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Article pp.635-643 du Vol.6 n°4 (2008)

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t@d et Tutorales, 13 questions

A l’occasion du lancement de la revue Tutorales, Geneviève Jacquinot (CEMTI, LCP/CNRS, Université Paris 8, France) pose treize questions à Jacques Rodet (t@d, Tutorales)1, pour Distances et savoirs.

GENEVIÈVE JACQUINOT : J’ai rencontré Jacques Rodet à distance, lors d’une audioconférence avec le Québec, puis à l’université de Paris 8 où, pour l’anecdote, je lui ai donné l’occasion de rencontrer de visu, dans mon séminaire, le professeur québécois… qui avait été son professeur à distance pendant trois années à la Télé- Université du Québec (Teluq) : aucune surprise, ce professeur, il le connaissait déjà bien !

Nous avons eu ensuite l’occasion de travailler ensemble, à plusieurs reprises, et je l’ai retrouvé, à distance cette fois, à travers sa communauté dite t@d qui fait l’objet de cet entretien.

G. JACQUINOT — 1. Commençons par la question qui s’impose : quand et pourquoi vous êtes vous lancé dans la mise en place de cette « communauté de tuteurs à distance » ?

JACQUES RODET — t@d a été lancée en 2003, mais les raisons qui m’ont fait l’imaginer remontent un peu plus en amont. Lors de ma formation à la Téluq (Dess

« formation à distance »), j’ai eu, dès mon premier cours, la chance d’être en contact avec une tutrice-cours (personne qui encadre un apprenant spécifiquement sur un cours donné du parcours) de très grande qualité. Ses interventions m’ont été d’une aide précieuse, tant sur des points méthodologiques que dans la compréhension de différentes notions plus conceptuelles. Cette tutrice a su également me donner confiance en mes capacités et m’a permis progressivement d’exercer mon autonomie d’apprenant à distance. Dans la suite de cette formation, j’ai également eu de nombreux tuteurs et tutrices qui m’ont permis de mieux me rendre compte combien les fonctions tutorales étaient nécessaires à la réalisation d’une formation à distance.

Puis, j’ai eu l’occasion, toujours à la Téluq, de participer à la mise en place d’un dispositif de tutorat par les pairs dans lequel je suis intervenu comme pair-ancien auprès de plusieurs nouveaux étudiants. J’ai alors suivi une formation au tutorat sous la direction du professeur André-Jacques Deschênes. C’est lors de cette expérience que j’ai collaboré avec d’autres tuteurs-pairs et que j’ai pu constater combien il était utile pour un tuteur de partager ses expériences d’encadrement afin d’améliorer sa pratique. Ainsi, l’exemple donné par mes tuteurs mais aussi le passage à la pratique

1. Voir encart biographique de Jacques Rodet en fin de texte.

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joint à la mutualisation de celle-ci avec d’autres tuteurs sont les éléments déclencheurs de ce qui allait devenir t@d.

GJ — 2. Entre cette première initiative et la revue électronique que vous venez de créer, Tutorales « dernier avatar » dites-vous de votre préoccupation constante

« que les tuteurs à distance s’expriment et mutualisent leurs expériences », plus de six années ont passé : pouvez-vous nous dire quelles ont été les principales étapes de ce parcours, les difficultés rencontrées, les réussites, voire les échecs, par rapport à ce que vous imaginiez et par rapport aux attentes des participants à la communauté ?

JR — La première version de t@d, qui a duré une année, s’est appuyée sur un outil de travail collaboratif. Il s’agissait à l’époque de permettre aux membres de cette communauté de pratiques d’échanger et de débattre sur les différents aspects du tutorat et de produire des ressources. Les objectifs visés étaient les suivants :

– mutualiser les expériences de tutorat à distance ; – débattre sur les thèmes liés au tutorat ;

– créer un fond documentaire sur le tutorat ; – bâtir une formation de tuteurs ;

– agir pour une reconnaissance du métier de tuteur.

