L.E.G.T.A. Le Chesnoy TB2−2010-2011
D. Blotti`ere Math´ematiques
Correction du devoir maison n˚4
Exercice 1
On fixen∈N≥2 et on noteB= (1, X, . . . , Xn) la base canonique deRn[X].
Soita∈R. Pour toutk∈J0, nK, on pose :
Pa,k = (X+a)k.
On a en particulier, pour touta∈R, Pa,0= 1. On d´efinit la familleBa de vecteurs deRn[X] par : Ba= (Pa,0, Pa,1, . . . , Pa,n).
Soitf l’application d´efinie par :
f:Rn[X]→Rn[X], P 7→P0. On fixea∈Rdans la suite.
1. Montrer queBa est une base deRn[X].
2. D´emontrer quef est lin´eaire.
3. L’applicationf est-elle injective ? surjective ? bijective ? 4. Calculer la matriceAdef dans la baseB.
5. Calculer la matriceAa def dans la baseBa. Que remarque-t-on ? 6. Calculer la matriceM = Mat(IdRn[X],Ba,B).
7. Justifier queM est inversible, sans effectuer de calcul.
8. Justifier l’´egalit´e :
Mat(IdRn[X],B,Ba) = Mat(IdRn[X],B−a,B).
9. En d´eduire la matriceM−1.
10. ´Etablir, sans effectuer de calcul que :
Aa=M−1AM.
Correction
1. • On commence par d´eterminer les degr´es des polynˆomes de la familleBa. Soitk∈J0, nK. En appliquant la formule du binˆome de Newton, on a :
Pa,k = (X+a)k
=
k
X
j=0
CkjXjak−j
= Ck0X0ak−0+Ck1X1ak−1+Ck2X2ak−2+. . .+Ckk−1Xk−1ak−(k−1)+CkkXkak−k
= ak+kak−1X+Ck2ak−2X2+. . .+kaXk−1+Xk. Le polynˆomePa,k est donc de degr´ek.
• Montrons que la famille Ba est libre.
Soient λ0, . . . , λn des r´eels tels que :
n
X
k=0
λkPa,k = 0.
On a donc :
(∗) λ0Pa,0+λ1Pa,1+. . .+λn−1Pa,n−1+λnPa,n= 0.
– Montrons, par l’absurde, queλn= 0.
Supposons que λn 6= 0. Alors, d’apr`es (∗), on a :
λ0Pa,0+λ1Pa,1+. . .+λn−1Pa,n−1
| {z }
degr´e≤n−1
= −λnPa,n
| {z }
degr´encarλn6=0
.
En consid´erant les degr´es du polynˆome de droite et du polynˆome de gauche dans l’´egalit´e ci-dessous, on aboutit `a une contradiction.
L’identit´e (∗) se r´e´ecrit donc :
(∗∗) λ0Pa,0+λ1Pa,1+. . .+λn−1Pa,n−1= 0.
– Montrons, par l’absurde, queλn−1= 0.
Supposons que λn−16= 0. Alors, d’apr`es (∗∗), on a : λ0Pa,0+λ1Pa,1+. . .+λn−2Pa,n−2
| {z }
degr´e≤n−2
= −λn−1Pa,n−1
| {z }
degr´en−1 carλn−16=0
.
En consid´erant les degr´es du polynˆome de droite et du polynˆome de gauche dans l’´egalit´e ci-dessous, on aboutit `a une contradiction.
L’identit´e (∗∗) se r´e´ecrit donc :
(∗ ∗ ∗) λ0Pa,0+λ1Pa,1+. . .+λn−2Pa,n−2= 0.
– `A l’aide de (∗ ∗ ∗), en raisonnement toujours par l’absurde, on montre ensuite que λn−2 = 0. Plus g´en´eralement, notre m´ehode permet de montrer que si λn =λn−1=. . . =λk = 0 (k∈J1, nK), alors λk−1= 0. Deproche en proche, on prouve ainsi que :
λn=λn−1=. . .=λ1=λ0= 0.
La famille Ba est donc libre.
Remarque : La m´ethode expos´ee ci-dessus permet de montrer que toute famille de polynˆomes de degr´es
´echelonn´es est libre.
• Conclusion
La famille Ba est une famille libre den+ 1 ´el´ements de Rn[X], espace vectoriel de dimension n+ 1.
C’est donc une base de Rn[X].
2. Soient P, Q∈Rn[X] et soientλ, µ∈R. Montrons quef(λP +µQ) =λf(P) +µf(Q).
f(λP +µQ) = (λP+µQ)0
= (λP)0+ (µQ)0 (d’apr`es la formule de d´erivation (u+v)0=u0+v0)
= λP0+µQ0 (d’apr`es la formule de d´erivation (ku)0=ku0 (k∈R))
= λf(P) +µf(Q) L’applicationf est donc lin´eaire.
