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Les électrons libres dans un réseau cristallin. Équation ondulatoire et propriétés magnétiques
L. Brillouin
To cite this version:
L. Brillouin. Les électrons libres dans un réseau cristallin. Équation ondulatoire et propriétés mag-
nétiques. J. Phys. Radium, 1932, 3 (12), pp.565-581. �10.1051/jphysrad:01932003012056500�. �jpa-
00233123�
LE JOURNAL DE PHl’’SIQUE
ET
LE RADIUM
LES ÉLECTRONS LIBRES DANS UN RÉSEAU CRISTALLIN.
ÉQUATION ONDULATOIRE ET PROPRIÉTÉS MAGNÉTIQUES
Par L. BRILLOUIN.
Sommaire. 2014 La méthode des champs self-consistents, discutée dans un précédent mémoire (J. de Phys., t. 3 (1932), p 373) est corrigée d’une légère erreur et appliquée
au problème des électrons dans un réseau métallique. Le calcul est mené jusqu’au bout
avec l’hypothèse des électrons libres, et redonne une formule établie par F. Bloch (Zts. f.
Phys., t. 57 (1929), p. 545), complétée par des termes de correction qui ne pourraient jouer
un rôle que pour de très petits cristaux. Cette formule de Bloch est discutée, en parti-
culier au point de vue des courbes d’hystérésis assez curieuses auxquelles elle conduit.
L’approximation des électrons libres correspond à un problème physique très éloigné
de la réalité : cela revient à supposer des électrons nageant dans un fluide homogène
d’électricité positive ; il n’est donc pas étonnant qu’un modèle aussi grossier conduise à des résultats peu corrects.
L’article se termine par quelques indications sur les modifications qu’apporterait à
à la théorie précédente l’introduction systématique de la répartition réticulaire des charges positives.
SÉRIE VII. TOME III. DECEMBRE 1932. ~i° 12.
1. Introduction.
-Position du problème. - La mécanique nouvelle a donné un regain de vitalité à la vieille hypothèse des électrons libres dans les métaux, et ce point
de vue a permis d’édifier une théorie des conductibilités dont l’ensemble des résultats est,
sinon parfait, du moins très satisfaisant; le phénomène de supra-conductibilité constitue pourtant toujours un gros écueil.
Les idées de Heisenberg, d’autre part, en rattachant la notion du champ moléculaire de Weiss aux phénomènes d’échanges, ont fait faire un grand pas à la théorie du magné-
tisme. Puisque les électrons sont responsables du ferromagnétisme, il semblait raisonnable
d’utiliser, dans cette théorie, l’hypothèse des électrons libres, celle-ci ayant bien réussi pour les conductibilités. C’est ce que fit F. Bloch, qui aboutit ainsi à des résultats para- doxaux : les métaux usuels devraient être tous paramagnétiques; seuls ceux de grande
constante réticulaire pourraient être ferromagnétiques; or les plus grandes constantes réti- culaires sont obtenues pour les alcalins (gros rayons ioniques), et ceux-ci ne montrent
aucune tendance au ferromagnétisme.
Deyant cet écueil, F. Bloch (’) abandonna la méthode des électrons libres, pour utiliser
exclusivement, dans ses récents travaux, le point de vue d’électrons liés. J’ai voulu
reprendre l’examen de ces questions, en m’appuyant sur la théorie des champs self-consis- tents, qui représente la seule base correcte de raisonnement. J’ai retrouvé les formules de F. Bloch, complétées par des termes de correction qui sont négligeables, si l’on traite les électrons comme complètement libres; mais ces corrections seraient beaucoup plus impor-
(i) F. BLOCH. Z. f. Fhysik, t. 57 (1929), p. 545; t. 61 (1930), p. 206; t. 70 (193 1), p. 393; t 74 (1932), p. 2!’J.
LE JOURNAL DR PHYSIQUE ET LE RADIUM.
-SÉRIE VII.
-T. III.
-N° i2.
-DÉCiHJBRE 1032. 40.
Article published online by EDP Sciences and available at http://dx.doi.org/10.1051/jphysrad:01932003012056500
tantes pour des électrons partiellement libres, c’est-à-dire pour des réseaux véritables ; ce
dernier point, assez délicat à discuter, n’est qu’esquissé dans cet article et fera l’objet d’un
travail ultérieur.
2. Usage systématique de la méthode des champs self-consistents; correc-
tion d’une erreur de calcul.
-Je dois commencer par rectifier un lapsus, dans l’article
sur les problèmes de perturbations et les champs self-consistents, paru dans ce Journal (1).
Dans le calcul des éléments de matrice relatifs aux doubles sauts d’électrons (p. 385), il y
a une distinction à faire.
~er cas.
