Université de Rennes 1 Année 2020/2021 Algèbre commutative et géométrie algébrique
À rendre pour le 17 février 2021
On pourra utiliser librement tous les résultats obtenus en cours, y compris ceux laissés en exercice. Sauf mention explicite du contraire, on désigne par k un corps infini et on utilise systématiquement la topologie de Zariski. Bon courage.
1. SiF ∈C[X] a pour degréd >0 et coefficient dominantad, on définit sondiscriminant par la formule
∆(F) := (−1)d(d−1)2
ad Res(F, F0) (où F0 désigne le polynôme dérivé de F).
(a) Calculer ∆(F) pourF =aX2+bX+caveca6= 0 ainsi que pourF =X3+pX+q.
Solution: On calcule
∆(aX2+bX+c) = −1 a
a b c
2a b 0 0 2a b
=−ab2+ 4a2c−2ab2 a
=b2−4ac et
∆(X3+pX+q) = −
1 0 p q 0 0 1 0 p q 3 0 p 0 0 0 3 0 p 0 0 0 3 0 p
=−
1 0 p q 0 p 0 0 3 0 p 0 0 3 0 p
−3
0 p q 0 1 0 p q 3 0 p 0 0 3 0 p
=−
p 0 0 0 p 0 3 0 p
−3
0 p q p 0 0 3 0 p
+ 3
p q 0 0 p 0 3 0 p
−9
p q 0 0 p q 3 0 p
=−p3+ 3p3+ 3p3−9(p3+ 3q2)
=−4p3−27q2.
(b) Soit F ∈ Q[X] irréductible. Montrer que ∆(F) 6= 0. En déduire que F n’a que des racines simples dans C.
Solution: Puisque F est irréductible et que degF0 = degF −1, les poly- nômesF etF0 sont premiers entre eux dansQ[X]. Il suit que Res(F, F0)6= 0 et donc aussi ∆(F)6= 0. Supposons maintenant queF ait une racine multiple α dans C. On peut alors écrireF = (X −α)2G avec G∈ C[X] si bien que F0 = (X−α)(2G+ (X−α)G0). On voit donc que F0(α) = 0. Puisque F et F0 ont une racine commune, on a Res(F, F0) = 0 et donc aussi ∆(F) = 0.
Contradiction.
(c) Soit K = F2(t) (le corps des fractions de l’anneau des polynômes sur le corps à deux éléments) et F = X2−t ∈ K[X]. Montrer que F est irréductible dans K[X]. Soit L un corps contenant K dans lequel F a une racine α. Montrer que α est alors racine double de F dans L. Pourquoi la démonstration sur Q ne fonctionne pas ici ?
Solution: SiF n’était pas irréductible dans K[X], il aurait une racine dans K et on pourrait donc écrire t = (f /g)2 avec f, g ∈ F2[t] et g 6= 0. On aurait donc tg2 = f2 si bien que 1 + 2 degt(g) = 2 degt(f). Impossible. Soit maintenant α une racine de F dans un corps L contenant K si bien que α2 =t. On a alors (X−α)2 =X2−2αX+α2 =X2−t=F (puisque 2 = 0 et −1 = 1 dansF2). Cela montre que α est racine double. Ce qui ne marche pas dans la démonstration précédente, c’est que ici on aF0 = 2X = 0 si bien qu’on ne peut même pas définir le discriminant !
2. (a) Pour t∈k, on désigne par Dt la droite joignant le points Pt = (0,1, t) au point Qt = (t,0,1) et on pose V =∪t∈kDt. Montrer que V est la surface paramétrée
x(t, u) =ut y(t, u) = 1−u z(t, u) =u+t−ut.
Solution: On a P := (x, y, z) ∈ ∪t∈kDt si et seulement si il existe t ∈ k tels que les vecteurs −−→
PtP = (x, y −1, z −t) et −−→
PtQt = (t,−1,1−t) sont colinéaires. Cela signifie qu’il existe u ∈ k tel que −−→
PtP = u−−→
PtQt, ou encore que x = ut, y −1 = −u et z −t = u(1−t). On trouve bien la surface paramétrée annoncée.
(b) En déduire que V est irréductible.