3. • Montrons que f n’est pas injective et donc pas bijective.
La d´eriv´ee d’une fonction constante sur R ´etant la fonction nulle, on a f(1) = 0. On en d´eduit que 1∈Ker(f). Le noyau def n’est donc pas{0Rn[X]}. Par suite l’application lin´eairef n’est pas injective et donc pas bijective.
• D´eduisons-en quef n’est pas surjectif.
L’application lin´eaire f est un endomorphisme non injectif de Rn[X], espace vectoriel de dimension finie. D’apr`es le cours (cf. th´eor`eme 5 du cours Application lin´eaires, cons´equence des propri´et´es (a), (b), (c) et (d) cit´ees ci-dessous), l’endomorphismef n’est donc pas surjectif.
Pour r´epondre `a la question 3, on s’est appuy´e sur quatre r´esultats fondamentaux du cours, que l’on rappelle dans le contexte consid´er´e ici :
(a) f est injective si et seulement si Ker(f) ={0Rn[X]}; (b) f est surjective si et seulement si Im(f) =Rn[X];
(c) Th´eor`eme du rang :dim(Ker(f)) + dim(Im(f)) = dim(Rn[X]);
(d) Si F est un sous-espace vectoriel deRn[X]tel quedim(F) = dim(Rn[X]), alorsF =Rn[X].
4. La matrice A est la matrice carr´ee (n+ 1)×(n+ 1) dont la i-`eme colonne (i ∈ J1, n+ 1K) a pour co- efficients les coordonn´ees, dans la baseB= (1, X, . . . , Xn), de l’image parf dui-`eme vecteur de la baseB.
Comme le i-`eme vecteur de la base B est Xi−1, les coefficients de la i-`eme colonne de A sont donc les coordonn´ees def(Xi−1) dans la baseB.
On calcule :
f(1) = 0 ;
∀k∈J1, nK f(Xk) =kXk−1. On en d´eduit :
f(1)f(X)f(X2)f(X3) . . . f(Xn)
A=
0 1 0 0 . . . 0
0 0 2 0 ...
0 0 0 3 . .. ...
... . .. . .. . .. ...
... . .. . .. 0
... . .. n
0 . . . 0
/1 / X
/ Xn−1 / Xn
5. La matriceAaest la matrice carr´ee (n+1)×(n+1) dont lai-`eme colonne (i∈J1, n+1K) a pour coefficients les coordonn´ees, dans la baseBa= (Pa,0, Pa,1, . . . , Pa,n), de l’image parf dui-`eme vecteur de la baseBa. Comme lei-`eme vecteur de la baseBa est (X+a)i−1, les coefficients de lai-`eme colonne deAasont donc les coordonn´ees def((X+a)i−1) dans la baseBa.
On calcule :
f(Pa,0) =f(1) = 0 ;
∀k∈J1, nK f(Pa,k) =f((X+a)k) =k(X+a)k−1=kPa,k−1. (cf. formule de d´erivation d’une compos´ee) La matriceAa est donc donn´ee par :
f(Pa,0 )f(Pa,1 )f(Pa,2 )f(Pa,3 ) . . . f(Pa,n)
Aa =
0 1 0 0 . . . 0
0 0 2 0 ...
0 0 0 3 . .. ...
... . .. . .. . .. ...
... . .. . .. 0
... . .. n
0 . . . 0
/ Pa,0 / Pa,1
/ Pa,n−1 / Pa,n
On observe que les matricesAet Aa sont ´egales.
6. La matrice M = Mat(IdRn[X],Ba,B) est la matrice carr´ee (n+ 1)×(n+ 1) dont la i-`eme colonne (i ∈ J1, n+ 1K) a pour coefficients les coordonn´ees, dans la base B = (1, X, . . . , Xn), du i-`eme vec- teur de la base Ba= (Pa,0, Pa,1, . . . , Pa,n).
Comme lei-`eme vecteur de la baseBa estPa,i−1= (X+a)i−1 et comme pour toutk∈J0, nK, on a : Pa,k =
k
X
j=0
CkjXjak−j
= ak+Ck1ak−1X+Ck2ak−2X2+Ck3ak−3X3+. . .+Ckk−2a2Xk−2+Ckk−1aXk−1+Xk. la matriceM = Mat(IdRn[X],Ba,B) est donn´ee par :
Pa,0 Pa,1 Pa,2 Pa,3 . . . Pa,n
M =
1 a a2 a3 . . . an
0 1 C21a C31a2 Cn1an−1
0 0 1 C32a Cn2an−2
... . .. . .. . .. ...
