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Géographie Économie Société: Article pp.105-108 of Vol.22 n°1 (2020)

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Géographie, Économie, Société 22 (2020) 105-108

Comptes Rendus

LECOINTRE, Gilles, L’Après-capital ; Le capitalisme se meurt, vive la social-économie, Paris, l’Archipel, 2019, 182 p.

VELTZ, Pierre, La France des territoires ; Défi s et promesses, Paris, Éd. De l’Aube, Paris, 2019, 194 p.

Regards croisés

Les hommes n’acceptent le changement que dans la nécessité et ils ne voient la nécessité que dans la crise (Jean Monnet). Cette citation du père de l’Europe se trouve au tout début de l’ouvrage de Gilles Lecointre. Ne sachant qu’il serait lu en pleine pandémie de covid-19, l’auteur ne pouvait deviner être aussi pertinent par ce choix de citation.

Le mal planétaire se poursuivait toujours au moment d’écrire ces lignes. Sexagénaire avancé, le fondateur, en partenariat avec le Groupe ESSEC de l'Institut de la Transmission d’entreprise, est l’auteur d’une dizaine d’ouvrages. Une partie de celui-ci prend son appui sur une étude effectuée en 2017 en vue d’établir une relation entre la qualité du capital immatériel d’organisations telles que les PME et leur taux de croissance. Doit-on voir chez lui une sensibilité de gauche par l’aveu de l’agréable surprise que lui a causée le président du Medef (G. Roux de Bézieux) en acceptant de signer la préface ?

S’il m’était totalement inconnu, il en va autrement pour Pierre Veltz, un auteur autant lu que cité. GES ayant reçu les deux ouvrages la même semaine, la suggestion est venue d’en faire un « Regards croisés » compte tenu des similitudes (hors la forme telle que signalée infra) de vue des deux auteurs. En effet, l’un et l’autre, dans un monde diffi cile- ment plus perturbé que ce printemps 2020, présentent, sensiblement pour les mêmes rai- sons, une vision optimiste des années à venir, à l’échelle planétaire pour Gilles Lecointre et, avant tout pour la France, en ce qui regarde Pierre Veltz. Le premier parle d’un monde immatériel alors que le second évoque un monde numérique.

En introduction, Gilles Lecointre se réfère à un nouveau monde présumé grandement souhaité par la jeunesse. Une nouveauté qui aurait pour origine le croisement de deux phé- nomènes : l’autodestruction du monde communiste et le déploiement d’un capitalisme sans boussole qui met en péril l’avenir de l’humanité. En conséquence, il ambitionne de montrer comment l’émergence d’un capitalisme humanisé lui apparaît possible à la faveur du recours à ce qu’il qualifi e de social-économie. Un système que ne renieraient pas les sociaux-démo- crates qui, à raison, n’ont pas lancé la serviette suite aux avancées du néolibéralisme depuis le début des années 1980. Pierre Veltz, quant à lui, évoque l’entrée dans une ère nouvelle (p. 10)

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vue sous la forme d’une société post-industrielle (p. 31). Il aborde ce nouveau contexte en portant un regard neuf sur les dynamiques territoriales non sans chercher à bousculer certaines idées reçues. Et ce, en esquissant un schéma de développement porté par ce qui serait les grands vecteurs de croissance pour les prochaines décennies : santé, bien-être, alimentation, mobilité et éducation. Il voit l’avènement d’une société centrée sur les individus, leurs corps et leurs émotions. Pour le démontrer, Pierre Veltz avoue reprendre de nombreux (pas tant que ça !) éléments parus dans son livre de 2012, recensé dans ces pages par mes soins1. Si, dans les deux ouvrages on retrouve effectivement l’allusion à la disparition de la classique opposition entre Girondins et Jacobins, en plus de l’incontournable et inusable Gravier et « son désert », le lecteur du premier ouvrage tirera profit du plus récent.

