus ou moins utilisées. Ces pratiques culturales et la conduite des élevages dépendent elles-mêmes du contexte institutionnel et économique.

Ce travail vise à analyser, à partir d'une modélisation micro-économique et économétrique, les complémentarités techniques induites par le contexte économique. La théorie de la production modélise le comportement des producteurs sous la contrainte technologique qui désigne l'ensemble des relations possibles entre les facteurs de production et les produits. Les technologies utilisées sont observables parce qu'économiquement viables, mais ne constituent cependant qu'une partie des combinaisons possibles. Elles sont, de ce point de vue, le produit du contexte économique.

Concernant ces choix techniques, nous serons fréquemment amenés à opposer la spécialisation et la diversification. Nous entendons par spécialisation l'organisation de l'activité productive autour d'un seul produit ,ou d'un seul groupe de produits voisins tels que les céréales. La monoculture de maïs ou l'élevage de volailles hors sol sont des exemples d'agriculture spécialisée.

La spécialisation s'oppose à la diversification, une organisation de l'activité productive qui associe des produits différents. La diversification peut être justifiée par l'utilisation de synergies entre les processus biologiques conduisant à ces produits. L'association traditionnelle agriculture-élevage donne un bon exemple de ce type d'organisation, l'agriculture fournissant l'alimentation et la litière des animaux, ces derniers permettant l'entretien de la fertilité de la terre et fournissant la force de traction. Cependant, la spécialisation de l'activité productive ne se traduit pas automatiquement par des firmes mono-produit, ni même l'association des productions par des firmes multi-produit. En effet, des firmes multi-produit peuvent très bien n'être que la juxtaposition de plusieurs ateliers indépendants les uns des autres, spécialisés chacun dans une seule production. La diversification de ces firmes trouvant alors une explication dans la théorie des choix de portefeuilles par exemple. De même, l'utilisation de synergies entre différentes productions n'est pas

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une condition suffisante pour l'apparition de firmes multi-produit dans la mesure où ces synergies peuvent faire l'objet de transactions sur des marchés spécifiques. Un exemple de ce type de transactions est l'échange de services entre un éleveur spécialisé sans terre et un voisin céréaliculteur : par l'épandage des effluents d'élevage sur l'exploitation céréalière, l'éleveur cède le pouvoir fertilisant de ses effluents au céréaliculteur tandis que celui-ci débarrasse l'éleveur de ses déchets. Ce travail s’attache tout d'abord à relier les caractéristiques de la technologie à l’organisation des productions, à l’intérieur de firmes. Puis dans un second temps, il vise à montrer l'importance du comportement de producteur sur cette organisation et à analyser ses conséquences sur les nuisances d'origine agricole.

Dans le chapitre 1, les hypothèses et les résultats de la théorie des marchés contestables concernant la coexistence de firmes multi-produits et de firmes mono-produit sont exposés et discutées. L’application de cette théorie au secteur agricole français, conduit à mettre en évidence une condition d’équilibre entre les économies de gamme et les économies d’échelle. Cette condition d’équilibre dépend du comportement des producteurs et des possibilités de substitutions factorielles. L’élément déterminant des arbitrages entre l’exploitation d’économies d’échelle et l’exploitation d’économies de gamme est la gestion des inputs quasi-publics.

Le chapitre 2 détaille le rôle des biens à caractère public dans les approches duale et primale de la technologie, et montre l’importance de la notion de services productifs. Une modélisation des inputs quasi-publics par la théorie des biens de clubs se révèle particulièrement appropriée.

Dans le chapitre 3, une modélisation micro-économique de deux services productifs particuliers, les intraconsommations et le lisier, est proposée. Celle-ci est confrontée aux résultats d’une approche économétrique sur données de panel d'exploitations céréalières et porcines. Cette partie appliquée s’attache à comparer différentes méthodes de contrôle des biais d’hétérogénéité qui caractérisent les estimations sur données de panel.

Le chapitre 4 adopte une perspective différente mais toujours à vocation appliquée. Il s’attache à confronter les propriétés de la fonction de revenu en présence d’inputs quasi-publics à l’estimation d’une forme flexible de la fonction de revenu.

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Chapitre introductif

: Spécialisation et productivité en

agriculture, le rôle de la Politique agricole.

Après trente ans d’une politique agricole qui, par la spécialisation des exploitations et des régions, a favorisé des gains de productivité sans précédent, la réforme de la politique agricole européenne de 1992 est le signe d’une rupture. Le modèle agricole européen doit maintenant intégrer à la fois des contraintes de la concurrence internationale et des contraintes environnementales. Ces contraintes se traduisent déjà dans le cadre de la réforme par un nouveau système de prix. La compétitivité des exploitations agricoles ne devra plus seulement se baser sur leur capacité à produire des biens agricole privés, mais également sur leur capacité à le faire dans un plus grand respect de l’environnement. La recherche de la compétitivité dans ce nouveau contexte ouvre un débat entre spécialisation et diversification en particulier pour les raisons suivantes : d'une part, les systèmes diversifiés offrent plus de possibilités pour contrôler les atteintes à l'environnement de l'activité agricole. D'autre part les aménités positives ou négatives liées à cette activité peuvent être considérées comme des produits joints aux produits agricoles.

La réforme de la Politique agricole

La réforme de la Politique agricole commune de mai 1992, concernant principalement les céréales et les oléoprotéagineux (désignés globalement dans la suite par l'abréviation COP), est fondée sur la baisse des prix de ces productions et la mise en place d'un soutien direct au revenu des producteurs conditionnellement au gel d’une partie des surfaces consacrées à ces productions.

Le soutien au revenu des agriculteurs, qui passait auparavant par des prix, garantis et soutenus par la communauté européenne, est maintenant partiellement découplé de la production, dans le sens où l'aide européenne n'intervient plus comme une distorsion directe des prix incitant à produire davantage. Cette réforme est avant tout destinée à maîtriser la production compte tenu des contraintes internationales et à stopper l'accroissement du budget agricole communautaire.

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Elle se voudrait également un premier pas vers une agriculture plus soucieuse de l’environnement et actrice de l’aménagement du territoire. La baisse des prix compensée par une aide directe devrait réduire l’incitation à l’intensification.

La spécialisation de l’agriculture : une conséquence de l’ancienne Politique agricole commune

La garantie de prix accordée aux producteurs, associée à l'application du principe de la préférence communautaire, se traduisait par des prix nettement plus élevés pour les consommateurs européens de COP, y compris pour les acheteurs d'alimentation animale, que ceux pratiqués sur les marchés mondiaux. Pour les exportations de COP, la différence entre le prix européen et le prix mondial était comblée par le budget communautaire. Les sommes versées à cet effet correspondent aux restitutions à l'exportation.

Tant que la communauté européenne était déficitaire pour ces produits, ces mesures de soutien à l'agriculture étaient principalement à la charge des consommateurs européens et sollicitaient peu le budget communautaire. En revanche, le succès même de ces mesures a conduit à la conquête du marché européen par les producteurs européens, puis à l'accroissement rapide des exportations hors CEE dans les années 1980, donc à l'explosion des restitutions communautaires aux exportations. Ce phénomène a été accentué par le fait que l'écart de prix entre le marché européen et le marché mondial était particulièrement élevé à cause de la concurrence à laquelle se livraient les pays subventionnant leurs exportations (USA, CEE) et les pays disposant d'avantages comparatifs (Argentine, Nouvelle Zélande, Australie).

