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Machines électrostatiques puissantes
Noel J. Felici
To cite this version:
LE
JOURNAL
DE
PHYSIQUE
ET
LE RADIUM
MACHINES
ÉLECTROSTATIQUES
PUISSANTESPar NOEL J. FELICI.
Laboratoire
d’Électrostatique
et dePhysique
du Métal(Grenoble).
Sommaire. 2014
Exposant les résultats de recherches à la fois théoriques et expérimentales sur les machines électrostatiques, recherches ayant pour but de faire de ces machines des générateurs
méca-niques de qualités comparables à celles des machines électromagnétiques, l’auteur établit les conditions très générales auxquelles doit satisfaire une machine électrostatique
puissante.
Partant du résultat théorique que la puissance d’une machine
électrostatique
parfaite doit croîtrecomme la densité d’énergie maxima dans le milieu fluide qui l’entoure, l’auteur établit que l’on devrait
pouvoir multiplier par 500 ou 1000 la puissance des machines électrostatiques par simple élévation
de la pression de l’air. Ce résultat n’ayant jamais été obtenu, l’auteur en cherche les raisons et est
conduit à écarter tout d’abord les transporteurs isolants, bien qu’ils soient à la mode depuis 80 ans
et aient connu un renouveau de faveur à la suite des travaux de Van de Graaf. Il montre que, seuls,
les transporteurs conducteurs peuvent permettre d’utiliser efficacement les diélectriques fluides à
grande rigidité, mais à la condition de posséder un « maître-couple suffisant, les lames de clinquant traditionnelles étant tout à fait défectueuses.
L’auteur rappelle ensuite la nécessité d’un fonctionnement thermodynamiquement réversible, déjà
réclamé par Maxwell et oublié depuis, afin d’éviter toute dégradation d’énergie, la réversibilité
rigoureuse, assurant un rendement électrique de 100 pour 100, étant beaucoup plus aisée à obtenir
que dans les machines électromagnétiques où subsistent des pertes incompressibles (effet Joule, hysté-résis magnétique, etc.).
L’auteur établit enfin les caractéristiques que doit posséder le milieu fluide enveloppant la machine, savoir une faible masse spécifique à rigidité diélectrique égale, ce qui le conduit à écarter les gaz lourds comme le fréon ou l’hexafluorure de soufre en faveur de l’air et même de l’hydrogène, sous des
pressions suffisantes.
SÉRIE V1II. - TOME VIII. N° 1. JANVIER 194.7.
1.
Principes
généraux
de la théorie. Introduction. --L’exposé
qui
va suivre concerneles moyens
d’obtenir,
dans le cadre despossibilités
techniques
actuelles,
des machinesélectrostatiques
comparables,
par leurpuissance
spécifique,
leurrendement, leur robustesse et leur
sécurité,
auxautres
générateurs
électriques,
et, parsuite,
trèssupérieures
aux machinesélectrostatiques
effecti-vement réalisées
jusqu’à
cejour.
La
plupart
des recherches dont il va êtrequestion
ont été effectuées
depuis
plusieurs
annéesdéjà.
Si leurs résultats ne sont
publiés
quemaintenant,
c’est essentiellement en raison de la situation difficile
où se trouvaient le travail
scientifique
et l’activitéindustrielle en France
pendant
les dernières années de la guerre. Il était à craindre que lesprincipes
dontil va être
question
ne fussent mis en oeuvre àl’étranger,
alors que les circonstances nousinter-disaient toute réalisation
importante,
de telle sorteque même le bénéfice moral de l’invention
échappât
à
l’auteur,
comme il arrive communément auxinventeurs de notre
Pays,
dont lesdécouvertes,
souvent, ne sont
appréciées
quelorsqu’elles
ont étéappliquées
ailleurs.Dès la
Libération,
les circonstances étant devenuesplus
favorables,
il a étépossible,
dans le Laboratoired’Électrostatique
du Centre national de la Recherchescientifique,
dirigé
par M.Néel,
d’arriver à desréali-sations assez
probantes
pour que, en fait comme endroit,
le bénéfice moral et matériel n’enpût échapper
aux inventeurs ou au C. N. R. S.
Dans ce
qui
vasuivre,
le côtéproprement
technique
sera laissé dansl’ombre,
comme relevantplus
de2
l’art de
l’ingénieur
que de la recherchescientifique.
Nous nous attacheronsplutôt
à mettre en lumière lesprincipes
généraux,
qui représentent
uneappli-cation intéressante de lois
physiques
connues à lavérité
depuis
fortlongtemps.