Dans la première partie La fin de l’économie triomphante, Gilles Lecointre se rapporte au mouvement entrepreneurial accompagné de l’émergence des « immatériels ». Ces der- niers se composent de deux sous-ensembles : les ressources énergétiques et tout ce que la comptabilité nationale ne prend pas en compte (entre autres : la qualité vie, l’art de vivre, les savoir-faire, etc.). Beaucoup plus loin, Gilles Lecointre signale que les actifs immaté- riels - on s’en doutait -, ont toujours existé. Il en veut pour preuve Homo erectus qui a su mettre en œuvre une technique pour maîtriser le feu (p. 111) sans enflammer la caverne.

À la faveur du troisième de ses huit chapitres, Pierre Veltz souligne le fait que les entrepreneurs et leur start-up sont accueillis à bras ouverts, voire plébiscités, étant donné que les grandes écoles, la fonction publique et la grande entreprise ont perdu une grande partie de leur pouvoir d’attraction. Et dans son Ve chapitre, il rejoint à nouveau Gilles Lecointre en se rapportant aux grandes villes où « fourmillent désormais de jeunes start- upers enthousiastes fraîchement sortis des universités et des écoles » (p. 121). Il voit des jeunes entrepreneurs du NET forcés d’inventer de nouveaux services numériques incons- cients des défis équivalents que doivent affronter les usines, les hôpitaux et autres centres logistiques à proximité d’eux. En fait, pour Pierre Veltz, il importe de prêter attention à une grande variété d’acteurs : entrepreneurs sociaux, réseaux d’internautes, associations, artisans numériques, etc. Ce sont ces mêmes jeunes que Gilles Lecointre voit travailler où ils veulent, quand ils le veulent, comme ils veulent en étant connectés en permanence à tout l’écosystème. Pour Pierre Veltz, on assiste à notre entrée dans une « économie de la connaissance » ; dorénavant il faudra composer avec des facteurs déterminants : les idées, les institutions, la population et le capital humain (p. 24).

Dans sa première partie, Gilles Lecointre fait d’abord le procès du modèle économique dominant au sein duquel l’économie réelle se voit détrônée par l’économie financière. De là, la nécessité de changer de modèle et penser écologie (p. 26) ce avec quoi Pierre Veltz se montre d’accord surtout dans sa conclusion (p. 182).

Gilles Lecointre affirme que le peuple, insatisfait d’un modèle qui ne le rend pas heu- reux, souhaite une croissance différente. A-t-il en tête les « Gilets jaunes » en faisant observer que les altermondialistes n’ont pas grossi leurs rangs à la faveur des revendica- tions affichées autour des ronds-points ? Chose certaine, il fait allusion à ce mouvement de façon explicite en se rapportant au rejet d’un système économique jugé injuste et trop élitiste (p, 106). Pierre Veltz, de son côté, commente la crise des « Gilets jaunes » dès ses premières pages en insistant sur la complexité de ses diverses dimensions.

1 Paris, France, Monde, GES, 15 (2013) 313-322

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Mais, comme le ton se veut optimiste, mieux vaut s’attarder à des exemples mon- trant que tout ne va pas « plus mal dans le pire des mondes ». Ainsi, Pierre Veltz donne l’exemple d’Eurofins créé à Nantes à la fin des années 1980. Trente années ont suffi pour que l’entreprise fasse d’elle le leader mondial de l’analyse agroalimentaire, pharmaceu- tique et environnementale. Et que penser d’une modeste entreprise de camionnage de Phalsbourg devenue un champion de la logistique avec ses 24 000 employés ? (p. 60).

Phalsbourg ? Oui2. Or, Gilles Lecointre, des success stories, il en fournit en pagaille.

Au sigle bien familier RSE, il ajoute OSE (objet social étendu)3 en ayant en vue une économie où le social prime. Son lecteur se voit offrir l’exemple de l’Association pour le droit à l’initiative économique qui distribue chaque année des prêts de 2 000 euros à des milliers de personnes. Rien de neuf sous le soleil, j’ai en mémoire les CIGALES (Club d’investisseurs pour une gestion alternative et locale de l’épargne). C’était dans les années qui ont succédé au fameux Et si chaque chômeur créait son emploi de Raymond Barre (Barre 1 ou 2 ?). Ou encore, à l’époque des TUC (travaux d’utilité collective), au temps du Programme Ile (Initiatives locales d’emplois) de l’OCDE autrefois située sur la rue du Conseiller Collignon d’où je ressortais toujours avec mon « baise-en-ville » bien rempli de ces exemples qui suscitaient tous les espoirs. En fait, j’ai dû lire dans ces années une dizaine d’ouvrages, bien garnis d’exemples dégageant une forme semblable d’optimisme. Or, on connaît la suite. Mais, cette fois, avec les initiatives qui illustrent sa deuxième partie, L’émergence d’un monde différent, Gilles Lecointre dégage une vision qui pourrait s’avérer juste.