La CEE a ainsi souvent été critiquée par ses partenaires dans les négociations du GATT pour son protectionnisme et la concurrence déloyale qu'elle exerçait sur les marchés mondiaux.

Certains pays, dont les Etats-Unis, avaient d'ailleurs obtenu, en compensation de leurs parts de marché perdues au profit de l'agriculture européenne, l'accès libre au marché européen pour les produits de substitution aux céréales (PSC) destinés à l'alimentation animale (Guyomard H., et al 1992) Ces PSC ont donc pris une part

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accrue dans l'alimentation animale, en particulier porcine, du fait de leur prix inférieur à celui des céréales.

Les trente dernières années ont vu l'agriculture et l'élevage progresser vers une spécialisation poussée pour plusieurs raisons. Citons la maîtrise d'itinéraires techniques de plus en plus précis, plus faciles à atteindre pour une seule production que pour plusieurs simultanément, la recherche des économies d'échelle dues à l'utilisation d'équipements spécialisés et coûteux.

Avant la réforme, la Politique agricole commune y a largement contribué par l'incitation par les prix et sa stabilité qui encourageait les investissements de long terme. Elle a également favorisé la séparation de l'agriculture et de l'élevage par des rapports de prix incitant le producteur à vendre ses céréales quitte à acheter des PSC pour ses animaux plutôt que de produire les aliments lui-même. Un autre lien technologique entre l'agriculture et l'élevage, l'utilisation des lisiers et fumiers comme fertilisants, a été également très restreint par l'utilisation d'engrais, plus commodes et au pouvoir fertilisant mieux connu. L'épandage de lisier sur les prairies ou les cultures est cependant imposé par la réglementation aux éleveurs pour des raisons environnementales.

Le soutien des prix sur près de 30 ans a favorisé une augmentation sans précédent de la productivité partielle du travail, qui a été multipliée par 5, en plaçant artificiellement l'optimum économique au maximum technique et en favorisant de ce fait l'utilisation toujours plus massive de variétés et d'animaux sélectionnés, d'intrants chimiques, de machines et de crédits. Sur cette période, les rendements des céréales et des oléoprotéagineux ont plus que doublé, la production annuelle par vache laitière est passée de 2000 à 4500 litres de lait en moyenne dans la Communauté Européenne (Ardouin et alii, 1992).

Les conséquences de cette évolution ont été une spécialisation toujours plus poussée des exploitations et des régions, en fonction des avantages naturels et de la proximité des ports pour l'acheminement des intrants importés, la concentration des exploitations, accentuée dans le secteur laitier par l'instauration des quotas, ainsi que la déprise agricole dans certaines régions. Parallèlement, en France, la population active agricole est passée de plus de 5 millions à 1,26 million entre 1954 et 1991. Les producteurs européens, en particulier les français, ont conquis l'essentiel du marché européen et sont devenus de grands exportateurs de produits agricoles, contribuant ainsi à déclencher une guerre commerciale avec les Etats-Unis qui

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instaurent à leur tour des subventions à leurs exportations agricoles en 1985 dans le cadre de l'Export Enhancement Program ( Cyncinatus et Floch, 1992).

Ces profondes mutations du secteur agricole se sont traduites par une moindre utilisation des complémentarités technologiques entre les différentes productions, notamment entre l'agriculture et l'élevage.

Elles ont été également accompagnées d'une diminution des externalités positives, du fait en particulier d'une moindre diversité des paysages et d'une diminution de la bio-diversité, dues à la spécialisation régionale.

Les origines de cette diminution de la bio-diversité sont tout d'abord le choix par les agriculteurs des productions les plus rentables, compte tenu du soutien fourni par la PAC. De plus, pour ces productions, les variétés ont été sélectionnées pour l'efficience avec laquelle elles valorisent les intrants chimiques. L'activité agricole s'est orientée vers les itinéraires de production les plus mécanisés, et l'action des aménagements agricoles et des pratiques culturales sur la faune et la flore de l'espace agraire (destruction des haies, drainage des zones humides) ont également contribué à ce phénomène.

Ce mouvement s'est accompagné de la naissance et de l'accroissement d'externalités négatives. Elles sont dues en premier lieu aux effluents d'élevages hors-sol de plus en plus concentrés. Compte tenu des rapports de prix prévalant avant la réforme de mai 1992, une partie des besoins énergétiques des animaux étaient comblés par des aliments protéiques, ce qui aggravait la teneur des effluents en azote. Ces effluents étaient autrefois utilisés pour la fertilisation des cultures mais leur volume actuel dépasse de loin les capacités locales d'épandage et est à l'origine de pollution par les nitrates de nappes phréatiques et de nuisances olfactives empêchant l'installation de toute activité touristique ou de loisir à proximité. L'utilisation massive d'intrants chimiques sur certaines cultures comme le maïs est également responsable des pollutions des eaux de surface et souterraines. Ce phénomène est souvent accentué par des dispositifs d'irrigation et de drainage permettant une utilisation encore plus intensive d'engrais et de produits phytosanitaires du fait de la réduction du risque climatique. Par ailleurs, l'abandon de certaines terres et de certains pâturages peu productifs ou enclavés favorisent les feux de forêts et de garrigues coûteux pour la collectivité.

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Quelques interrogations sur l’impact de la réforme de la PAC.

Nous avons vu qu'une part des problèmes environnementaux découlait de la dissociation entre les spéculations animales et végétales. Cette réforme permettra-t-elle des nouvpermettra-t-elles complémentarités entre l'agriculture et l'élevage ?

La baisse du prix des céréales, partiellement remise en cause en 1995, se traduit déjà par leur plus grande utilisation dans l'alimentation du bétail au détriment des produits de substitution aux céréales (PSC) importés. Cet accroissement des céréales dans l’alimentation animale se fera-t-il par l’intermédiaire du marché, ou directement au sein des exploitations par l’accroissement des intraconsommations ? La réforme permettra-t-elle une réelle extensification, c'est-à-dire une moindre production agricole et une moindre consommation d'intrants chimiques par unité de surface, entraînant une concentration plus faible d'effluents et de produits polluants et donc des risques de pollution réduits ?

Dans chaque pays, la PAC est appliquée dans un certain contexte fiscal et interfère avec des politiques de développement local ou régional. Ce sont deux aspects sur lesquels il convient également de mener une réflexion. Par exemple en France, la pression fiscale et les prélèvements sociaux s'exercent principalement sur le facteur foncier et sur le travail. Cela décourage a priori une utilisation plus importante de ces deux facteurs pourtant compatibles avec un meilleur respect de l'environnement et la lutte contre le chômage. De même, les pouvoirs publics locaux et nationaux ont fréquemment mis en place des systèmes d'aide publique aux agriculteurs pour leur permettre de profiter au mieux du soutien des prix. Il s'agit par exemple de la réalisation de projets d'irrigation, de prêts bonifiés pour la modernisation des exploitations ou de programmes de sélection de variétés ou d'animaux. Depuis 1994, un programme de maîtrise des pollutions d’origine agricole vise à mettre les élevages français en accord avec la directive « nitrate1 » de 1991. Au regard de ces nouvelles contraintes et du maintien d'une certaine compétitivité des agricultures européennes, quelles politiques nationales et locales d'accompagnement de la PAC sont-elles souhaitables ?

