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Géographie Économie Société : Article pp.223-230 du Vol.22 n°2 (2020)

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Géographie, Économie, Société 22 (2020) 223-230

Comptes Rendus

Perrin C., Nougarèdes B., dir., Le foncier agricole dans une société urbaine : Innovations et enjeux de justice, Paris, Cardère, 2020, 360 p.

L’ouvrage se présente comme une compilation structurée d’analyses portant sur diffé- rentes initiatives innovantes de gestion du foncier agricole. Sa lecture permet de découvrir des dispositifs de gestion récents, encore peu documentés (PAEN1, animation foncière, acquisition collective, regroupement de constructions etc.) ainsi que les procédures et les jeux d’acteurs dans lesquels ils se trouvent imbriqués. À travers ses différents chapitres, l’ouvrage apporte également d’intéressantes précisions sur le rôle et le fonctionnement des organismes (SAFER, collectivités territoriales, syndicats, coopératives, associations etc.) et leur déploiement dans différents contextes. La fi nesse de l’analyse et les méthodo- logies employées (méthode de chronique de dispositifs, qualitative comparative analysis, etc.) offrent un cadre d’approfondissement scientifi que solide sur des phénomènes qui sont souvent diffi ciles à appréhender de façon rigoureuse (jeux d’acteurs, trajectoires d’un projet). Le travail sur des combinaisons et des confi gurations de caractéristiques permet notamment de révéler l’existence de plusieurs chemins causaux pouvant aboutir à un résultat. Les recherches présentées s’inscrivent majoritairement dans le cadre du projet Jasminn, fi nancé par l’ANR (projet ANR-14-CE18-0001), ce qui explique la localisation de la plupart des études dans le sud de la France, en dehors de quelques cas internatio- naux (Algérie, Suisse, Italie). Si cette localisation peut infl uencer les types d’agriculture étudiés, elle permet aussi de territorialiser certains faisceaux de contraintes et de favoriser les comparaisons.

Le foncier agricole un sujet ancien remis à l’agenda

Le foncier agricole est un sujet ancien qui a structuré de nombreuses politiques et réglementations en aménagement. Face aux pressions de l’artifi cialisation des périphé- ries urbaines, et dans un contexte de nombreuses évolutions législatives, on observe un renouveau des enjeux qui y sont associés. Ce phénomène est notamment lisible sur le plan du cadre juridique qui s’y applique et des modalités d’actions publiques qui sont déployées en matière de foncier agricole. De nouvelles préoccupations citoyennes s’em- parent également du sujet, au nom de la préservation des paysages et de la qualité du

1 Périmètre de protection et de mise en valeur des espaces agricoles et naturels périurbains.

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cadre de vie, des préoccupations environnementales et de nouvelles exigences sur les filières alimentaires. Le foncier n’est donc plus l’apanage d’un cercle restreint d’experts mais descend dans la sphère publique. De nouveaux profils d’acteurs s’en saisissent en exigeant un droit de regard et de participation, ce qui constitue un moteur de renouvelle- ment et de transformation des modalités de gestion actuelles et héritées. Pourtant, malgré ce regain d’intérêt, des questions demeurent irrésolues et en suspens, tandis que le constat de réduction du foncier agricole persiste en dépit des signaux alarmistes, de l’affichage d’une volonté politique et l’accumulation de textes réglementaires. Les auteurs décident de s’intéresser aux initiatives innovantes pour éclairer les possibilités de résolution exis- tantes et en tirer des enseignements.

L’innovation et la justice sociale comme clés de lecture

Cet ouvrage se confronte à l’une des difficultés qui touche les thématiques agricoles en contexte périurbain : comment penser la comparaison face à un sujet aussi transversal et soumis à une diversité de facteurs, aux influences inégales ? Le choix de deux entrées, celles de l’innovation et de la justice sociale, dote cette compilation d’un fil rouge utile qui lie les différentes recherches et permet des renvois.