---Les deux électrons ont des spins opposés la formule (41) donnée
p. 385 est alors exacte.
2e cas.
-Les deux électrons ont des spins parallèles : ai=ak’
Dans ce cas l’élément de matrice a une valeur différente; prenons dans (D un produit
,le fonctions qui corresponde à une certaine répartition des électrons; l’électron 1 sera sur
l’onde et l’électron m sur l’onde considérons maintenant l’onàe m qui figure
dans l’intégrale à calculer; nous pouvons y prendre le produit de fonctions § qui cor- respond à la même répartition que dans -1); nous pouvons aussi prendre le produit d’ondes ~ qui correspond à une répartition qui ne diffère de la première que par l’échange
des électrons 1, m, c’est-à-dire: l’électron 1 sur l’onde ak ak et l’électron ni sur l’onde ai ai.
Cette permutation introduit un changement de signe; le raisonnement est tout à fait sem-
blable à celui du bas de la page 384.
On obtient donc alors
dans le cas ai -- ak- (S. C. 41 bis)
Il faut d’ailleurs insister sur le fait que l’élément de matrice précédent ne devra pas être compté comme distinct de celui-ci
Ces deux éléments, que notre mode d’écriture semble distinguer, sont en réalité relatifs
au même problème, notre calcul leur donne d’ailleurs la même valeur (au signe près).
Les mêmes remarques s’appliquent naturellement aux fonctions de Fock, éq. 52 (S. C.).
Résumons :
La formule (S. C. 4i) est valable si les deux électrons ont des spins opposés; si les
électrons ont des spins parallèles, il faut utiliser la formule (S. C. 4f bis) ci-dessus et prendre garde que deux sauts, en apparence distincts sont en réalité identiques.
Dans l’application des méthodes générales, deux définitions différentes ont été propo-
sées, 1 une par Hartree et Gaunt, l’autre par Fock. Suivant Hartree, on écrit pour chaque
électron une équation de Schrôdinger ordinaire (S. C. éq. 23, 25, 30) où l’on introduit un
potentiel auxiliaire P qui est le potentiel moyen qu’exercent sur l’électron considéré toutes les densités électriques moyennes e § § des autres électrons; cette définition de Hartree a un sens physique clair, mais laisse subsister une matrice de perturbation assez importante, lorsqu’on tient compte des échanges.
’
Fock au contraire prend, pour l’ensemble des électrons, un système d’équations simul-
tanées qui ne sont pas du type de Schrôdinger (S. C. éq. 45, 46, 47); il n’est plus possible,
dans ces conditions, d’attribuer un sens physique simple aux divers termes d’interaction,
mais l’approximation est meilleure que par la méthode de Hartree et les éléments de la matrice de perturbation sont très notablement réduits. Suivant les problèmes, l’une ou
l’autre de ces deux définitions sera préférable.
(1) L. BRILLûLIN. Les problèmes de perturbation et les champs self-consistents; cet article sera désigné
par les lettres S. C. (J. Phys., t. 3 (1932), p. 313).
Pour l’étude des électrons libres dans les métaux, je suppose pour simplifier, que les ions positifs forment un réseau cubique, de mailler; comme dans l’article S. C. j’utilise les
unités de Hartree; les indices a, ~, y se rapportent (’) aux ions positifs, les indices i, k, 1...
désignent les électrons en nombre N; V est l’énergie potentielle de l’électron i par rap-
port à l’ion a et ’lfik représente l’énergie potentielle de deux électrons i et k. Avec les défi- nitions de Hartree, nous avons pour l’électron i l’équation suivante (S. C., éq. 23, 25, 30).
avec
ai, bi, ci, sont les trois nombres quantiques qui caractérisent une onde ~ relative à l’élec- tron i. Les équations (1, ~) admettent, comme l’a remarqué F. Bloch (~), des solutions du type suivant, pour un réseau infini :
’---,. -,.
nous écrirons (ai’ pour le produit scalaire des deux vecteurs ai (a ;, bi, ci,) et yy (Xi, yi, zi);
dans l’expression (3), nous reconnaissons une onde plane se propageant dans la direc-
-
tion ai ; l’amplitude A de cette onde n’est pas constante, mais dépend des coordonnées de telle sorte qu’elle présente, par rapport xi, une périodicité avec la période d
du réseau cristallin.
La démonstration est aisée; si l’on prend une équation de Schrôdinger (1) avec un potentiel Ui (xi yi a~) périodique (période d), on démontre (1) qu’elle admet une solution du
type (3); si d’autre part nous utilisons des ondes (3) dans la relation (2), nous obtenons
bien un potentiel ~h périodique, puisque les densités de charge moyennes positives (ions)
et négatives (électrons ~ ~! ) se compensent.