1

Cette directive impose en particulier des normes d'étanchéité aux bâtiments d'élevage et fixe la limite supérieure des épandages d'effluents organiques à 170 unités d'azote par hectare.

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Pour répondre à ces questions, une connaissance fine des technologies et des comportements est nécessaire. Les outils micro-économiques et économétriques peuvent y contribuer.

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Chapitre 1.

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L’objectif de ce chapitre est de préciser l’apport du concept d’économies de gamme en économie de la production et de montrer son intérêt pour l’analyse de la structure du secteur agricole. Ce concept tient une place prépondérante dans la théorie des marchés contestables de Baumol, Panzar et Willig (1982). Celle-ci tente d’étendre le mécanisme de la main invisible à des technologies non-convexes. Cette théorie définit un concept élargi de concurrence, appelé la contestabilité, qui permet d’atteindre un optimum social pour des technologies à rendements croissants. Cette théorie apparaît fructueuse pour justifier l’existence de certains monopoles, ou de marchés concurrentiels où se côtoient des firmes mono-produit et des firmes multi-produits comme cela semble être le cas dans l’agriculture.

Ce chapitre propose une présentation de cette théorie et discute l'intérêt de l'appliquer au secteur agricole. Comme nous le verrons dans la section 1.1, la contestabilité des marchés utilise des hypothèses critiquées par les autres courants de l’économie industrielle moderne. Dans la section 1.2, nous verrons que les économies de gamme sont une caractéristique de la technologie des firmes multi-produits lorsqu'on suppose que les externalités sont systématiquement internalisées par les firmes et qu’aucun input n’est négocié sur un marché imparfait. Sous ces hypothèses, la théorie des marchés contestables permet de définir les conditions d’un équilibre comportant à la fois des firmes spécialisées et des firmes diversifiées.

Section 1. Les économies de gamme en économie industrielle

Le concept d'économies de gamme apparaît en économie industrielle en 1975 à l'occasion de travaux menés au laboratoire d'économie de Bell. Ce concept joue un rôle central dans la théorie des marchés contestables proposée dans l'ouvrage "Contestable Markets and the Theory of Industry Structure" de Baumol, Panzar, Willig (1982). Il est résumé page 316 par le résultat suivant :

" Dans un marché contestable en équilibre, le vecteur d'outputs proposé par chaque firme correspond à un point où la fonction de coût est sous-additive, au moins faiblement. En particulier une telle firme exhibe des économies de gamme pour les différents biens qu'elle produit. Inversement, l'existence d'économies de gamme entre deux biens sur des marchés contestables implique que ces biens ne

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peuvent pas être produits par différentes firmes spécialisées, car dans ce cas les coûts de l'industrie pourraient être réduits en les produisant conjointement dans une entreprise multi-produits. Il est maintenant démontré que la théorie de la sous-additivité peut être appliquée à la fonction de coût de chaque firme d'une industrie contestable, que cette industrie soit naturellement un monopole, un oligopole ou en situation de concurrence pure et parfaite."

D'après Alexis Jacquemin (1985), l'approche de Baumol et alii appartient au courant "darwiniste" de l'économie industrielle. Ce courant est fondé sur l'idée que les configurations industrielles qui émergent dans la réalité sont une bonne approximation des structures les plus efficaces dans l'environnement technologique et économique considéré, selon des processus qui s’apparentent à la sélection naturelle tels que la reproduction, la diversification des génotypes et la disparition de ceux qui sont les moins adaptés. Il s'agit donc d'un prolongement du monde walrassien dans lequel les entreprises n'influencent pas leur environnement.

La méthode d'analyse associée à ce courant s'attache à déterminer tout d'abord la configuration la plus efficace, c'est à dire, dans l'approche de Baumol et alii, la moins coûteuse pour chaque vecteur d'outputs. Cela définit le critère de sélection. Ensuite sont recherchés les processus de marchés capables de faire émerger cette configuration efficace. C'est le mécanisme de sélection. L'analogie avec la sélection naturelle explique intuitivement l'importance donnée dans cette méthode d'abord à l'étude de la technologie, et ensuite aux conditions d'entrée et de sortie des firmes d’un secteur d’activité.

Les autres courants de l'économie industrielle soutiennent plutôt que les configurations réelles sont le fruit des relations de pouvoir qui s'établissent entre les firmes. Le principe moteur n'est plus l'efficacité technologique mais la recherche par chaque firme d'une position dominante par la modification des règles de la concurrence et la manipulation de la demande dans un sens favorable en faisant jouer son pouvoir de marché. Le secteur agricole est caractérisé par un grand nombre de firmes. Aucune d'elles ne peut prétendre occuper une position dominante ni manipuler la demande en biens agricoles, reconnue assez rigide. En conséquence, les économistes agricoles se sont le plus souvent attachés à comprendre les mutations du secteur agricole à partir des innovations

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technologiques et du jeux des avantages comparatifs. Ils se rangent donc plutôt dans le courant darwiniste.

En cherchant d'abord les déterminants des structures industrielles dans la technologie, et ensuite quel comportement normatif les firmes doivent adopter pour que les structures naturelles s'imposent sous forme d'équilibres, Baumol et alii aboutissent à des hypothèses de comportement qui apparaissent criticables.

Pour défendre la primauté de la technologie dans l'émergence des configurations industrielles et asseoir la validité de cette approche, Baumol (1982) s'appuie sur le fait que dans différents pays, les grands secteurs d’activités ont tendance à présenter des configurations semblables.

Compte tenu des hypothèses retenues, de nombreux aspects de l'économie industrielle ne sont pas traités par la théorie des marchés contestables.

Parmi les limites de cette théorie, Jacquemin (1985 p35-36) retient notamment que :

- Le rôle joué par la demande est mineur. Sa seule contribution est dans la détermination de la taille des marchés, compte tenu du coût moyen minimal réalisable pour le secteur industriel considéré. Notamment, la concurrence monopolistique n'est pas traitée. La différenciation des produits par la qualité ou la localisation n'est pas prise en compte.

- Cette approche suppose la transparence et une symétrie totale des firmes installées entre elles et avec les entrants, excluant tout comportement stratégique. Les situations caractérisées par des coûts irrécupérables, des asymétries d'information ou de l'incertitude ne sont pas traitées.

Notons que cette dernière critique adressée par Jacquemin est au contraire une vertu pour E. Bailey (Baumol et alii, 1982, page xxi) :

" Il est important de noter que les résultats sont obtenus, non pas de modèles basés sur le comportement des firmes installées les unes vis-à-vis des autres, mais à partir de modèles pour lesquels de telles hypothèses de comportement ne sont pas pertinentes dans une large mesure."

Les sous-sections 1.1.1 et 1.1.2 présentent succinctement les hypothèses et quelques résultats de la théorie des marchés contestables, ainsi que les définitions des coûts fixes, des coûts irrécupérables et des barrières à l'entrée sur lesquelles ils

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s'appuient. Ensuite, Différentes critiques de cette approche sont rassemblées. La sous-section 1.1.3 discute sa validité et sa robustesse d'un point de vue général, tandis que la sous-section 1.1.4 discute le caractère contestable des marchés agricoles.

