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Inputs quasi-publics et production jointe

1.3. Les origines des économies de gamme

1.3.1. La production jointe en inputs

Dans la théorie économique, il apparaît que la production jointe est le plus souvent définie par défaut, à partir de la technologie non jointe formalisée en 1972 par Lau4. Une définition antérieure de la production non-jointe est due à Carlson (1956) : il5 définit la non-jointure en inputs d’une technologie à deux outputs, représentée par h(x,y)=0 (deux fois continûment dérivable) par la propriété suivante:

δ δ δ 2 1 2 0 x y . y = .

Nous utilisons ici la définition de la technologie non jointe donnée par Hall (1973), équivalente à celle de Lau.

La technologie, représentée par h(x,y) est non jointe si pour tout y techniquement possible, il existe des fonctions de production individuelles fi(x) avec les deux propriétés suivantes :

a) il n’y a pas d’économie de jointure :

h x y xi x x f x y i n i i i i i ( , )= ⇒ ∃( ) ,..., , = ; ( )≥ ⎩ ⎫ ⎬ ⎭ =

0 1 cela signifie que si x peut

produire y, alors il existe une allocation de x telle que chaque xi puisse produire yi.

4

Cité dans Shumway, Pope et Nash, Allocatable Fixed Inputs and Jointness in Agricultural Production: Implication for Economic Modeling, American Journal of Agricultural Economics, Vol 66 N°1, Fev.1984, pages 72-78.

5

b) il n’y a pas de déséconomie de jointure :

(yi fi(xi);i ,..., )n h y( , xi)

i

= =1

0 cela signifie que la somme des inputs

nécessaires et suffisants à chaque production individuelle est suffisante pour produire la production globale.

Le théorème de Hall (1973), établit l’équivalence suivante :

La technologie est non jointe si et seulement si la fonction de coût peut s’écrire comme la somme exacte des fonctions de coût individuelles.

pour tout y techniquement possible.

C( y w Ci y wi i n , )= ( , ) =

1

En utilisant la théorie ensembliste du chapitre précédent, Hall (1973) énonce son théorème de la manière suivante :

1) La technologie est non jointe si et seulement si il existe des ensembles individuels par produit yi d’inputs Xi(yi) i=1,...,n disjoints formant une partition de X(y).

ce qui équivaut à :

2) La technologie est non jointe si et seulement si la fonction de coût peut s’écrire comme la somme exacte des fonctions de coût individuelles,

. C( y w Ci y wi i n , )= ( , ) =

1

Une technologie qui n’est pas non jointe est jointe.

A partir du théorème de Hall, il est immédiat qu’une technologie non jointe présente des économies de gamme nulles pour toutes les partitions de N.

Donc une technologie qui présente des économies de gamme non nulles est jointe.

De même, il est immédiat que s’il n’y a aucune partition de N qui permette de présenter des déséconomies de gamme et si au moins une partition permet de présenter des économies de gamme strictement positives, alors la technologie présente des économies de jointure. En effet on ne peut pas trouver de partition de x qui permette de produire séparément chaque yi quand h(x,y)=0. De même, s’il n’y a aucune partition de N qui permette de présenter des économies de gamme positives

et si une partition au moins permet de présenter des déséconomies de gamme strictes, alors la technologie présente des déséconomies de jointure car on ne peut pas produire y à partir de la somme des xi.

Inversement, une technologie jointe ne présente pas forcément des économies de gamme non nulles pour toutes les partitions de N ou de sous-ensembles de N. Cependant, pour une technologie jointe, il existe au moins une partition pour laquelle les économies de gamme sont non nulles, notamment la partition triviale de N formée des singletons qui correspondent à chacune des composantes de y.

Bien que cette hypothèse joue un grand rôle dans de nombreux domaines de la théorie économique, Kohli (1983) constate que la technologie non jointe apparaît comme une restriction très forte de l'ensemble de production. Le théorème de Hall ne fournit donc pas tellement d'informations sur les caractéristiques d'une technologie qui présente des économies de gamme.

Certains travaux sur les technologies multi-facteurs multi-produits utilisent des hypothèses moins restrictives que celles associées à la production non jointe, notamment les hypothèses de normalité de la technologie énoncées par Sakaï (1974). Les caractéristiques de la technologie normale au sens de Sakaï sont exposées dans l’annexe 1.

