LA THERMORÉGULATION ET L’ÉCOLOGIE
DE QUELQUES ESPÈCES D’ABEILLES SOCIALES
D’AFRIQUE (APIDAE, TRIGONINI
ET APIS MELLIFICA VAR. ADANSONII)*
Wärmeregulierung und Ökologie einiger sozialer Bienen Afrikcas (Apidae, Trigonini und Apis anellifica
var.adansonii)
R. DARCHEN Station
biologique,
Faculté des Sciences de Paris 246! Les Eyzies
SUMMARY
THE THERMOREGULATION AND THE ECOLOGY OF SOME SOCIAL AFRICAN BEES
(Apidae, Trigonini
ANDApis mellifica
VAR.adansonii).
We have attempted to discover if there exist correlations between the ability to control
the temperature of the hive and the ecology of nesting in some stingless bees and Apis
mel l ifica
var. adansonii.
First we describe the different biotopes of the african countries where this study was
performed.
Somestingless
bees havesuccessfully
colonised the twodepicted biotopes,
theforest of Gabon
(Makokou)
and the savannah of theIvory
Coast(Lamto)
thanks to their aptitude1)
toregulate
the temperature of their home(Dactylurina, Hypotrigona)
or2)
toestablish themselves in a vacant section of a termitary where they take
advantage
of thestabilised temperature
(T. eburnensis!.
Some other bees have been able to increase theirarea of dispersion
by
thediscovery
of biotopes similar enough to the ones of their aboriginal(Meliponula!. Finally
some species have not been to escape from their narrow and specialisedbiotope (Meliplebeia).
Apismel l ifica
var. adansonii is specially studied in this work because thephysiological
researches on the european varieties allow interesting comparisons. It is* Ce travail a été effectué dans le cadre de la R.C.P. n° 60 du C.N.R.S. à Lamto en Côte-d’Ivoire et de l’Institut de Primatologie et
d’I! cologie
équatoriale du C.N.R.S. à Makokou au Gabon.now established that the thermoregulation in the nest of the african bee is less
perfect
thanthat of its european relatives. However
though provided
with a pooraptitude,
the africanApis
mel l ifica
has succeded to colonise by means ofadaptation comparable
to those found in thestingless
bees. These means include the use of subterranean nests.RÉSUMÉ
Après
une présentation des différents climats desrégions
africaines où cette étude sur lathermorégulation
des abeilles sociales a été effectuée, nous donnons les résultats de mesuresobtenues avec différentes espèces de Trigones Trigona sp. et
Apis mellifica
var. adansonii.Latr. Nous essayons ensuite de trouver des corrélations entre les
capacités
thermorégulatricesde chaque espèce étudiée et leur nidification ou leur écologie au Gabon et en Côte-d’Ivoire.
Brièvement nous avons observé que 1) certaines espèces sont cantonnées dans un biotope
bien déterminé aux conditions
climatiques
restreintes et leur extension est en relation avecl’extension du
biotope (T.
beccarü, T. 6ocandei),2)
d’autres espèces se sontadaptées
à desbiotopes
assez différents, soit endéveloppant
une thermorégulationplus parfaite (Dactylurina, Hypotrigona),
soit en modifiant la structure de leur nid(Dactylurina)
ou en sachants’adapter
à un environnement dont les oscillations du microclimat ne
dépassent
pas leurscapacités autorégulatrices (adoption
de cavités dans des termitières, T.eburnensis).
Apis
mellifica
var. adansonü estl’objet
d’un intérêtparticulier.
En effet, laphysiologie
des différentes races européennes d’Apis
mellifica
est maintenant bien connue et il nous estpossible, pour cette espèce, d’établir des comparaisons entre races européennes et races afri-
caines. Cette Abeille d’Afrique a des capacités de régulation
thermique
assez imparfaites compa- rée à nos Abeillesd’Europe.
Toutefois elle peut survivre dans des biotopes très variés, car elleadopte
les mêmestechniques
de nidification que certainesTrigones.
Elle peut ainsi nidifier dans des cavités souterraines.1. - INTRODUCTION
La
thermorégulation d’Apis mellifica
L. a faitl’objet
d’études assez nom-breuses
qu’il
estpossible
derépartir
en troischapitres, 1)
lathermorégulation
de l’abeille isolée ou de
quelques
abeillesgroupées
dans uneruchette, 2)
la ther-morégulation globale
dans laruche, 3)
lathermorégulation
dans lapratique apicole.