Que donnent les définitions de Fock Î Je n’écrirai pas les équations correspondantes, qui
sont beaucoup plus complexes; je dirai seulement que là encore, la solution est du type (3),
mais les calculs nécessaires pour arriver à cette conclusion sont beaucoup plus pénibles.
Les ondes (.3) sont valables pour un réseau infini, tandis que nous nous proposions
d’étudier un réseau limité, contenant N électrons; on passe de l’un à l’autre par l’artifice du réseau cyclique, ce qui conduit à donner aux nombres a;, b,, ci une suite discontinue de
valeurs :
..V étant le volume (supposé cubique) du réseau limité et !z"gi’ hi des entiers. Les diverses
ondes ) ainsi définies sont orthogonales, avec les définitions de Hartree, puisqu’elles
dérivent toutes d’équations (1) pratiquement identiques; en outre, nous les supposerons normalisées. Dans le cas de Fock, l’orthogonalité n’est pas si évidente.
Lorsqu’on doit raisonner sur des ondes du type (3) on commence par traiter un pro- blème simplifié, en supposant que les amplitudes À (ai..., xi ... ) soient des constantes, égales à 1 (par normalisation) : c’est l’hypothèse des électrons libres. On cherche ensuite
V }7
à généraliser les résultats pour le cas d’amplitudes légèrement variables.
( 1) Dans l’article S. C., les ions étaient caractérisés par les lettres a, b, c..., ce qui pouvait donner une
confusion avec les nombres quantiques a, b;c; des divers électrons.
(‘~) P. BLOCH. Z. f. Physik, t 57 (29‘~9), p. 5!~5.
par exemple, L. BRILLorIN. Stattstiques quantiques (Presses Univ. (1930), eh. viii, p. 256 Q
Quaiitenstalislili (Springer (i 931), ch. wr, p. 267).
Pour faire cette hypothèse simplificatrice, il me semble qu’il est indispensable d’adop-
ter systématiquement les conuentio>is ae HaJ’t1’ee. On voit en effet aisément que les ampli-’
tudes A seront des constantes si Ui est constant, (ou plus exactement, nul) dans (1). Or
cela correspond, d’après (2) à l’hypothèse simple d’une densité constante des
charges positives. Avec les définitions de Fock, il est impossible de préciser aussi simple-
ment le sensdf l’hypothèse des amplitudes constantes; les équations de Fock se modifient complètement si l’on change l’orientation des spins de quelques électrons, de sorte que, pour chaque distribution des spins, supposer les amplitudes A constantes, c’est adopter
une hypothèse différente sur la structure du champ du réseau ; il devient impossible, dans
ces conditions, de comparer les énergies obtenues pour diverses répartitions des spins.
C’est à cause de ces graves complications que j’adopte systématiquement les conven-
tions de Hartree ; il faudra naturellement, pour obtenir des résultats utilisables, que je
tienne compte de l’influence de la matrice de perturbation, puisque cette matrice est assez
importante avec les conventions de Hartree.
3. Evaluation de l’énergie, en première approximation. - Nous obtiendrons
une première approximation de l’énergie en utilisant les formules établies dans l’article
précédent (S. C., éq. 3i et 38),
Dans cette formule, on suppose une répartition où .LVi électrons ont des spins --
tandis que 1BT2 ont des spins --. L’expression Ei est donnée par l’équation (1) ; les somma- tions ~ sont faites en comptant une fois seulement chaque paire
’d’indices ir k (i ~ k);
on peut aussi bien écrire, au lieu de ~ le signe ~ ~ ~ . Il faut maintenant préciser la
~ i
répartition des électrons entre les diverses ondes ai. Les trois nombres ai, bi, c; définissent
une fonction d’onde ~ dans l’espace ordinaire,
-on peut aussi dire, en suivant le langage corpusculaire, que ces trois nombres définissent une cellule d’extension en phase. En effet hai, hhi, soutins composantes de la quantité de mouvement du corpuscule; l’espace ai,
hi- ci n’est donc autre que l’extension en phase. Pour définir une distribution des électrons
Fig.1.
il faut se donner toutes les 111 1 cellules d’extension en phase occupées par des électrons à spins -->- et toutes les AT2 cellules correspondant à des électrons à spins ~-. J’étudierai seulement les répartitions pour lesquelles .les deux zones N1 et sont limitées par des
sphères centrées sur l’origine (fig. 1) : à l’intérieur d’une sphère de rayon P2, toutes les A~2 cellules sont occupées, chacune, par deux électrons de spins opposés; entre les sphères P2
et pi on a
-N2 = s cellules simplement occupées, avec spins -~ .
