Chapitre 11. — Variables aléatoires
I. — Notion de variable aléatoire
1) Un exemple pour commencer
Exemple 1. — On considère le jeu suivant. On lance un dé équilibré et on fixe la règle suivante : 1. si on obtient 1, 2 ou 3, on perd 1 euro ;
2. si on obtient 4, on ne gagne rien ; 3. si on obtient 5, on gagne 1 euro ; 4. si on obtient 6, on gagne 2 euros.
Ainsi, en fixant la règle, on donne un procédé qui permet d’associer, à chaque évènement élémentaire de l’expérience, un nombre (qui est, dans cet exemple, la somme d’argent gagnée ou perdue).
Il y a ici deux ensembles à bien distinguer : l’univers de l’expérience aléatoire Ω = {1,2,3,4,5,6}
et l’ensemble des sommes d’argent associées E ={−1,0,1,2}. D’un point de vue mathématique, fixer la règle ci-dessus revient à définir une fonction de Ω dansE : à chaque élément de Ω, on associe un et un seul nombre appartenant à E.
2) Définition et notations
Définition 2
On considère une expérience aléatoire dont l’univers est un ensemble Ω. Une variable aléatoire (réelle) sur Ω est une fonction de Ω dans R.
Remarque 3.
1. Autrement dit, une variable aléatoire sur Ω est un procédé qui permet d’associer, à chaque issue de l’expérience, un unique nombre réel.
2. En général, une variable aléatoire est notée avec une lettre majuscule et on utilise le plus souvent la lettre X.
3. Les valeurs prises par une variable aléatoire sont des réels quelconques (ils peuvent être positifs ou négatifs, entiers ou non, ...).
Notation 4. L’ensemble des valeurs prises par une variable aléatoire X sur un univers Ω se note X(Ω).
Exemple 5. — Dans l’exemple 1, la variable aléatoire est définie sur l’univers Ω ={1,2,3,4,5,6}
par X(1) =X(2) =X(3) = −1, X(4) = 0,X(5) = 1 et X(6) = 2. L’ensemble des valeurs prises par X est doncX(Ω) ={−1 ; 0 ; 1 ; 2}.
Définition 6
On considère une variable aléatoire X définie sur un univers Ω. Soit a un réel quelconque.
On définit
1. l’évènement {X = a}: c’est l’ensemble des éléments t de Ω tels que X(t) = a; autrement dit, c’est l’ensemble de toutes les issues de l’expérience pour lesquelles la variable aléatoire X vauta.
2. l’évènement {X 6 a}: c’est l’ensemble des éléments t de Ω tels que X(t) 6 a; autrement dit, c’est l’ensemble de toutes les issues de l’expérience pour lesquelles la variable aléatoire X prend une valeur inférieure ou égale àa.
On définit de façon analogue les évènements {X < a},{X >a}et {X > a}.
Remarque 7. Il faut bien comprendre que ce sont des évènements et ce sont donc des parties de l’univers Ω même si a lui n’appartient pas à Ω.
Exemple 8. On reprend l’exemple 1. Alors, par exemple, 1. {X =−1}={1 ; 2 ; 3}
2. {X = 6}={2}
3. {X = 5}=∅ 4. {X >0}={5 ; 6}
5. {X 62}= Ω
Notation 9. Si l’expérience aléatoire étudiée est modélisée par une probabilité P sur Ω alors, pour tout réelx, on noteP(X= a) la probabilité de l’évènement (X =a) (au lieu deP({X = a}).
On note de mêmeP(X 6a), P(X < a),P(X >a) etP(X > a) les probabilités des évènements {X 6a}, {X < a},{X >a} et {X > a}.
Propriété 10
Soit X une variable aléatoire définie sur un univers fini Ω. SiX(Ω) ={x1, x2, ..., xk} alors les évènements {X =x1}, {X =x2}, ..., {X =xk} forment une partition de l’univers (i.e.
ce sont des évènements deux à deux disjoints dont l’union est égale à Ω).
Démonstration. Montrons que les évènements {X =x1}, {X =x2}, ..., {X =xk} sont deux à deux disjoints. En effet, si i etj sont deux indices différents compris entre 1 et k alors xi 6=xj. Or, si t ∈ {X =xi} et u∈ {X =xj} alorsX(t) =xi et X(u) =xj donc X(t)6=X(u) et donc t6=u puisqu’un élèment de l’univers n’a qu’une seule image parX.
Montrons que la réunion des {X =xi} est égale à l’univers. D’une part, chaque évènement {X =xi}est inclus dans Ω par définition donc{X =x1} ∪ {X =x2} ∪ {X = xk}est inclus dans Ω. Réciproquement, si t ∈Ω alors il existe i tel que X(t) = xi donc t∈ {X = xi} donc Ω est inclus dans {X=x1} ∪ {X =x2} ∪ {X =xk}. Puisque ces deux ensembles sont mutuellement inclus l’un dans l’autre, on conclut donc que Ω ={X =x1} ∪ {X =x2} ∪ {X =xk}.
