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Le manuscrit ou le toucher du réel: L'apport de la Bibliotheca Bodmeriana de Cologny et de la Bibliothèque Publique et Universitaire (BPU) de Genève à la recherche et à l'enseignement au sein du Département d'Allemand (Unité Médiévale)

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Le manuscrit ou le toucher du réel: L'apport de la Bibliotheca Bodmeriana de Cologny et de la Bibliothèque Publique et

Universitaire (BPU) de Genève à la recherche et à l'enseignement au sein du Département d'Allemand (Unité Médiévale)

WETZEL, René, FLEITH, Barbara

WETZEL, René, FLEITH, Barbara. Le manuscrit ou le toucher du réel: L'apport de la Bibliotheca Bodmeriana de Cologny et de la Bibliothèque Publique et Universitaire (BPU) de Genève à la recherche et à l'enseignement au sein du Département d'Allemand (Unité Médiévale). Cahiers de la faculté des lettres de l'Université de Genève , 1994, p. 52-60

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:89490

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LE MANUSCRIT OU LE TOUCHER DU RÉEL: L'APPORT DE

LA BIBLIOTHECA BODMERIANA DE COLOGNY ET DE

LA BIBLIOTHÈQUE PUBLIQUE ET UNIVERSITAIRE (BPU) DE

GENÈVE À LA RECHERCHE ET À L'ENSEIGNEMENT AU SEIN DU

DÉPARTEMENT D'ALLEMAND (UNITÉ MÉDIÉVALE)

La f~scination devant un manuscrit médiéval, on le sait, est immense -,et cecz non seulement depuis le succès mondial du Nom de la rose d

Umber~o

Eco. Ces témoins si authentiques, si véridiques nous inter-

pelle~t,

?Ien

q~e

muets, et nous parlent d'une époque révolue, comme si elle etait la

not~e:

le passé revit dans le présent sans la médiation

q~elque

peu sténle d'une édition moderne. Néanmoins, chaque manus- cnt garde des secrets qui ne se laissent que rarement dévoiler complète- men~ par le chercheur curieux: Qui en est l'auteur? Qui en est le desti-

~~ta~re? Qu~l en est le lieu d'origine? En quelle langue e t-il écrit? Et 1 ecnture meme, que peut-elle bien nous révéler? Quel est Je rapport

~ntre texte et image? Quel texte ou quels texte le manu cril contient- Il?

E~t-ce

que

l'aut ~u:

en

e~t

aussi le scribe? Existe-t-il d'autres témoins du meme texte et different-Ils du nôtre? Que signifient ces différences et quelle

p~ace

nou:e manu crit occupe-t-il dans toute la tradition du texte e~ questiOn~, Qu1 étaient ses lecteurs? Qui étaient ses propriétaires pré- cedents? Et 1 en passe.

~i, ~u!ou~d'hui,

c'est encore le concept de texte qui reste au centre de 1 Interet d

un~

recherche herméneutique au sens traditionnel du ter-

~e,

les manuscnts, eux, en. tant que véhicules, preuves palpables de 1

ample~r

de leur propagatiOn et, par conséquent, de la vie et de la popuJanté du texte même au travers des époques, gagnent en impor-

tanc~

dan _un

co?t~xt~

plus global qui implique un travail de synthèse à un mveau _mterdzsc1plrna~re. Nou ~I~ sommes d'ailleurs guère capables de reconstituer, avec certitude, l'ongmal tel qu'il fut conçu par l'auteur:

une œuvre médiévale vit et change, tel un insaisissable protée, au fil des manuscrits où les variantes se multiplient, s'accumulent ... jusqu'à deve- nir parfois des adaptations à proprement parler. Ce sont cependant là des rédactions du texte qui méritent, toutes, d'être prises en considéra- tion! Chaque manu crit, en reprodui ant sa version du texte, nous raconte une page, un épi ode de la vie du texte même, une vie qui s'est ain i perpétuée au travers des siècle · et il nous dit aussi quelque chose sur les hommes qui l'ont animé.