Ces répartitions sont celles qui donnent, pour une valeur déterminée s du spin total, l’énergie minima (en première approximation). Les sommations S qui figurent dans l’expression (5) se feront par intégration dans les sphères Pi ou ~~ ; on se souviendra seule- ment que, par suite des relations (4), il 5~ a V cellules d’extension en phase dans l’unité de
volume a, b, c ; donc le se remplacera par v f ~ . , . ~ Il da,, db,, de,,,; les rayons pi
k
° °
et P2 sont définis par :
Il nous faut maintenant évaluer des expressions du type suivant :
d’après les éq. (S. C., 28) et la nature (3) de nos ondes -.1~ dans le réseau cubique. Si nous
traitons les électrons comme libres, nous devons prendre toutes les amplitudes ,4 comme constantes, égales
à 1 /F ce qui donne : ..
.avec
Dans la première formule (8), je puis supposer l’intégration faite tout d’abord par
rapport à x2, y2, .~2; ceci me donne une fonction (P (xl, yi, zi) qui n’est autre que le poten-
tiel newtonien exercé au point xi, yi, zi par une distribution de charges fictives dont la densité serait
-
B,. r. M,.
Au lieu de faire l’intégration, je puis donc obtenir 4$ par la relation de Poisson
ce qui me donne
Ce dernier résultat n’est valable que si ~ ~ 1 n’est pas nul (1).
Portons cette valeur de 1> dans la seconde expression (8) et nous obtenons :
(1) L’utitisation de la formule de Poisson suppose en effet que la densité G =’étendue à tout l’espace, jusqu’à l’infini, et qu’on fasse l’intégration en dr2 non seulement dans le volume V mais jusqu’à l’infini;
si la densité p ne s’étend pas à tout l’espace, le potentiel 4> ne peut être de la forme (9); or on peut sans inconvénient supposer que la densité p remplit tout l’espace, si la valeur moyenne de p est nulle, c’est-à-
dire si 1 i, ‘’ n’est pas nul; car alors les régions lointaines influent très peu sur W ; au contraire, si la
densité Inoyenne p n’esb pas nulle 9 est nul) le procédé de calcul est tout à fait incorrect; on voit
d’ailleurs directement sur (2) que le résultat ne peut ètre infini.
En effet, les ai et a~ sont quantifiés suivant les règles (4), de sorte que les différences
i sont aussi quantifiées; l’intégration sur le volume V cubique de (côté Gd) donne i et ’k
-+ -+
-n
°- -
donc exactement 0 si -l 0 ou bien V si , i = 0
Les seuls éléments non nuls sont donc ceux pour lesquels on a :
ce qui donne :
En particulier, nous obtiendrons les intégrales d’échange en prenant ali = a~ et a’k = a~ ;
ce sont ces termes qui forment les deux derniers groupes dans l’éq. (5).
0
Voyons maintenant ce que nous donne la formule (5) pour l’énergie de notre système
de N électrons. L’énergie E, d’un des électrons est simplement son énergie cinétique, d’après l’équation (1) où l’on doit prendre Ui nul, en vertu de la discussion de la fin du
paragraphe 2.
Il nous faut faire la somme de ces expressions, pour la distribution d’électrons sché- matisée fig. 1 ; un calcul élémentaire donne
Le second terme de la formule (5) fournit, dans l’hypothèse des électrons libres, une
contribution constante ; en effet, les amplitudes A des ondes étant supposées constantes,
on a par la formule (8) :
Ce terme est complètement indépendant de la nature de la répartition d’électrons et
nous pourrons l’omettre par la suite. Il nous reste alors à évaluer les deux dernières sommes, où figurent les termes d’échange 1 al. aJ. Prenons l’une de ces sommes, nous l’écrirons
Il faudrait, dans l’intégration en ak, excepter le point a, = ai mais on peut omettre cette restriction sans modifier sensiblement l’intégrale; l’expression de 1 akai) a été prise éq. (12 bis) ; la transformation des 1 en intégrales introduit un facteur V2 comme
en (6). Des calculs élémentaires (un peu fastidieux) donnent
avec
an trouve donc, finalement
Le même calcul s’applique au cas de l’autre somme, qui porte sur les électrons --.
Notre formule (5) aboutit donc à la valeur suivante, pour l’énergie totale de nos électrons :
Ce résultat avait déjà été trouvé par F. Bloch, par une voie différente, dans son tra-
vail de 1929 cité plus haut; une telle formule est absolument paradoxale dans ses consé-
quences, ainsi que je le rappelais dans l’introduction ; nous la discuterons d’ailleurs de
plus près à la fin de cet article, en même temps que nos formules nouvelles.