Mais alors, si cela peut aller mieux, quel avenir pour le capitalisme ? Gilles Lecointre apporte une réponse en se rapprochant sans le savoir de Pierre Veltz dans sa dernière partie Les nouveaux choix pour la France. Il se fait le chantre d’une économie différente dont les vertus de base seraient l’équité, la pérennité, la responsabilité solidaire dans un contexte où la concurrence et le marché perdureront (p. 136). Donc pas de véritable rupture en vue, mais, tel que précisé plus haut, le capitalisme devra rendre à l’individu la place dont on l’a soustrait. Sans le citer, Gilles Lecointre se positionne comme un disciple de E. S. Schumacher4. Pierre Veltz pourrait en dire autant en soutenant que le capitalisme, à travers son histoire, ne cesse de se renouveler (pour le mieux) (p. 46).

Quelle place réservent les deux auteurs à l’État dans ce capitalisme à visage humain ? Pierre Veltz répond : « Les États nationaux sont aujourd’hui les seuls niveaux efficaces de solidarité et de réduction des inégalités » (p. 14). Gilles Lecointre qui, - en première par- tie enterre imprudemment Marx, Keynes, Weber et Schumpeter -, dans sa conclusion, ne ressuscite nul autre que Marx. Ceci, alors que tout au long de son ouvrage, jamais Gilles Lecointre ne fait retourner dans sa tombe le maître de Cambridge. Dans un contexte où un pays de l’Union européenne se permet d’intercepter une cargaison de masques desti- née à l’Italie, oui la nécessité du retour à l’État-nation s’avère on ne peut plus opportune.

Bruxelles devra se faire discrète en se réservant une petite gêne.

2 Les lecteurs les plus âgés se rappelleront leurs lectures de jeunesse ; Phalsbourg, en Lorraine, sert de point de départ du Tour de France de deux orphelins.

3 Le lecteur québécois de ma génération se rappellera le programme OSE (opération solidarité emploi) du début des années 1980.

4 Small is beautiful : une société à la mesure de l’homme, Paris, Seuil, 1973.

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Dans sa conclusion, Pierre Veltz souligne quelques pistes à emprunter, entre autres « la nécessité de mettre fin à l’opposition entre métropoles et périphéries, entre rural et urbain, entre territoires denses et pas denses ». Il écrit espérer avoir démontré avec chiffres à l’appui (oui, ceux qui aiment les données chiffrées en seront gavés…) que les choses, à l’instar du mouvement « Gilets jaunes », ne manquent pas de complexité.

Beaucoup de similitudes sur le fond, mais le jour et la nuit en ce qui concerne la forme. L’homme aux petites lunettes sur le bout du nez demeure fidèle lui-même. Tel que précisé quelques lignes plus haut : des chiffres et des références bibliographiques, le lecteur en trouve à plus soif surtout dans les chapitres VII et VIII essentiellement consacrés à la douce France. J’avoue les avoir parcourus en diagonale. À l’inverse, Gilles Lecointre se veut beaucoup plus accessible comme s’il voulait s’assurer d’être lu sans saut-de-mouton de la part du lecteur. En conséquence, pour les enseignants, j’en dégage ceci : aucune hésitation de recommander Gilles Lecointre aux étudiants entrant à l’Université. Quant à Pierre Veltz, cela lui fera sûrement plaisir, je le recommande aux étudiants de Licence 3 et au-delà. Les lecteurs apprécieront leur vision mise de l’avant durant la pandémie sous la forme d’un slogan venu d’Italie et répandu à travers le monde : Tutte bene (Cela va bien aller).

André Joyal, professeur associé à l’Université du Québec

à Trois-Rivières et membre du Centre de recherche en développement territorial.

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