Il
convient,
eneffet,
de reconnaître que letemps
de Gramme et d’Edison
est
aujourd’hui dépassé,
et que le
progrès
nepeut résider,
en matièred~elce-tricité,
qu’en
l’application
rationnelle de loisparfai-tement établies par ailleurs. Celles de
l’Électricité
statique
sont,
deloin,
lesplus simples,
et il esten vérité
possible
dereconnaître,
par un seulmou-vement de
l’esprit,
tous les caractères que doitposséder
une machineélectrostatique
efflcace,
et de tracer à latechnique
le cadre danslequel
elle doit nécessairement seplacer,
à moins de se réduire àl’impuissance.
Influence du milieu
diélectrique
fluide sur lapuissance
des machinesélectrostatiques.
--Dans le
langage
traditionnel,
on considère unemachine
électrostatique
comme ungénérateur
d’élec-tricité. On
distingue
donc comme organesfonda-mentaux le
producteur
qui produit
l’électricité(par
frottement,
influence;
voire même sourcecomplète
faite d’un transformateur et d’une
valve,
commedans les machines genre Van de
Graaf),
letrans-porteur,
cônducteur ouisolant,
qui
charriel’élec-tricité et la transmet à
l’appareil
utilisateur. Celangage
n’est pascorrect;
on esthabitué,
aujourd’hui,
à considérer comme essentiel non pas
l’électricité,
mais
l’énergie électrique produite,
et l’oninterprète
laproduction
de cetteénergie
par la machineélec-trostatique
comme résultant du travailqu’il
estnécessaire de fournir pour faire mouvoir le
trans-porteur
chargé
d’électricitémalgré
unchamp
élec-trique
s’opposant
à son mouvement. Nousconser-verons
pourtant
lesexpressions
traditionnelles. Lesproducteurs
seront l’ensemble des organes fixes créant unchamp
électrique
où se mouvrons desorganes mobiles
électrisés,
outransporteurs.
Pour
qu’une
machineélectrostatique
soitpuis-sante du
point
de vueénergétique,
il faut que sestransporteurs
soient soumis à degrandes
forces,
ce
qui
n’estguère possible
dans l’air que nousappellerons
ordinaire,
c’est-à-dire à lapression
atmosphérique.
On sait bien que, dans cetair,
les forcesélectrostatiques
restenttoujours
trèsfaibles,
etqu’on
abeaucoup
depeine
à les rendre sensibles.Depuis
60 ans, on connaît le moyend’augmenter
la
puissance
des machinesélectrostatiques
enrem-plaçant
l’air ordinaire par de l’aircomprimé,
un autregaz
comprimé,
voire del’huile
ou dupétrole.
Maison n’a
jamais
cherché à connaîtrequels
résultatson devait attendre raisonnablement de cette substi-tution. Pendant
longtemps,
l’emploi
de l’aircomprimé
a été
présenté
comme une curiosité sans intérêtpra-tique,
passant
après
l’emploi
de l’air chaud. Lesréalisations de machines
électrostatiques
à gazcomprimé
se sontmultipliées
ces dernierstemps
(Van
de Graaf[ ~ J,
Joffe[2]),
et l’on était très satis-faitquand
l’introduction de l’aircomprimé
ou dupétrole multipliait
lapuissance
par deux ou trois(Joffe [3]).
Les
possibilités
effectives del’emploi
d’un milieuplus rigide
électriquement
que l’air ordinairedépassent
de bien loin de telsrésultats,
obtenusavec des
appareils
imparfaits.
Appelons,
eneffet,
s le
pouvoir
inducteurspécifique,
E"t
larigidité
diélectrique
de l’airordinaire,
c’est-à-dire la valeurdu
champ
électrique
pourlaquelle
cet air commenceà s’ioniser. Cette notion de
rigidité
n’est pasabsolue;
on sait que la valeur du
champ produisant
l’ioni-sation n’est pas
indépendante
des autresdonnées,
mais varie avec la distribution
générale
deslignes
de force. Elle
représente
toutefois uneapproxi-mation utile pour ce
qui
va suivre. Si l’onremplace
l’air par un autre
fluide,
depouvoir E’
et derigi-dité
E;",
quelle
augmentation
depuissance
peut-il
en résulter pour la machine ? La densité d’électricité
maxima
portée
par lestransporteurs
estpropor-tionnelle à l’induction maxima
pouvant
exister dansle milieu fluide entourant la
machine,
donc à E’E;,~.
Le courant
transporté
par lestransporteurs,
leur vitesse étantconstante,
est aussiproportionnel
àcette
grandeur.
La différence depotentiel
entre lespôles
de la machineest,
de soncôté,
proportionnelle
auchamp
maximumpouvant
exister,
donc àEJ,,.
La
puissance
de la machine est doncproportion-nelle à
~’E;j, x E;,~
_EE;,2,
c’est-à-dire à la densitéd’énergie
maximapouvant
exister dans le milieu fluide.Si l’on
remplace
l’air ordinaire par de l’aircom-primé,
comme on lepratique
souvent,
s’ resteprati-quement égal
à un, maisE;,t
est considérablementaugmenté.