Les innovations foncières sont ainsi présentées comme « des initiatives collectives qui expérimentent de nouveaux modes de gestion du foncier en réponse à un problème local ou un enjeu émergent ». Les auteurs constatent en effet de nombreuses failles, à l’image du développement de friches, du maintien d’usages non agricoles ou du blocage du marché foncier. Ils révèlent que l’accumulation et la médiatisation des enjeux de préservation des terres ne s’accompagnent pas toujours d’une résolution effective. La récurrence de problé- matiques locales est pourtant stimulante et de nombreux territoires se saisissent du levier foncier pour redéployer, diversifier et faire évoluer l’agriculture. Les auteurs soulignent notamment comment les processus conflictuels peuvent parfois s’accompagner de dyna- miques de créations innovantes. Ces expérimentations sont pourtant difficiles à appréhen- der et il est souvent complexe de tirer des enseignements de situations singulières, ancrées dans leur contexte. En effet, dans le cas du foncier agricole, les innovations sont moins techniques qu’organisationnelles et juridiques (innovations sociales, immatérielles, gouver- nance) et sont souvent structurées à partir d’un remodelage variable des jeux d’acteurs, d’arrangements « par tâtonnement » et d’un « bricolage » des outils à disposition.

L’intérêt de cet ouvrage n’est donc pas de dévoiler des solutions clé en main, dupli- cables et diffusables. En revanche, il documente des processus d’adaptation et de réinven- tion face à des outils existants, analyse l’ajustement de référentiels techniques et étudie des innovations incrémentales et des dynamiques pouvant révéler des pistes d’approfon- dissement. En effet, en matière de transfert des démarches, les innovations ne trouvent pas toujours les canaux de partage et d’échange qui permettraient des retours d’expé- riences. Cet ouvrage se présente ainsi comme le fruit d’une « traque aux innovations » et cherche à repérer, évaluer et définir les conditions d’extrapolation, pour construire des références sur ces sujets peu documentés.

L’approche par la justice permet également d’éviter de sombrer dans une vision binaire des positionnements des acteurs, en déclinant les études de cas sous l’angle des notions de justice procédurale, justice redistributive mais aussi celle attenante au sentiment subjec-

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tif. Passe-droits, manque de transparence, affectation différenciée des droits à construire, acceptabilité sociale des projets sont des éléments récurrents qui cristallisent de nom- breuses tensions. Les auteurs rappellent en effet que l’urbanisme, en assortissant des droits différents sur des zones, est intrinsèquement lié à de l’injustice. Cet ouvrage ques- tionne donc la finalité des actions menées mais aussi leurs destinataires et les représen- tations associées au foncier agricole qui peuvent influencer leurs trajectoires. Son angle de recherche permet d’analyser dans le détail les différents registres de justifications des acteurs et leurs influences à plusieurs échelles sur la gestion du foncier agricole. Intégrer la notion de justice semble également déterminant pour éviter que les conflits ne consti- tuent un obstacle à l’efficacité des mesures et assurer la durabilité de la gestion du foncier agricole dans le temps, en intégrant ses répercussions sociales.

Un livre bien structuré permettant différents niveaux de lectures

La structure du livre facilite différents degrés de consultations. La lecture complète permet d’apprécier les effets de renvoi et les comparaisons entre les différents dispositifs exposés. Si les effets de retours et de rappels de certains concepts pivots peuvent parfois sembler un peu redondants, ils permettent des remises en contexte ponctuelles, utiles en cas de lecture fragmentée. Une lecture plus sélective est en effet aussi permise et facilitée par un système de hiérarchie des titres et des paragraphes introductifs qui guident la lec- ture de manière efficace. À cette structure, s’ajoute un souci d’exhaustivité dans l’état de l’art mais aussi de clarté et de précision dans le référencement qui permet d’approfondir facilement les sujets exposés. Les focus approfondis sont toujours précédés d’un rappel de la chronologie législative et repositionnés dans leurs contextes, ce qui est appréciable.

Cet ouvrage peut donc intéresser les spécialistes du foncier agricole comme des per- sonnes novices souhaitant découvrir les enjeux de ces différents sujets.

Marie Jussaume, UMR Géographie-Cités, équipe CRIA

© 2020 Lavoisier, Paris. Tous droits réservés.

Klein Juan-Luis, Pecqueur Bernard, (dir.) Les Living Labs : une perspective territoriale, Paris, L’Harmattan, 2020, 288 p.