Le manuscrit, en tant qu'objet d'étude, attire donc plus que jamais les chercheurs. L'intérêt accru pour le bas moyen âge, avec sa multitude de textes encore non publiés et non étudiés par les chercheurs d'une part, et l'exten ion du concept "littérature" appliqué dé armai égale-

ment~~ des texte qui n étalent, ju que là pa prL en considération (lü- térature d'u age courant, de tinée à la liturgie, à J apprenti age de métier etc.) d autre part encouragent davantage les médiévi te dans cette tendance. En Allemagne, à Würzburg, c'est notamment un grou- pe de chercheurs autour de Kurt Ruh qui, depuis les années 70, a orien- té la recherche dans cette direction, en harmonie avec le programme exprimé dans son manifeste qui visait une approche au niveau d'une

"histoire de la tradition des textes" ("überlieferungsgeschichtlicher Ansatz").

Au département d'allemand de l'Université de Genève, les membres de l'unité de littérature médiévale sont, de par leurs recherches, particulièrement impliqués dan ce genre de travail ur les manu crit vu ju tement ou cette perspective d bi ·taire de la traditi n textuelle. Il va de oi qu'il souhaitent communiquer autant que po sible, aux étu- diant leur expérience et leur tran mettre cette passion pour le texte manuscrit. Quant au. travail avec le riginaux rédigés en allemand la Bibliotheca Bodmeriana de Cologny et -évidemment dans une moindre mesure - la BPU de Genève jouent un rôle prépondérant. Ces deux insti- tutions permettent en effet aux chercheurs et aux étudiants le contact direct avec les manuscrits tout en cherchant, à leur tour, le contact avec les universitaires. Illustrons concrètement cet apport de la Bodmeriana et de la BPU à la recherche et à l'enseignement au sein de l'unité médié- vale du département d'allemand par deux exemples.

Si le nombre de textes allemands conservés dans le département des manuscrits de la BPU est infime, la Bodmeriana, elle, en abonde:

on y retrouve bien de œuvr s primordiales de la littérature allemande du moyen âge ... Mai faut-il encore présenter la Fondation Martin Bodrn rel sa "Bibliothèque de la littérature universeU " aux porte de Genève?

"Pour les archéologues, pour les historien d art p ur le papyr -

l.ogue , pour les médiéviste pour le pécia1istes des littérature françai-

e, ali mande aog1ai e, italienne espagnole scandinave slave et orienta- le pour le hi torieo du dmit et de ciences pour le hi toriens du livre

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et de 1 écriture, la Fondation Bodmer constitue une mine presque inépui- sable de rech rches et de découv rtes" .'

C'est ain i que le pr fe seur Bernard Gagnebin, doyen de la Faculté des lettre de l'époqu , ré uma en quelques mots le 12 novembre 1971, lors de la séance d ouverture de 1 année académique 1971172, la valeur scientifique de cette collection mondialement réputée pour ses papyrus, ses manuscrits médiévaux et incunables ses éditions originales et ses autographes. Heureusement, Martin Bodmer (1899-1971) constitua autour d'elle une fondation de droit privé quelques semaines, voire quelques jours avant sa mort. Les représentants de l'Université de Genève, d'ailleurs, y furent appelés à jouer un rôle important. Grâce à cette fondation, les trésors cachés de la collection s'offrirent désormais plus librement aux chercheurs du monde entier qui ne tardèrent à accouru.

Martin Bodmer, docteur honoris causa de l'Université de Genève, avait établi, de son vivant, des liens étroits avec les spécialistes de l'Université: témoin la série de publications des fameux Papyrus Bodmer, entreprise sous la direction de Victor Martin à partir de 1954.

Ces liens se sont davantage consolidés après la constitution de la Fondation, preuve en sont les nombreux projets communs, les thèses de doctorat, les éditions de textes, les catalogues, les multiples recherches, ainsi que les vi ite d s exposilion temp raires ou d s fond péciaux effectuées par les séminaire universitaires ou par les congrè qui réunis-

aient (et qui réunissent toujour ) à Genève le monde des science et des arts. Notons enfin qu'une charge de cours d"'Histoire du livre" a été créée à l'Université pour le directeur actuel de la Bodmeriana, Hans E.

Braun.

Engagé comme collaborateur scientifique pendant les années 1986- 1993 et chargé notamment de l'établissement du catalogue des manu- scrit médiévaux allemand de .la Bodm riana, j'ai eu le privilège de pou- voir me familiari er av c les fonds de la bibliothèque et d'étudier de plu près es merveilleux manuscrits médiévaux. Comme il ressort de son ouvrage intitulé "Eine Bibliothek der Weltliteratur" ("Une bibliothèque de la littérature universelle"), paru en 1947, Martin Bodmer a ait té fas- ciné par le moyen âge en tant que grande synthèse entre la culture antique, judéo-chrétienne et germanique. Si, en plus, on prend en consi- dération que, dans le même livre, Martin Bodmer avait désigné la littéra- ture allemande comme le noyau de sa collection - même si c'est Goethe (et non Wolfram von Eschenbach ou Gottfried von Strassburg) qui constitue le centre de ce noyau -, on peut évaluer l'importance du fonds médiéval allemand et juger de la position qu'il occupe au sein de la col- lection Bodmer.