Lapuissance
doit donc êtreamplifiée
comme son carré. Voici les valeurs de
E;,l
trouvéesexpérimentalement [4]
et les facteurs parlesquelles
lapuissance
d’une machine doit êtremultipliée,
pour diverses
surpressions
d’air entre o et4o
atm.Moyennant
l’application
d’unepression
d’air de 30ou
4o
atm, bien facile àobtenir,
lapuissance
des machinesqui
se trouvent dans tous les cabinets dephysique
devrait donc passer dequelques
watts àplusieurs
kilowatts .applique
l’aircomprimé
aux machineshabituelles,
la
puissance
augmente
bien audébut;
elle estmul-tipliée
par 3, par5,
peut-être
par 10. Puisl’augmen-tation
subséquente
de lapression
reste sanseffet,
la
puissance
se « sature » de telle sorte que4o
atmne donnent
guère plus
que4.
Le résultat réel estdonc assez misérable.
Est-ce à dire que la théorie
précédente
soit endéfaut ? Pas
absolument;
mais cette théorie estfondée sur l’existence d’une
rigidité
valable sansgrande
variation pour toutes lesrégions
de lamachine,
cequi
n’estguère
le cas pour les machinesusuelles. L’air ordinaire
est,
eneif et,
undiélectrique
de fort bonne
composition;
ilsupporte
deschamps
électriques
biensupérieurs
à 30 ou4o
kV : cm si ceschamps
n’existent que dans des volumesrestreints,
parexemple
auvoisinage
d’une arête[5].
Dans les machines courantes, ilexiste,
en raison de leurcons-truction
barbare,
desrégions
où lechamp
atteint I oo,voire 200 kV : cm dans l’air ordinaire.
Quand
onaugmente
lapression,
larigidité
augmente
beaucoup
pour des
champs
électriques
uniformes ouanalogues,
mais bien moins pour ces
régions
à forte courbure. Il en résulte quel’amplification
« utile » de larigidité
reste
faible,
ainsi que celle de lapuissance.
En d’autres termes, l’aircomprimé
a moins boncarac-tère que l’air
ordinaire;
il nepeut,
comme cedernier,
supporter
des contraintes locales trois oucinq
foisplus
grandes
que sa contrainte moyenne; ilest,
si l’on
veut,
à l’airordinaire,
ce que l’acier dur est à la ferraille.Des différents moyens de
produire
des forcesélectrostatiques.
---~ Nousavons vu
quelle
aug-mentation considérable de
puissance
devrait procurer la substitution à l’air ordinaire d’un milieu fluide suffisammentrigide.
Avant que d’examiner les moyens d’obtenir effectivement cetteaugmentation,
nous allons considérer
rapidement
les différentsdispositifs
usités dans les machinesélectrostatiques.
Laissant de côté pour le moment le ou lesproduc-teurs créateurs du
champ
électrique,
nous allons examiner deplus
près
lestransporteurs
revêtus d’électricité.Un corps électrisé
peut
être conducteur ouisolant;
son électrisation est à peuprès
aussi facile àeffec-tuer dans un cas et dans l’autre. Les
transporteurs
d’une machineélectrostatique
appartiennent
donc,
selon les
dispositions particulière
àchaque
appa-reil,
à l’une ou à l’autrecatégorie;
il s’entrouve
même de mixtes
(machines
deWimshurst).
Ces dernierstemps, grâce
audéveloppement
des machines genre Van deGraaf,
lestransporteurs
isolants ont étéparticulièrement
enfaveur;
nous allons lesétudier d’abord.
La forme idéale du
transporteur
isolant est celle d’une surfaceplane
ou faiblementcourbée,
surfacerecouverte uniformément d’une densité d’électricité u
non due à la
polarisation.
Cette surface se meut dansun
champ
électrique
d’intensité constanteEo qui
lui reste
tangent
au cours du mouvement.Chaque
centimètre carré de la surface est donc soumis àla force
Eou
et cette force fournit lapuissance
E,
owsi v est la vitesse
tangentielle
de la surface. Le calculcomplet
d’une machine àtransporteurs
résulte immédiatement de ces considérations élémentaires.Les choses se
présentent
un peu différemmentavec les
transporteurs
conducteurs. Les forcesqui
s’exercent sur eux sonttoujours
normales à leursurface;
il nepeut
donc y avoir de forcestangen-tielles comme
précédemment.
Surchaque
centi-s E2
mètre carré ’
agit
une forceégale
àF- E2
E étant8
7-l’intensité du
champ
et s lepouvoir
dudiélectrique
avoisinant,
et cette forceplus
ou moinsoblique
parrapport
au mouvement fournit un travaild’expres-sion souvent
compliquée.