La première des deux expressions (18) présente l’avantage de bien faire ressortir la
proportionnalité de t’énergie 8, au volume du cristal considéré, donc au nombre A des
électrons mis en jeu; les grandeurs pi et P2 sont en effet, d’après ~6), indépendantes du
volume V.
4. La matrice de perturbation et les corrections à l’évaluation de l’énergie.
Les énergies que nous venons de déterminer ne représentent qu’une première approxima-
tion. Pour aller plus loin, il faut voir quelles sont les valeurs des divers éléments de la matrice de perturbation. J’ai, dans une étude précédente (S. C.) formé ces éléments pour un
problème tout à fait général; ceux qui subsistent, et ne sont pas nuls a priori, sont de deux sortes :
10 Un électron saute d’une cellule ai à une cellule a’,, sans modifier l’orientation de son
spin ; d’après S. C. (éq. 30 et 40) l’élément de matrice a pour valeur :
La somme 2 est étendue à tous les électrons l~ ayant des spinsforientés comme l’élec- tron i ; c’est ce qu’indique la notation cette sommation sera donc faite pour Vi électrons --- (sphère Pi), si l’électron i a son spin orienté vers la droite, ou bien pour les
N2 électrons -c- (sphère P2) dans le cas contraire.
Nous avons calculé, éq (10) à (i~) les intégrales du type 1 dont un grand
nombre sont nulles; les intégrales ne sont différentes de zéro que si les relations (11) sont satisfaites, ce qui exigerait ici
(en tenant compte des différences des notations).
La condition (20) nous montre donc que de telles transitions sont impossibles; nous
ne devons pas considérer le cas où un seul électron change de cellule; tous les éléments de
matrice (19) sont automatiquement nuls dans le cas des électrons libres.
Cette remarque est très importante, et prouve que nous avons eu raison de choisir le
champ self-consistent de Hartreeaiilieu de celui de Fock. Dans mon étude précédente (S. C.) j’avais montré que les équations de Fock ne présentaient qu’un seul avantage, celui de
diminuer l’importance des éléments de matrice (19); or dans notre problème, ces éléments
sont déjà nuls automatiquement avec le choix du champ de Hartree.
2° Il nous reste alors des éléments de matrice correspondant au saut simultané due deux électrons, chacun d’eux gardant son spin inchangé. Suivant les remarques faites au début t du paragraphe 2, nous devons distinguer les cas où les électrons ont des spins opposés ou parallèles. Commençons par le premier cas :
deux électrons à spins opposés :
un électron saute de :
l’autre de :
.La formule (S. C. 41) est alors valable :
Cet élément de matrice a été calculé en (10) et n’est différent de zéro que si l’on a :
ce qui signifie la conservation de la quantité de mouvement totale ;
dans ces deux sauts
-
simultanés, l’éleclron kvoit sa quantité de mouvement augmenter de c , tandis que celle de
-
l’électron i diminue de g.
Nous obtenons donc, dans ce cas ai # xk, c’est-à-dire, spins opposés
3’ Saut de deux électrons ayant leurs spins parallèles : ii ~ 7.k.
---Il faut alors appli-
quer la formule (S. C. 4L L bis) établie au début du second paragraphe de cet article. Les éléments de matrice ne sont différents de zéro que si l’on a
et alors
de sorte que l’on obtient
Il faudra faire attention que rien ne distingue cet élément de celui qui se rapporterait
au saut
de sorte qu’on ne devra compter qu’une seule fois cet élément de matrice (22 bis).
De quelle manière la matrice de perturbation va-t-elle intervenir dans le calcul de
l’énergie ? Supposons que nous ayons un problème où les différents niveaux d’énergie de
première approximation (5) seraient nettement séparés les uns des autres, de telle sorte
que leurs écarts soient grands devant les éléments de la matrice de perturbation ; dans un
tel problème, l’évaluation (5) serait déjà une bonne approximation.
Mais dans le cas dec électrons libres, tel que nous l’avons présenté, les choses vont
autrement; nous avons un très grand nombre de niveaux d’énergie très voisins les uns des autres, avec des écarts qui peuvent être petits par rapport aux éléments (22) de la matrice de perturbation. Nous tombons donc sur le type de problème étudié dans mon article
précédent (S. C., §§ 2 à 5). Les conditions particulières du § 5, S. C., sont d’ailleurs à peu
près réalisées : l’état considéré (schéma de la figure 1) peut se combiner suivant (22) à toute
une série d’autres états qui ne se combinent pas entre eux : un des états définis en (22)
diffère de l’état initial par les transitions :
,un autre état du même genre sera défini par deux autres transitions :
°
Pour passer de l’un de ces états à l’autre, il faudrait 4 sauts simultanés portant sur les
électrons i, j, k, l, ce qui donne un élément de matrice nul. Nous pourrons donc appliquer (1)
. la formule établie en S. C., éq. (21 bis) et calculer l’énergie par la relation :
5 étant notre première approximation (18) ; nous voici donc conduits à calculer la
somme des carrés de tous les éléments de matrice (22).