Depuis quelques années, la littérature sur les Living Labs, (LL ci-devant) se répand comme une traînée de poudre. Au Québec, où on aime passionnément la langue de Molière (ou de Vigneault), on utilise l’expression « Laboratoires vivants ». Quelle que soit la langue, d’aucuns pourraient se demander si on ne se trouve pas en présence d’un pléonasme (comme dans « monter en haut »), car existe-t-il des laboratoires… sans vie ? Dans leur remarquable introduction, les responsables de l’ouvrage, J. L. Klein et B. Pecqueur - trop familiers aux lecteurs de GES pour être présentés -, précisent que le terme fut utilisé une première fois en relation avec des travaux du MIT (Boston) au début des années 2000 pour «…désigner une démarche favorisant la formulation de solutions complexes dans des contextes de vie

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réelle dans une perspective essentiellement entrepreneuriale ». Que le lecteur se rassure, il trouvera, tout au long des 12 chapitres, des définitions plus précises. Pour en offrir une idée, quelques-unes insistent sur l’implication des citoyens (usagers) d’un territoire donné dans la mise en branle d’un processus d’innovation. Ainsi, pour B. Pecqueur : «Un LL est un réseau d’innovateurs, un lieu d’échange et de communication, et un lieu d’expression et d’actions pour les utilisateurs » (83). De leur côté, trois auteurs québécois, dont J. L. Klein, rappellent que le terme LL se rapporte à des expériences réalisées en mode collaboratif pre- nant appui sur des innovations dites ouvertes centrées sur les usagers (117). C’est moi qui souligne le caractère ouvert des innovations concernées en contexte de LL. Il s’agit encore une fois d’un concept importé du pays de l’Oncle Sam qui remonte au début des années 2000. Certains auteurs de l’ouvrage évoquent avec raison les travaux du GREMI. Pour les chercheurs sur les milieux innovateurs, c’est évident, l’innovation ne peut être qu’ouverte, alors ils n’ont pas cru bon de couler ce caractère dans le béton. Mais bon, on ne va pas reprocher aux auteurs de cet ouvrage de s’insérer dans le moule de l’heure.

L’ouvrage se divise en deux parties au sein desquelles treize Québécois, sept Français et un calalan se partagent 12 chapitres on ne peut mieux documentés comme le fait voir la bibliographie générale qui s’étend entre les pages 233-277. Dans l’impossibilité de traiter chacun des chapitres, l’essentiel de ce qui suit se trouve dans la première partie Perspective globale. En introduction, Klein et Pecqueur révèlent avoir comme ambition d’ouvrir des pistes pouvant conduire à l’avènement d’un modèle de développement territorial suscep- tible de relever les défis la crise « civilisationnelle » que l’on vit sans préciser s’ils y voient un lien avec le « choc des civilisations ». Ces pistes prendraient forme à la faveur de dis- positifs d’expérimentation de pratiques collaboratives mises de l’avant dans divers lieux permettant l’implication des usagers (les acteurs locaux) dans la construction de nouveaux modèles d’action. En contexte de LL, le duo Klein-Pecqueur estime que le primat de la valeur d’usage sur la valeur d’échange fait qu’un territoire prend la forme d’un milieu où ceux qui y vivent font davantage que simplement l’habiter. Ils contribuent à le façonner.

Danielle Lafontaine, professeure associée à l’UQAR, ouvre la marche avec un chapitre intitulé : Living laboratory, Living Lab. Origines, généalogie, multiplication ; une analyse exploratoire (1991-2017). Habituée de se frotter aux réalités du terrain, cette fois, sur la base de son expérience pratique, ma collègue s’est cloîtrée pour entreprendre un colossal travail de…bénédictine : la lecture presque exhaustive des publications en anglais cou- vrant une période de 26 ans. Il en résulte une présentation commentée - accompagnée souvent de la mention « traduction libre » -, de pas moins de 244 références. Tirée de cet amoncellement, l’auteure2 se réfère à des chercheurs qui seraient parvenus à distin- guer trois grandes « facettes » du concept de LL : un cadre pour des expérimentations sur les systèmes sociaux ; une approche de l’innovation impliquant les usagers ; un système d’innovation (41). Il se dégagerait que les LL s’avèrent autant d’espaces collaboratifs d’apprentissages et de découvertes se rapportant à de nouveaux modes d’interaction que d’autres travaux pourront davantage éclairer.

Dans le chapitre suivant, B. Pecqueur se demande si les LL sont toujours territoriali- sées. Avant de recevoir une tentative de réponse, le lecteur se voit offrir un rappel allant des districts industriels aux milieux innovateurs avec une insistance sur les innovations

2 On remarquera que je n’accepte pas le mot « autrice » qui semble parvenir à s’implanter même en France…

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technologiques et sociales. Le Cycling Lab territorialisé de la Communauté de communes de Loisans3 se mérite une page (83). Sa lecture risque de laisser le lecteur interrogatif sur le rôle qu’est censé y jouer la collectivité. Dans sa conclusion « Vers un modèle produc- tif (re)territorialisé », B. Pecqueur soutient que les LL, moyennant les conditions mises en évidence dans son chapitre, participent de la recomposition territoriale « post-district industriel » en fournissant des éléments de construction des nouveaux territoires.