1.1. Marchés contestables et configurations soutenables

La théorie des marchés contestables vise à construire un cadre d'analyse dans lequel la structure industrielle est endogène compte tenu des technologies disponibles et des caractéristiques de la demande. Le caractère contestable des marchés repose sur une hypothèse de comportement des firmes installées et des entrants potentiels. Cette contestabilité assure qu’une industrie en équilibre maximise le bien-être des consommateurs en minimisant le coût total de l’industrie, toutes les firmes participant à cet équilibre ayant un profit positif ou nul. S’il existe, un tel équilibre constitue une configuration soutenable de l’industrie considérée. Après avoir défini les notions de marchés contestables, de configuration soutenable et d’industrie, nous montreront comment les configurations soutenables d’une industrie peuvent se déduire des caractéristiques de la technologie, notamment pour des technologies non convexes.

1.1.1. Quelques définitions

Un marché contestable est un marché accessible aux entrants potentiels et muni des deux propriétés suivantes (Baumol et alii 1982, p 5) :

- Les entrants peuvent utiliser les mêmes techniques que les firmes installées. - Les entrants potentiels évaluent les gains de leur entrée sur la base des prix en vigueur avant leur entrée.

Le deuxième concept central dans l'approche de Baumol et alii est celui de configuration soutenable d'une industrie (Baumol et alii,1982, p 5).

Une configuration soutenable est définie par un vecteur de prix des biens produits par l'industrie considérée et par un ensemble de vecteurs d'outputs, chaque vecteur correspondant à l'activité productive d'une firme de cette industrie.

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Trois propriétés sont associées à ces vecteurs :

- Pour le vecteur de prix considéré, la production totale de chaque output égalise sa demande.

- Les firmes en place ont des profits positifs ou nuls.

- Pour le vecteur de prix considéré, aucun entrant potentiel n'anticipe des profits positifs.

Compte tenu de la définition des marchés contestables et de celle des configurations soutenables, il s'ensuit qu'un équilibre sur un marché contestable ne peut être obtenu que pour une configuration soutenable pour l'industrie considérée. Sinon un entrant détruira l'équilibre et modifiera la configuration de l'industrie.

Dans cette approche, le concept d'industrie ne se rapporte pas à un et un seul produit puisque Baumol et alii s'attachent notamment à traiter le cas des industries constituées de firmes multi-produits. Il rappellent que le cas mono-produit est l'exception plutôt que la règle (Baumol et alii 1982, p 3). Comme le montrent les passages suivants, empruntés à Baumol et Fischer (1978), la notion d'industrie devient beaucoup plus vague.

" En théorie économique, une industrie est habituellement définie par un ensemble de biens qui sont des substituts proches du point de vue du consommateur, mais pas nécessairement du point de vue des producteurs (cas des crayons, stylos et machines à écrire).

Alternativement, en accord avec la réalité du monde des affaires, une industrie peut comprendre des produits ayant des relations étroites du point de vue de la production, mais pas forcément du point de vue de la consommation (cas des voitures et des camions).

L'analyse proposée est indifférente vis-à-vis de ces deux critères."

Les auteurs considèrent donc une industrie " comme l'ensemble des firmes qui

offrent des produits suffisamment proches selon l'un ou l'autre de ces deux critères."

Dans l'analyse des configurations industrielles proposée par Baumol et alii, les limites de l'industrie elle-même, c'est-à-dire l'ensemble des biens qui la définit, sont données a priori. Ce sont le nombre de firmes et les montants produits par chacune d'elles qui sont endogènes. Dans ce chapitre, le terme d’industrie se rapporte a priori à la branche agricole, définie comme l’ensemble des firmes qui fournissent des produits végétaux et/ou animaux. Cependant, les exploitations agricoles sont

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susceptibles d’offrir conjointement des biens non agricoles telles que les aménités environnementales. Dans ce cas, la théorie des marchés contestables impose d’élargir l’industrie étudiée au moins à toutes les firmes, agricoles ou non, qui offrent les mêmes biens.

1.1.2. Technologies non convexes et configuration industrielle : le rôle de la sous-additivité

L’ensemble des plans de production possibles étant représenté par la fonction de coût, une firme est entièrement définie par le vecteur d’outputs qu’elle produit et correspond à un point de la fonction de coût. La non-convexité de la technologie se traduit notamment par l’existence d’économies d’échelle croissantes pour certains niveaux de production. C’est le cas quand une firme doit encourir des coûts fixes. Au moins pour les niveaux d’outputs les plus faibles, les économies d’échelles sont croissantes.

Dans une industrie multi-produits, les firmes qui participent à une configuration soutenable doivent satisfaire à deux exigences. L’une concerne le choix des biens produits et fait appel à la notion d’économies de gamme. L’autre concerne la taille de la firme, c’est-à-dire le choix des niveaux de production de ces biens, et fait appel à la notion d’économies d’échelle. Les économies de gamme et les économies d’échelle caractérisent les deux dimensions de la sous-additivité de la fonction de coût : la dimension qualitative (quels biens ?) et la dimension quantitative (quelle quantité ?).

Ainsi, quand elles ne sont pas contraintes par la demande, ce qui peut être le cas des monopoles et oligopoles naturels, les firmes de la configuration soutenable sont en des points de la fonction de coût où les économies de gamme sont positives ou nulles et où les économies d’échelle sont si possible constantes. En effet, si une firme produit deux outputs pour lesquels les économies de gamme sont strictement négatives, deux firmes spécialisées peuvent la remplacer avantageusement. De même, si une firme produit une certaine quantité de biens à économies d’échelle croissante (décroissante), des firmes proportionnellement plus grandes (plus petites) peuvent fournir cette quantité à un coût moindre.

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A partir de là, on peut illustrer comment la technologie et la demande déterminent la configuration soutenable de l’industrie. Les résultats les plus marquants de cette théorie concernent les technologies qui présentent une fonction de coût moyen en forme de U le long de chaque rayon d'outputs. Chaque rayon d'outputs correspond à une proportion fixe d'outputs. Pour une industrie comportant n outputs, un rayon d’outputs indicé par k est formellement défini par un vecteur (yk)’=(y1k,..., ynk)' et un réel positif t. A chaque valeur de t correspond un vecteur y du

rayon k vérifiant : y = (t.yk) . Pour un coût moyen en forme de U, les rendements d’échelle sont donc croissants puis décroissants à mesure que t augmente (figure 1).

Figure 1: coût moyen CM en forme de U sur le rayon y = (t.yk)

Sous l’hypothèse de marchés contestables, les firmes du rayon k participant à la configuration soutenable fournissent des vecteurs d’outputs égaux ou proches de tk.yk qui minimise le coût moyen sur le rayon k. A chaque vecteur tk.yk, correspond un vecteur des coûts marginaux des outputs. Au vecteur p constitué des plus petits coûts marginaux pour l’ensemble des rayons k, correspond un vecteur de demande potentielle yd(p). La configuration soutenable est alors constituée des firmes qui fournissent yd(p) au moindre coût total. En conséquence, pour que les firmes d’un rayon k participent à la configuration soutenable, la fonction de coût doit exhiber des économies de gamme positives ou nulle en tk.yk. Sinon des firmes spécialisées peuvent les supplanter en fournissant tk.yk à un coût moindre.

(24)

A partir de là, tout dépend de l’importance relative de yd(p) et des vecteurs tk.yk satifaisant aux critères précédents.