5. Calcul du terme de correction. - Nous avons trois cas à considérer, et que
nous schématiserons par les figures 2 (I, Il et III). Dans le premier cas, les deux électrons
Fig. 2.
déplacés ont des spins - et devront donc être pris tous deux à l’intérieur de la sphère de
rayon o2. Dans le deuxième cas, les deux électrons ont des spins - et sont pris dans la
sphère ol. ,
Enfin dans le troisième cas, les électrons ont des spins opposés; l’un est pris,dans
la sphère p2 et l’autre dans la sphère pi.
Nous ferons le calcul pour ce troisième cas, auquel s’applique la formule (22) ; nous
verrons ensuite les cas I et II pour lesquels il faut prendre la formule (22 bis). Donnons-
nous le vecteur g qui figure dans les éq. (11) et (22) et cherchons le nombre total des cas où il peut intervenir. Nous ne devons jamais avoir deux électrons de spins parallèles, dans une
(1) Le problème actuel diffère pourtant notablement du problème simplifié de S. C. § 5 : j’avais supposé tous les éléments de matrice nuls, sauf dans la première ligne et la première colonne ; -, nous
trouvons au contraire ici un bien plus grand nombre d’éléments. Je revendrai sur ce point dans un
prochain article et je montrerai qu’un calcul complet modifie très peu la formule (23).
même cellule. Le vecteur ~ pourra donc être employé s’il déplace les électrons de façon à les
faire sortir de leurs sphères respectives et à les amener dans des cellules où ne figure pas
déjà un électron de même spin.
Prenons la sphère de centre 0 et de rayon p et une autre sphère de centre 0’ et de
rayon p, avec d0’ = 1. Appelons W (~, p) le volume hachuré sur la figure 3; tous les
électrons situés dans ce volume pourront, par le déplacement ~ être extraits de la sphère p.
Un calcul élémentaire donne : 1
Fig. 3.
D’autre part nous avons V cellules par unité de volume de l’extension en phase ; le nombre
de cellules auxquelles le vecteur ~ est applicable sera donc V l~ (~, p). A chaque cellule de
la sphère pi (vecteur ~) nous pouvons associer une cellule de la sphère c2 (vecteur
-~) ;
le nombre total de ces cas possibles est donc :
Ce qui donne
Chaque vecteur ~ donne un élément de matrice (22) ; mais nous ne devons pas oublier que ces vecteurs ~ sont quantifiés suivant (il), et orientés en tous sens de sorte qu’entre ~
et ~ + d ~ nous trouvons :
vecteurs quantifiés distincts.
Pour former la somme des carrés des éléments de matrice, nous avons donc finalement à effectuer l’intégration suivante :
ce qui donne, après quelques réductions :
Telle est la somme des carrés des éléments de matrice pour le cas III. Pour les cas 1 et II il faudrait tenir compte de l’expression de l’élément de matrice
..
Le calcul complet serait assez compliqué; nous nous contenterons d’une évaluation par 2
excès, en négligeant l’effet du troisième I° ceci nous ramène au problème
1 1
,du cas III déjà traité, puisque l’unique élément 1 (... remplace deux
termes en ~ et 1’, comptés séparément dans le calcul 111; il faut d’autre part, dans les problèmes à spins parallèles, diviser par 2 le résultat, puisque les deux cas -1- ~ sont identiques; nous prendrons alors pour le cas I, la formule (26) en y remplaçant 01 par P2 et divisant par 2, et nous écrirons
, ... , v Tl
a étant un coefficient compris entre 0 et I, Pour le cas II, on aurait la même formule, avec
pi au lieu de p2.
La somme des trois cas I, II, et III donne alors :
L’énergie du système d’électrons s’obtient maintenant par la formule (23),
Prenons LI, dans la formule (18) et nous arrivons au résultat final que voici :
Les deux premiers termes sont proportionnels au volume V du cristal considéré ;
notre correction est seulement proportionnelle à ~ V; j’ai refait tous ces calculs en pous- sant encore plus loin les approximations, et je n’ai pu obtenir qu’une légère modifi-
cation du facteur numérique du dernier terme.
Telle est la formule, assez paradoxale, que nous allons discuter.