De la nécessité des
transporteurs
conducteurs. - Cherchons maintenant leparti
que l’onpeut-tirer des
dispositifs
précédents, transporteurs
conduc-teurs ou
isolants,
quand
l’air ordinaire estremplacé
par un milieu de
plus grande.
rigidité.
Dans le casdes
transporteurs
conducteurs,
les forces étantpro-portionnelles
ày ~J ,
il est
manifeste que,moyennant
une construction convenable
(sur laquelle
nousreviendrons),
ces forces doivent croîtreproportion-nellement à
E" ,
E"2
étant larigidité
du milieu1t .
diélectrique
fluideremplaçant
l’airordinaire,
et que,par
suite,
lapuissance
de la machine doit croîtreproportionnellement
à la densitéd’énergie
maximadu milieu fluide conformément au résultat
théorique
établi
précédemment.
Il n’en est pas de même avec les
transporteurs
isolants. La densité d’électricité aportée
par untransporteur
croît bien comme l’inductionélectrique
maxima
EE,,,
du milieufluide,
les valeurs réellement obtenues pour étant de l’ordre de la moitié et des deux tiers de la valeurthéorique £~"t~
Il y adéjà
làun déchet
qui
ne se rencontre pas avec destrans-porteurs
conducteurs bien établis. Mais lepire
estle
champ
longitudinal
Eo,
Non seulement cechamp
ne sauraitapprocher
en aucun cas larigidité
E,,,
du
milieu,
cequi,
déjà,
estfâcheux,
mais encore lavaleur tolérable de
Eo
n’estpratiquement
pasaméliorée par une
augmentation
de larigidité
dumilieu
fluide,
comme lesexpériences
effectuées lorsde la construction des machines genre Van de Graaf le
montrent
(Van
deGraaf, Chaumat,
Lauritsen[6]).
Ce résultat n’a rien
d’étonnant,
si l’on réfléchit aux causesqui
limitent naturellementEo,
causesqui
ne sont nullement une ionisation du fluide. Letrans-porteur
électrisé soumis auchamp
Eo voit, en
effet,
4
tend à les faire
glisser
surlui,
diff érence radicaleavec les
transporteurs
conducteurs,
où lescharges
ne
supportent
que des forcesnormales,
et nepeuvent
s’échapper qu’à
la faveur d’ionisation du fluide oud’arrachement d’électrons. Le
glissement
de l’élec-tricité sur letransporteur
isolant n’estempêché
quepar une sorte de frottement des
charges
surlui,
frottement dû à l’attraction des
charges
par leurimage
dans letransporteur
isolant,
dont lepou-voir
diélectrique
esttoujours
supérieur
à un.Ce frottement ne saurait être influencé par la
rigidité
du fluide ambiant.L’expérience
montre,
en
effet,
que dans les meilleures machines àtrans-porteurs
isolants,
la valeur tolérable deEo
estlimitée à environ
1 o kV : cm,
aussi bien dans l’air à une dizained’atmosphères
que dans l’airordi-naire. Et si l’on
regarde
les choses deplus près,
on constate que la valeur maxima deEo
est, enréalité,
plus
faible dans l’aircomprimé
que dans l’airordinaire. Dans les machines fonctionnant dans
l’air ordinaire
seulement,
Eo
prend
souvent,
encertains
points,
des valeurs notablementsupérieures
à
r o kV : cm;
dans l’aircomprimé,
aucontraire,
tout
dépassement
de cette limite conduit à des .décharges
rampantes.
Ce dernier résultat n’est en rienparadoxal
si l’on réfléchit que, dans l’aircom-primé
ou dans tout autre milieu degrande
rigidité,
letransporteur peut
porter
une densitébeaucoup
plus
forte engénéral
que dans l’air ordinaire et que cetteaugmentation
de la densité n’est évidemment pas favorableà-une
bonne fixation descharges qui
se
repoussent
mutuellement
171.
Il résulte des considérations
précédentes
que lapuissance
d’une machine àtransporteurs
isolantsne
peut
croîtreproportionnellement
à la densitéd’énergie
maxima du milieuE E"2 ,
, mais seulementon
à l’induction maxima
sE,,,,
et croît en faitplus
lentement encore, soit en raison des déchets due upàr rapport
â E"t ,
soit à cause de la décroissance4
de
Eo.
Il est donc évidentqu’à
partir
d’une certaine .valeur de la
densité
d’énergie
maxima8
dépen-dant du mode de
construction,
la machine àtrans-porteurs
isolants va se trouver forcément eninfé-riorité par
rapport
à la machine àtransporteurs
conducteurs bien établie.
Contre la machine à
transporteurs
isolantsjouent
~également,
dans les milieux degrande
rigidité,
d’autres facteurs d’une
espèce plus
pratique.