Si pour chaque output i, la demande yid(p) est inférieure ou égale à tk.yik

quelque soit le rayon k, alors au plus une seule firme par rayon d’outputs k participe à la configuration soutenable. Chacune de ces firmes est un monopole naturel multi-produits ou mono-produit. Si la fonction de coût exhibe des économies de gamme pour toutes les partitions d’outputs du vecteur yd(p), on aura un seul monopole naturel multi-produits. Si au contraire la fonction de coût exhibe des déséconomies de gamme pour toutes les partitions d’outputs du vecteur yd(p), on aura n monopoles naturels mono-produit. Ces monopoles fournissant la demande à économies d’échelle croissantes, le vecteur d’équilibre y* sera inférieur ou égal à yd(p), et p* supérieur ou égal à p.

Si la demande yd(p) est nettement plus grande, c’est-à-dire si yid(p) est

supérieure ou égale à 2.(tk.yik) quelque soient k et i, alors elle est founie par un

nombre fini de firmes mono-produit et/ou multi-produits. Ce nombre est d’autant plus élevé que la demande est plus grande, et les vecteurs d’équilibre p* et y* d’autant plus proche1 de p et yd(p). Si la configuration actuelle de l’agriculture était une configuration soutenable, elle correspondrait à cette dernière situation. Aussi les autres cas ne nous intéressent-ils pas.

Le cas où la demande est très grande, par rapport aux niveaux de production optimaux (tk.yik) des firmes, se rapproche du cas limite où la technologie présente

des déséconomies d’échelles quels que soient les niveaux des outputs et le rayon considéré. La courbe de coût moyen est donc croissante dès l’origine. Pour une demande non nulle, la configuration soutenable comprend une multitude de firmes infinitésimales mono-produit ou multi-produits selon les économies de gamme à l’origine entre les différents outputs. Il s’agit là de la situation de concurrence pure et parfaite associée aux technologies convexes.

Le tableau 1 présente un panorama des différentes configurations soutenables décrites ci-dessus selon les propriétés exhibées par la fonction de coût au-dessus de l’hyperplan des outputs délimité par la demande.

1

Dans tous les cas, l’égalité exacte n’est réalisée que si yd(p) est une combinaison linéaire exacte des vecteurs d’outputs des firmes participant à l’équilibre.

(25)

Tableau 1: Configurations industrielles soutenables selon les propriétés de la fonction de coût pour les niveaux d’outputs inférieurs ou égaux à la demande

associées à économies de gamme déséconomies de gamme

économies d'échelle toujours croissantes

un monopole naturel multi-produits

des monopoles naturels mono-produit économies d’échelle

décroissantes puis croissantes

nombre fini de firmes dont des firmes

multi-produits

nombre fini de firmes mono-produit

économies d'échelle toujours décroissantes

une multitude de firmes infinitésimales

multi-produits

une multitude de firmes infinitésimales

mono-produit

Ce tableau se limite à des technologies simples pour lesquelles le signe des économies de gamme ne change pas selon les niveaux d’outputs. Sinon il deviendrait rapidement beaucoup plus complexe. Cela est dû au fait que, dans le cadre d’analyse choisi par Baumol et alii, le producteur doit non seulement choisir la taille de son entreprise, mais également le rayon d’outputs, c’est-à-dire la combinaison soutenable des productions. Ces choix sont simultanés. Les économies de gamme déterminent la combinaison choisie et les économies d’échelle la taille de l’entreprise. Dans le cas mono-produit un seul type de firmes est suffisant pour servir le marché de manière soutenable. Ce n’est en général pas le cas dans les industries multi-produits.

La possibilité de déduire ainsi la configuration d’une industrie à partir des caractéristiques de la technologie et de la demande s’appuie sur une propriété fondamentale des marchés contestables : l’entrée réversible sans coût, autrement dit l’absence de barrières à l’entrée ou à la sortie.

1.1.3. Barrières à l'entrée, coûts fixes et coûts irrécupérables.

Les résultats les plus marquants de la théorie des marchés contestables reposent sur l'absence barrières à l’entrée. A cet égard, la distinction entre coûts

(26)

fixes et coûts irrécupérables joue un rôle déterminant. Ces deux types de coûts sont

responsables de la non-convexité de la technologie, mais seuls les coûts irrécupérables dressent des barrières à l'entrée et mettent en péril le caractère contestable des marchés.

Comme les coûts fixes, les coûts irrécupérables sont indépendants du niveau de la production et dépendants du niveau des prix des inputs. Cependant, les coûts irrécupérables dépendent du terme d’ajustement de la fonction de coût. Ils s’annulent à long terme alors que les coûts fixes ne s’annulent que pour une production nulle par la revente des inputs durables sur les marchés d’occasion. A court et moyen terme les coûts irrécupérables se distinguent des coûts fixes par le fait qu’ils sont supportés par la firme, même si sa production devient nulle, car ils sont engendrés par des inputs pour lesquels il n'y a pas de marché de l'occasion. Ils ne font donc pas partie du coût d’opportunité de cette production. Ils constituent un élément d’irréversibilité. Baumol et alii prennent comme exemple la ligne ferroviaire Chicago-New-York. Les rails constituent un coût irrécupérable alors que la locomotive constitue un coût fixe. En effet, si le trafic s’annulait, celle-ci pourrait être transférée à une autre ligne; c qui montre l’importance de la délimitation du marché et de la firme dans la différenciation entre les coûts fixes et les coûts irrécupérables. En revanche, si le chemin de fer était totalement supplanté par le trafic routier, non seulement les rails mais également les locomotives constitueraient des coûts irrécupérables. L’agriculture offre des exemples comparables. Les tracteurs et les moissonneuses-batteuses constituent des coûts fixes. Ils peuvent être facilement vendus d’occasion. En revanche, une salle de traite fixe ou une porcherie sont des gros investissements beaucoup plus difficiles à récupérer sur un marché d’occasion.

En fait les coûts irrécupérables sont causés par les difficultés ou l’impossibilité de transférer certains inputs durables à d’autres usages. Les marchés de location intéressant ces biens n’altèrent l’irrécupérabilité des coûts concernés que s’ils augmentent leur divisibilité et leur transférabilité. Pour le secteur agricole, la localisation de l’exploitation joue un grand rôle sur la transférabilité des facteurs de production. Par exemple, le facteur terre peut générer un coût irrécupérable car il est acheté ou loué sur des marchés de proximité très rigides. De même le travail familial peut générer aussi bien un coût variable, un coût fixe ou un coût irrécupérable selon la localisation de l’exploitation et la transférabilité des autres facteurs de production. Si l’exploitation est proche d’une ville où le marché du travail est très fluide,

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l’exploitant peut ajuster facilement son facteur travail en embauchant ou en tenant lui-même un emploi extérieur à temps choisi.

Si l’exploitation est isolée, le travail familial n’est plus aussi facilement divisible. Il génère un coût fixe si les exploitants peuvent sans délai quitter leur ferme et s’embaucher ailleurs. Cela requiert que les autres inputs soient aussi facilement transférables. Sinon il apparaîtra comme un coût irrécupérable.

