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Thérapie cellulaire de l'insuffisance cardiaque

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La Lettre du Cardiologue • N° 492 - février 2016 | 23

MISE AU POINT

Thérapie cellulaire

de l’insuffisance cardiaque

Cell therapy of heart failure

P. Menasché*

* D é p a r t e m e n t d e c h i r u rg i e cardiovasculaire, université Paris- Descartes et Inserm U970, hôpital européen Georges-Pompidou, Paris.

U

ne méta-analyse récente colligeant 31 essais randomisés de thérapie cellu- laire chez 1 521 patients souffrant d’insuf- fisance cardiaque rapporte un bénéfice net de cette approche en termes de capacité à l’effort, de fraction d’éjection ventriculaire gauche et de qualité de vie (1). Cette conclusion optimiste mérite d’être nuancée à la lumière de 2 facteurs : la méthode employée pour évaluer la fonction cardiaque et le caractère aveugle ou non de l’essai. En effet, une autre méta-analyse, à peine plus ancienne, a elle aussi conclu au bénéfice de la thérapie cellulaire, mais uniquement lorsque l’évaluation fonctionnelle repose sur l’échocar- diographie, dont on connaît le caractère opé- rateur-dépendant, alors que ce bénéfice cesse d’être significatif lorsque l’analyse des résul- tats est fondée sur l’imagerie par résonance magnétique, qui fournit des informations plus objectives (2). Par ailleurs, l’essai randomisé cité plus haut (1) rapporte que les bénéfices de la thérapie cellulaire en matière de mortalité, d’amélioration fonctionnelle et d’augmentation de la fraction d’éjection ventriculaire gauche cessent également d’être significatifs dans le sous-groupe des études menées en aveugle. Ces réserves ne remettent pas en cause le bénéfice potentiel de la thérapie cellulaire. Elles invitent seulement à le relativiser, car il est parfaitement normal que la première vague d’essais cliniques n’ait pas donné des résultats à la hauteur des espérances initiales (et sans doute abusives). La raison principale en est l’incertitude qui planait alors sur le type cellulaire optimal à utiliser et sur la méthode de transfert des cellules la plus efficace. Les leçons tirées de cette expérience clinique initiale, confrontée aux données nom- breuses de la littérature expérimentale (3), permettent aujourd’hui de définir plus précisé- ment ces points, et, si ces leçons peuvent être correctement transcrites dans les protocoles en

préparation ou déjà opérationnels, elles laissent espérer que la seconde vague d’essais cliniques sera plus efficace et permettra de mieux clari- fier la place de la thérapie cellulaire au sein de l’arsenal thérapeutique déjà disponible.

Ces leçons découlent essentiellement d’une modi- fication profonde, au cours de ces dernières années, de l’hypothèse visant à expliquer le mécanisme d’action des cellules greffées. Initialement, en effet, l’objectif de la thérapie cellulaire était que les cellules greffées s’intègrent dans le myocarde receveur et, en remplaçant les cardiomyocytes lésés par ce néotissu d’origine exogène, contribuent ainsi à améliorer la fonction contractile. La discordance constante entre le nombre infinitésimal, voire nul, de cellules greffées encore détectables après quelques semaines et le maintien d’un bénéfice fonctionnel a conduit à revisiter cette hypothèse et à envisager un mécanisme essentiellement paracrine. Dans cette hypothèse, les cellules agissent en sécrétant de multiples facteurs qui acti- veraient des voies de réparation endogènes concou- rant de façon synergique à une amélioration de la fonction cardiaque (4). L’activation de ces voies induirait ainsi une stimulation de l’angiogenèse, une diminution de la fibrose et peut-être même une augmentation de la masse de cardiomyocytes contractiles, que l’origine (encore non élucidée) en soit la mobilisation de niches de cellules souches cardiaques endogènes, la multiplication de car- diomyocytes natifs, voire la restauration dans les cellules épicardiques d’un programme de différen- ciation cardio-angiogénique présent au cours du développement.

Cette hypothèse paracrine, si elle est pleinement validée, a des conséquences pratiques importantes, détaillées ci-dessous, qui pourraient permettre d’améliorer l’efficacité de la thérapie cellulaire car- diaque et de lui faire franchir le fossé qui sépare encore les essais contrôlés d’une utilisation clinique à plus large échelle.