1 Bernard Gagnebin, Une source capitale pour la recherche à Genève. La Fondation Martin Bodmer. In: Genava, n.s., tome XX, 1972. Réimpression revue et complétée, Co/ogny-Genève 1976.

Grammatica et les sept arts libéraux. Bibliotheca Bodmeriana, Cod. Bodmer 91, foL 141 v.

Hugo von Trimberg (mort après 1313): "Der Renner". Manuscrit, Tyrol du Sud, 1468.

La section des manuscrits de la Bodmeriana peut être considérée comme une véritable "bibliothèque imaginaire" du moyen âge: en effet, elle n'a pas été constituée en ce temps-là ou, petit à petit, au fil.des siècles mais seulement au XXe siècle et de surcroît par un collectwn- neur humaniste qui souhaitait réunir d'une manière éclectique .les ouvrages représentatifs de chaque époque, en cho.isissant les exemplatres qui comptent parmi les plus beaux et les plus 1mportant du mon?e.

Grâce à ce projet ambitieux, Martin Bodmer a ra emblé une collectwn

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telle que le moyen âge n'en a probablement jamais connue - du moins, sous cette forme puisque, à l'époque, la masse des manuscrits d'usage courant à contenu soit liturgique, soit, d'une manière ou d'une autre, édifiant ou tout simplement destinés à un emploi pratique, écrasait les autres qui avaient une valeur littéraire, historique ou scientifique. Le fonds des manuscrits médiévaux de la Bodmeriana a, néanmoins, un point en commun avec une vraie bibliothèque de l'époque: je me réfère ici à la prédominance des manuscrits latins qui, à eux seuls, constituent la moitié de l'ensemble des textes qui sont classés dans cette section. Si l'on déduit de la moitié restante les manuscrits grecs et ceux du Moyen Orient (surtout à contenu biblique), restent tout de même encore presque 40% des documents qui représentent la production "littéraire"

réalisée en différentes langues vivantes: plus d'un tiers de ces ouvrages est en français, un tiers, tout au plus, est rédigé en allemand et un tiers est écrit en italien, en anglais ou en espagnol.

Le joyau incontesté du fonds médiéval allemand est sans doute le manuscrit connu des germanistes du monde entier sous le nom de Codex de Kalocsa (Cod. Bodmer 72). Il rassemble, à lui seul, plus de 200 œuvres, fruits issus de tout un siècle de littérature allemande, qui s'étend entre le XIIe et le XIIIe s. Ce manuscrit, écrit au début du XIVe s. en Franconie, sous l'influence des prévôts de Weida, contient pour la plupart des fables, exempla et contes drôlatiques du Stricker ("le tricoteur", premier grand auteur allemand de fables), mais il contient également des chants religieux composés par Walther von der Vogelweide et Reinmar von Zweter, poètes gnomiques et Minnesanger;

le poème satirique, émanant de la longue tradition du Roman du Renard, Reinhart Fuchs, écrit par Heinrich der Glichezaere; et, surtout, une des trois seules copies que nous connaissons de la "Légende du pauvre Henri", le Arme Heinrich de Hartmann von Aue, poète bien connu pour ses adaptations allemandes des romans arturiens Erec et Jwein. Parmi les trésors de la Bodmeriana, figure aussi un exemplaire du premier roman courtois écrit en allemand, l' Eneit ("Enéide", Cod.

Bodmer 83), dont l'auteur, Heinrich von Veldeke, est un médiateur important entre littérature française et allemande, ainsi qu'un manus- crit très intéressant du "Chant des Nibelungen" (Nibelungenlied, Cod.

Bodmer 117) ou encore une copie du Willehalm ("Guillaume d'Orange") de Wolfram von Eschenbach qui s'inspira de la "Bataille d'Aliscans" (Cod. Bodmer 170).