Lecourant
peut
êtrecapté
sur lestransporteurs
conduc-teurs par des balais
conducteurs,
dont onpeut
rendre,
si l’on veut, la forme aussi peu fâcheuse quepossible
pour larépartition
duchamp
dans lamachine. Au
contraire,
lestransporteurs
isolants nécessitent lespeignes
bien connus. Cespeignes
perturbent
forcément lechamp Eo
dans une zoneétendue;
si les deuxpeignes
(de charge
et dedécharge)
d’une machine voisinent tant soit peu,il s’amorce facilement des
décharges
rampantes
qui
court-circuitent lespôles
de la machine. Cet inconvénient est sansimportance
pour les machinesà tension élevée genre Van de
Graaf,
mais il estfatal à toute tentative de construction de machine
à
transporteurs
isolants de forme ramassée. Sienfin l’on désire établir une machine à
transporteurs
isolants à
disques
multiples,
ilfaut,
pourchaque
pôle
et pourchaque disque,
deuxpeignes,
d’où uneperte
énorme deplace.
Aucontraire,
lestranspor-teurs conductranspor-teurs se
prêtent
à des interconnexionscommodes. Toutes les considérations
précédentes,
théoriques
etpratiques,
montrent que, tantqu’on
n’aura pas trouvé la « colle à ions »
permettant
defixer
plus
solidement lescharges
sur lestranspor-teurs
isolants,
la machine àtransporteurs
conduc-teurs est seule
susceptible
deprofiter
del’accrois-sement considérable de
puissance
queprocurent
lesgrandes
densitésd’énergie.
Il convient par suite derompre avec
l’usage
qui
remonte àHoltz,
etqui
fait considérer la machine à
transporteurs
isolantscomme le
prototype
même de la machineélectrosta-tique.
Wimshurst,
parexemple,
estimait que le nombre et lalargeur
des secteurs d’étain de samachine devaient être aussi réduits que
possible,
leurdéniant,
en somme, tout effet utile dans lefonctionnement normal. Ces secteurs étaient
regardés
comme de
simples
artifices favorisantl’amorçage.
De la notion demaître-couple.
-- S’il est vraique les machines à
transporteurs
conducteurs sont les seulescapables
deprofiter
del’usage
d’un fluidede
grande
densitéd’énergie,
encore faut-il les établir convenablement. Iln’apparaît
pas, eneffet,
que lesmachines à
transporteurs
conducteurs construitesjusqu’à présent
aient donné de meilleurs résultats que celles àtransporteurs
isolants,
quand
on lesfaisait travailler dans l’air
comprimé
ou dans unautre milieu de
grande
rigidité.
Pour reconnaître les améliorations
qu’il
fautapporter
aux machines àtransporteurs
conducteurs pourqu’elles
puissent
donner lieu àl’augmentation
de
puissance
théorique
précédemment
calculée,
il est nécessaired’envisager
leur fonctionnement d’unefaçon
différente de cellesqui
ont été usitéesjusqu’ici.
Il esthabituel,
eneffet,
del’expliquer
parla
charge
et ladécharge
descapacités
variables formées par lesproducteurs
et lestransporteurs.
C’est ainsi que faitToepler
à propos de sa machine[8]
ainsi que tous les auteurs de sontemps.
Bienplus
récemment,
on avoulu,
sous l’influence manifestedes
dispositifs
genre Van deGraaf,
appliquer
auxtransporteurs
conducteurs la théorie propre auxtransporteurs
isolants,
la considération de la densitésuperficielle y
et duchamp longitudinal Eo.
C’estainsi
qu’opère
Joffe[9].
pas inexactes en
elles-mêmes,
maisplutôt
inadé-quates,
car elles détournent du centre de laquestion :
lesf orces
travaillantesappliquées
auxtransporteurs.
Ce sont cesforces qu’il
fautconve-nablement
amplifier
quand
onremplace
l’airordi-naire par autre
chose,
et, pour être sûrqu’elles
augmenteront
conformément auxprévisions,
il fautles considérer en leur
siège,
la surface destranspor-teurs conducteurs, là où cette surface n’est pas
parallèle
au mouvement.Il est
temps
de reconnaître combien cettepartie
essentielle des
transporteurs
conducteurs a éténégligée
jusqu’à
présent !
Voyez-moi
ces bellesfeuilles de
clinquant
bien collées sur desdisques
iso-lants,
voire enfermées dans leurintérieur,
parlez-moi,
comme
Toepler,
Joffe et tantd’autres,
de la surface de cesfeuilles,
comme surface recouverted’élec-tricité ! î Mais est-ce là l’essentiel ? Absolument
pas !
Sur ces surfaces ne s’exercent que des forcesinutites,
normales au mouvement,qui
ne fournissent aucuntravail. La seule
partie
utile des feuilles declinquant
traditionnelles est leur
tranche,
cettepartie
insigni-fiante,
qu’on
nedaigne’même
pasreprésenter
dansla
plupart
desdessins,
dont onregarde
l’épaisseur
commenégligeable.