Une cinquantaine de participants (professeurs et chercheurs, formateurs, étudiants, et salariés d’entreprises), d’une dizaine de pays différents (France, Québec, Belgique, Luxembourg, Allemagne, Maroc, Brésil, Espagne) ont ainsi échangé dans plusieurs forums thématiques : Tuteur, un métier ? Nos représentations du tutorat et des tuteurs. Les bonnes pratiques du tuteur. Les sources d’informations sur le tutorat. Modèles pédagogiques et interventions des tuteurs. Les outils du tuteur. Obligation collaborative ? Tutorat par les pairs. Industrialisation du tutorat, etc. Un groupe s’est attaché à rassembler les premiers textes scientifiques consacrés au tutorat qui est devenu la base documentaire du portail de t@d (plus de 150 références à ce jour)2. Un autre groupe de travail a mené une réflexion plus approfondie sur les propositions que Brigitte Denis avait formulées sur la formation des tuteurs à distance, paru dans Distances et savoirs3: Quels rôles et quelle formation pour les tuteurs intervenant dans des dispositifs de formation à distance ? Toutefois, l’utilisation de l’espace collaboratif n’était pas suffisamment accessible à toutes les personnes qui souhaitaient s’investir dans t@d. Aussi, dès la deuxième année, l’outil que nous avons privilégié était une simple liste de discussion qui a fonctionné jusqu’en 2007. Le nombre de participants a alors triplé et les échanges ont souvent été très nourris. J’ai pu néanmoins observer que ceux-ci étaient assez dépendants de mon investissement personnel et de l’énergie que je mettais à les animer. Parallèlement, des groupes continuaient à utiliser l’espace collaboratif

2. http://www.tutoratadistance.fr/tad/?page_id=47 3. Vol. 1, n° 1/2003.

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pour des travaux plus particuliers. Plusieurs dossiers ont ainsi été publiés : l’industrialisation du tutorat ; statut de tuteur à distance ; ressources documentaires sur le tutorat à distance ; quantification du tutorat.4 Le plus achevé a amené à la production de deux versions d’une grille d’évaluation des conditions de travail des tuteurs à distance destinée tant aux employeurs pour leur permettre de mieux calibrer les profils qui leur sont nécessaires qu’aux tuteurs pour être en mesure de discuter plus aisément de leurs conditions de travail5. L’année 2007 a vu un certain essoufflement des participations. D’une part parce que certains membres ne ressentaient plus forcément le besoin de continuer à échanger sur cet objet unique du tutorat et d’autre part, parce que t@d avait une visibilité très réduite sur le web, ce qui handicapait le renouvellement de ses membres.

C’est pourquoi, en septembre 2007, une nouvelle formule de t@d est apparue sous la forme d’un blog6 puis très rapidement par la mise en place d’un portail7. Cette dernière évolution a changé sensiblement la nature de t@d qui se caractérise aujourd’hui plus comme un centre d’expression et de ressources sur le tutorat que comme une véritable communauté de pratiques s’attachant à produire des travaux.

Depuis 18 mois, ce sont presque 300 billets qui ont été publiés sur le blog. Les plus marquants sont regroupés tous les trois mois dans une publication disponible au format PDF : Fragments du Blog de t@d8. Une veille collaborative9 est menée par différentes personnes dont les résultats sont disponibles à travers un widget10 qui présente les derniers résultats de la veille réalisée11. Enfin, la base documentaire continue à être régulièrement alimentée au gré des mises à disposition sur le web des articles de revue, des actes de colloques et des thèses de doctorat consacrées au tutorat12.

De tous les objectifs initiaux de t@d, ceux qui n’ont pas réellement abouti sont les deux derniers : Bâtir une formation de tuteurs ; Agir pour une reconnaissance du métier de tuteur. Bien que sur ce dernier point, t@d ait apporté tout son soutien au mouvement revendicatif des tuteurs de la Téluq en début d’année 200813.

GJ — 3. La nécessité de la formation des tuteurs étant maintenant considérée comme essentielle, pouvez-vous dire pourquoi, dans votre programme, cet objectif

4. http://blogdetad.blogspot.com/2007/09/dossier-td-sur-lindustrialisation-du.html 5. http://blogdetad.blogspot.com/2007/09/grille-dvaluation-des-conditions-de.html 6. http://blogdetad.blogspot.com

7. http://www.tutoratadistance.fr 8. http://www.tutoratadistance.fr/tad/

9. http://www.tutoratadistance.fr/tad/?page_id=43

10. Un widget est un outil disponible sur un système d'exploitation, une page web ou un blog qui permet de diffuser des informations. Le widget de t@d permet l’affichage des titres des documents repérés par les différents participants qui effectuent une veille sur le tutorat à distance.

11. http://www.tutoratadistance.fr/tad/?page_id=51 12. http://www.tutoratadistance.fr/tad/?page_id=47 13. http://jacques.rodet.free.fr/fraghs1.pdf

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est justement un de ceux qui n’a pas abouti ? Quant au second objectif non encore réalisé, nous savons déjà qu’il demandera beaucoup d’efforts !