Solution: Par définition, V est l’image de A2(k) par l’application polyno- miale
ϕ:A2(k)→A2(k), (t, u)7→(ut,1−u, u+t−ut).
Puisque A2(k) est irréductible et ϕ est continue, V est nécessairement irréductible.
(c) Déterminer1 une base de Gröbner S pour l’ordre invlex de l’idéal I engendré par
x−ut, y−1 +u, z−u−t+ut ∈k[x, y, z, t, u].
Solution: En entrant
R.<x,y,z,t,u>=PolynomialRing(QQ,5,order=’invlex’) Ideal(x-u*t,y-1+u,z-u-t+u*t).groebner_basis() dans sagemath, on trouve
S :={u+y−1, t−z−y−x+ 1, yz−z+y2+xy−2y+ 1}
(d) En déduire queI∩k[x, y, z] est un idéal principal dont on donnera un générateur f.
Solution: On sait que I ∩k[x, y, z] est engendré par S ∩k[x, y, z] = {f} avec f :=yz−z+y2+xy−2y+ 1.
(e) On désigne par p : A5(k) → A3(k) la projection sur les premiers facteurs.
Montrer que V = p(V(S)) et en déduire que V est contenue dans la surface algébrique d’équation f = 0.
Solution: On a P := (x, y, z)∈p(V(S)) si et seulement si il existe t, u∈k tels que Q:= (x, y, z, t, u)∈V(S). Mais puisque S est une base de Gröbner de l’idéal engendré par x−ut, y−1 +u et z−u−t+ut, cela signifie que x = ut, y = 1−u et z = u+t−ut. Cela montre la première assertion et on sait que p(V(S))⊂ V(f) =V puisque S est une base de Gröbner et que I∩k[x, y, z] = (f).
(f) Montrer que V = V(f) si bien que V est algébrique.
Solution: On sait déjà queV ⊂V(f). Réciproquement, soit (x, y, z)∈V(f) si bien queyz−z+y2+xy−2y+ 1 = 0. Posonst=x+y+z−1 etu= 1−y.
On a alors (x, y, z, t, u)∈V(S) et donc (x, y, z)∈V.
3. SiAest une partie d’un espace topologiqueV (fixé), on désigne parAson adhérence dans V et par
◦
A son intérieur (le plus grand ouvert de V contenu dansA).
(a) Montrer que pour A ⊂ V, les conditions suivantes sont équivalentes (on dira alors que A estrare dans V) :
1.
◦
A=∅,
2. Si U est un ouvert de V tel que U ⊂A, alors U =∅,
3. Si U est un ouvert non vide de V, alors A∩U n’est pas dense dans U,
1. Exceptionnellement, on ne demande pas de justification et l’utilisation de l’outil informatique est
4. Si U est un ouvert non vide de V, il existe un ouvert non vide U0 de V contenu dans U et disjoint de A.
Solution: On fait une démonstration circulaire (si on utilise le fait que l’adhérence de A∩U dans U est egal à A∩U ∩U, il faut le montrer).
— (1⇒2) : on a U ⊂
◦
A=∅ et donc U =∅.
— (2⇒3) : par l’absurde : A∩U est un fermé de U qui contientA∩U. SiA∩U est dense dansU, on a doncA∩U =U si bien queU ⊂Aet donc U =∅. Contradiction.
— (3 ⇒ 4) : Puisque A∩U n’est pas dense dans U il existe un ouvert non vide U0 deU tel queA∩U0 =∅. MaisU0 est alors aussi un ouvert de V : en effet, il existe un ouvert U00 de V tel que U0 = U ∩U00 et l’intersection de deux ouverts est un ouvert.
— (4 ⇒ 1) : Par l’absurde : Puisque
◦
A est ouvert dans V, il existe un ouvert non vide U de V contenu dans
◦
A et disjoint de A. En particulier, U serait un ouvert non vide contenu dans A et disjoint de A. Contradiction avec le fait que A est l’adhérence deA.
(b) Montrer que si V est un espace topologique irréductible et A ⊂ V, alors A est soit dense, soit rare dans V mais pas les deux.