Après ce passage dans les Alpes, le lecteur se retrouve en plein Québec à la faveur d’une contribution de J. L. Klein et de trois de ses collègues de l’UQAM ayant en vue de montrer comment se construit une culture d’innovation. Pour ce faire, pas moins de 18 LL sont pris en considération. Les auteurs dégagent de leur étude l’émergence de nouveaux acteurs et l’évolution de champs d’action susceptibles de se positionner comme vecteurs de cette culture dite d’innovation.

Le retour en France s’opère avec l’apport de C. Janin et B. Pecqueur4 qui se ques- tionnent sur les possibilités de « compenser la concentration des intercommunalités à tra- vers les espaces de projet et d’innovation collective ». Eh oui, les SIVOM et autres SIVU se voient mis en cause. Les études auraient montré que leur succès n’est pas étranger à l’adoption de nouvelles formes d’action. On s’en serait douté. Ce serait particulièrement vrai pour des communes rurales ayant pu profiter d’efforts de coopération leur permet- tant d’offrir de nouveaux services. Ainsi, les Monts du Lyonnais servent d’exemple pour illustrer comment la mise en place de véritables partenariats entre acteurs économiques, sociaux, publics facilite l’émergence d’initiatives d’activités innovantes5. Un tableau, non commenté, présente l’évolution des collectivités locales entre 2010 et 2018. Or, le grand nombre de cases vides dégage que l’évolution n’apparaît pas entre autres, pour la « Métropole de Lyon et une autre collectivité simplement identifiée « Métropole ».

Mais, aux yeux des auteurs, les données présentées suffisent à reconnaître le succès de la réforme. Le lecteur aimera les croire.

Avec le chapitre 5, je suis à nouveau en train connu6 puisqu’il se rapporte aux Ateliers des savoirs partagés (ASP) de Saint-Camille, un village de 500 âmes (comme on disait autrefois) situé à une heure de route au sud de Montréal. Cette fois, J. L. Klein en assume la responsabilité avec un collègue de l’UQAM et de l’UQAC. On fait observer qu’à l’encontre de plusieurs LL, les ASP se distinguent par l’implication d’acteurs qui n’ont rien d’institutionnels. On parle ici d’« acteurs-terrain » dont l’ancrage dans le village ne laisse aucun doute. Comme pour le cas précédent des Monts du Lyonnais, les auteurs font observer que plusieurs expériences (l’église transformée en centre culturel) constituent des LL sans le savoir, tels des Monsieurs Jourdain. Il revient aux universitaires de leur fournir des titres qui feront leur gloire.

La seconde partie simplement intitulée Applications aurait pu contenir des chapitres de la première partie étant donné les exemples mis en exergue. Les chapitres 8, 9 et 10

3 Célèbre par les 21 virages de la montée de l’Alpe d’Huez

4 Les seuls auteurs francophones cités par D. Lafontaine pour leur publication de 2017.

5 Je ne peux que confirmer puisqu’au début des années 1990, le professeur Jean-Pierre Houssel, ici men- tionné (108), m’y a amené afin de rencontrer des entepreneurs innovants qui faisaient du LL avant la lettre. La proximité de Lyon avec ses facilités de transport m’avait été signalée comme facteur favorisant l’innovation (oui, ouverte).

6 En 2013 j’y ai passé une journée entière à l’occasion d’une rencontre sur le développement rural.

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se rapportent à des cas québécois où on prend bien soin de définir ce que sont les LL quitte à imposer des répétitions au lecteur attentif. Avec le chapitre 11, les lecteurs de ma génération ne pourront éviter de se rappeler le « Bilbao » que chantait Yves Montand.

En effet, un chercheur de l’Université de Barcelone, pour décrire l’Espacio Open de Bilbao, recourt au « espaglais » au lieu du «cataglais ». Parmi les expériences offertes celle du quartier industriel en déclin de la section 2 intitulée : Qu’on ne nous prenne pas Zorwrotsaure s’avère particulièrement intéressante7. L’auteur, lucidité oblige, regrette l’existence de conflits (non observés ailleurs ?) marqués par l’absence d’harmonie et de collaboration entre les acteurs. Le quartier n’est pas « sorti du bois » comme on dit au Québec.