Baumol et alii discutent les diverses définitions des barrières à l’entrée et cherchent à préciser la responsabilité des coûts fixes et des coûts irrécupérables dans l’instauration de barrières à l’entrée. Ils s’appuient sur la définition des barrières à l’entrée donnée par Stigler (1968, p 67), « c’est une dépense qui incombe à un entrant et dont les firmes installées n’ont pas à s’acquitter. », et sur l’intuition de von Weisäcker (1980) pour qui les barrières à l’entrée sont « les seuls avantages responsables d’une perte de bien-être social », que les firmes installées possèdent sur les entrants. D’autre part, ils considèrent que les barrières à l’entrée viennent d’activités délibérées, voire concertées, des firmes installées (publicité, lobbying, surcapacités). En conséquence, les coûts associés aux barrières à l’entrée ne sont pas fixes, mais croissants avec la menace et le volume proposé par l’entrant.

Ils récusent donc l’affirmation de Bain (1956) selon laquelle les économies d’échelle constitueraient en elles-mêmes des barrières à l’entrée. Selon eux, ce ne peut être le cas que si elles sont dues à des coûts irrécupérables, mais pas quand elles sont dues à des coûts fixes. En effet, sous l’hypothèse de marchés contestables, les prix soutenables qui empêchent l’entrée donnent un profit nul aux firmes installées et assurent un bien-être social maximal. La définition des coûts fixes est compatible avec l’hypothèse de marchés contestables car elle permet à une firme d’entrer à la même échelle que les firmes installées et de ressortir sans coût en récupérant ses investissements de départ sur des marchés d’occasion.

En revanche, les coûts irrécupérables sont fréquemment des barrières à l’entrée car le risque de ne pas récupérer l’investissement de départ est plus grand pour l’entrant que pour une firme installée. Les barrières à l’entrée liées aux coûts irrécupérables sont d’autant plus hautes que les économies d’échelle sont grandes.

La distinction entre coûts fixes et coûts irrécupérables revêt donc une importance capitale dans l’approche des marchés contestables.

(28)

1.2. Agriculture et marchés contestables

Ce premier panorama de la théorie des marchés contestables suscite quelques commentaires quant à la pertinence de son application à l'agriculture française. Comparée aux autres secteurs industriels, l'agriculture est caractérisée par un grand nombre de firmes. Beaucoup d’entre elles sont diversifiées justifiant une représentation multi-produits de la technologie agricole. La configuration de l’agriculture est en constante évolution dans le sens d’une spécialisation des exploitations. Doit-on interpréter cette évolution comme la succession de configurations soutenables, modifiées d’une année sur l’autre par l’évolution des prix et de la demande, ou comme une situation permanente de déséquilibre due au caractère non contestable des marchés ?

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1.2.1. Evolution de la configuration de l’agriculture française

En France, le nombre d'exploitations ne cesse de diminuer et leurs tailles de s'accroître comme le montrent quelques résultats des recensements généraux agricoles de 1970, 1979 et 1988 rassemblés dans le tableau 2 ci-dessous. Entre 1970 et 1988, le nombre d’exploitations passe de 1.6 millions à 1 million, la surface agricole utilisée moyenne passe de 19 à 28 hectares. L’élevage connaît une concentration encore plus forte puisque le troupeau bovin moyen passe de 20 têtes à 42 têtes, et ne concerne plus qu’une exploitation sur deux en 1988 au lieu de deux sur trois en 1970. Dans le même temps, du fait du développement du hors sol la taille moyenne des élevages porcins et avicoles est multipliée par quatre. L’élevage porcin ne concerne plus qu’une exploitation sur six en 1988 contre deux sur cinq en 1970. De plus les exploitations spécialisées fournissent une part croissante des marchés au détriment des exploitations diversifiées.

Tableau 2 : Concentration de l’agriculture et de l’élevage. Résultats obtenus à partir de la revue du SCEES Données chiffrées-agriculture n°37, page 7 « comparaison 1970-79-88 »

RGA 1970 1979 1988

nombre total d’exploitations 1.587.607 1.262.669 1.016.755

part des exploitations avec élevage bovin 66% 58% 50%

part des exploitations avec élevage porcin 41% 25% 18% part des exploitations avec élevage avicole 78% 70% 58% surface agricole utilisée moyenne (hectares) 19 23 28

troupeau bovin moyen (nombre de têtes) 20 32 42

troupeau porcin moyen (nombre de têtes) 16 35 72

troupeau avicole moyen (nombre de têtes) 110 219 408

La spécialisation des exploitations agricoles peut-être illustrée à partir des résultats du réseau d’information comptable agricole (RICA). Ils montrent nettement la spécialisation croissante affectant les productions végétales de 1967 à 1993 et les productions animales de 1967 à 1986. Après 1986, du fait des quotas laitiers instaurés en 1984, les exploitations initialement engagées dans la production laitière semblent connaître un renouveau de la diversification. En considérant les productions animale et végétale, la comparaison des résultats publiés du RICA en

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1970 et en 1978, respectivement pondérés par les enquêtes de structures EPEXA de 1967 et 1975, permettent de montrer que la part de la production agricole fournie par des exploitations diversifiées a nettement diminué. Une exploitation est diversifiée quand ni la production végétale, ni la production animale n’atteint à elle seule les deux-tiers de la production totale. Ces résultats sont donnés dans le tableau 3 ci-dessous. Pour 1970, ils représentent 694.479 exploitations sur 1.708.707 de l’enquête de structure de 1967. En effet, le RICA ne s’intéresse qu’aux exploitations qui occupent au moins les trois-quart du temps du chef d’exploitation et une personne-année-travail soit environ 1.450.000 exploitations. Seuls les résultats pour les types d’exploitations les plus représentés sont publiés, c’est-à-dire les systèmes de polyculture et/ou élevage. En 1978 les résultats représentent 504.905 exploitations sur les 781.799 exploitations de l’enquête de structure de 1975 qui correspondent aux exploitations de ces systèmes de production. La différence provient des cultures permanentes et des exploitations orientées principalement vers les productions ovines, caprines ou granivores que nous n’avons pas pu prendre en compte car leurs résultats ne sont que partiellement publiés en 1970.

Tableau 3 : Contributions des exploitations diversifiées aux productions animale et végétale hors cultures permanentes à partir des Résultats 1970 Réseau d’information comptable agricole SCEES.INSEE et des Résultats 1978 Réseau d’information comptable agricole SCEES.INSEE

part des exploitations diversifiées dans 1970 1978

le nombre d’exploitations total (EPEXA 1967 et 1975 respect.) 39% 26% le produit brut végétal total (calculé à partir du RICA) 47% 38% le produit brut animal total (calculé à partir du RICA) 36% 21% le produit brut divers total (calculé à partir du RICA) 37% 29%

le produit brut total (calculé à partir du RICA) 40% 27%

Les résultats des années 1970 permettent surtout de mettre en évidence la diminution de l’importance des exploitations diversifiées dans les systèmes agriculture générale et bovin. La nouvelle classification des orientations techniques à partir de 1979 permet de prendre en compte de manière plus fine les autres systèmes de productions animales, en particulier l’élevage hors-sol, qui n’était pas encore suffisamment important en 1967 pour être considéré par le RICA comme un système de production représentatif. Malheureusement les résultats à partir de 1979 ne sont pas comparables aux précédents du fait du changement de classification

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intervenu cette année-là. La nouvelle classification est établie à partir de la terre et des troupeaux de l’exploitation destinés aux différentes productions, valorisés par les Marges Brutes Standard correspondantes. Cela permet de mesurer, sur la base de l’allocation de ces facteurs de production spécifiques, la taille et l’importance relative des différentes productions de chaque exploitation. La nouvelle classification donne donc une image de l’agriculture française (hors cultures permanentes et horticulture) beaucoup plus spécialisée que ceux des exercices précédents. Il est possible de tracer une évolution entre 1983 et 1993 en comparant les contributions respectives de trois types d’exploitations. Le premier type rassemble les exploitations spécialisées dans les productions végétales, le deuxième les exploitations spécialisées dans un type de production animale, herbivores ou granivores, et le troisième type les exploitations dites mixtes. Ce troisième type d’exploitations ne constitue pas un groupe très homogène car il rassemble à la fois les combinaisons agriculture-élevage et les polyélevages herbivores-granivores. Pour la période précédente, ces derniers faisaient partie des exploitations spécialisées dans les productions animales. Les résultats du RICA sont extrapolés à partir des enquêtes de structure de 1983, 1985, et 1993.