6. Discussion des résultats.
---Nous commencerons par discuter l’ensemble des deux premiers termes de l’expression (29 bis), c’est-à-dire la formule de F. Bloch (18). Il s’agit d’étudier la variation de l’énergie lorsqu’on modifie Ni et N2, leur somme N restant constante; l’expression peut s’écrire ainsi :
avec
Prenons une distribution d’électrons ainsi définie :
.x est une grandeur variable de 0 à 1/2, et qui représente le spin moyen par électron ; le moment magnétique moyen, par électron, est donc 2p.Bx,
¡J-B étant le magnéton de Bohr. La figure 4 repré- sente, pour diverses valeurs du paramètre y la variation de l’expression
Tant que y est inférieur à 1,25, la courbe
s’élève régulièrement lorsque x varie de 0 à 1/2 ;
au zéro absolu, l’état le plus stable sera celui d’énergie minima, état non magnétique (x = 0).
Lorsque y va de 1,25 à 2:/3 ::::: 1,85 la courbe
24/3
présente deux minima pour r = 0 et 1/2, nous
étudierons de plus près ce cas, qui me semble
donner un effet Enfin pour y > 1,85
la courbe descend régulièrement de x = 0 à
x = 1/2; l’état magnétique possède l’énergie minima, c’est le ferromagnétisme.
Si j’ai tracé ce réseau de courbes, c’est que les auteurs précédents n’avaient pas signalé les
résultats curieux obtenus pour 1,25 Y 1,85.
F. Bloch, par exemple, semble n’avoir considéré que les deux cas extrêmes, c’est-à-dire soient les
premières courbes (,1 1,25), soient les der- nières (y > 4 , 85) .
Quelles sont les valeurs du paramètre y, pour les métaux réels? Nous voyons en (.iû) que
ce paramètre dépend seulement du volume de
l’ion, c’est-à-dire de la constante du réseau;
pour les ions de faibles volumes, z, est petit, on
devrait trouver le paramagnétisme du type Pauli,
presque indépendant de la température.
Les plus gros ions seuls pourraient donner l’hystérésis ou le ferro-magnétisme. Or les plus
gros ions sont ceux des alcalins, qui fournissent des y compris entre 1 et 2 ; ceci devrait donner le
cas d’hystérésis; on sait qu’au contraire, les
alcalins sont tous des paramagnétiques du type Pauli! Dans ces discussions numériques, il ne
faut pas oublier que nos formules sont écrites en
unités Hartree; l’unité de longueur est donc le rayon au de l’orbite d’hydrogène n° 1 :
Les diamètres des ions alcalins, dans leurs réseaux, vont de 3 à 5 10-8 cm.
Revenons maintenant à la discussion des courbes de la figure 4 et précisons les rensei-
gnements qu’on en peut tirer sur les propriétés magnétiques du cristal. Supposons qu’un champ magnétique extérieur H agisse, nous aurons dans l’énergie un terme supplémen-
taire
~ étant le moment magnétique et IJ’B le magnéton de Bohr. L’énergie minima s’obtient alors à l’endroit où la courbe de la figure 4 présente une tangente parallèle à
Un autre minimum pourra éventuellement p apparaître pour x == - ce qui correspond à
2 l’orientation parallèle de tous les spins = 1).
Fig. 5.
Pour Y i, 25, on obtient la courbe d’aimantation de la figure 5, c’est le cas
du paramagnétisme. Les figures 6 et 7 se rapportent à la discussion du cas intermé- diaire 1,25 y 1,85, tandis quela figure 8 correspond au ferromagnétisme y > 1,85.
Le cas le plus délicat est celui des valeurs intermédiaires ; la figure 6 donne le réseau des courbes représentant l’énergie
-
1 .-.r Il. , 1, ..,
JITr. G’B/B
>en fonclion de la variable x, pour diverses valeurs du champ H ; les indications // = 1, ~, 3,..~
sont en unités arbitraires. Partons de H= 0 ; le point représentatif sera en x =0, au mini-
mum de la courbe; faisons croître H; pour /~= 1, le minimum de la courbe reste près de l’origine (point noir); pour H = 2 on a un minimum près de l’origine (point noir) et un
autre pour x == ~, aimantation à saturation.
Je ne pense pas que le point représentatif puisse sauter aisément d’une position à l’autre, à cause du maximum d’énergie qui les sépare : si le retournement des spins des
électrons se fait progressivement, le système doit passer par un maximum d’énergie, diffi-
cile à franchir.
Pour éviter ce maximum d’énergie, il faudrait que le retournement des spins se fasse
brusquement et simultanément pour tous les électrons du métal; ceci me paraît fort impro-
bable.
,
Fig. 6.
Pour Il == 3, 4 le point représentatif glisse en x = 1, à la saturation; si H diminue
2
et devient négatif, le point représentatif restera en x = 1 aussi longtemps qu’un maximum
2
d’énergie l’empêchera de quitter cette position (jusqu’à H = - 2).