JR — A mon sens, il existe encore une différence entre le fait que de plus en plus d’acteurs considèrent la formation des tuteurs comme essentielle et leurs décisions concrètes d’organisation de ces formations. Si depuis deux à trois ans, les formations de tuteurs à distance sont plus fréquentes, elles restent marquées par l’atteinte d’objectifs qui sont particuliers aux dispositifs concernés. Elles sont très souvent à dominante technique afin que les tuteurs maîtrisent parfaitement les fonctionnalités des outils à leur disposition.

Je travaille actuellement à un projet de recherche-action dont les objectifs sont précisément de repérer les compétences et besoins de formation communs aux tuteurs à distance dans le but de leur proposer une formation. L’hypothèse peut être faite que d’une part, cette formation s’intéresserait aux usages pédagogiques des outils et des médias plutôt qu’à la maîtrise de leurs fonctionnalités et que d’autre part, des compétences telles que l’écoute active à distance ou la gestion de la dynamique de groupe y trouveraient également leur place.

GJ — 4. Avec ténacité, vous poursuivez vos objectifs avec la création actuelle d’une revue électronique sur le tutorat ?

JR — La dernière initiative menée au sein de t@d est, en effet, le lancement d’une revue, Tutorales14, qui a sorti deux numéros depuis décembre 2008. La thématique exclusive de cette revue en fait déjà un objet unique en son genre mais Tutorales veut se distinguer des autres publications par plusieurs aspects. Tout d’abord, elle est uniquement diffusée sur Internet, au format PDF, sous licence Creative Commons. Ce choix délibéré répond tant à des besoins économiques qu’au souci d’adopter une formule souple et rapide de publication. En effet, une des ambitions de Tutorales consiste en la mise à disposition de textes sur le tutorat à distance, le plus tôt possible après leur rédaction par leurs auteurs. Il ne s’agit pas là de payer un tribut à « l’instantanéisme » contemporain, mais d’affirmer la volonté de se soustraire au travers habituel de la publication d’articles traitant de situations et de données antérieures de plusieurs années à la date de diffusion (voir l’édito du premier numéro)15.

GJ — 5. Avez-vous une connaissance précise des membres de la communauté, a-t-elle varié depuis le début ? Qui et combien sont les contributeurs, les lecteurs ? Quels types d’échanges existent réellement : s’agit-il d’un échange d’informations, voire de recettes, ou de discussions sur telle ou telle intervention ? En consultant les textes déposés on s’aperçoit en effet qu’ils donnent rarement lieu à commentaires…

JR — Les différentes formes prises par t@d ont influé directement sur la connaissance que nous pouvions avoir des membres de la communauté. Dans sa

14. http://www.tutoratadistance.fr/tad/?page_id=737

15. Accès à la présentation complète de la revue Tutorales et aux numéros parus http://www.tutoratadistance.fr/tad/?page_id=737

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première et sa deuxième formule, les membres se connaissaient bien, en particulier ceux qui travaillaient ensemble à la production de ressources. Aujourd’hui, si le nombre est bien plus large, environ 3000 visiteurs par mois, et la diffusion encourageante pour le premier numéro de Tutorales (aux alentours de 1000 téléchargements), notre connaissance de ce public est assez réduite. Il est certain que les premiers membres de t@d s’en sont servis comme d’une ressource de formation et de collaboration alors qu’aujourd’hui, c’est davantage l’accès à l’information qui motive les visiteurs et les lecteurs de nos productions. Toutefois, nous sommes en mesure de préciser que pour moitié ils sont Français, pour un quart Québécois, et que les autres se répartissent en Europe et en Afrique francophones. Les contacts directs que nous avons avec certains d’entre eux, montrent qu’ils sont indifféremment tuteurs, étudiants, professeurs, ou appartiennent à d’autres professions repérables dans le monde de la formation continue.

GJ — 6. Une des originalités de votre approche de la FOAD est de vous concentrer sur le tutorat qui n’est, bien sûr, qu’un maillon de la chaîne ou qu’un élément du système que constitue un dispositif de formation à distance : comment arrivez-vous à gérer ce fait, n’expose-t-il pas à quelques incompréhensions, voire contradictions dans les échanges entre les membres de la communauté ?