Les complémentarités faibles de coût sont une propriété des fonctions de production jointes dans le cadre de la définition de la technologie normale au sens de Sakaï. Donc, dans ce cas particulier, la technologie jointe présente des économies de gamme positives du fait de la proposition 4B1 de Baumol et al (1982) exposée précédemment.

1.3.2. Input quasi-public et économies de gamme

Différents auteurs analysent les relations entre la présence de jointures et les économies de gamme, en construisant des modèles qui isolent, au sein de la technologie, des fonctions spécifiques à chaque output et indépendantes entre elles. A partir d’une telle approche, Baumol et al . (1982) montrent que la présence d’un

input public suffit pour que la fonction de coût soit caractérisée par des économies de gamme. Ils proposent ensuite une définition des inputs quasi-publics qui permet d’établir l’équivalence en la présence d’économies de gamme et d’inputs quasi-publics.

a) La présence d’un input public

Une première source d’économies de gamme est la présence d’un input public, c’est-à-dire d’un input qui, une fois acquis parce qu’indispensable pour la production d’un certain output, est gratuit pour la production d’un ou plusieurs autres outputs.

Par exemple, une brebis est un input indispensable aussi bien pour la production de laine que pour la production de viande (agneaux) ou de lait. Une fois acquis pour l’une ou l’autre de ces productions, il est disponible gratuitement pour les autres. Il peut être considéré comme un input public. Cet exemple est l’un de ceux qui se rapproche le plus de la notion marshallienne de production jointe (voir Baumol et al, 1982 page 76).

Baumol et al (1982) définissent l'input public à partir de fonctions individuelles de production fi spécifiques à chaque output i. Tous les inputs sont variables. Ils se répartissent entre un vecteur de facteurs allouables x et un input public K. w et β

sont les prix de v et de K respectivement.

yi = fi(x Ki; ) pour tout i=1,...,n

A ces fonctions de production correspondent des fonctions de coût restreint individuelles spécifiques à chaque output, obtenues par optimisation des inputs allouables:

{ }

C y K wi i w x f x K y x i i i i i

Min

( ; ; )= ' . ( , )

La fonction de coût multi-produits C(y) s'écrit alors:

C y C y K K K i i i

Min

( )= ( , )+ ' . ⎩ ⎫ ⎬ ⎭

β

Baumol et al (1982) font ensuite l'hypothèse que K est un input au moins faiblement productif, c'est-à-dire que le coût restreint, correspondant à chacune des

productions, est décroissant avec K. K est donc au moins faiblement substituable aux autres inputs. En fait cette propriété de la fonction de coût restreint est vérifiée dès lors que l’hypothèse T5 de libre disposition l’est, comme nous l’avons mentionné précédemment. Cela se traduit par les relations suivantes:

K K C y K w C y K w et K C y K w C y w i i i i i i i i 1 2 1 2 0 0 ≤ ⇒ ≥ < ⇒ < ⎧ ⎨ ⎪ ⎩⎪ ( ; ; ) ( ; ; ) : ( ; ; ) ( ; ; )

A partir de cette définition, Baumol et al (1982, page 77) établissent dans la proposition 4C1 que la fonction de coût multi-produits C(y), duale d'un ensemble de production comprenant un input public non nul, présente des économies de gamme positives. Il faut noter que si l’input public K est régressif pour l’une des productions considérées, ce qui peut se produire quand la propriété T5a n’est pas vérifiée, la proposition 4C1 précédente n’est plus valide. De toutes façons, la fonction de coût totale n’est plus duale de l’ensemble de production dès lors que la propriété T5a n’est pas vérifiée6.

Dans la proposition 4C2, ils énoncent que cette même fonction de coût présente des fortes complémentarités de coût. Pour ce faire, ils utilisent une hypothèse de stricte non régressivité de l’input public qui leur permet d’écrire :

δ δ δ 2 0 C y w K y K i i i

( , , ) < c’est-à-dire que l’augmentation de l’input public diminue le coût restreint produit-spécifique marginal.

Moschini (1989) note, sans le démontrer, que cette dernière propriété est également vraie pour un vecteur d’inputs publics dans le cadre de la technologie normale de Sakaï.

b) La présence d’un input quasi-public

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Les estimations du chapitres 4 décrivent une situation où les facteurs de productions apparaissent comme des inputs publics dont certains, le capital et le travail, sont régressifs dans la production végétale. Dans une telle situation il n’est pas possible de déterminer le signe des économies de gamme.