© Le Courrier de la Transplantation 2015;4(XV):152-5.

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Points forts

» La thérapie cellulaire fait aujourd’hui l’objet de multiples essais cliniques dans l’insuffisance cardiaque chronique. La question principale est de savoir comment en faciliter la diffusion en clinique courante. Pour que ce pas soit franchi, il nous semble important que soit d’abord pleinement validée l’hypothèse que les cellules greffées agissent essentiellement en libérant des facteurs qui activent des voies endogènes de réparation tissulaire.

» En poussant l’hypothèse paracrine, l’objectif, à terme, pourrait être d’utiliser les cellules uniquement pour produire ces facteurs et de n’administrer au patient que ce sécrétome. La chaîne de production deviendrait alors proche de celle d’un médicament biologique, qui trouverait sans doute ainsi plus facilement sa place au sein des traitements de l’insuffisance cardiaque.

Mots-clés

Cellules souches Thérapie cellulaire Insuffisance cardiaque

Highlights

»Cell therapy is currently tested in several trials of chronic heart failure. The main question is to determine how its implemen- tation could be extended to common clinical practice. To fill this gap, it is critical to fully validate the hypothesis that the grafted stem cells primarily act by harnessing endogenous repair pathways.

»One step further, the long term objective could be to use the cells exclusively for producing factors and then to administer them to the patient as a stand- alone procedure. The production process would then be closer to that of a biological drug, which would probably be more easily integrated in the current arma- mentarium of heart failure therapies.

Keywords

Stem cells Cell therapy Heart failure

Cellules cardiaques ou extra-cardiaques

Même si elles sont peu nombreuses, les études expérimentales qui ont comparé différents types de cellules ont établi la supériorité fonctionnelle de celles dont le phénotype était celui du tissu cible, autrement dit des cellules commises vers un lignage cardiaque (5). Cette supériorité reste évidente même si l’hypothèse paracrine prévaut ; ainsi la production de différents facteurs de crois- sance potentiellement cardio protecteurs est-elle plus élevée avec des cellules issues du ventricule droit (cardiosphères) qu’avec des cellules extra-car- diaques (dérivées de la moelle sanguine ou du tissu adipeux) [6]. Ces observations justifient le choix de la seconde vague de cellules aujourd’hui testées en clinique et qui, contrairement à celles de la première période (myoblastes squelettiques et cellules médul- laires), adoptent un phénotype cardiaque ou s’en rapprochent, qu’il s’agisse des cardiosphères (issues d’un fragment de muscle ventriculaire droit obtenu par biopsie transjugulaire et qui semblent principale- ment composées de cellules mésenchymateuses) [7]

ou des cellules souches mésenchymateuses d’origine médullaire exposées à un cocktail de facteurs “car- diopoïétiques” destinés à leur faire exprimer des mar- queurs cardiaques avant leur réinjection (8). C’est ce même souci d’utiliser des cellules aussi proches que possible de celles qu’elles sont supposées secourir qui a guidé notre choix d’utiliser des cellules souches embryonnaires humaines, dont la pluripotence permet la différenciation en de multiples types cel- lulaires, y compris les cardiomyocytes. En fonction des conditions de culture, ces cellules peuvent alors être greffées à un stade relativement précoce de progéniteurs (option que nous avons retenue pour la clinique) ou plus tardivement, lorsqu’elles ont achevé leur développement en cardiomyocytes matures. La discussion des problèmes spécifiques posés par ces cellules échappe au cadre de cette revue, et on se limitera à souligner que le problème principal est ici celui de la purification du produit de thérapie cel- lulaire final afin de s’assurer qu’il n’est plus “conta- miné” par des cellules pluripotentes résiduelles qui auraient échappé aux signaux cardio-inducteurs et qui pourraient se révéler tumorigènes (9).