Mes conditions de travail en
Afrique,
dans un laboratoire de campagne,et mes
préoccupations d’apidologue
du moment m’ont amené à aborder leproblème
sous son deuxièmeaspect :
les colonies de diverses abeillesafricaines
des tribus
Trigonini
etApini
ont-elles despossibilités
dethermorégulation
sem-blables à celles de leurs cousins
d’Europe
et cespossibilités
donnent-elles des indications sur leurchoix,
sur leurtechnique
denidification,
sur leur succès ouleur échec dans la colonisation des divers
biotopes africains
étudiés ?On le
sait,
chezApis melli, fica,
latempérature
du nid de couvain eststable
quelles
que soient les conditions externes detempérature.
Avec l’humi-dité,
cette dernière doit en effet êtreoptimale
pour assurer undéveloppement
larvaire
parfait
à l’intérieur des colonies. Les deux courbesci-jointes
nousprésentent
clairement cephénomène
dans les conditionsclimatiques d’Europe,
où la
température
externe estgénéralement
inférieure à celle ducouvain,
(BÜ DEL
) (fig. 1)
etsubtropicales
où elle est habituellementsupérieure (L ENSKY ) (fig. 2).
Ces abeilles sont donccapables
non seulement de réchauffer l’air àproximité
du couvain mais aussi de le refroidir suivant les besoins de celui-ci.Les abeilles sociales
d’Afrique
ont les mêmes nécessités dethermorégu-
lation.
Cependant
ces abeilles n’hibernent pas etn’interrompent
pas toute activité durant unepartie
de l’année car, nous allons levoir,
lesplus
bassestempératures
ne sont pas excessives et ne durent que peu detemps.
Or, après quelques
années deséjour
dans cesrégions
duglobe
etquelques déplacements
à l’intérieur du continentafricain,
ons’aperçoit
assezrapidement
que certaines
espèces
se cantonnent dans desbiotopes
bien étroits et que d’autres au contraire sontadaptées
à des milieux aussi différents que le sontles savanes ivoiriennes ou les forêts
gabonaises. Quelles
sont donc les raisons de cesexpansions spécifiques
si différentes ?II. - PROFIL DES VARIATIONS DE TEMPÉRATURE
DANS LES DIVERS BIOTOPES OU ONT ÉTÉ EFFECTUÉES NOS OBSERVATIONS.
A Lamto
(Côte-d’Ivoire),
en climattropical,
comme à Makokou(Gabon)
en climat
équatorial,
ondistingue
4 saisons.Cependant,
dans lapremière station,
lapetite
saison sèche ou lapetite
saison humidepeuvent disparaître
totalement durant une année ou une autre. Dans la
seconde,
enrevanche,
ellesarrivent toutes
généralement
à la dateprévue.
D’autrepart
les saisons deces deux stations sont décalées l’une par
rapport
à l’autre. ALamto,
lagrande
saison sèche débute en novembre et se termine en février ou mars. La
grande
saison des
pluies
la suit de mars àjuillet.
Puis arrivent lapetite
saison sècheen août et la
petite
saison despluies
enseptembre
et octobre. AMakokou,
la
grande
saison sèche va dejuin
à août inclus. lagrande
saison despluies
commence en
septembre
et ne cesse que vers le 15décembre;
lapetite
saisonsèche débute autour du 15 décembre se
poursuit jusqu’à
la fin février tandis que lapetite
saison humide dure trois mois àpartir
de mars(fig. 3).
1. - La savane de Lamto
(Côte-d’IvoireJ
A
Lamto,
la stationbiologique
se trouve à lapointe
d’une savanepéné-
trant comme un coin dans la forêt
qui longe
la côteatlantique.
Elle est consti-tuée de deux milieux
typiques,
la savaneproprement
dite et la forêtgalerie qui
y forme des îlots(fig. 4).
Dans la savane croissent desgraminées qui tapis-
sent le sol uniformément et des arbres souvent
petits.
Laplupart
d’entre euxprésentent
des troncs et des branches avec unlarge
canal central dontl’origine
est encore inconnue. Les abeilles et les fourmis colonisent toutes ces cavités.
La
figure (5)
donne la courbe moyenne destempératures
de huit années(1962
à 1969inclus) d’après
les relevéspubliés
parJ.-L.