Ainsi, les évènements {X = x1}, {X = x2}, ..., {X = xk} forment une partition de l’univers.
II. — Loi de probabilité d’une variable aléatoire sur un univers fini
1) Définition
Définition 11
Soit X une variable aléatoire associée à une expérience aléatoire modélisée sur un univers fini Ω par une probabilité P. La loi de probabilité de X est la donnée des probabilités P(X =a) lorsque a prend toutes les valeurs possibles dans X(Ω).
Exemple 12. — Considérons la variable aléatoire X définie dans l’exemple 1. On modélise l’expérience par l’équiprobabilité P sur l’univers Ω = {1,2,3,4,5,6}. De plus on a X(Ω) = {−1,0,1,2}. Comme {X = −1} = {1,2,3}, on a P(X = −1) = 16 + 16 + 16 = 12. De même, {X = 0} = {4} donc P(X = 0) = P(4) = 16, {X = 1}= {5} donc P(X = 1) = P(5) = 16 et {X = 2}={6} doncP(X = 2) =P(6) = 16.
On peut résumer cette loi par le tableau suivant :
xi −1 0 1 2 p(X =xi) 12 16 16 16
Propriété 13
Soit X est une variable aléatoire définie sur un univers Ω muni d’une probabilité P. Si X(Ω) ={x1, x2, ..., xk} alors
P(X =x1) +P(X =x2) +· · ·+ (X =xk) = 1.
Démonstration. D’après la propriété 10, les évènements {X = x1}, {X = x2}, ..., {X = xk} forment une partition de l’univers donc, d’après la propriété 17 du chapitre 4,
P(X =x1) +P(X =x2) +· · ·+P(X =xk) = P({X =x1} ∪ {X =x2} ∪ · · · ∪ {X =xk})
=P(Ω) = 1.
2) Espérance, variance, écart-type
Définition 14
Soit X une variable aléatoire définie sur un univers fini Ω muni d’une probabilité P. On suppose que la loi de X est donnée par le tableau suivant :
xi x1 x2 . . . xk p(X =xi) p1 p2 . . . pk On définit l’espérance deX, notée E(X), par
E(X) = p1×x1+p2×x2+. . .+pk×xk
Remarque 15.
1. L’espérance est l’équivalent en probabilité de la moyenne en statistique. L’espérance d’une variable aléatoire s’interprète comme la valeur moyenne de la variable X. Ainsi, si X représente un gain à un jeu alorsE(X) représente le gain moyen.
2. La formule de l’espérance peut aussi s’écrire
E(X) =
k
X
i=1
pi×xi =
k
X
i=1
xiP(X =xi).
La symbole Σ (sigma majuscule) représente une somme. Ici, on somme tout les produits de la forme pi×xi pouri variant de 1 et k.
Exemple 16. — On reprend la variable aléatoire X définie dans l’exemple 5. L’univers de l’expérience est Ω = {1,2,3,4,5,6} et X(Ω) = {−1,0,1,2}. La loi de probabilité de X est donnée par le tableau
xi −1 0 1 2 p(X =xi) 12 16 16 16
L’espérance de cette variable aléatoire est doncE(X) = 12×(−1)+16×0+16×1+16×2 =−12+36 soit E(X) = 0.
Ainsi, le gain moyen à ce jeu est nul. Ainsi, si on joue un grand nombre de fois à ce jeu, le gain moyen sur un grand nombre de parties sera proche de 0.
Définition 17
On considère un jeu dans lequel le gain algébrique (i.e. la différence entre le gain et la mise) est une variable aléatoire X. On dit que le jeu est équitable sur E(X) = 0, favorable au joueur si E(X)>0 et défavorable au joueur si E(X)<0.
Exemple 18. Ainsi, le jeu de l’exemple 1 est équitable.
Définition 19
Soit X une variable aléatoire définie sur un univers fini Ω muni d’une probabilité P. On suppose que la loi de X est donnée par le tableau suivant :
xi x1 x2 . . . xk p(X =xi) p1 p2 . . . pk On définit la variance deX, notée V(X), par
V(X) =p1×(x1−E(X))2+p2×(x2−E(X))2 +. . .+pk×(xk−E(X))2 On définit l’écart-type deX, noté σX ouσ(X), par
σ(X) =qV(X).
Remarque 20.
1. La variance représente « la moyenne des carrés des écarts à la moyenne ». Elle mesure la dispersion des valeurs autour de la moyenne. Plus la variance est grande, plus les valeurs sont dispersées et inversement.
2. On considère l’écart-type plutôt que la variance pour des raisons d’homogénéité.
3. La formule de la variance peut aussi s’écrire
V(X) =
k
X
i=1
pi×(xi −E(X))2 =
k
X
i=1
(xi−E(X))2P(X =xi).