Rétention versus survie des cellules

Le transfert des cellules vers le cœur peut se faire, schématiquement, par voie intracoronaire ou par voie intramyocardique directe (endoventriculaire gauche par un cathéter ou directement transépicar- dique par des injections peropératoires). Malheu- reusement, quelle que soit la méthode, et même si l’administration directe est la plus efficace (10), une fraction très importante des cellules est perdue lors de ces transferts (par expulsion due aux battements cardiaques ou fuite vers les systèmes veineux et lym- phatique). De plus, parmi les cellules initialement retenues dans le myocarde, la majorité va mourir dans les heures ou les jours qui suivent, de multiples causes : hypoxie liée à un environnement paucivas- culaire, inflammation, apoptose due au détache- ment des cellules et à la perte de leurs connexions avec une matrice extra-cellulaire, éventuellement rejet en cas de cellules allogéniques. De très nom- breuses stratégies ont donc été développées dans le but d’améliorer la survie des cellules greffées. Elles font appel à des procédés physiques (précondition- nement hypoxique), pharmacologiques ou géné- tiques (11). Si ces différentes approches ont parfois été efficaces sur des modèles expérimentaux, leur complexité et les difficultés réglementaires inhé- rentes au choix de certains procédés en ont pour l’instant empêché l’utilisation clinique. Toutefois, à la lumière de l’hypothèse paracrine évoquée plus haut, l’intérêt de ces stratégies prosurvie mérite d’être revisité. En effet, le bénéfice des cellules semble davantage lié à leur rétention initiale, condi- tion indispensable pour qu’elles puissent libérer les facteurs qui sous-tendent leurs effets (12). Une fois ainsi activées, les voies endogènes de réparation semblent rester opérationnelles alors même que les cellules initiatrices ont disparu. Aussi l’accent mérite-t-il sans doute d’être mis sur l’optimisation de cette rétention, afin qu’un nombre suffisant de cellules soit présent pendant une durée assez longue pour que leurs effets paracrines puissent s’exercer. Lorsque les cellules sont administrées par un cathéter, cette optimisation peut faire appel à des dispositifs dédiés, à des molécules favorisant l’adressage des cellules vers les zones ischémiques ou

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MISE AU POINT

à l’incorporation des cellules dans des biomatériaux résorbables. Pour les applications chirurgicales, il semble préférable de recourir au dépôt épicardique d’un patch plutôt qu’à des injections multiples. Le patch, au sein duquel les cellules ont été incorporées, présente en effet de multiples avantages : meilleure rétention des cellules, préservation de leur viabilité grâce à leur attache à une matrice qu’elles sécrètent elles-mêmes, renforcement mécanique de la paroi pathologique, voire possibilité de servir de plate- forme pour le relargage de drogues ou de facteurs de croissance incorporés dans le matériau du patch (13).

Cellules autologues

versus cellules allogéniques

Les avantages des cellules autologues sont bien connus : disponibilité aisée, absence de problèmes immunologiques et éthiques. Avec l’expérience, leurs limites ont aussi été reconnues : variabilité interindividuelle de la fonctionnalité des cellules, rendant difficile l’obtention reproductible d’un produit de thérapie cellulaire bien standardisé ; complexité logistique liée aux transports lorsque le prélèvement initial doit être envoyé dans le centre qui prépare les cellules, situation qui existe déjà souvent et ne peut que s’amplifier compte tenu des contraintes réglementaires qui s’appliquent aux biothérapies ; coût des contrôles qualité individualisés. À l’inverse, des cellules allogéniques provenant de banques dûment qualifiées sur les plans fonctionnel, microbiologique et cytogénétique permettent d’éviter ces écueils.

Elles ont de surcroît l’avantage de permettre de disposer du produit sans délai. Naturellement, la limite de la transplantation allogénique est le rejet des cellules greffées. Toutefois, à la lumière de l’hypothèse paracrine déjà évoquée, ce problème doit lui aussi être revisité, car l’objectif n’est peut-être plus d’éviter le rejet par un traitement immunomodulateur permanent, avec ses risques bien connus, mais seulement de le différer afin de permettre aux cellules de persister en nombre suffisant pendant la période initiale et d’avoir le temps de libérer leurs produits de sécrétion cardioprotecteurs avant d’être éliminées par le système immunitaire de l’hôte. Le bien-fondé de cette hypothèse est conforté par une étude qui a comparé l’effet des cardiosphères en fonction de leur origine allo-, xéno- ou syngénique (14).

Huit jours après l’injection des cellules dans un myocarde infarci de rat, la rétention est équivalente

avec les cellules allo- et syngéniques ; sans surprise, après 3 semaines, elle demeure élevée dans le groupe syngénique alors que la majorité des cellules a disparu dans le groupe allogénique.