Le tout se termine par un chapitre qui plaira aux amateurs, comme moi, du fromage Roquefort. Oui, J. Corneloup et K. Fersing nous transportent en Aveyron pour montrer comment, pour reprendre ce que Campagne et Pecqueur8 désignent comme une : « res- source spécifique » ou un « produit générique » pouvant générer une « rente différen- tielle ». C’est bien ce qu’ambitionnent divers acteurs locaux en voulant mettre valeur le plateau de Combalou qui surplombe le village de Roquefort. Un projet qui ne manque pas de rappeler un autre fromage célèbre, le Beaufort qui, à partir des années 1980, a donné son nom au Beaufortin, un « pays » de Haute-Savoie qui a connu un essor servant d’exemple de ce que peut être le développement local.

Un ouvrage, bien sûr à recommander, pour son introduction, pour sa documentation et ses nombreuses applications que se partageront Français et Québécois suivant leurs intérêts.

André Joyal, professeur associé à l’Université du Québec à Trois-Rvières et membre du CRDT

© 2020 Lavoisier, Paris. Tous droits réservés.

Bognon Sabine, Magnan Marion, Maulat Juliette (dir.), 2020, Urbanisme et aménage- ment, Théories et débats, Paris, Armand Colin, 288 p.

Le livre est bien construit. Chaque chapitre a à peu près la même taille et la même structure. On part de ce qui est connu (et rapidement résumé) pour aller vers ce qui est plus nouveau en matière de théories, de stratégies et de débats. Certains chapitres sont remarquables, d’autres un peu plus laborieux, bien que nourris. Les éditeurs et les auteurs ont fait l’effort de rassembler toute la bibliographie en fin d’ouvrage ce qui facilite une lecture conforme au titre (« Théories et débats »). Bien sûr les mentions figurant en biblio- graphie correspondent à des périodes différentes mais on ne peut pas dire pour autant que cette bibliographie date. Au contraire elle est assez actuelle. L’absence du récent livre de P. Lannoy et Y. Demoli, (Sociologie de l’automobile, La Découverte, 2019) est sans doute un effet de recoupement des dates d’édition.

7 Cette fois, on pense au fameux justicier masqué Zorro qui signait de son initiale ses exploits avec la pointe de sa fine lame.

8Pierre Campagne et Bernard Pecqueur, Le développement territorial : une réponse émergente à la mondia- lisation, Paris, Éd. Charles Léopold Mayer, 2014, 268 p. Recencé par mes soins dans le 17 (2015) 497- 499.

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Un tel livre n’est pas seulement un recueil de chapitres, aussi intéressants soient-ils.

Comment marque-t-il le lecteur, quelle impression laisse-t-il ? Comment l’enseignant peut-il en tirer les éléments importants pour ses étudiants ?

Partons du titre. Il résume en soi la situation telle que la perçoivent les auteurs et la per- cevront sans doute les lecteurs. « Urbanisme et aménagement » font aujourd’hui l’objet de plus de débats que de théories. Quelles sont les causes de cette situation épistémolo- gique a priori peu réjouissante, encore que nous ne soyons pas en face d’une discipline constituée mais plutôt de pratiques fondées sur des connaissances ?

« Urbanisme et aménagement » ont ensemble une longue histoire impliquant de mul- tiples acteurs publics et privés. Progressivement, et surtout à partir de 1970 en France, l’acteur étatique, directement ou par délégation, a pris le dessus en évacuant l’interdisci- plinarité (hors sciences sociales) : médecine, ingénierie, écologie, architecture et même géographie physique se sont retrouvées ailleurs comme disciplines ou comme pratiques.

Résultat, l’ « Urbanisme et l’aménagement » se trouvent aujourd’hui démunis par rapport aux questions environnementales, énergétiques, sanitaires. Mais pourquoi ce domaine s’est-il laissé déposséder de ce qui maintenant lui fait défaut ?

Il y a plusieurs raisons bien évoquées au fil des chapitres du livre.