La présence d’économies de gamme est équivalente selon Baumol et al (1982) à la présence d’un input quasi-public. L’input quasi-public est, comme l’input public, un input commun à plusieurs outputs et source de la sous-additivité du coût. Cette équivalence est également soumise à l’hypothèse que l’input quasi-public soit non régressif dans chacune des productions concernées.

Contrairement à l’input public pur, l’input quasi-public, ou plutôt l’ensemble des services qu’il rend à la production, est alloué entre différents outputs. L’input quasi-public est un input qui, une fois acquis pour une production, peut délivrer des services à un moindre coût aux autres productions. En fait, la définition de l’input quasi-public proposée par Baumol et al (1982) recouvre des réalités très diverses qui englobe notamment l’input public pur et l’input privé.

Le cas d’un input privé peut être illustré par l’exemple d’une parcelle de terre que l’on divise en deux parties pour pratiquer deux cultures différentes. Les deux cultures se partagent certes la même terre mais cela n’engendre aucune économie pour l’agriculteur.

Le cas intermédiaire d’input quasi-public peut être illustré par le travail de l’agriculteur pour labourer cette parcelle qui porte deux cultures. On peut considérer que le temps de travail passé à labourer est partagé entre les deux cultures de la même manière que le facteur terre. Cependant ce travail inclut l’habilité de l’agriculteur à labourer. Cette habilité, une fois acquise pour une culture, est disponible gratuitement pour l’autre. Si on isolait cette ‘’compétence de l’agriculteur à

labourer’’ de l’input ‘’travail de labour’’, elle serait un input public pur et le travail de

labour un simple input privé comme la terre. A l’aune de cet exemple, on peut interpréter un input quasi-public comme la combinaison d’un input privé et d’un input public pur, responsable de la sous-additivité des coûts, mais qu’on ne peut pas toujours isoler. La théorie des clubs7 est fondée sur cette distinction entre la dimension qualitative et la dimension quantitative de chaque bien. La dimension qualitative se comporte comme un bien public, tandis que la dimension quantitative se comporte comme un bien privé (Shmanske Stephen, 1982).

7

Un input quasi-public est défini de la manière suivante :

Si maintenant K désigne un input quasi-public, soit {ki; i=1,...,n} l'allocation, entre les différents outputs, des services que cet input rend à la production. La fonction de coût multi-produits s'écrit alors:

C y C y k g k k k k i i i n i n

Min

( ) ( , ) ( , ,..., ) ,..., = + ⎩ ⎫ ⎬ ⎭

1 1 β

On suppose de plus que ki>0 pour yi>0 et ki =0 pour yi =0 quand (k1, ... , kn) est optimal. Si g K

{

k i n

}

i i

Max

( , )β =β'. = 1,..., , alors K

{

k i

}

i i

Max

= = 1,..., n k Dans ce cas, K est un input public pur.

Si g K ki, alors K

i

(β, )= β' .

i

i

=

donc K est un facteur privé

comparable à n'importe quel autre facteur x de l'ensemble de production; il ne peut donc pas être la source d'économies de gamme, compte tenu des hypothèses précédentes.

Ecrite sous cette forme, C(y,w,β ) présentent des économies de gamme positives, respectivement négatives, si et seulement si la fonction g(β ,k1

,..., kn) est strictement sous-additive, respectivement super-additive (Baumol et al ., 1982, page 78). Cette équivalence permet d’isoler les économies de gamme qui caractérisent la fonction C(y,w,β ) dans la fonction g(β ,k1

,..., kn). Cette fonction g peut être vue comme la fonction de coût décrivant la production des services productif ki à partir des inputs quasi-publics de prix β . On voit bien ici le caractère tautologique de cette équivalence. En fait, la fonction C(y,w,β ) est caractérisée par des économies de gamme si la fonction g l’est aussi. Cette modélisation revient à déplacer le problème des économies de gamme des productions finales vers les services productifs qui leur sont destinés.

En exploitant cette idée, Kolhi a établi les propriétés des fonctions duales de coût et de revenu en fonction de différents types de technologies des services productifs.