TOURNIER dans lebulletin
de Lamto de la R.C.P. 60 du C.N.R.S. Dans cette savane, on le voitla
température
esttoujours
élevée(moyenne 27°3)
et iln’y
aqu’un
faibleécart
thermique
entre les différentes saisons : les moyennesquotidiennes
vontde 25° à 30° en saison des
pluies
et de 24° à 30° en saison sèche.Cependant
lesmaxima et les minima de
température
durant lapremière
sont 20° ou 23°et 30° ou
33°,
et durant la seconde 23° ou 25° et 36° ou 39°.2. - Les
forêts galeries
de LamtoMlle Th.
MÉNAGER,
au cours de ses mesures, aremarqué
que latempé-
rature moyenne de la savane et celle de la forêt
galerie
diffèrent engénéral
de 2°. Durant le
jour,
lestempératures
de la forêtgalerie peuvent
donc êtreassez fortes et atteindre 36° en
janvier.
Pendant la nuit lestempératures
desdeux milieux tendent à
s’égaliser
mais la forêt reste un peuplus
chaude(fig.
6et
7).
Enfin l’humidité relative moyenne est 89
%
en forêt et 81%
en savane.En
forêt,
elle ne descend pas au-dessous de 85%.
En revanche en savane etpendant
la saisonsèche,
l’humiditépeut
s’établir entre 10%
et 20% pendant
les heures les
plus
chaudes alorsqu’elle
reste stable autour de 70%
ou 80% pendant
la saison despluies.
3. -
L’aéroport
de Makokou(Gabon)
La
figure
8présente
les courbes moyennes destempératures
maximaleset minimales de trois années
(1962
à1964)
établies par G. DUBOSTd’après
les relevés de
l’aéroport
deMakokou,
c’est-à-dire dans un milieulargement
dégagé,
une sorte de clairièreartificielle,
dans unerégion
forestièreéquato-
riale. On y découvre que les
températures
maxima nedépassent
pas 31° durant lapetite
saison humide et que les minima n’excèdent pas 18° durant la saison sèche. Enrevanche, l’atmosphère
est souvent saturée et l’humidité relativeest
toujours
au-dessus de 55%.
4. -
La forêt équatoriale
de MakokouJe
n’ai malheureusement aucune courbe des moyennes destempératures
de la forêt dense à
plus
de 1 mètre du sol de cette station.Cependant
les enre-gistrements
quej’ai
effectués durantplusieurs
mois donnent une idée desphénomènes météorologiques
de ce milieuparticulier
où vivent laplupart
des abeilles
gabonaises.
Les résultats donnés par les diversenregistrements
peuvent
être résumés ainsi : lestempératures
oscillentrégulièrement
entre20° et 25° et l’humidité entre 80
%
et 95%.
Pendant la mêmepériode,
lesmêmes facteurs
microclimatiques
del’aéroport
ont varié entre 20° et 30°centigrades
et entre 55%
et 80%
d’humidité relative.Nous donnons ici
(fig. 9)
lareprésentation
de courbestypiques
du milieuforestier.
IH. - SUCCÈS DANS LA THERMORÉGULATION
CHEZ LES HYPOTRIGONES SP. ET CHEZ LES DACTYLURINES
(TRIGONA STAUDINGERI).
1. - Les
Hypotrigones
Elles font
partie
desplus petites
abeilles socialesd’Afrique.
Elles sontréparties
dans laplus grande partie
del’Afrique depuis
le sud du Sahara età
Madagascar.
Le groupe est d’ailleurs très ancien
puisque
récemment deuxexemplaires
fossilisés ont été trouvés dans l’ambre de la
Baltique.
C’est uneHypotrigone
très voisine
d’Hypotrigona araujoi
Mie. Les abeilles de ce genre ont donc peu évoluédepuis
des millions d’années.Les insectes de ce groupe sont d’une détermination très délicate sinon
impossible
car ils ne diffèrent engénéral
les uns des autres que par leurs dimen- sions. C’est direqu’ils
sont très semblables et c’est cequi justifie
une étudeglobale
du groupe.Enfin,
à cesujet,
il est bon derappeler
que, par des nour-rissements
spéciaux, j’ai
pu obtenir des animauxplus petits
que ceuxqui
habitent dans la même colonie.
Or,
on trouve ces insectes dans desbiotopes
aussi divers que la savane et la forêt sous des climats aussi différents que le climattropical (Lamto)
ou
équatorial (Makokou)
donc aussi bien dans les forêtscongolaises
que dans les savanes soudanaises etguinéennes.