Je ne veux pourtant pas me plonger dans une énumération stérile et anodine de textes. On découvrira des perles dans pratiquement tous les domaines de la littérature du moyen âge (au sens large du terme): qu'il s'agisse de textes d'inspiration historique et historiographique (p.ex.

deux versions de l'histoire d'Alexandre Je Grand, Cod. Bodmer 91 et 151), didactique et moralisante (les Fables d'Esope dans la version alle- mande la plus populaire, celle du dominïcain Bernois Ulrich Boner, Cod.

Bodmer 42; la traduction des Gesta Romanorum, Cod. Bodmer 73; le

poème didactique le plus volumineux du moyen âge allemand, une véri- table encyclopédie: Der Renner de Hugo von Trimberg, Cod. Bodmer 91;

l'exemplaire est illustré), ou encore des textes relatifs à la Bible ou à la théologie ("Psautier d'Arenberg", Cod. Bodmer 36; Je recueil de ser- mons et de traités rédigés par le grand mystique Maître Eckhart et par les membres de son cercle, Cod. Bodmer 59) ... Et n'oublions pas le droit (avec les importants recueils de droit civil et féodal du Sachsertspiegel, Cod. Bodmer 61, et du Schwabenspiegel, Cod. Bodmer 150: il s'agit là de l'un des quatre exemplaires -parmi plus de 350! - qui remontent jusqu'au XIIIe s.), ni les sciences naturelles (le "Livre de la nature" de Conrad von Megenberg, Cod. Bodmer 109, une adaptation allemande de l'ouvra- ge latin de Thomas de Cantimpré; l'exemplaire date de l'année 1378 et, à juger des nombreuses gloses, annotations et observations en marge et entre les lignes, il n'a pas dO seulement servir à la pharmacie d'un cou- vent - une partie du livre est en effet consacrée aux herbes médicinales et autres- mais aussi à la préparation de sermons puisque le lecteur, de son côté, donne une interprétation allégorique des créatures qui y sont décrites). Même la médecine a sa place dans la collection avec notam- ment les textes traitant de chirurgie et de thérapeutique en cas de bles- sures, rédigés par un médecin du nom de Marquart de Stadtkyll (Cod.

Bodmer 145), et la pharmacopée destinée aux chevaux de Maître Albrant, ouvrage fondamental en pareille matière au moyen âge.

La section de littérature médiévale du département d'allemand de l'Université prévoit chaque année, pour les étudiants qui viennent de commencer leurs études, une visite de la Bodmeriana, et ceci dans Je cadre du cours d'introduction à la littérature et à la culture du moyen âge. Ils peuvent ainsi se rendre compte des inestimables trésors de cette institution: en effet, ils ont l'occasion d'entrer en contact (souvent pour la première fois) avec des manuscrits originaux et de voir de leurs propres yeux ce dont ils ont entendu parler lors du cours d'introduction.

En outre, ils découvrent, grâce à des exemples choisis, l'aspect technique de la production et distribution de manuscrits au moyen âge, c'est-à-dire les différents supports et outils utilisés par les copistes, la mise en page, les différents caractères d'écriture qui évoluent au cours des siècles, les enluminures et autres illustrations, les reliures, mais aussi les notes et annotations des scribes et des lecteurs ainsi que les inscriptions relatives à la provenance des manuscrits. Cette visite reste toujours profondément gravée dans la mémoire des étudiants: désormais, ils se rendent mieux compte, d'un côté, des conditions de production de la littérature au moyen âge et, de l'autre, des manières dont elle était transmise, respecti- vement, reçue par le public.

Puisque j'avais été appelé, vu ma fonction à la Bodmeriana, à colla- borer à la préparation de ses expositions temporaires, je me suis plu- sieurs fois laisser inspirer par leurs thèmes lors du choix d'un sujet de séminaire ou de cours-séminaires à l'Université. C'est ainsi que l'exposi- tion de 1990, ayant pour thème Fables, contes et légendes éveilla en moi

, ..

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le désir de donner un séminaire sur les fables dans la littérature alleman- de du moyen âge. Une visite de l'exposition permit aux participants du séminaire de remonter jusqu'aux origines de ce genre littéraire, jusqu'à la fable ésopienne, grâce aux manuscrits et premières éditions imprimées exposés, et de lire des fables en moyen haut allemand dans des recueils manuscrits de l'époque. Les copies leur donnaient ainsi, par leur aspect extérieur, la mise en page, les illustrations etc., des indications qui révé- laient quelque chose sur l'usage de ces textes et sur le public visé par ces derniers.