Exemple 21. Considérons une variable aléatoire sur un univers Ω telle queX(Ω) ={−2 ;−1 ; 0 ; 3}
dont la loi de probabilité est donnée par le tableau suivant : xi −2 −1 0 4 p(X =xi) 0,1 0,5 0,2 0,2
Pour calculer la variance, il faut déjà connaître l’espérance. Ici, on a E(X) = 0,1×(−2) + 0,5×(−1) + 0,2×0 + 0,2×4 = 0,1.
Dès lors, la variance est
V(X) = 0,1×(−2−0,1)2 + 0,5×(−1−0,1)2+ 0,2×(0−0,1)2+ 0,2×(4−0,1)2 = 4,09 et donc l’écart-type est
σ(X) = qV(X) =√
4,09≈2,02.
Théorème 22 (Formule de König-Huygens). Soit X une variable aléatoire. On note X2 la variable définie sur Ω par X2(t) = [X(t)]2 pour tout t ∈Ω. Alors,
V(X) =E(X2)−E(X)2.
Démonstration. Écrivons X(Ω) = {x1, x2, ..., xk} et notons, pour tout entier i entre 1 et k, P(X =xi) = pi. Alors, pour tout entieri entre 1 et k,
(xi−E(X))2 =x2i −2xiE(X) +E(X)2 donc
V(X) =p1hx21−2x1E(X) +E(X)2i+· · ·+pk
hx2k−2xkE(X) +E(X)2i
=p1x21−2p1x1E(X) +p1E(X)2+· · ·+pkx2k−2pkxkE(X) +pkE(X)2
=p1x21+· · ·+pkx2k−2(p1x1+· · ·+pkxk)E(X) + (p1+· · ·+pk)E(X)2
=E(X2)−2×E(X)×E(X) + 1×E(X)2
=E(X2)−E(X)2
Exemple 23. On reprend la situation de l’exemple 21. Alors, la loi de variable X2 est xi (−2)2 (−1)2 02 42
p(X =xi) 0,1 0,5 0,2 0,2
i.e.
xi 0 1 4 16
p(X =xi) 0,2 0,5 0,1 0,2 donc, par la formule de König-Huygens,
V(X) = E(X2)−E(X)2 = 0,2×0 + 0,5×1 + 0,1×4 + 0,2×16−0,12 = 4,09 et on retrouve bien le résultat précédent.
Propriété 24
Soit X une variable aléatoire définie sur un univers Ω fini. Soit a et b deux réels. Alors, 1. E(aX+b) = aE(X) +b (linéarité de l’espérance)
2. V(aX+b) = a2V(X) 3. σ(aX+b) =|a|σ(X)
Démonstration. Écrivons X(Ω) = {x1, x2, ..., xk} et notons, pour tout entier i entre 1 et k, P(X =xi) = pi.
1. Par définition,
E(aX+b) =p1(ax1+b) +p2(ax2+b) +· · ·+pk(axk+b)
=p1ax1+p1b+p2ax2+p2b+· · ·+pkaxk+pkb
=a(p1x1+p2x2+· · ·+pkxk) + (p1+p2+· · ·+pk)b
=aE(X) +b.
2. Pour alléger les notations, notonsm =E(aX+b). Dès lors, par définition, V(aX+b) =p1(ax1+b−m)2+· · ·+pk(axk+b−m)2
=p1((ax1+b)2−2(ax1+b)m+m2) +· · ·+pk((axk+b)2 −2(axk+b)m+m2)
=p1(ax1+b)2+· · ·+pk(axk+b)2−2(p1(ax1+b) +· · ·+pk(axk+b))m + (p1+· · ·+pk)m2
=p1(a2x21 + 2abx1+b2) +· · ·+pk(a2x2k+ 2abxk+b2)−2E(aX+b)m+m2
=a2(p1x21 +· · ·+pkx2k) + 2ab(p1x1+· · ·+pkxk) + (p1+· · ·+pk)b2−2m2+m2
=a2E(X2) + 2abE(X) +b2−m2
Or, par linéarité de l’espérance,m2 = (aE(X) +b)2 =a2E(X)2+ 2abE(X) +b2 donc V(aX+b) =a2E(X2)+2abE(X)+b2−(a2E(X)2+2abE(X)+b2) =a2(E(X2)−E(X)2) et donc, par la formule de König-Huygens, V(aX+b) = a2V(X).
3. Grâce au point précédent,
σ(aX+b) =qV(aX+b) = qa2V(X) = √
a2qV(X) =|a|σ(X).
Exemple 25. SoitX une variable aléatoire telle queE(X) = 1 et σ(X) = 2. Comment modifier X pour obtenir une variable Y telle queE(Y) = 0 et σ(Y) = 1 ?
On peut chercher Y sous la forme Y = aX +b. Alors, E(Y) = aE(X) +b = a+b et σ(Y) =|a|σ(X) = 2|a|. On cherche donca etb tels quea+b = 0 et 2|a|= 1. On peut choisir a= 12 et b= −12. Ainsi, la variable Y = 12X− 12 a une espérance égale à 0 et un écart-type égal à 1.