JR — Ceci n’est plus vraiment un problème actuel. La visibilité de t@d et son ancrage résolument limité au tutorat à distance est aujourd’hui reconnu et accepté. Je pense y déceler l’indice que la question tutorale a beaucoup progressé ces dernières années dans le milieu de la formation à distance. Que des sujets aussi marginalisés que l’étaient la définition des rôles et fonctions des tuteurs, la scénarisation des interventions tutorales, le dimensionnement des systèmes tutoraux sont aujourd’hui pris plus au sérieux par de plus en plus d’acteurs.

GJ — 7. Votre réponse m’amène à préciser ma question : peut-on envisager de la même façon un tutorat universitaire concernant la vingtaine d’étudiants d’un master spécialisé et le tutorat d’un groupe de 500 employés d’une entreprise française obligés d’apprendre l’anglais rapidement pour participer à un nouveau partenariat avec l’étranger ?

JR — Bien évidemment non. Le dimensionnement du tutorat est toujours relatif aux publics concernés, à la matière enseignée, aux conditions du contexte. Le tutorat d’un grand nombre d’apprenants est fréquemment abordé à travers la notion d’industrialisation du tutorat. L’expression même m’interroge. Faut-il industrialiser, c’est-à-dire rationaliser, standardiser et massifier le seul élément réellement humain des dispositifs de FOAD ? Le tutorat doit-il être la variable d’ajustement de la rentabilité financière d’un dispositif ? La logique d’industrialisation guidée par la recherche d’une diminution des coûts est-elle toujours compatible avec la qualité du service attendu par les apprenants ? De plus lorsque l’on parle d’industrialisation du tutorat, l’idée implicite est l’utilisation du « tracking » proposé par les plateformes. Il y a là certainement un tribut payé au développement de plus en plus important du contrôle des individus dans nos sociétés technologiques. Cela pose différentes

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questions qui ne relèvent pas toutes de la déontologie comme celle de la connaissance par l’apprenant des traces qu’il produit. Qui définit la nature des traces ? A quelles fins serviront les traces ? Comment passe-t-on d’une approche quantitative (les traces produites par un apprenant) à une appréciation qualitative permettant de diagnostiquer une intervention tutorale ?

Si le grand nombre d’apprenants n’autorise pas le même type de tutorat que celui effectué vis-à-vis d’un petit groupe, la question essentielle reste bien de fixer le niveau d’aide et d’accompagnement dont on souhaite faire bénéficier les apprenants pour qu’ils atteignent les objectifs pédagogiques visés. Enfin, il est important de distinguer les actions de formation qui nécessitent un tutorat car visant le développement des savoir, savoir-faire et savoir-être de l’apprenant et les actions d’information, qui prennent parfois la forme de produits e-learning, où il s’agit avant tout de transmettre un message dont on s’assurera qu’il est bien réceptionné par les destinataires par l’adjonction d’un QCM et où une « hot-line » peut suffire de soutien aux répondants.

GJ — 8. Vous insistez beaucoup dans l’orientation de votre blog comme dans celle de la revue sur la nécessité de donner la parole à ceux qui veulent la prendre, sans reprendre les hiérarchies traditionnelles entre chercheur et praticiens, ou chercheur sénior et junior, ou encore entre recherche et témoignage etc. Dans la base documentaire par exemple, la sacro-sainte référence académique n’apparaît pas, seul le titre est mentionné… Comment vous situez-vous vous-même et votre communauté par rapport à la recherche et par rapport à cette relation praticien/recherche ?

JR — Tout d’abord, il ne s’agit pas là d’une volonté de nivellement des discours mais plus simplement de permettre à certains de ces discours de pouvoir être tenus.

Si dans le milieu universitaire, les enseignants-chercheurs bénéficient de conditions leur permettant de produire des discours et de revues les diffusant, ceci est bien moins vrai pour les tuteurs, surtout si ceux-ci sont seulement des praticiens. Par ailleurs, si les publications des universitaires sont extrêmement précieuses pour penser ces actions, elles demandent une infrastructure éditoriale que t@d n’est pas en mesure d’offrir. D’un autre côté, de nombreux praticiens ont des choses passionnantes à dire mais ne peuvent que rarement le faire si leurs propos ne correspondent pas aux canons de l’édition scientifique et la plupart du temps ils n’osent pas le faire. t@d et Tutorales en particulier, s’adresse à eux. Il n’en reste pas moins que les chercheurs ont tout à fait leur place au sein de t@d. C’est le cas avec la rubrique du blog « Paroles de chercheurs » qui s’attache à présenter les dernières recherches sur le tutorat à distance et propose des entretiens avec les enseignants- chercheurs à propos de leurs articles ou thèses. Nous pourrions donc dire que t@d ne nie pas les hiérarchies habituelles entre chercheurs et praticiens mais qu’elle ne fait pas de leur respect une règle absolue, pariant plutôt sur les aspects féconds des interactions entre démarches déductives et inductives.