Les colonies de ces minuscules abeilles sont assez peu
populeuses (quelques
centaines
d’individus)
et elles ont des facilités extraordinairesd’adaptation
auxdivers
biotopes
et lieux de nidification. Leur habitat normal est le tronc ou la branche d’un arbre creux, mais elles s’installent facilement dans les endroits lesplus insolites,
parexemple
à l’intérieur d’une serrure, dans un tube conduc-teur de fils
électriques,
dans des cavités creusées dans d’anciennes termitières.J’en
ai trouvé aussi dans un tube en U entourant lefourgon
d’une camionnette 2 CV. Citroën! Al’époque
où les Gabonais revêtaient leurs toits de feuilles depalmier
ces abeilles venaient seloger
dansl’épaisseur
dufeuillage (fig. 10),
oubien encore dans la
partie
creuse des bambousqui
servaient decharpente
auxmaisons
indigènes. Or,
en ceslieux,
les colonies sont soumises à de trèsgrandes
variations
thermiques auxquelles
les abeilles sontparfaitement adaptées.
La structure du nid de ce groupe d’abeilles est extrêmement
simple :
d’une extrémité à une autre de l’habitation on découvre des amas de cellules de
réserve,
des amas de cellules de couvain sousenveloppe
de cire etenfin, près
de la
sortie,
s’ouvre un tube de cirequi serpente longuement
à l’intérieur de l’habitacle et seprolonge
à l’extérieur surplusieurs
centimètres pour laisseraux butineuses la
possibilité
d’entrer et de sortir. Sur le bord externe du tubese tiennent les
gardiennes
et, derrière ellespendant
les forteschaleurs,
de nom-breuses ventileuses à la queue leu
leu,
la têtedirigée
vers le substrat et versl’intérieur de la
ruche,
lespattes
antérieuresabaissées,
lespattes
moyennes,postérieures
et l’abdomen soulevés en direction de la sortie. Le bourdonnementest intense.
2. - Les
Dactylurines
Contrairement à la
précédente espèce qui aménage
descavités,
celle-ciconstruit ses nids de toutes
pièces.
Le genreDactylurina
est d’ailleurs le seul enAfrique
à nicher ainsi.J’ai
vu ses nids pour lapremière
fois dans les forêts secondairesgabonaises (fig. 11).
Ils ont
grossièrement
la forme d’une boule et se trouvent engénéral
à peuprès
à deux mètres dehauteur,
très bienprotégés
par uneépaisse
couche defeuilles sous
laquelle
les abeillespénètrent
pour trouver leur entrée à la basede l’édifice. La
longueur
moyenne de ces nids est engénéral
30 cm et leurlargeur
25. La cavité réservée au couvain mesure environ unequinzaine
decentimètres.
De l’extérieur à
l’intérieur,
le nidcomprend 1)
une finepellicule
de résined’un demi-millimètre
d’épaisseur toujours
bien entretenue par les bâtisseuses : lesréparations
des brèches sont effectuées dans les heuresqui
suivent lalésion, 2)
des couchesplus
ou moinsconcentriques,
anastomosées etperforées
de résinedure et cassante d’une
épaisseur
de 9 cm en moyenne,3)
les cellules de couvainet des réserves. L’entrée du nid est située face au sol. Les ouvrières entrent et sortent par 1 ou 2 ouvertures d’environ 7 cm de diamètre
(fig. 12).
L’étude de
l’hygrorégulation
et surtout de lathermorégulation
des nids deTrigones
au Gabon révèle desphénomènes
curieux. L’humidité et latempé-
rature dans les
plantations
où l’on trouve souventDactylurina staudingeri
sont,nous l’avons vu, relativement stables. Les nids de cette
espèce
sontcependant
soumis à des variations
thermiques
suffisantes pour déclencher tout un compor-tement intéressant à étudier. Comment donc ces
Trigones
refroidissent-ellesleur nid ?
1°)
elles ouvrent d’abord un gros orifice semblable à celuiqui
leursert d’entrée sur le côté
opposé
à ce dernier à la base dunid, 2°)
vers le hautelles
percent
despetits
trousplus
ou moins nombreux à la surface de l’enve-loppe
dunid, 3°)
elles ventilent.Examinons maintenant en détail chacune des
techniques
utilisées par ces abeilles pour climatiser leur habitation.1°)
Laprésence
d’un second gros orifice est assez constante à la base des nidsmais,
tandis que lepremier
conserve sa tailleégale
durantplusieurs jours,
le second varie d’un
jour
à l’autre etpeut
être totalement obstrué.2°)
Des ouvrières travaillent à l’intérieur du nid dans lapartie supérieure
de
l’enveloppe,
creusent des orifices d’un millimètre de diamètre environ. Leur nombre par cm2 et leurrépartition
à la surface du nid varient au cours de lajournée.