Solution: Si A n’est pas rare dans V, alors
◦
A est un ouvert non vide de V qui est donc dense dans V car V est irréductible. Puisque
◦
A ⊂ A, alors A aussi est dense dans V et puisqu’il est fermé, il est égal à V. Ça signifie que A est dense dans V. Montrons pour finir que les deux conditions sont mutuellement exclusives : si A est dense dans V, alors A =V et donc aussi
◦
A=V◦ =V. Mais V est irréductible et donc non vide.
(c) En déduire qu’un sous-ensemble algébrique propre2 de An(k) est rare (pour la topologie de Zariski) dans An(k).
Solution: En effet, on sait queAn(k) est irréductible et qu’un sous-ensemble algébrique est fermé. Donc, s’il était dense, il serait égal à An(k).
(d) Montrer queZnest fermé et rare dansAn(C) pour la topologieusuelle (un ouvert est une union quelconque de boules ouvertes).
Solution: Si P := (a1, . . . , an) ∈/ Zn, alors il existe i ∈ {1, . . . , n} tel que ai ∈/ Z. Il existe donc > 0 tel que ∀k ∈ Z,|ai −k| < (propriété d’Archimède). On en déduit que Bn(P, −) ∩ Zn = ∅. Ça montre que le complémentaire de Zn est ouvert et donc que Zn est fermé. Soit U un
2. C’est à dire « distinct deAn(k) ».
ouvert non vide de Cn pour la topologie usuelle. Si U ⊂ Zn, il existe P :=
(k1, . . . , kn)∈U∩Zn. CommeU est ouvert, il existe >0 tel que Bn(P, −)⊂ U et on peut supposer≤1. En particulier, (k1+/2, . . . , kn+/2)∈U ⊂Zn. Contradiction.
(e) Montrer que si F ∈C[X1, . . . , Xn] satisfait
∀(k1, . . . , kn)∈Zn, F(k1, . . . , kn) = 0, alors F = 0.
Solution: Dans le casn= 1, c’est clair puisqu’un polynôme non nul sur un corps a un nombre fini de racines et que Z est infini. Pourn >1, si on écrit F =Pdi=0FiXi avec Fd∈C[X1, . . . , Xn−1], la condition devient
∀k1, . . . , kn−1 ∈Z, ∀kn ∈Z,
d
X
i=0
Fi(k1, . . . , kn−1)kni = 0.
Du cas n= 1, on en déduit que
∀k1, . . . , kn−1 ∈Z, Fi(k1, . . . , kn−1) = 0 et on conclut par récurrence.
(f) En déduire que Zn est dense dans An(C) (pour la topologie de Zariski).
Solution: Soit F ∈ C[X1, . . . , Xn] tel que Zn ⊂ V(F). Il résulte de la question précédente queV(F) = An(C). Puisque tout fermé pour la topologie de Zariski est intersection d’hypersurfaces, on a Zn =An(C).
(g) On considère la courbe paramétrée réelle C donnée par
( x(t) = cos(t) y(t) = cos(2t)
(c’est à dire, C ={(cos(t),cos(2t)), t∈R}). Est-ce un sous-ensemble algébrique de A2(R) ? Déterminer sinon sa fermeture algébrique. La courbe C est elle irréductible ? dense ? rare ? (pour la topologie de Zariski de A2(R)).
Solution: On peut déjà remarquer que C est infinie puisqu’il existe une infinité de cosinus. De plus, si (a, b)∈ C, on a b= cos(2t) = 2 cos2(t)−1 = 2a2−1. On voit donc que C est contenue dans la courbe algébrique V(Y − 2X2+ 1). Puisque le polynôme Y −2X2+ 1 est manifestement irréductible (de degré 1 et primitif sur k[X]) et contient l’ensemble C qui est infini, la courbe V(Y −2X2 + 1) est nécessairement irréductible. En particulier, ses fermés propres sont finis, et donc nécessairement C = V(Y −2X2+ 1). On voit immédiatement que C 6=C (considérer le point P = (2,7) par exemple)
et il suit queCn’est pas algébrique. PuisqueCest irréductible,C l’est aussi.
Puisque C est un fermé propre deA2(R), il est rare et il en va donc de même de C qui n’est donc pas dense.