La figure 7 donne le diagramme magnétique ainsi obtenu; si l’on admet la possibilité
du retournement simultané de tous les électrons du métal, on obtient une courbe d’aiman- tation réversible (- - - -) ; si l’on se range à l’opinion précédente, on trouve le cycle d’hystérésis dessiné en trait plein.
Notre formule complète (29) modifie peu l’expression (18) de F. Bloch, car nous
n’avons obtenu qu’une correction en y V, laquelle sera faible pour les petits cristaux et tout à fait négligeable pour les gros cristaux. En employant ïes notations (31), nous sommes
conduits à l’étude de la fonction :
La correction de l’énergie s’écrit alors :
La fonction, prend, pour x = 0,
Fig. 8.
une valeur un peu plus élevée,
-V fi,2a; cette correction serait donc de nature à
empêcher l’apparition du ferro-magnétisme; ZD le facteur (2013-) montre que la correction
(4 7C V)
est plus importante pour les métaux de faible volume ionique (petite constante réticulaire)
5. Les réseaux véritables.- Notre étude détaillée nous a permis de retrouver, r
d’une manière qui,paraît sûre, le résultat de F. Bloch et de calculer des corrections ulté- rieures qui ne semblent pas d’une grande importance pratique. Ce qui est plus intéres- sant, c’est que la méthode développée doit permettre d’aborder le problème des électrons dans un réseau métallique réel. Nous avons noté que l’approximation des électrons libres
correspond à un problème extrêmement simplifié, c’est-à-dire au mouvement d’électrons
plongés dans un fluide continu et homogène d’électricité positive. Une telle conception est
évidemment très éloignée de la structure réelle d’un métal et il ne faut pas s’étonner
qu’elle conduise à des résultats assez différents de la réalité.
Ce qu’il faudra maintenant, c’est utiliser la méthode générale d’approximations, en l’appliquant à un problème moins fictif. Nous devrons tenir compte de la répartition
des charges positives en réseau, ce qui nous obligera à considérer des ondes (3) com- plètes, avec leurs amplitudes A périodiques. Les corrections ainsi introduites seront
multiples :
1° Modification de la formule (t3) donnant l’énergie cinétique d’un électron. La struc- ture réticulaire conduit à retoucher sérieusement cette expression, et crée dans l’extension
en p-hase, toute une série de surfaces où l’énergie présente des discontinuités (~); comme conséquence, la répartition des électrons dans l’extension en phase ne pourra plus garder
la symétrie sphérique de la figure 1 ;
~° Dans la formule (5) qui donne l’énergie totale pour l’ensemble des IV atomes, le
second terme (éq. 14 bis) cessera de donner une constante, car les amplitudes A des.
ondes ’~ ne sont pas toutes modulées de la même manière; c’est là un point délicat, qui
nécessitera une étude précise ;
3° Les intégrales (7) vont se,trouver complètement modifiées, et les règles de sélec-
tion (11) seront brisées ; on trouvera, à leur place, des relations du type suivant :
ce qui augmente considérablement le nombre des éléments de matrice non nuls. Les rela- tions (M) ne laissaient paraître que des collisions entre deux électrons, avec conservation de la quantité de mouvement totale.
Nous trouverons maintenant des collisions non conservatrices
- 1
4° La rupture des règles de sélection (11) entraine d’importantes conséquences; l’une
des plus sérieuses est la réapparition des éléments de matrice (1q), correspondant au
saut d’un électron unique, d’une cellule ai vers une cellule a’~.
’
Ceci se comprend facilement: pour des électrons nageant dans un fluide positif homo- gène, aucune collision d’un électron contre les charges positives n’était possible. Mais dès
yue les charges positives sont inégalement réparties et dessinent un réseau particulier, il peut se produire des collisions entre les électrons et le réseau. Une telle collision modifie
(1) L. BRILLOUI-,. J. Phys,, t. 1 (19~0~, p 3 i î; Quantenstatistik, pp. 2’71-315.
la quantité de mouvement d’un électron et le fait sauter de la cellule ai à une autre
cellule a’;.
J’ai l’impression que cette dernière correction sera de beaucoup la plus importante.
avec la première, et que ces deux effets 1° et ~° joueront un rôle essentiel dans la théorie du magnétisme des électrons métalliques ; mais une discussion très serrée est nécessaire pour l’évaluation correcte des ordres de grandeur.
Signalons enfin que les collisions 4~
-entre les électrons et le réseau paraissent devoir jouer aussi leur rôle dans les problèmes de conductibilité. On les avait toujours tenues
,pour négligeables jusqu’à présent, parce qu’on n’avait jamais poussé la méthode des champs
self-consistents au degré d’approximation nécessaire, ce que nous avions fait dans le
;précédent article.
’