Et c’estpourtant
sur cette tranche misérable que s’exercent les forcesqui,
dans toutes les machines à
transporteurs
conduc-teurs,
permettent
la conversion del’énergie.
Mais si cette tranche est à la fois siimportante
etsi
négligée,
comment se fait-ilqu’aucun
bonphysi-cien
ayant
expérimenté
sur les machinesélectrosta-tiques
ne s’en soit aperçuempiriquement,
que l’on n’ait pas obtenu avec des feuilles declinquant
de5/ioa
de millimètre unepuissance
cinq
foisplus
grande
qu’avec
des feuilles deI/IOe ?
C’est làqu’il
faut penser au bon caractère de l’airordi-naire,
qui
supporte
localement deschamps
trèsgrands,
beaucoup plus grands
que la limitehabi-tuelle de 3o kV : cm. Comme les forces
électrosta-tiques
croissent avec le carré duchamp,
il suffitd’avoir un
champ
de i2okV:cm sur unetranche,
si cette tranche est 16 fois
plus
mince que deraison.
Et la chose est encore
plus marquée
dans les machinesoù les tranches des
transporteurs
sont enrobées dans un vernis ou un isolant solidequelconque
comme on le fait couramment pour « éviter lespertes
». Lapression électrostatique
sur la tranchedes
transporteurs
peut
alorsatteindre EsEin,
Em
étantla
rigidité
de l’isolantsolide,
c’est-à-dire des valeursconsidérables,
qui
permettent,
enconséquence,
destranches extrêmement minces.
Les machines traditionnelles à
transporteurs
conducteurs,
si elles sont malcomprises
dans leurprincipe,
ne sont donc pas mal réalisées dans leurconstruction. Elles donnent
pratiquement
lemaxi-mum dans l’air ordinaire.
Que
l’air ordinaire soitremplacé
par un autre milieuplus rigide,
et alorsles
conséquences
de la mauvaiseconception
se font sentir. Lechamp peut
croître là où il estuniforme,
mais là où il est
inhomogène
et degrande
intensité,
le milieu fluide n’aide pas àgrand’chose,
les forces utiles nepeuvent
croître sur lestranches
trop
minces,
lapuissance n’augmente
pas. La situation est encorepire
si l’on a confié safortune à un isolant solide entourant les tranches.
Pour assurer à une machine à
transporteurs
conducteurs un fonctionnement convenable dans un
milieu de
grande
rigidité,
il faut donner undéve-loppement
suffisant aux « tranches o destranspor-teurs, en donnant aux
transporteurs
un «maître-couple 7~
suffisant.L’expression
demaître-couple,
empruntée
àl’hydraulique,
est suffisamment clairepar elle-même. Si l’on veut la
préciser
davantage,
en raison du mouvement
généralement curviligne
des
transporteurs,
on pourra dire que lemaître-couple
est la surface de laprojection
d’untranspor-teur sur un
plan
perpendiculaire
à son mouvement,les
projetantes
étant les courbes(généralement
descercles)
parcourues par les différentspoints
dutransporteur
lors de son mouvement.Il n’est évidemment pas suffisant de donner au
maître-couple
destransporteurs
une aireconve-nable,
il faut encore que cette aire soit bienutilisée,
dansl’espace
et dans letemps.
Il faut que sur les«
partie
actives » destransporteurs,
c’est-à-dire lesparties
où se trouvent des forcesélectriques
tra-vaillantes,
lapression électrostatique
soit aussiconstante que
possible
et aussi voisine quepossible
du maximum
"2
pendant
leplus
detemps
qu’il
1t
se pourra. Ce résultat
dépendra
naturellement de la forme desparties
actives,
ainsi que de ladispo-sition et des
potentiels
desproducteurs,
Sans décrire pour le moment dedisposition
particulière,
nousallons définir l’indice de forme d’un
transporteur.
C’est le nombrequi
caractérise à un instant donnél’utilisation du
maître-couple
d’untransporteur.
Si F est la force travaillante maxima
qui
s’exercesur le
transporteur, S
l’aire dumaître-couple,
E le
pouvoir diélectrique
du milieufluide,
E"z
sarigidité,
l’indice de forme seraRendement et réversibilité. - Les machines
électrostatiques
sontréputées
de mauvaisrendement,
et ce
reproche
est, engénéral, justifié
par les faits.Mais,
comme pour lapuissance
spécifique,
personnen’a
jamais
cherché vraimentquelles
étaient les limites naturelles durendement,
compte
tenu despossibilités
effectives de latechnique.
Dans toute machine
électrique,
il convient dedistinguer
pertes
mécaniques
etpertes
électriques.