Nedisposant
à cetteépoque
que d’un matériel assezsimple, je
n’aiétabli une corrélation
qu’entre
le nombre des orifices et latempérature
ambiantedes nids
répartis
dans uneplantation
de cacaoyers.Nous avions
percé
des trous carrés de différentes tailles dans des feuilles depapier souple
afin depouvoir
lesmanipuler
aisément et lesappliquer
faci-lement à la surface arrondie mais
irrégulière
du nid d’abeille. Il s’est avéré par la suite que les aires délimitées par les bords des orifices n’étaient pas exacte- ment dans lesrapports, 1 !5, 1 /20, 1 !40,
comme nous le désirions. C’est pour-quoi
dans le tableau1,
le chiffre(1) représente
une surface de 16cm 2 , (2)
une de113
CM 2 @ (3)
une de 380 cm2 et(4)
une de 700 cm2. Les résultats sont faciles àapprécier :
les abeillesmultiplient
les orifices dans lapellicule qui
recouvre lenid d’autant
plus
que latempérature
estélevée,
enrevanche,
elles le bouchentlorsqu’arrive
la fraîcheur des nuits de Makokouqui
est à une altitude de 600 mètres.On
peut rapprocher
cecomportement
deDactylurina staudingeri
de celuiqui
a étésignalé
par NOGUEIRA-NETO dans les nids de certainesMélipones
sud-américaines où une
partie
de la bâtissebaptisée
« batumen » estpercée
deminuscules orifices
qui permettent grâce
à la ventilation des abeilles de clima- tiserl’atmosphère
intérieure.3°)
Al’époque
de nosrecherches,
nous nepossédions
aucun instrumentpour mesurer l’intensité du bruit
produit
par les ventileuses au cours de lajournée
à l’intérieur du nid.Cependant
il ne fait aucun doute que le bruit pro- duit par les ventileuses va ens’amplifiant lorsque
le soleil réchauffe fortementl’atmosphère :
presque nul le matin ou au moment despluies,
il est très audible.à
quelques
centimètres du nid au début del’après-midi.
Les ventileuses peu nombreuses à l’entrée vers lebas,
se trouventréparties
parconséquent
danstout le dôme
labyrinthoide
du nid.C’est alors que m’a été donné l’occasion de travailler dans les savanes de Côte-d’Ivoire et de découvrir des
Dactylurines
dans unbiotope
très différent de celui queje
connaissaisjusqu’alors.
Les nids dans ce cas ontété
rencontrés à des hauteursinsoupçonnées,
de 3 à 20 mètres aisément(fig. 13).
Ils étaient engénéral
àpeine protégés
par unfeuillage
peu denseparfois
même sansprotec-
tion du tout, accolés au tronc des arbres(palmier
parexemple).
Lathermorégu- lation,
décriteprécédemment,
doit être alors très efficace pourpermettre
aux colonies d’abeilles de survivre aux fortes chaleurs caniculaires de certaines sai-sons de l’année.
Les nids de
Dactylurina staudingeri
de Côte-d’Ivoireprésentent
d’ailleursquelques particularités originales qui
sontpeut-être
d’ailleurs en corrélationavec le
problème qui
nous intéresse. Eneffet,
si les dimensions de la cavitécontenant le couvain restent à peu
près
lesmêmes,
celles du nidproprement
dit sontbeaucoup plus grandes;
lalargeur
passe de 25 à 27 cm et lalongueur
de 30 à 41 cm. C’est dire que la
coquille
de résine dure etlabyrinthoïde
devientplus épaisse
et par làbeaucoup plus
isolante par laprésence
deplus
nombreusescavités
remplies
d’air.3. - Le cas de
Meliponula
bocandeiCette grosse
espèce
estubiquiste
etsignalée
dans diversesrégions
afri-caines, l’Angola, l’Ouguanda,
leGabon,
la Côte-d’Ivoire. A-t-elle su aussis’adapter
aux conditionsclimatiques
des diversbiotopes
que nous connaissons par unethermorégulation
efficace commel’espèce précédente ?