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Tableau 4 : Contributions respectives des exploitations diversifiées et des exploitations spécialisées aux productions animale et végétale hors cultures permanentes. Sources : Résultats comptables agricoles (RICA) Document 1982/83-1983/84 de la Commission des Communautés Européennes (Résultats France p51), des Résultats économiques des exploitations agricoles n°5 - 1986/87 (RICA) de la Commission des Communautés Européennes (Résultats France p135), et des Résultats standarts 1993 du RICA, Données chiffrées Agriculture AGRESTE N°67 - mars 1995.

contributions en 1982/83 exploitation diversifiées exploitations ‘’végétales’’ exploitations ‘’animales’’ exploitations 23% 23% 54%

produit brut végétal 22% 65% 13%

produit brut animal 27% 7% 66%

produit brut divers 22% 41% 37%

produit brut total 25% 31% 44%

1986/87 diversifiées ‘’végétales’’ ’’animales’’

exploitations 20% 29% 51%

produit brut végétal 18% 67% 15%

produit brut animal 21% 6% 73%

produit brut divers 26% 36% 38%

produit brut total 20% 29% 51%

1993 diversifiées ‘’végétales’’ ’’animales’’

exploitations 21% 32% 47%

produit brut végétal 15% 79% 6%

produit brut animal 30% 7% 63%

produit brut divers 20% 48% 32%

produit brut total 24% 36% 40%

Sur la base de cette classification sommaire, ce tableau montre qu’entre 1982/83 et 1986/87 la production a continué à se déplacer des exploitations diversifiées vers les exploitations spécialisées. C’est le cas en particulier de la production animale pour laquelle la contribution des exploitations spécialisées dans une des productions animales est passée de 67% à 73%. Entre 1986/87 et 1993 on observe au contraire un déplacement de la production totale vers les exploitations diversifiées. Il en résulte deux mouvements contradictoires. En premier lieu, les exploitations spécialisées en production végétale voient leur contribution à la production végétale nettement augmenter de 67% à 79%. En second lieu, la production animale se déplace massivement des exploitations spécialisées vers les

(33)

exploitations diversifiées. Ce deuxième mouvement l’emporte globalement sur le premier. Ce phénomène est imputable aux quotas laitiers qui ont contraint certaines exploitations laitières à se diversifier vers les productions végétales ou les granivores. Pourtant, l’instauration des quotas a été suivie de plans communautaires et nationaux d’aides à la cessation d’activité qui ont considérablement accéléré la concentration de la production laitière, le nombre d’élevages laitiers passant de 427.000 en 1984 à 171.000 en 1993 (CNIL, 1985 et 1995). Mais la redistribution des quotas libérés a moins profité aux élevages spécialisés, du fait des critères de sélection régissant ces attributions, taille de l’élevage attributaire et âge de l’exploitant notamment. Parallèlement, la production porcine a continué à se concentrer dans les exploitations spécialisées dans l’élevage de granivores. Ces phénomènes peuvent être mis en évidence par les résultats du RICA à partir de 1987. En effet le lait et les porcs, auparavant inclus dans le produit brut animal, y sont distingués de l’ensemble des productions animales.

Le produit brut laitier apparaît sous la rubrique « produits animaux2 ». Entre 1987 et 1993, la contribution des exploitations diversifiées à ces produits animaux passe de 26% à 30% au détriment de celle des exploitations animales qui passe de 70% à 66%, le reste étant fourni par les exploitations végétales.

Le produit brut porcin est différencié pour les quatre OTEX3 qui fournissent ensemble l’essentiel de la production porcine française4 : les polyélevages à dominantes herbivores et granivores (OTEX 71 et 72), les exploitations mixtes productions végétales-granivores (OTEX 82) et les exploitations spécialisées dans les granivores (OTEX 50). Entre 1987 et 1993, la contribution de ces dernières à la production porcine cumulée de ces quatre OTEX est passée de 52% à 60%. Les résultats précédents sont issus du RICA n°11 - Résultats 1987 SCEES-INSEE-INRA

décembre 1989 et des Résultats standarts 1993 du RICA, Données chiffrées Agriculture AGRESTE N°67 - mars 1995, respectivement extrapolés par les

enquêtes de structure de 1987 et 1993.

2

Les oeufs de poules sont également dans les produits animaux mais ils sont globalement négligeables par rapport à la production laitière.

3

Orientation technique des exploitations.

4

Les exploitations de ces quatre OTEX fournissent 86% de la production porcine fournie par l’ensemble des 461.250 exploitations du champ du RICA en 1993.

(34)

Si on laisse de côté le secteur laitier, dont la tendance à la spécialisation semble avoir été contrecarrée par l’instauration des quotas, la période récente montre que l’accroissement de la spécialisation se poursuit pour les autres productions, en particulier pour les granivores et les grandes cultures. Cependant, les données utilisées ici ne permettent pas d’apprécier l’effet de la réforme de la Politique agricole commune de 1992 concernant surtout les grandes cultures, ni celui des mesures agri-environnementales actuelles, telles que la mise aux normes des bâtiments d’élevage.

1.2.2. Les marchés agricoles sont-ils contestables ?

La grande majorité des exploitations étant individuelles ou familiales et donc de taille négligeable vis-à-vis de la demande, elles se trouvent a priori en situation de concurrence pure et parfaite. Aucune firme ne possède un pouvoir de marché suffisant pour influer sur ses concurrentes ou sur la demande. Administrés ou non, les prix agricoles s'imposent à tous. Cependant, on peut considérer que pour les productions qui font l'objet d'une organisation commune de marché, les producteurs ont une certaine influence sur les prix et la demande. La Politique Agricole Commune est négociée au niveau européen entre les Etats membres qui défendent avec plus ou moins d'opiniâtreté les intérêts de certains de leurs producteurs. Mais compte tenu de leur nombre et du caractère indirect de leur influence, il serait abusif de parler de cartel.

Les deux hypothèses fondamentales des marchés contestables, accès à la même technologie de tous les producteurs installés ou potentiels et absence de barrières à l'entrée et à la sortie, ne semblent pas vérifiées dans le cas du secteur agricole. En effet, l'agriculture est caractérisée par des facteurs de production durables importants : les gros matériels, la terre, les aménagements tels que le drainage et les clôtures, les bâtiments spécialisés comme les installations de stockage ou les salles de traite. Comparée aux coût variables, leur charge annuelle est souvent très élevée. Certains de ces facteurs durables engendrent des coûts irrécupérables du fait de l'absence ou de la rigidité de leurs marchés d'occasion. Par exemple, Fernandez-Cornejo et alii (1992) évoquent la rigidité du marché de la terre comme source de coûts irrécupérables. Les installations ou les aménagements sont

(35)

le plus souvent spécifiques à la combinaison productive choisie et aux caractéristiques locales. Leur transfert est alors impossible et ils constituent des investissements irréversibles, donc des barrières à la sortie.