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Plus précisément, à propos de la « référence académique », les ressources de la base documentaire sont accessibles sur Internet et c’est bien le titre qui est alors le plus pertinent pour y accéder via un moteur de recherche. De manière récente, les nouvelles entrées sont enrichies de la date de parution et des mots-clés lorsqu’ils sont définis dans la ressource originale. Il est vrai que cette base mériterait d’être mieux agencée. Un groupe avec des documentalistes avait commencé à fonctionner au sein de t@d mais malheureusement sans lendemain. Une des fonctions à améliorer est effectivement l’indexation et les outils de recherche (seule la recherche

« full text » via la combinaison clavier « ctrl F » permet de préciser sa recherche). Il s’agit là d’un travail important pour lequel les bonnes volontés ou éventuellement le sponsoring sont envisageables.

GJ — 9. On constate un important écart entre les nombreuses études de nature prescriptive ou descriptive sur les fonctions tutorales et la faible quantité de recherches empiriques pour évaluer les effets des actions des tuteurs : qu’en pensez- vous ? Est-ce que t@d, de votre point de vue, se préoccupe de ce problème et comment ?

JR — Je nuancerai votre propos en précisant qu’il existe de plus en plus de recherches empiriques à côté de recherches à vocation prescriptive, voire normative.

Le problème réside dans le fait que les résultats des premières sont rarement transférables de la situation qui les a vus naître à d’autres contextes. Elles servent donc plutôt d’aiguillon à l’amélioration des systèmes étudiés. Je pense, pour ma part, qu’il reste à réaliser des recherches sur les pratiques tutorales de nombreux terrains de nature différente pour dégager les points communs qui pourraient servir de base plus intéressante, et plus valide, pour définir des modèles, voire des référentiels de pratiques tutorales.

GJ — 10. Un des problèmes souvent avancés pour justifier l’absence ou la difficulté de mise en place du tutorat, même à distance est celui du coût : est-ce une question qui préoccupe les membres de la communauté, et comment la pose-t-il ?

JR — C’est une question qui revient régulièrement en débat. D’une part, pour trouver de bonnes méthodes de quantification des interventions tutorales qui dépendent d’un modèle économique inverse à celui du e-learning puisque étant essentiellement constitué de coûts variables là où le e-learning prétend les réduire à presque rien. L’autre angle d’attaque de cette question est celui de la rémunération des tuteurs. Il nous manque de nombreuses données sur ce point et c’est pourquoi nous venons de lancer un appel à témoignage sur le blog16.

GJ — 11. Cette question des coûts m’amène bien évidemment à revenir à la pérennité de votre portail et de la revue. Je connais votre générosité et votre courage, votre sens de la communauté et du partage, mais on ne peut s’empêcher de vous poser la question du coût humain et financier : comment et avec qui faites-vous tout cela ?

16. http://blogdetad.blogspot.com/2009/02/comment-fixer-la-remuneration-des.html

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JR — Si c’est le sens de votre question, je conviens volontiers que le modèle économique de t@d reste à trouver… Jusqu’à maintenant, t@d a fonctionné uniquement sur le bénévolat de ses participants. Diverses personnes, certaines ponctuellement, d’autres de manière plus continue, me sont venues en aide tout au long de ces six années et je leur en suis très reconnaissant. Il est certain que la diversification des activités se traduit, pour moi, par un engagement personnel correspondant. Il est bon de préciser ici, que je suis le premier bénéficiaire de t@d, tant par l’aiguillon qu’elle constitue pour ma réflexion sur le tutorat à distance, que par une certaine reconnaissance qui m’est accordée. Les limites et faiblesses actuelles de t@d sont ainsi clairement liées à cet état de fait. Diverses solutions sont envisageables et certaines d’entre elles ont déjà fait l’objet de réflexions voire de tentatives timides. La première consisterait à structurer t@d de manière plus formelle, sous forme d’association ou même de petite entreprise proposant divers services de veille et de formation. Si cette option présenterait certains avantages, il ne faut pas nier qu’elle aurait aussi ses inconvénients et comporterait une part de risques non négligeables pouvant toucher à l’existence même de t@d. En effet, il n’est pas certain que les personnes attachées à la forme actuelle seraient prêtes à nous suivre dans cette nouvelle aventure. Une autre option serait la recherche de partenaires logistiques et financiers voire la recherche de subventions. La dernière option repérée à ce jour, serait d’adosser t@d à une organisation ou une institution qui verrait dans t@d la possibilité d’enrichir ses activités sur le thème du tutorat à distance et qui lui permettrait de surmonter les limites évoquées ainsi que d’étendre son audience.