Enfait,
Meli-ponula
est uneespèce
essentiellement forestière. Elle butine dans la savane, ellepille
la nourriture sucrée donnée à des animauxencagés
de lastation,
maiselle
gîte
dans les forêtsgaleries qui découpent
la savane à rôniers de Lamto.Ses nids semblables à ceux du
Gabon,
sont bien cachés à l’intérieurd’épais
troncs d’arbres de la forêt. Cette abeille
largement répandue
enAfrique
a doncsu
simplement
nidifier dans desbiotopes
similairesquelle
que soit larégion adoptée.
En revanche les abeilles du genreMeliplebeia (type : Trigona
bec-carii)
n’ont pu s’évader des forêtsépaisses
et humides(voir
lesenregistrements
de la forêt de Makokou où elles trouvent à nidifier à une centaine de centi- mètres dans des sols humides ou même
détrempés) (fig. 14).
IV. — LES RÉGULATIONS IMPARFAITES DE LA TEMPÉRATURE
CHEZ TRIGONA
(APOTRIGONA)
NEBULATA.ET CHEZ TRIGONA
(AXESTOTRIGONA)
EBURNENSIS.1. -
Trigona (Apotrigona!
nebulataCette
espèce
est très commune à Makokou. Elle est,semble-t-il,
stricte-ment inféodée à des Nasutitermes arboricoles dans la forêt secondaire
(fig. 15).
Quatre espèces
d’oiseaux creusent ces nids de Termites de 30 à 50 cm de dia-mètre,
ylogent
et y couvent leurs oeufs. Lesjeunes partis,
la cavité devientlibre et
peut
servir d’habitation aux abeillesqui
s’isolent des Termites endéposant
une coqueépaisse
de résine sur lesparois
intérieures de la cavité. Les termites restants et les abeilles cohabitent donc ainsi.La
description
de la structure du nid a peu d’intérêt pour lesujet
de cemémoire. En revanche la structure du nid du termite
rappelle
assez celle dunid de
Dactylurina.
Eneffet,
si le matériau utilisé par les Nasutitermes est dif-férent,
des sécrétionsstercorales,
de la terre et des débrisvégétaux
au lieu derésine et de
cire,
la texturelabyrinthoïde
du nid est la même : de nombreuseset fines cavités donnent au ciment du nid
l’aspect
d’uneéponge
sèche.A
part
lelogement,
cette abeille trouve-t-elle d’autresavantages
à habiterce
type
de nid de Termite ? Et si cesavantages existent,
ne sont-ce pas les mêmesqui poussent
d’autres abeilles sociales àadopter
soit des nids de Ter-mites d’autres
espèces,
soit des nids de Fourmis. Eneffet,
ces cas ne sont pasexceptionnels puisqu’en Amérique
du SudTrigona
latitarsi etTrigona
kohlicolonisent l’habitat d’Eutermes
rippertü. Trigona cupira, Trigona fulviventris
et
Trigona pallida
connaissent aussi lesqualités
des nids deNasutitermes,
lesrecherchent et y établissent leur domicile.
J’ai
donc introduit des colonies dans des boîtes en bois mises à l’abri sous un toit afin de mesurer les variationsthermiques
des boîtes colonisées et des boîtes vides au moyen des sondes d’un thermomètreenregistreur.
L’une d’entre elles était fixée dans le couvain ou dans la ruchevide,
l’autre sous le toit de la ruchetted’élevage.
Les résultats des
enregistrements
conduisent tous à la même conclusion : lathermorégulation,
effectuée par les colonies deTrigona nebulata,
est trèsimparfaite
sinon inexistante(fig. 16).
Pourtant un bruit de ventilation estsans cesse perçu à travers les
parois
des ruches naturelles ou artificielles.S’agit-il
d’une aération parventilation,
ou d’un moyen dedéshydratation
desnids ?
Je
n’aijamais
vu de ventileuses à l’intérieur des ruches vitrées. Sont-elles,
comme chez lesHypotrigones, uniquement
confinées dans lelong
etobscur tunnel de sortie ? Notons enfin
qu’une
ruchettepopuleuse,
fixée surun
piquet
dans une clairière et sousabri,
est morte enquelques
semainesaprès
un
développement
initial trèsrapide.
En
résumé,
les nids de Nasutitermes accrochés aux branches d’arbre à l’intérieur d’une forêt trèsépaisse
sont abrités contre lesintempéries
et lesrayons ardents du soleil africain.
Trigona
nebulata y rencontre-t-elle un site idéal pournidifier,
y trouve-t-elle comme d’autres abeilles unetempérature
assez
régulière qui
compense sa carence dethermorégulation ?