... . .. . .. . .. ...
... . .. . .. Cnn−1a
0 . . . 0 1
/1 / X / X2
/ Xn−1 / Xn
.
7. Remarque : Si E est un espace vectoriel, alors l’application identit´eIdE:E→E est lin´eaire, bijective et co¨ıncide avec son application r´eciproque (i.e. (IdE)−1=IdE).
On applique le th´eor`eme 3 du coursApplication lin´eaires pour r´epondre `a la question pos´ee.
La matriceM = Mat(IdRn[X],Ba,B) est inversible, carIdRn[X] est un isomorphisme (i.e. une application lin´eaire bijective) et qu’une matrice d’isomorphisme est inversible. En outre, son inverse est :
M−1= Mat((IdRn[X])−1,B,Ba) = Mat(IdRn[X],B,Ba).
8. On va d´emontrer que quel que soiti∈J1, n+ 1K, lesi-`emes colonnes des matrices Mat(IdRn[X],B,Ba) et Mat(IdRn[X],B−a,B) sont identiques.
Soiti∈J1, n+ 1K.
La i-`eme colonne (i ∈J1, n+ 1K) de la matrice Mat(IdRn[X],B,Ba) a pour coefficients les coordonn´ees, dans la baseBa= (Pa,0, Pa,1, . . . , Pa,n), dui-`eme vecteur de la baseB= (1, X, . . . , Xn). On note :
Xi−1
α0 α1 α2 ...
αn−1 αn
/Pa,0 /Pa,1 /Pa,2
...
/Pa,n−1 /Pa,n
.
lai-`eme colonne de de la matrice Mat(IdRn[X],B,Ba). On a donc :
(∗) Xi−1=
n
X
j=0
αjPa,j =
n
X
j=0
αj(X+a)j.
La i-`eme colonne (i∈J1, n+ 1K) de la matrice Mat(IdRn[X],B−a,B) a pour coefficients les coordonn´ees, dans la baseB= (1, X, . . . , Xn), dui-`eme vecteur de la baseB−a= (P−a,0, P−a,1, . . . , P−a,n). On note :
(X−a)i−1
β0
β1
β2
...
βn−1 βn
/1 /X /X2
...
/Xn−1 /Xn
.
lai-`eme colonne de de la matrice Mat(IdRn[X],B−a,B). On a donc :
(∗∗) (X−a)i−1=
n
X
j=0
βjXj.
L’´egalit´e (∗), qui est une ´egalit´e de fonctions, donne pour toutt∈Rune ´egalit´e num´erique : ti−1=
n
X
j=0
αj(t+a)j.
Soitx∈R. L’identit´e pr´ec´edente pourt=x−adonne : (x−a)i−1=
n
X
j=0
αj(x−a+a)j. On en d´eduit que pour toutx∈R:
(x−a)i−1=
n
X
j=0
αjxj.
On a ainsi :
(∗ ∗ ∗) (X−a)i−1=
n
X
j=0
αjXj. De (∗∗) et (∗ ∗ ∗), on d´eduit que :
n
X
j=0
αjXj =
n
X
j=0
βjXj. D’apr`es l’unicit´e des coefficients d’un polynˆome, on a alors :
∀j∈J0, nK αj =βj.
Les i-`emes colonnes des matrices Mat(IdRn[X],B,Ba) et Mat(IdRn[X],B−a,B) sont donc identiques. Ceci
´
etant vrai pour uni∈J1, n+ 1Kquelconque, ces deux matrices sont donc ´egales.
9. On a vu `a la question 7 que :
M−1= Mat(IdRn[X],B,Ba).
Or, d’apr`es la question 8, Mat(IdRn[X],B,Ba) = Mat(IdRn[X],B−a,B). On a donc : M−1= Mat(IdRn[X],B−a,B).
En utilisant la question 6, en rempla¸cant apar−a, on obtient :
P−a,0 P−a,1 P−a,2 P−a,3 . . . P−a,n
M−1=
1 −a a2 −a3 . . . (−a)n
0 1 −C21a C31a2 Cn1(−a)n−1
0 0 1 −C32a Cn2(−a)n−2
... . .. . .. . .. ...
... . .. . .. . .. ...
... . .. . .. −Cnn−1a
0 . . . 0 1
/1 / X / X2
/ Xn−1 / Xn
.
10. On rappelle que :
A= Mat(f,B,B) Aa = Mat(f,Ba,Ba) M = Mat(IdRn[X],Ba,B) M−1= Mat(IdRn[X],B,Ba)
.