Toutefois, après 6 mois, le bénéfice fonctionnel des 2 types cellulaires est équivalent, ce qui suggère que, ici encore, une forte rétention initiale des cellules greffées a été suffisante pour déclencher des mécanismes endogènes de réparation, dont les effets sont ensuite restés pérennes en dépit de la disparition des cellules. L’acceptation de ce schéma a une grande pertinence clinique ; en effet, elle conduit à une simplification majeure du traitement immunomodulateur qui, quelles qu’en soient les modalités (drogues ou induction de tolérance, par exemple par cotransplantation de cellules souches mésenchymateuses ou anticorps spécifiques), devient limité dans la durée, avec pour corollaire une orientation favorable du rapport bénéfice/risque.

Cellules versus facteurs

Si les facteurs ainsi libérés par les cellules greffées sont encore incomplètement caractérisés, plusieurs travaux suggèrent qu’ils pourraient être regroupés dans les microvésicules libérées par ces cellules. En effet, ces vésicules représentent un mode important de com- munication intercellulaire, notamment par le transfert de micro-ARN susceptibles de moduler l’expression des gènes dans les cellules cibles. La question se pose alors de savoir s’il n’est pas possible de substituer aux cellules les seuls produits de leur sécrétion. De fait, l’effet bénéfique d’une administration de microvési- cules dérivées de cellules souches mésenchymateuses dans un modèle murin d’ischémie myocardique a déjà été établi (15). Il importe désormais de déterminer si l’efficacité fonctionnelle de ces vésicules équivaut à celle des cellules parentales dont elles sont dérivées.

Une réponse positive à cette question ouvrirait la voie à une nouvelle forme de biothérapie impliquant l’uti- lisation exclusive des cellules à des fins de production de facteurs qui, seuls, seraient ensuite administrés au patient. Sans méconnaître les défis techniques à résoudre (et notamment celui d’une caractérisation précise du contenu de ces microvésicules), cette approche aurait sans doute l’avantage de simplifier les problèmes techniques, éthiques, économiques et réglementaires de la thérapie cellulaire “classique”, avec pour corollaire une accessibilité de cette nouvelle forme de traitement de l’insuffisance cardiaque à un

plus grand nombre de patients. ■ P. Menasché déclare ne pas avoir de liens d’intérêts.

Références bibliographiques

1. Fisher SA, Doree C, Mathur A, Martin-Rendon E. Meta-analysis of cell therapy trials for patients with heart failure. Circ Res 2015;116(8):1361-77.

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3. Menasché P. Cardiac cell therapy: lessons from cli- nical trials. J Mol Cell Cardiol 2011;50(2):258-65.

4. Garbern JC, Lee RT. Cardiac stem cell therapy and the promise of heart regeneration. Cell Stem Cell 2013;12(6):689-98.

5. Oskouei BN, Lamirault G, Joseph C et al. Increased potency of cardiac stem cells compared with bone marrow mesenchymal stem cells in cardiac repair. Stem Cells Transl Med 2012;1(2):116-24.

6. Li TS, Cheng K, Malliaras K et al. Direct comparison of different stem cell types and subpopula- tions reveals superior paracrine potency and myocardial repair efficacy with cardiosphere-de- rived cells. J Am Coll Cardiol 2012;59(10):942-53.

7. Malliaras K, Makkar RR, Smith RR et al. Intracoronary cardio sphere-derived cells after myocardial infarction: evidence of therapeutic regeneration in the final 1-year results of the CADUCEUS trial (CArdios- phere-Derived aUtologous stem CElls to reverse ventricUlar dySfunction). J Am Coll Cardiol 2014;63(2):110-22.

8. Bartunek J, Behfar A, Dolata- badi D et al. Cardiopoietic stem cell therapy in heart failure: the C-CURE (Cardiopoietic stem Cell therapy in heart failURE) multi- center randomized trial with lineage-specified biologics. J Am Coll Cardiol 2013;61(23):

2329-38.

9. Menasché P, Vanneaux V, Fabreguettes JR et al. Towards a clinical use of human embryonic stem cell-derived cardiac proge- nitors: a translational experience.

Eur Heart J 2015;36(12):743-50.

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