2. -
Trigona (Axestotrigona)
eburnensis.La
réponse
à cesquestions
nous a,semble-t-il,
été donnée à la suite de nospropres observations et des mesures effectuées par G.
JosENS
dans la savanede Lamto.
Une nouvelle
espèce, Trigona eburnensis,
nidifie en effet enpleine
savaneau milieu des
graminées
dans des nids totalement abandonnés de Bellicosi-termes ou de Trinervitermes trinervius
(fig. 17).
Laplupart
des cavités dans les-quelles
s’installent les abeilles ont été souvent le fait de vertébrésqui
viennentdégrader
les nids pour se nourrir ou pour yloger.
Les abeilles y élisent doncdomicile,
à l’instar de Termites d’autresespèces
ou de Fourmis. Onpeut
ainsitrouver dans le même nid abandonné par les gros Termites
plusieurs espèces
deTermites,
tels queAmitermes, Ancistrotermes,
Pseudacanthotermes Trinervi-termes et, en même
temps, plusieurs espèces
deFourmis,
telsCrematogaster, Camponotus,
Monomorium et Odontomachus. Les nids d’Abeille sontgénérale-
ment situés au coeur de la termitière. Les butineuses y entrent et en sortent
par un
long
tunnel de résine.JosENS
installaplusieurs
sondes à divers endroits à l’intérieur d’un nidpartiellement hypogé
d’uneespèce
très voisine de cellequi
sert d’hôte auxabeilles,
Trinervitermesgeminatus
w. Ses sondes furent enfouies dans le som- met de latermitière, puis
à 20 cm au-dessus du sol et à 40 cm au-dessus de lasurface de la terre. Il nota alors des fluctuations
thermiques
liées aux variationsclimatiques
externes(fig. 18).
Elles étaient fortes dans le dôme du nid et s’at- ténuaientrapidement
en descendant vers la terre. Il n’était pas rare de relever destempératures dépassant
50° C dans lapartie supérieure
de la termitière.Pendant ce
temps,
les variationsthermiques
à l’intérieur de la termitière étaient de l’ordre de 2° à4°,
latempérature
oscillant à ce niveau autour de 30°.Dans cette
région
dunid,
iln’y
a pas de variationsthermiques
brutales. Or cesentre 20°
(la nuit)
et 40°(le jour)
enjanvier (petite
saisonsèche),
celle du cou-vain varie entre 30° et 38°. Notons que la courbe
correspondant
aux variationsthermiques
du couvainreproduit
assez fidèlement cellequi
dessine les varia- tions externes : c’est dire que la moindre variationclimatique
extérieure à laruche,
mêmerapide
et de brèvedurée,
serépercute
immédiatement dansl’atmosphère qui
entoure le couvain.Il est bon ici de
rapprocher
ces résultats de ceux obtenus par LEP1SKYen Israël dans une serre sous un climat
subtropical
avecApis mellifica
var.ligustica.
On y découvre que, durant unejournée,
latempérature
externeautour de la ruche
peut
aller de 22° à50°,
alors que celle du couvain reste entre34° et 38°. Ainsi pour des variations
thermiques
extérieures etexpérimentales plus importantes,
les oscillations detempérature
du couvain sont moindres enIsraël
qu’en Afrique.
Il est donc évidentqu’à
l’instar de ses cousines africaines(Trigones),
la variété adansonüpossède
de moinsgrandes capacités
derégulations thermiques qu’Apis mellifica
var.ligustica
et certainement que nos autres abeilleseuropéennes,
témoin l’une des nombreuses courbes recueillies par BÜDEL.b)
La ruche B.Les deux courbes de la ruche
(B)
sont doublement intéressantes cai ellesnous donnent la
possibilité d’apprécier
lacapacité
dethermorégulation
d’unemême
colonie,
à la mêmeépoque (la petite
saisonsèche),
la même année1967,
au même
emplacement
mais dans deux situations debiotope
très différentes! t Eneffet,
au début desexpériences,
la colonie se trouvait dans une bana- neraie sur lepoint
de donner sesrégimes;
à lafin,
une tornade étaitpassée
surle
village,
avaitdéplacé
les toits deplusieurs
maisons et renversé unepartie
dela
plantation;
la ruche était alors àpeine protégée
parquelques
feuilles de bananiersdéchiquetées.
Sur la
première
courbe(fig. 20),
les variationsthermiques
données par la sonde située dans la hausse sont nettement moindres que celles de la rucheprécédente
située enplein
soleilparmi
lesgraminées :
elle n’est en effet que d’une dizaine dedegrés centigrades (18°
à28°).