Les éléments théoriques utiles pour structurer le champ « Urbanisme et aménage- ment » sont ignorés (comportements d’acteurs, santé) par des Universitaires qui ont autre chose à faire (enseignement, CNU, appels d’offres). Mon parcours particulier m’a tenu un peu éloigné de ces questions. En retrouvant dans cet excellent livre l’ « Urbanisme et l’Aménagement » d’aujourd’hui, je constate par exemple l’absence de la santé, l’extrême difficulté à travailler avec les technologues (média, internet, GPS), avec les spécialistes de la smart city, et en même temps le renforcement des positions issues des sciences humaines et sociales. Les emprunts théoriques à ces disciplines (sociologie, sciences poli- tiques, sciences du management) sont considérables. Les exceptions sont rares : heureu- sement la bibliographie n’oublie pas Zélia Hampikian. Mais nombre de thésards qui ont quitté le champ, attirés via des bourses CIFRE par les entreprises ou les bureaux d’études, n’y figurent évidemment pas. Il ne faut pas compter sur eux pour les progrès théoriques et pas même pour les débats qu’évoque cet ouvrage.

Du coup, en France, la planification semble s’être arrêtée avec Paul Delouvrier et son modèle rationnel. Par la suite, les travaux de sociologues, d’historiens, sur le planning, pour intéressants qu’ils soient, n’ont guère fait avancer l’ « Urbanisme /Aménagement », non plus que les approches post-colonialistes évoquées de-ci de-là dans le livre. Les espoirs placés dans les années 1980 sur la « participation » du public se sont évanouis : le

« peuple » ne participe pas ; ceux qui devraient participer ne le peuvent pas ou ne le veulent pas. On a l’impression qu’il n’y a plus à proprement parler de théorie de l’ « Urbanisme et de l’Aménagement ». Le « projet urbain » n’aurait-il pas sonné, du moins en France, la fin d’un domaine, ou signifié l’avènement d’un autre… ? Le « capitalisme organisé » et les nouvelles « frontières de la mobilité » présentées par le sociologue anglais John Urry auront marqué une génération. Entre géographie, sciences politiques, sciences de gestion, voire sciences de l’ingénieur, pour des raisons individuelles (gestion des carrières) ou collectives (opposition à la loi ou au plan), le « projet urbain » se définit désormais dans des opérations relativement petites, les seules possibles compte tenu des enjeux fonciers.

Le « projet urbain » signifie la fin des grands récits idéologiques et l’importance nouvelle

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du « chef de projet ». L’État n’a pas disparu non plus que la planification mais ils inter- viennent plus discrètement et ailleurs.

Il reste cependant, en amont des débats, des questions théoriques, souvent traitées par d’autres disciplines mais concernant l’ « Urbanisme et l’Aménagement ». Le livre permet heureusement d’en repérer plusieurs.

C’est d’abord l’économie urbaine. On n’a pas de vision très claire sur le marché du logement qui est pourtant au cœur de l’urbanisme. Mais, en s’abstrayant de quelques cas exotiques évoqués par les uns ou par les autres dans le livre, il reste que les approches éco- nomiques fondées sur la rente foncière sont relativement bien adaptées au contexte occi- dental (Europe, États-Unis). Cela n’empêche pas qu’on néglige des phénomènes pourtant essentiels à l’échelle mondiale : auto-construction, spécificités de l’ex-bloc soviétique, espaces particuliers des villes du Sud et même, à mon avis, spéculation exacerbée en Amérique latine ou en Asie. L’urbanisme post-colonial n‘épuise pas tout.

L’autre volet sur lequel la théorie n’a malgré tout pas désarmé est celui du transport et de la mobilité. Depuis les années 1980 on aurait tendance à croire à un recul de la voi- ture. Les éléments théoriques de l’ « Urbanisme et de l’Aménagement » se fonderaient volontiers sur ce paradigme. Pourtant, la voiture est toujours là. Si notre pays peine à le reconnaître, les études sur des terrains étrangers le démontrent. Ce qui est vrai, c’est l’apparition d’une catégorie que « l’Urbanisme et l’Aménagement » ont faite leur : la mobilité. L’insistance sur cette catégorie, en accord avec les approches sociologiques, masque celle du transport (et encore plus celle du transport de marchandises). Une

« mobilité » bien différenciée correspondrait, selon un chapitre du livre, à une valorisa- tion sociale de la « mobilité ». Il ne faut pas croire que ce changement est de façade. Le transport collectif (tramway) et plus récemment la location de véhicules ou de chauffeurs, le vélo et autres trottinettes, jouent au plan théorique un rôle historique comme outil de construction métropolitaine et de construction des intercommunalités. C’est actuellement un enjeu majeur pour les « Théories et débats » en Urbanisme et Aménagement. Le livre ne l’ignore pas.

Gabriel Dupuy Professeur, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne, UMR CNRS 8504

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