Plus récemment, l'exposition sur les Danses macabres (1993) donna l'occasion aux étudiants de mon cours-séminaire "Texte et image" d'étu- dier le rapport entre un texte et ses illustrations, leurs dépendances et interdépendances et de poursuivre tout le cheminement de la tradition des danses macabres jusqu'aux versions modernes. De surcroît, en dehors du cadre de l'exposition temporaire, le travail avec des manus- crits médiévaux illustrés, choisis avec soin, permit aux étudiants d'en analyser l'iconographie, les différentes techniques d'illustration et la mise en page, et ceci dans le but de mesurer l'impact de l'image sur l'esprit du lecteur. Par ailleurs, l'aspect plus ou moins luxueux des manuscrits et de leurs illustrations leur révéla d'une manière plus générale, des indices concernant les rapports sociaux et historiques typiques de la société médiévale.

A la Bodmeriana, nous trouverons à coup sûr des originaux extraor- dinaires pour pratiquement chaque domaine de la littérature "universel- le": elle comble d'aise tout chercheur et tout enseignant de l'Université.

Les étudiants, de leur côté, sont fascinés par ce "toucher du réel": le contact avec les originaux fait souvent surgir le désir dans le cœur de quelques-uns d'entre eux d'écrire leurs exposés ou mémoires en se fon- dant sur des recherches qui ont pour objet quelque manuscrit. Ce travail est très passionnant: les étudiants, tels des aventuriers pionniers, ont le plaisir de faire des découvertes dans un domaine encore mal, voire non exploité du tout par la recherche.

René Wetzel Le deuxième exemple, mentionné plus haut, qui nous mène dans le département des manuscrits de la BPU, nous montre comment nos étu- diants, engagés dans ce travail de "pionniers", ont découvert et étudié un manuscrit quasiment inconnu jusqu'à l'heure actuelle:

Comment motiver des étudiant(e)s lorsqu'ils sont invités à suivre un cours très technique tel que celui qui leur fut proposé et qui concernait les diverses méthodes d'édition de textes médiévaux?

Le "toucher du réel" est, parmi d'autres solutions, celle que nous avons choisie. Notre petite équipe - une dizaine d'étudiant(e)s avancé(e)s- s'est donc donné rendez-vous à la salle des manuscrits de la BPU. Contre toute attente, nous avons découvert que la BPU conservait

deux manuscrits médiévaux en allemand dont un du XVe siècle -pous- siéreux et abîmé par l'humidité - qui nous a semblé intéressant pour notre sujet. L'ancien catalogue de la BPU nous donnait les renseigne- ments suivants: "Recueil factice de textes contenant des préceptes de médecine et d'hygiène".

Nous nous sommes limités, pour des raisons pratiques, à l'e~amen

des 13 premiers feuillets de ce manuscrit. Chacun d'entre nous a com- mencé par copier une double page. Parallèlement, nous avons cherché dans les répertoires et les catalogues d'autres bibliothèques suisses pour identifier notre texte. Ainsi, nous avions découvert que la BPU de Genève possédait un fragment inconnu du Regimen (régime de santé) en vers de Heinrich Laufenberg (1390-1460), texte bien connu et accessible dans une édition récente sur laquelle nous nous sommes appuyés pour déterminer le fragment genevois.

Pour cet examen, nous avons appris à utiliser le programme informa- tique spécialisé: TUSTEP de l'Université de Tübingen.

Voici un extrait de la vue synoptique des deux textes et de la liste des variantes établie par l'ordinateur:

1.7

1.6 1.9 1.9

l. 10 l. 10 l. 11 1 . 11 1. l ~

1. t:

1. 13 l. 13

dy&latenus

- + ....

Machtu o~ch nlessan alsus· Kain trank soltu neman kain tranck soltu nemen Doch mag dlr ga:emen

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~IUcht.n rna~ d1n spysa ~in

NUchter ma~ es d1n •• 1pys sin Vnd seml ich spet:erye

. - ....

Vnd 54mllch spltarerer

1.7,2Ciattwery l•latw!iCrlys 1.9.1CKaln !•kain

1.9,2Ctrank l•tranck

1.10.4C~azamen J:gez~men

1.11,1Cingber J•Yymbar 1. 11, 2Cpte1ter l•pt~lter

l.l1,2(l+vnd '

l.11.3Cnegellln l•nllgall ln l.l2,2Cl+as

l.l2.4CspysJ l•spys

1.13,3Cspet:8rye Jaspitetvr~r

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La comparaison des textes nous amenait aux conclusions suivantes:

Le texte de notre manuscrit est assez proche de celui qui a servi de manuscrit de base pour l'édition et n'en devient ainsi que plus important.