GJ — 12. Corollairement, puisque vous avez été un peu en avance, d’après ce que j’ai compris, en essayant de faire de t@d un espace collaboratif auquel toutes les personnes intéressées par le tutorat ne pouvaient pas alors avoir accès, transformé plus tard en liste de diffusion, puis en portail, n’envisagez-vous pas de revenir à un nouvel espace collaboratif, maintenant que les usages comme les dispositifs technico- pédagogiques le permettent ? Ou bien, étant donné que vous avez pu observer, comme vous l’avez dit, que les échanges étaient assez dépendants de votre investissement personnel et de l’énergie que vous mettiez à les animer… mais aussi qu’en 2007, ils s’essoufflaient un peu… êtes vous plus sceptique maintenant sur la pertinence de cette modalité de travail et si oui, pourquoi ?

JR — Je ne suis pas certain que t@d ait été en avance. Ma lecture de son évolution est différente et peut-être moins optimiste. Depuis quelques récentes années, le temps héroïque de la FOAD est terminé en France. Or, ce que l’on peut constater dans de nombreux secteurs c’est que les effets collaboratifs, d’entraide, de solidarité se manifestent davantage lorsque les acteurs sont peu nombreux et en quête de perfectionnement, qu’ils se connaissent donc davantage. Lorsque le paysage devient plus mature, les acteurs plus nombreux, et pour le dire plus crûment, quand le temps est aux affaires, le partage des informations cède partiellement la place à la rétention d’informations qui est censée donner un avantage décisif à celui qui la pratique. Le fait que les outils, je pense en particulier aux réseaux sociaux, facilitent objectivement la mutualisation et la collaboration, n’est non seulement pas le garant

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de meilleurs échanges mais peuvent également réactiver certains réflexes que l’on pensait oubliés. Un peu à la manière du développement de la vidéo dans la FOAD qui semble autoriser certains à ne plus scénariser leur formation à distance et à réhabiliter une pratique pédagogique essentiellement transmissive. Ainsi, nombre

« d’amis » que l’on peut avoir dans les réseaux sociaux pourraient être qualifiés davantage d’opportunistes. Tout n’étant pas noir ou blanc, mais plutôt à penser dans un rapport dialogique, où les éléments contradictoires sont à articuler pour créer de nouvelles réalités, je conserve une approche caractérisée non par la crainte mais par la curiosité et une certaine gourmandise.

GJ — 13. Qu’est-ce que vous voudriez ajouter que l’on n’a jamais osé dire…

sur le tutorat à distance…

JR — Je ne me suis jamais vraiment retenu d’exprimer mes idées sur le tutorat...

ni même lors de cet entretien. J’aimerais toutefois insister sur une idée qui me tient à cœur et que nous partageons tous les deux, celle de la prise en compte le plus tôt possible et tout au long du processus de conception d’un dispositif de FOAD de la question de l’accompagnement des apprenants, de la définition du système de support à l’apprentissage, de l’identification des interventions tutorales, de leur planification-quantification et scénarisation, du recrutement et de la formation des tuteurs, de l’évaluation des solutions tutorales mises en place et de leur réajustement.

Jacques Rodet est concepteur pédagogique et consultant formateur en e- formation. Titulaire d’un DESS « Formation à distance de la Téluq, il intervient en formation professionnelle depuis une quinzaine d’années. Il a occupé différents postes (formateur, responsable pédagogique, directeur de centre de formation) avant d’organiser son activité professionnelle en deux pôles : le consulting et la formation professionnelle auprès d’entreprises d’une part, et l’enseignement universitaire d’autre part, en tant que Maître de conférences associé

(

Depuis cinq ans, à l’université de Versailles responsable de l’option e-learning d’une licence professionnelle formant 15 à 20 chefs de projet junior en multimédia par an ; depuis 3 ans, cours « Ingénierie et stratégies de support à l’apprentissage » à l’université de Rennes 1 dans le Master « Métiers de la formation en Economie Gestion »

jacques.rodet@free.fr http://jacques.rodet.free.fr

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