Les
pertes
mécaniques
sont dues aux frottements6
gazeux
(ventilation, viscosité).
Lespertes
électriques
sont infiniment variées : effet
Joule,
fuites latéralesd’électricité,
hystérésis magnétique
etdiélectrique,
étincelles de self et de
capacité.
Laissant
pour tout à l’heure lespertes
mécaniques,
examinons ce
qu’il
y a lieu de craindre commepertes
électriques.
Est-ce l’effet Joule ? Sûrement pas.Les
pertes
latérales ?Certainement,
dans unemachine mal conçue
qui, particulièrement
dans unmilieu de
grande
rigidité,
fuit comme une pommed’arrosoir et est bardée
d’aigrettes
de toutesparts.
Mais ce mal a un remède très efficace : élimination de toutes les zones
négligées
jusqu’à
ce quel’inten-sité du
champ
nedépasse jamais
larigidité
enchamp
uniforme. Cette élimination est
plus
ou moinsdaim-cile,
mais onpeut
toujours
yarriver,
d’autantplus
qu’il
y atoujours
unegrâce
pourl’ingénieur
et quel’air
comprimé
lui-même est encore bienaccom-modant.
Quand
une machine est suffisamment travaillée dans ce sens, lespertes
latérales ne sontplus
duesqu’à
l’ionisationnaturelle,
c’est-à-diresont absolument
négligeables.
Quant
à la conductionpar les isolants
solides,
autant n’enpoint
parler,
on en réalise couramment
aujourd’hui
d’aussirésis-tants que l’ambre.
L’hystérésis
diélectrique
ne nousretiendra pas
davantage.
Nous verronsqu’il
n’y
aaucun intérêt à faire
participer
des isolants solides auxprocès
fondamentaux d’une machineélectrosta-tique ;
les densitésd’énergies
utiles se trouveront doncuniquement
dans un fluide sans aucunangle
de
perte
enpratique,
et lespertes
parhystérésis
serontnégligeables.
Reste enfin la cause
principale
depertes,
l’irré-versibilité
électrique
dufonctionnement,
qui
consisteen la mise en relation
électrique
de conducteurs dont lespotentiels
ne sont paségaux
au moment du contact. Il serait facile de se poser en novateur dansce
domaine,
à voir combien cepoint
essentiel sembleavoir été de tout
temps
ignoré
par les constructeursde machines
électrostatiques.
Ce seraitpourtant
uneescroquerie,
car la notion de fonctionnementréver-sible d’une machine à
transporteurs
conducteurs estparfaitement
exposée
par Maxwell[IO]
sans que,toutefois,
les moyensproposés
pour yparvenir
soient convenables en
pratique.
- Mais si l’on met à
part
cetexemple
mémorable,
nous ne voyons que machines où l’on met en
relation,
comme à
plaisir,
des conducteurs auxpotentiels
lesplus
différents,
et tous lesphysiciens
trouvent la chose naturelle. Et comment les en blâmer ? Est-ildésastreux,
dans une machine où 20 W sontmangés
par les
frottements,
degaspiller
o,5W
dans des étincelles par ailleursd’aspect
réjouissant ?
Le pro-blèmechange
de face dans un milieu degrande
rigidité.
Lapuissance gaspillée
est des centaines de foisplus
grande,
tandis que les étincellesqui
ladissipent
deviennent courtes et brûlantes. Lescon-ducteurs en
souffrent;
et que dire desisolants,
même
excellents,
que ae telles étincelles viennentlécher ! Ils se consument et se
carbonisent,
oubien,
plus
résistants,
volent en éclats comme arbresfrappés
de la foudre. C’estpourquoi
la conservation même des machinesimpose
une réversibilitérigoureuse
dufonctionnement
électrique,
ladissipation
irréversible par étincelles nedépassant
pasIjIooe
et mêmeI/IOOOe
de lapuissance.
Il est de nombreuxtypes
qui
sont,
de ce
point
de vue,pratiquement
imperfectibles.
C’est le cas des nombreuses machines
symétriques
qui
ont eu si
longtemps
la faveurgénérale.
Aucontraire,
les machinesdissymétriques
comme celles deToepler
se
prêtent
à un fonctionnement réversiblemoyen-nant les corrections convenables à leur construction.
Quand
laréversibilité’
électrique
est assez bienassurée pour que la machine fonctionne sans avarie
dans un milieu de
grande
rigidité,
on voit que lespertes
par irréversibilitésont,
ellesaussi,
devenuesnégligeables.
Et nous avonspassé
en revue toutes lespertes
électriques.
Il en résulte que, dans unemachine à
transporteurs
conducteurs bien conçue, lespertes
électriques
doivent être insensibles et le rendementélectrique
égal
à un,quelque
précises
que soient les mesures effectuées.
Et les
pertes
mécaniques ?