Le dialecte utilisé est celui que l'on parlait dans la région du Jura jusqu'à Berne; le calendrier liturgique est celui du diocèse de Constance, avec quelques références au diocèse de Besançon (St.Imier). Les premiers feuillets du manuscrit furent donc probablement écrits au bord de l'Aar entre Soleure et Aarau. Comment ce livre est-il arrivé à Genève? Tout ce que nous savons c'est qu'il fut offert à la BPU par Monsieur Burkhard Reber en 1929.

Avant même que nous n'ayons commencé à faire des recherches bio- graphiques, la chance nous a souri ... Une étudiante a trouvé la trace de M.

Reber, tout à fait fortuitement: en attendant le bus, un matin, elle aperçoit dans une pharmacie une affiche annonçant le centième anniversaire de sa fondation par le pharmacien en chef de l'Hôpital cantonal de Genève:

Burkhard Reber. Quelle nouvelle pour l'équipe! Depuis, Burkhard Reber nous est devenu plus familier: né en Argovie, ce pharmacien, passionné par l'histoire de la médecine, collectionnait tout ce qui concernait la phar- macie et la médecine du passé. Il acheta, par exemple, le contenu démodé de la plus ancienne pharmacie du canton, celui du couvent de Muri ... !

Sa collection formait un vrai petit musée qui est conservé aujourd'hui au château de Nyon.

Pour les étudiant(e)s, l'acquisition des techniques d'édition s'est transformée en expérience inattendue: l'engrenage d'un petit morceau de littérature allemande avec l'histoire de la Suisse et celle de leur cité.

Barbara Fleith

LA DIALECTOLOGIE AU DÉPARTEMENT

D'ALLEMAND

Dans le cadre de l'enseignement de la linguistique, le département d'allemand propose régulièrement des cours et des séminaires de dialec- tologie. Les étudiantes et étudiants peuvent passer une partie de leurs examens de linguistique en dialectologie, et ils ont la possibilité d'écrire leur mémoire de licence sur un sujet dialectologique. Notons au passage qu'il n'est parfois pas inutile de préciser que l'enseignement ne se fait, bien évidemment, pas en dialecte et qu'il ne s'agit pas non plus de cours de langues où l'on apprendrait un dialecte (suisse) allemand ...

Qu'est-ce que la dialectologie?

La dialectologie est la discipline de la linguistique qui étudie les variations régionales d'une langue. A l'époque où commençait à s'établir la langue allemande commune, les dialectes qui jusque-là avaient été la seule forme d'expression que revêtait la langue, étaient considérés désor- mais comme des variantes corrompues et méprisables de la langue, et les grammairiens ne s'en préoccupaient guère. Ce n'est qu'au siècle passé que, par intérêt essentiellement historique, on se tourna vers l'étude des dialectes. La dialectologie fut alors utilisée comme une sorte de science auxiliaire: puisque les dialectes échappent en tant que variantes parlées de la langue presque entièrement aux influences normatives et qu' ils se présentent ainsi en quelque sorte comme "langue à l'état naturel", on pensait pouvoir rétablir à travers leur étude les étapes historiques de l'évolution de la langue. Les néo-grammairiens espéraient que la dialec- tologie leur permettrait de démontrer empiriquement que les lois phoné- tiques étaient sans exceptions. Pour atteindre ce but, il fallut recenser les variantes de la langue les plus anciennes encore utilisées dans les diffé- rentes régions, ce qui explique que les dialectologues s'intéressèrent presque exclusivement aux personnes âgées ayant passé plus ou moins toute leur vie au même endroit et ayant exercé des activités non orien- tées sur la langue écrite. C'est ainsi que l'on réussit à remonter aux "dia- lectes de base", une construction linguistique, reconstituée à partir des variantes linguistiques les plus conservatrices. Craignant que les dialectes ne se perdent, les dialectologues ont poussé très loin les recherches sur ces dialectes de base et ont ainsi répertorié et mis à la disposition des his- toriens de la langue d'innombrables témoignages de la diversité régiona- le de l'allemand. Ces données ont été minutieusement rassemblées dans

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