L'accès à ces facteurs durables est largement contrôlé par les pouvoirs publics et la profession agricole. D'une part, ceux qui n'en héritent pas en sont pratiquement exclus. D'autre part, l'accès au crédit et aux aides pour l'acquisition de ces facteurs est le plus souvent soumis à l'approbation conjointe des pouvoirs publics et des organisations professionnelles agricoles. En conséquence, des barrières à l'entrée existent. A cet égard, l’attribution des quotas laitiers, régie par des commissions départementales, est exemplaire.

Compte tenu des éléments précédents, la théorie de Baumol et alii permet de donner l’interprétation suivante de l’évolution de l’agriculture française. L’accroissement tendanciel de la taille des exploitations suppose que la plupart de ces firmes soient en des points de l’ensemble de production où les économies d’échelle sont croissantes. D’autre part, la tendance à la spécialisation montre que les exploitations s’acheminent vers des niveaux de production pour lesquels les économies de gamme sont négatives. Dans le cas contraire, les exploitations diversifiées le resteraient en s’agrandissant. Sous l’hypothèse de marchés contestables, trois éléments déterminent les configurations soutenables à un moment donné : l’ensemble des plans de production possible, le prix des inputs et la demande. Si la technologie est fixe, les marchés des inputs s’équilibrent instantanément sous l’effet d’un choc affectant la demande ou les prix des inputs, et conduisent très rapidement à une configuration soutenable. Si les marchés de certains inputs sont assez rigides, la progression vers une configuration soutenable sera plus lente. Dans le cas de l’agriculture française, la technologie n’est pas fixe. Elle est même caractérisée par une évolution assez rapide. En trente ans, les rendements céréaliers et laitiers ont plus que doublé (Ardouin et alii, 1992). La technologie contribue donc au glissement des configurations soutenables dans le temps. Parallèlement nous avons vu que la rigidité des marchés de certains inputs entrave leur mobilité et par conséquent la progression de l’agriculture vers une configuration soutenable. Cela explique la pérennité d’une situation de déséquilibre. Sur le long terme, on peut cependant s’attendre à ce que les configurations observées et les configurations soutenables connaissent des évolutions plus ou moins parallèles.

(36)

Si les marchés étaient véritablement contestables, aboutirait-on à une configuration soutenable ne comportant que des exploitations spécialisées, ou à une cohabitation entre des firmes spécialisées et des firmes diversifiées ? La section suivante examine les conditions d’une telle cohabitation. Pour cela les origines des économies de gamme sont étudiées et discutées. Elles mettent en évidence l’importance de l’organisation des marchés de facteurs et le rôle des inputs publics. L’évolution des prix relatifs des différents types d’inputs permet de comprendre, sous l’hypothèse de marchés contestables, le passage d’une configuration comportant des firmes diversifiées à une configuration n’en comportant pas.

(37)

Section 2. Economies de gamme et firmes multi-produits

En 1975, Panzar et Willig affirment que les économies de gamme donnent naissance à des firmes produits. Inversement l’existence de firmes multi-produits sur des marchés contestables implique la présence d’économies de gamme positives. Cette équivalence remarquable permet de ramener l’étude du caractère multi-produits des configurations industrielles à un critère technologique simple. Cependant pour cerner précisément sa portée, il convient de bien préciser les hypothèses implicites et explicites qui conditionnent sa validité.

La délimitation même de l’industrie considérée reste un point délicat de l’analyse. De plus, les économies de gamme sont la traduction en terme de coût de l’internalisation d’externalités entre les productions à partir d’hypothèses précises sur l’organisation des marchés d’inputs. Ces points seront discutés dans la sous-section 2.1. qui mettra en lumière le rôle fondamental joué par les inputs publics à partir d’une approche coasienne de la firme.

La brève analyse statistique de la section précédente a mis en évidence au sein de l’agriculture française, la coexistence d’exploitations spécialisées et d’exploitations diversifiées plus petites. Sous l’hypothèse de marchés contestables, la sous-section 2.2. détaille les propriétés d’une technologie qui peut donner naissance à un tel équilibre. En s’appuyant sur la contribution des différents inputs aux économies d’échelle et aux économies de gamme, nous verrons comment un tel équilibre peut se déplacer vers la spécialisation ou la diversification en fonction de l’évolution du prix des inputs.

2.1. Discussion de la pertinence de la notion d'économies de gamme

Dans l'approche de Baumol et alii, l'analyse des configurations industrielles considère la gamme de produits qui définit l'industrie comme donnée a priori. Pour asseoir rigoureusement le caractère contestable des marchés oligopolistes pour lesquels une configuration industrielle est soutenable, Baumol et alii (1982, p 313) incluent au sein de l'industrie, des biens qui ne sont pas effectivement produits par la configuration soutenable et pour lesquels le prix d'équilibre correspond à une

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demande nulle. Ils conseillent donc d’inclure dans l’industrie étudiée tous les biens qui sont subsituts ou compléments du point de vue de la demande, exercice qui s’avère rapidement ardu. Du côté de l’offre, la définition de la gamme de produits d'une industrie apparait également comme un point à la fois délicat et déterminant pour la configuration soutenable.

Reprenons l’exemple agricole utilisé par Baumol et alii (1982, p 249). On considère tout d’abord l’industrie définie par les biens viande et fibres textiles. Trois technologies sont disponibles : la culture du lin, l’élevage de poulet et l’élevage de mouton qui seul fournit les deux biens simultanément. Supposons que l’étude des coûts révèle que la configuration soutenable de cette industrie ne comprend que des cultures de lin et des élevages de poulet. Cette conclusion peut être très éloignée de la réalité si l’industrie pertinente à considérer est définie par trois biens : le lait, la viande et les fibres textiles. Le lait ne pouvant être fourni que par les brebis, l’élevage de mouton participera forcément à la configuration soutenable. Il est même possible que l’élevage de poulet par exemple ne participe pas du tout à cette nouvelle configuration, alors qu’il était censé fournir la totalité de la viande dans le cadre de l’industrie à deux biens. De la même manière, en restreignant le secteur agricole aux productions animale et végétale, il est probable, compte tenu de l’évolution actuelle, que la configuration soutenable ne comporte que des firmes spécialisées. En élargissant le secteur agricole à la production d’aménités environnementales et en supposant qu’elle est le fait des seules exploitations diversifiées, ces dernières participent obligatoirement à la configuration soutenable.

Dans la recherche de configurations industrielles optimales, la mesure des économies de gamme dans le cadre de la théorie des marchés contestables ne permet de déterminer les gammes de biens que produiront les différentes firmes que par tâtonnement, dans le choix des limites des industries étudiées. D’autre part, lorsqu’on s’approche d’une configuration oligopolistique, on ne peut pas faire l’économie d’une analyse de la demande. La notion d'économies de gamme permet néanmoins de caractériser les technologies pour lesquelles des firmes multi-produits seront plus compétitives que des firmes spécialisées, compte tenu des réserves exprimées plus haut sur le choix de la gamme initiale de biens.

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