Dans l’airordinaire,
elles sont sans doute
prépondérantes.
Les inévitablespertes
par ventilation dévorent souvent, à ellesseules,
plusieurs
fois lapuissance
utile,
dans des machines àplateau
tournant un peu vite. Mais leschoses
changent
dans un milieuplus
rigide.
Dans untel
milieu,
lespertes
gazeuses ne croissentqu’en
raison de sa masse
spécifique,
la viscosité nejouant
presque aucun rôle en raison de la turbulence du
mouvement,
tandis que lapuissance
utile croîtcomme le carré de la
rigidité.
Lespertes
gazeusespeuvent
donc êtrebeaucoup
plus
réduites enpropor-tion que dans l’air ordinaire. Et ceci nous montre
dans
quel
sens on doit orienter le choix dudiélec-trique
fluide pour machinesélectrostatiques.
Non passimplement
vers des fluides degrande
rigidité,
maisvers les fluides
qui,
àrigidité égale,
ont la massespécifique
laplus
faible. Contrairement à cequi
aété dit et
répété
à cesujet,
ce ne sont pas le fréon ou l’hexafluorure de soufrequi
sont lesdiélectriques
intéressants pour machines
électrostatiques
àgrande
puissance
et bonrendement,
mais des gazbeaucoup
plus
simples;
l’aird’abord,
dont lespropriétés
sontsi
remarquables
dans ce domainequ’on
le doitconsidérer comme un don
céleste,
et, mieux encore,l’hydrogène qui,
moyennant
unepression
suffisante(4o atm)
est leplus
merveilleux desdiélectriques
gazeux, car il
ajoute
à salégèreté
l’absence d’actionoxydante
et la conductibilitéthermique qui
étouffeles étincelles. Ne
parlons
pas du videqui
permettrait
de réaliser la machineélectrostatique parfaite
aurendement de 100 pour ioo, car son utilisation à
cette fin est, pour le moment,
utopique.
électrostatique
raisonnable.Transporteurs
conduc-teurs, dont le
maître-couple,
la forme et ladispo-sition seront
judicieusement agencés,
travaillantdans l’air ou
l’hydrogène,
sous despressions
éle-vées,
20 à 60 atm, lecycle
de fonctionnement étant,par
ailleurs,
étudié en détail pourempêcher
touteirréversibilité. Et une telle machine
possédera
nonseulement une
puissance spécifique importante,
tout à fait
comparable
à celle des autresgénérateurs,
mais encore un rendement
électrique
unité,
sansexemple
jusqu’à
cejour,
tandis que le rendementeffectif pourra être
excellent,
go pour 100 etdavan-tage.
Bien que de telles
qualités
n’aient pas orné habi-tuellement les machinesélectrostatiques,
elles ne sontplus
désormais de vains mots.L’expérience
montreque,
malgré
la malice des choses etl’imperfection
deshommes,
les machines raisonnablement conçues et dûment réalisées en suivant lesprincipes
précé-dents ne sont
guère
inférieures à cequ’on peut
enattendre,
comme il seraexpliqué
dans les articlessuivants.
BIBLIOGRAPHIE. ,
[1] VAN DE GRAAF, Physical Review, 1939, 55, p. 1160.
[2] JOFFE et HOCHBERG, Journal of Physics U. R. S. S., 1940,
vol. 2, n° 3, p. 244 et suiv.
[3] JOFFE et HOCHBERG, Ibid., p. 251 (fig. 16 et 17).
[4] GÆNGER, Archiv. für Elektrotechnik, 1940, 34, 11, p. 633 et suiv.
[5] Handbuch der Experimentelphysik, 13, p. 2. Teil
Selbs-tândige Entladungen in Gasen.
[6] VAN DE GRAAF, Ibid. 2014 LAURITSEN et
FOWLER, Physical Review, 1941, 59, p. 241.
[7] HERB, PARKINSON et KERST, Review of Scientific
Ins-truments, 1935, 6, p. 261 et suiv.
[8] T0152PLER, Poggendorf Annalen, 1865, 125, p. 469. [9] JOFFE et HOCHBERG, Ibid., p. 249-250.
[10] MAXWELL, Traité d’Électricité et Magnétisme.
ERRATUM
Sur le calcul des niveaux
énergétiques
par laméthode de Wentzel-Kramers-Brillouin et
son
application
àl’hydrogène liquide ;
par I. PRIGOGINE et G. GARIKIAN(S.
VIII, t. VII,
no11,
I
aLe tableau donnant les
cinq
premiers
niveauxénergétiques
del’hydrogène liquide
pour différentes valeurs duvolume
qui
figure
dans la Notepubliée
par les auteurs dans le Journal de
Physique
(1946,
7,
p.
332)
doit êtreremplacé
par le tableau suivant :Niveaux