La courbe fournie par la secondesonde
placée
dans le couvain ressemble presque à celle que l’on retrouve dans les rucheseuropéennes d’Apis mellifica :
iln’y
a en effet autour de 30° que 2° à 3° d’écart entre les maxima et les minima. Lebiotope particulier
favorisaitdonc la
thermorégulation
de la ruche.Après
le passage de la tornade(deuxième courbe) (fig. 21),
leprofil
descourbes est
beaucoup plus
tourmenté : lestempératures
« extérieures » sansatteindre les maxima d’une ruche
exposée
au soleilatteignent
tout de même36°,
et les oscillations de
températures
du couvain sont de l’ordre de 5°.En
résumé, 1) Apis mellifica
adansonü assure une climatisation de sonhabitat
beaucoup plus imparfaite
que celle de nos abeillesd’Europe, 2)
cettevariété semble
cependant réagir beaucoup
mieux aux bassestempératures qu’aux températures
élevées. Très inférieure à la variétéligustica
dans lespays
chauds,
elle se montre presqueéquivalente
à nosmel l i, fica
sous des climatstempérés.
2. - La
nidification d’Apis
mellifica adansonii enAfrique
Les
capacités régulatrices
de cette variétépermettent
decomprendre
sanidification dans les zones forestières ou savanicoles que nous avons étudiées.
On la rencontre en effet dans ces deux milieux. En savane, à défaut de troncs
d’arbres creux, elle sait devenir terricole et coloniser les cavités creusées par les animaux dans le
système
radiculaire despalmiers
rôniers adultes!Borassus aethiopum)
dont lespalmes
s’étendent facilement à unevingtaine
de mètresau-dessus du sol. En forêt
gabonaise
dans les clairièresdécoupées
par dejeunes plantations
de manioc elles introduisent leurs rayons de cireparmi
les racinesd’arbre
parcourant
depetits
tertres ou bien des termitières abandonnées(fig. 22).
Mais les colonies sont engénéral
trèspetites (la
variété adansoniiessaime
beaucoup)
et les rayons de cire sont peu nombreux.VI. — CONCLUSIONS
Z
UCCHI et SAKAGAMI ont récemment étudié le même
problème
chez Tri-gona
spinipes
et d’autresespèces
deTrigones d’Amérique
du Sud. Eux aussicomme moi en 1967 avec
Trigona
nebulata et en 1966 avecDactylurina
stau-dingeri
ont constaté les diversesaptitudes
dethermorégulation
des différentesespèces
deTrigones :
elle va d’uneremarquable capacité
de climatisation chezTrigona spinipes
à uneincapacité
presque totale chezLeurotrigona
mülleri.Chez la
première espèce,
latempérature
du couvain varie parexemple
entre33°,3
et36°,2 pendant
que latempérature
ambiante oscille entre8°,2
et30°,3.
Chez la dernière au
contraire,
latempérature
du couvain passe aisément de16°,5
à29°,5
tandis que le thermomètre installé à l’extérieur de la ruche va de15°,5
à 28°. Lesfigures (23
et24)
extraites du travail des auteursprécédents présentent
clairement lesaptitudes
variables dethermorégulation
des dif-férentes
espèces
étudiées. Or il estremarquable
que la structure du nid deTrigona spinipes
ressemble assez à celle deDactylurina staudingeri
et queLeurotrigona
mülleri commeTrigona
nebulataprofite
del’hospitalité
des Ter-mites. Il semble donc que les abeilles
qui
construisent en totalité leurs nids secaractérisent par une réelle
aptitude thermorégulatrice,
alors que les abeillestermitophiles
oumyrmécophiles
s’en trouvent presqueprivées.
Les auteurs
précédents
ne nous fournissent malheureusement pas de ren-seignements
sur lebiotope
etl’écologie
de chacune desespèces
américainesqu’ils
ont étudiées. Lacomparaison
de nos observations auraient alors été cer-tainement très instructive.
Il serait
intéressant,
en outre, dereprendre
ces travaux sur la thermo-régulation d’Apis mellifica
adansonü enAmérique
du Sud où cetteespèce
a étémalencontreusement
importée.
A-t-elle réussi àacquérir
desaptitudes
thermo-régulatrices égales
à celles des abeilleseuropéennes ? Quels
sont lesbiotopes préférés
de ces insectes dans cetterégion
duglobe ?
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