On a d’apr`es le th´eor`eme 3 du coursApplication lin´eaires :
AM = Mat(f,B,B)×Mat(IdRn[X],Ba,B)
= Mat(f◦IdRn[X],Ba,B)
= Mat(f,Ba,B)
et donc toujours grˆace au th´eor`eme 3 du coursApplication lin´eaires: M−1AM = Mat(IdRn[X],B,Ba)×Mat(f,Ba,B)
= Mat(IdRn[X]◦f,Ba,Ba)
= Mat(f,Ba,Ba)
= Aa.
Exercice 2
Pour toutn∈N, on pose : In =
Z 1 0
tn
1 +tn e−tdt et Jn = Z 1
0
(1−t)e−t ln(1 +tn)dt.
1. Montrer que :
∀x∈R+ ln(1 +x)≤x.
2. En d´eduire que la suite (Jn)n∈Nconverge vers 0.
3. ´Etablir que pour tout n∈N∗, on a :
In= ln(2) e n −1
nJn.
4. D´eduire de ce qui pr´ec`ede le comportement asymptotique de la suite (In)n∈N. Correction
1. Soitf la fonction d´efinie par :
f: R+→R, x7→ln(1 +x)−x.
La fonctionf est d´erivable sur R+et on a :
∀x∈R+ f0(x) = 1
1 +x−1 =− x 1 +x. On en d´eduit que :
∀x∈R+ f0(x)<0.
La fonctionf est donc (strictement) d´ecroissante sur R+= [0,+∞[. Par suite on a :
∀x∈R+ f(x)≤f(0) = 0 et donc :
∀x∈R+ ln(1 +x)≤x.
2. Soitn∈N.
• Pour toutt∈[0,1], on a :
(∗) 0≤1−t≤1.
• Soit t ∈ [0,1]. Comme 0 ≤ t ≤ 1, on a −1 ≤ −t ≤ 0 et donc, comme la fonction exponentielle est (strictement) croissante surR:
(∗∗) 1
e =e−1≤e−t≤e0= 1.
• Soitt∈[0,1]. En appliquant le r´esultat obtenu `a la question 1 `ax=tn ≥0, on a : (∗ ∗ ∗) ln(1 +tn)≤tn.
De 0 ≤tn, on d´eduit 1 ≤1 +tn. La fonction logarithme ´etant (strictement) croissante sur R+∗, on a donc :
(∗ ∗ ∗∗) 0 = ln(1)≤ln(1 +tn).
Les in´egalit´es (∗ ∗ ∗) et (∗ ∗ ∗∗) entraˆınent que :
(∗ ∗ ∗ ∗ ∗) 0≤ln(1 +tn)≤tn.
• Soitt∈[0,1]. En multipliant membre `a membre les in´egalit´es (∗), (∗∗) et (∗ ∗ ∗ ∗ ∗),mettant toutes en jeu des r´eels positifs, on a :
0≤(1−t)e−t ln(1 +tn)≤tn.
En int´egrant cette derni`ere in´egalit´e, valable pour toutt∈[0,1], sur [0,1], on a : 0≤
Z 1 0
(1−t)e−t ln(1 +tn)dt≤ Z 1
0
tndt
i.e.
(∗ ∗ ∗ ∗ ∗∗) 0≤Jn≤ Z 1
0
tndt= tn+1
n+ 1 1
0
= 1
n+ 1. De (∗ ∗ ∗ ∗ ∗∗), lim
n→+∞
1
n+ 1 = 0 et du th´eor`emedes gendarmes, on d´eduit lim
n→+∞Jn = 0.
3. Soitn∈N∗. On va effectuer une int´egration par parties pour transformer l’expression de : In =
Z 1 0
tn
1 +tn e−tdt
= Z 1
0
ntn−1 1 +tn ×te−t
n dt.
On introduit les fonctions :
u:t7→ln(1 +tn) et v: t7→ te−t n d´efinies, d´erivables, `a d´eriv´ees continues, sur [0,1]. On a, pour toutt∈[0,1] :
u0(t) = ntn−1
1 +tn et v0(t) = e−t−te−t
n .
En appliquant la formule d’int´egration par parties, on obtient : In =
Z 1 0
ntn−1 1 +tn
| {z }
u0(t)
×te−t n
| {z }
v(t)
dt
=
ln(1 +tn)×te−t n
1
0
| {z }
ln(2)e−1 n
− Z 1
0
ln(1 +tn)×e−t−te−t n
| {z }
1
n×(1−t)e−t
dt
= ln(2) e n −1
nJn. 4. De lim
n→+∞
1
n = 0, lim
n→+∞Jn= 0 (cf. question 2) et de la question 3, on d´eduit que lim
n→+∞In = 0.